Antériorité et dépôt frauduleux de marque
Antériorité et dépôt frauduleux de marque
Ce point juridique est utile ?

L’antériorité peut être invoquée lorsqu’un signe identique ou similaire est envisagé pour couvrir des produits et services identiques ou similaires à ceux du premier titre. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une similitude et non d’une identité (similitude du signe comme similitude des produits ou services couverts), la preuve d’un risque de confusion doit être rapportée.

En l’espèce, il s’infère de la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, compte tenu de l’élément distinctif et prépondérant que représente dans le signe contesté le syntagme nominal « la Capsule », constitutif de la marque première, qu’il existe une impression d’ensemble en faveur d’une forte similitude entre les signes.

L’identité des produits et services, alliée à la forte similitude entre les signes litigieux est de nature à entraîner un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé des produits désignés sous la marque première, celui-ci pouvant en effet être amené à considérer, par association, que « la Caspule MALTÉE» serait une déclinaison de la marque originelle « La Capsule » et à attribuer aux produits et services en cause une origine commune ou à tout le moins, à les associer comme provenant d’entreprises économiquement liées.

L’atteinte à la marque antérieure est caractérisée et justifie que soit prononcée la nullité de l’enregistrement de la marque semi-figurative ‘la Capsule MALTÉE’.  

Pour rappel, aux termes de l’article L.714-3 du Code de la propriété intellectuelle, « est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4 ». En vertu de l’article L711-4 précité : « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment :

a) à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ; ‘

b) à une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;

c) à un nom commercial ou à une enseigne connue sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public».

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

1ère Chambre

ARRÊT DU 17 MAI 2022

ARRÊT N°193/2022

N° RG 20/00657 – N° Portalis DBVL-V-B7E-QNW7

SARL HDDB

C/

Société CAPSULE MALTÉE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,

GREFFIER :

Madame X-Y Z, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 mars 2022

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 17 mai 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 10 mai 2022 à l’issue des débats

****

APPELANTE :

La SARL HDDB agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège […]

[…]

Représentée par Me X VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jeanine AUDEGOND, Plaidant, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

La SARL CAPSULE MALTÉE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Vincent LE GOC de la SCP ODYS AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Ladan DIRICK de la société TGS FRANCE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau d’ANGERS

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL HDDB exploite un établissement de débit de boissons spécialisé dans la bière artisanale, sous l’enseigne ‘LA CAPSULE’, situé […].

La SARL HDDB a déposé auprès de l’INPI pour les classes de produits et services 32 et 43 ( bières et services de bars) :

– la marque ‘LA CAPSULE’ (n°154149873) le 20 janvier 2015,

– la marque semi-figurative ‘la CapSule’ (n° 4188080) le 11 juin 2015,

Depuis le 7 juillet 2017, la SARL LA CAPSULE MALTÉE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Angers le 5 octobre 2016, exploite un débit de boissons situé […] à Doué-en-Anjou (49), sous l’enseigne « la Capsule MALTÉE».

Cette société a déposé auprès de l’INPI la marque semi-figurative ‘la Capsule MALTÉE’ (n°4374624) pour les classes de produit et services 32, 33 et 43.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 12 avril 2017, la SARL HDDB a mis en demeure la SARL LA CAPSULE MALTÉE de cesser l’utilisation de la marque ‘LA CAPSULE’ en lien avec les services d’un bar ou la vente de la bière. Cette correspondance lui a été retournée avec mention d’un pli avisé non réclamé en date du 14 avril 2017.

C’est dans ce contexte que, par exploit d’huissier en date du 12 avril 2018, la SARL HDDB a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Rennes la SARL LA CAPSULE MALTÉE sur le fondement des articles L. 711-4 et suivants, L. 713-1, L. 773-2, L. 713-3, L. 774-3, L. 716-1, L. 716-14 et L. 716-15 du Code de propriété intellectuelle, ainsi que de l’article 1240 du Code civil.

Par jugement du 02 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Rennes a :

-Débouté la SARL LA CAPSULE MALTÉE de sa demande en nullité de la marque verbale n° 4149873 ‘LA CAPSULE’ et de la marque semi-figurative n° 4188080 ‘La CapSule’ pour défaut de distinctivité,

-Débouté la SARL HDDB de sa demande en nullité de la marque semi- figurative n° 4374624 ‘la Capsule MALTÉE’ pour atteinte à ses droits antérieurs,

-Débouté la SARL HDDB de ses demandes fondées sur la contrefaçon,

-Débouté la SARL HDDB de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme économique,

-Condamné la SARL HDDB à payer à la SARL LA CAPSULE MALTÉE la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-Condamné la SARL HDDB à payer à la SARL LA CAPSULE MALTÉE la somme de 7.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

-Condamné la SARL HDDB aux dépens,

-Ordonné l’exécution provisoire.

Suivant déclaration du 24 janvier 2020, la SARL HDDB a relevé appel du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en nullité de la marque semi- figurative n° 4374624 ‘la Capsule MALTÉE’ pour atteinte à ses droits antérieurs, déboutée de ses demandes fondées sur la contrefaçon ainsi que celles fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire, et en ce qu’il l’a condamnée à payer à la SARL LA CAPSULE MALTÉE la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre la somme de 7.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 23 décembre 2021, la SARL HDDB demande à la cour de :

Vu les articles L711-4 et suivants, L713-1, L713-2, L713-3, L 714-3, L716-1, L716-14 et L716-15 du Code de Propriété Intellectuelle,

Vu l’article 1240 du Code Civil,

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu’il a :

– Débouté la SARL HDDB de sa demande en nullité de la marque semi figurative n°4374624 « la Capsule MALTÉE » pour atteinte à ses droits antérieurs,

– Débouté la SARL HDDB de ses demandes fondées sur la contrefaçon,

-Débouté la SARL HDDB de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire,

-Condamné la SARL HDDB à payer à la SARL LA CAPSULE MALTÉE la somme de 3000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-Condamné la SARL HDDB à payer à la SARL LA CAPSULE MALTÉE la somme de 7000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

-Rejeté ce faisant l’ensemble des prétentions et demandes contraires de la SARL HDDB, ainsi que ses demandes au titre de l’article 700 Code de procédure civile et des dépens.

Et statuant à nouveau,

-Prononcer la nullité de la marque « la Capsule MALTÉE» déposée le 7 juillet 2017 sous le n° 4374624 dans les classes 32, 33 et 43 à l’INPI,

-Condamner la SARL LA CAPSULE MALTÉE au titre de la contrefaçon de la marque « LA CAPSULE » ,déposée le 20 janvier 2015 sous le numéro 15 4 149 873,

-En conséquence, dire que la SARL LA CAPSULE MALTÉE se verra interdire la poursuite de l’usage de la dénomination La Capsule, sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de 150 € par infraction constatée et par jour de retard, passé un délai d’un mois suivant la signification de la décision,

-Faire interdiction à la SARL LA CAPSULE MALTÉE de reproduire ou d’utiliser, sous quelque forme, l’utilisation de la marque « La Capsule » pour toutes communications et publicités, qu’elles soient physiques ou immatérielles (page facebook, compte instagram’) et au titre de dénomination sociale et ce sous même astreinte,

-Ordonner la publication d’extraits du jugement à intervenir dans trois journaux quotidiens ou hebdomadaires nationaux du choix de la société HDDB et aux frais de la SARL LA CAPSULE MALTÉE,

-Fixer le coût maximum de chaque insertion,

-Condamner LA SARL LA CAPSULE MALTÉE à payer à la société HDDB la somme de 25 000€ au titre de son préjudice moral et matériel,

-Dire et juger que la SARL LA CAPSULE MALTÉE s’est en outre rendue coupable de parasitisme économique,

-Condamner la SARL LA CAPSULE MALTÉE à payer à la société HDDB la somme de 15 000 € au titre du parasitisme,

-Faire interdiction à ce titre à la SARL LA CAPSULE MALTÉE de reproduire ou d’utiliser, sous quelque forme l’utilisation de la marque « LA CAPSULE » pour toutes communications et publicités, qu’elles soient physiques ou immatérielles (page facebook, compte instagram’) et au titre de dénomination sociale et ce sous même astreinte,

-Ordonner la publication d’extraits du jugement à intervenir dans trois journaux quotidiens ou hebdomadaires nationaux du choix de la société HDDB et aux frais de la SARL LA CAPSULE MALTÉE,

-Fixer le coût maximum de chaque insertion.

En tout état de cause,

-Rejeter toutes prétentions contraires, comme irrecevables et en tout cas non fondées,

-Réformer la décision en ce qu’elle a condamné l’appelante à des dommages et intérêts ainsi que des sommes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

-Décharger la SARL HDDB des condamnations portées contre elle en principal, intérêts et accessoires,

-Ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l’exécution provisoire avec intérêt aux taux légal à compter de leur versement,

-Condamner la SARL LA CAPSULE MALTÉE à payer à la société HDDB, la somme de 8000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 22 septembre 2020, la SARL LA CAPSULE MALTÉE demande à la cour de :

Vu les articles L711-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle,

Vu l’article 1240 du Code Civil,

Vu l’article 32-1 du Code de procédure civile,

-Confirmer la décision entreprise, en ce qu’elle a débouté la société HDDB de sa demande en nullité de la marque semi-figurative n°4374624 « la Capsule MALTÉE » pour atteinte à ses droits antérieurs, de ses demandes fondées sur la contrefaçon ainsi que de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire,

-Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la société HDDB à payer à la société LA CAPSULE MALTÉE la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Et en conséquence,

-Confirmer la condamnation de la société HDDB à payer à la société LA CAPSULE MALTÉE, la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-Condamner la société HDDB à payer à la société LA CAPSULE MALTÉE la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

-Condamner la société HDDB aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux énonciations du jugement et aux dernières conclusions des parties susvisées pour l’exposé détaillé des moyens et des prétentions des parties.

MOTIFS DE L’ARRÊT

A titre liminaire, la cour ne statuant, aux termes de l’article 954 al 3 du code de procédure civile, que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, il n’y a pas lieu d’écarter les pièces n°9 et n°10 produites par la SARL HDDB dès lors que la SARL LA CAPSULE MALTÉE n’a pas repris cette prétention dans le dispositif de ses dernières conclusions.

I. Sur l’atteinte aux droits antérieurs de la SARL HDDB

La SARL HDDB soutient que la marque « la Capsule MALTÉE» est un signe similaire à sa marque antérieure pour des activités identiques ou similaires et qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. Elle considère que le dépôt et l’utilisation de cette marque contrefaisante portent atteinte à ses droits antérieurs et caractérisent une contrefaçon justifiant la nullité de la marque seconde et l’indemnisation de ses préjudices.

La SARL LA CAPSULE MALTÉE réplique que la société HDDB est mal fondée en ses demandes en raison du défaut de distinctivité de sa marque verbale « LA CAPSULE » d’une part, et en l’absence de toute imitation d’autre part. Dans l’hypothèse où la cour retiendrait le caractère distinctif de la marque «LA CAPSULE», elle plaide l’absence de confusion possible entre les deux marques litigieuses.

Il y a lieu de préciser que les articles du Code de la propriété intellectuelle sont énoncés dans leur version applicable au litige, soit dans leur version antérieure à l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services.

1°/ Sur la nullité de la marque « La Capsule MALTÉE »

Aux termes de l’article L.714-3 du Code de la propriété intellectuelle, « est déclaré nul par décision de justice l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4 ».

En vertu de l’article L711-4 précité : « ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs et notamment :

a) à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ; ‘

b) à une dénomination ou raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;

c) à un nom commercial ou à une enseigne connue sur l’ensemble du territoire national, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public».

Il est constant que l’antériorité peut être invoquée lorsqu’un signe identique ou similaire est envisagé pour couvrir des produits et services identiques ou similaires à ceux du premier titre. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’une similitude et non d’une identité (similitude du signe comme similitude des produits ou services couverts), la preuve d’un risque de confusion doit être rapportée.

En l’espèce, la marque ‘LA CAPSULE’ n° 4149873, seule invoquée au soutien de la nullité, est une marque verbale déposée le 20 janvier 2015 en classes 32 (bières) et 43 (services de restauration, services de bar).

La marque semi- figurative ‘la Capsule MALTÉE’ n° 4374624 a été déposée en couleur, en classes 32 (bières), 33 (boissons alcoolisées) et 43 (services de bar), le 7 juillet 2017.

a. comparaison des produits et services

Les marques en comparaison désignent des produits et services identiques à savoir les « bières » et les « services de bar ». Par ailleurs, dans la mesure où les bars ont vocation à fournir des boissons alcoolisées, il y a lieu de considérer que la catégorie n°33 (pour laquelle la marque seconde est également déposée), est complémentaire et donc similaire à la catégorie n°43 (service de bars) visée par la marque antérieure.

Les produits et services concernés par les signes en conflit sont donc identiques et similaires.

b. comparaison des signes et risque de confusion auprès du consommateur

Il est constant qu’aux fins d’appréciation du risque de confusion, les marques doivent être comparées dans le cadre d’une appréciation globale de leurs similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle. La comparaison doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques en tenant compte notamment des éléments distinctifs et déterminants de celles-ci.

Au plan visuel, la marque antérieure « LA CAPSULE » est composée de deux mots tandis que la marque contestée, « la capsule MALTÉE» est composée de trois mots ainsi que d’ un élément figuratif en couleurs, de grande taille.

Ils ont en commun le groupe nominal « la capsule », constitutif de la marque verbale antérieure laquelle se trouve donc intégralement reproduite dans le signe contesté, ce qui confère aux deux signes en comparaison une proximité visuelle et phonétique.

Cette proximité visuelle et phonétique est renforcée par le fait que le terme commun, constitutif de la marque première, est en position d’attaque dans le signe contesté.

Au plan visuel, l’adjectif «MALTÉE» bien qu’en lettres capitales, est en position inférieure et de moindre longueur. Sa police et son positionnement ne font que ressortir davantage le terme « la Capsule » dont la police est plus originale et attire l”il. Par ailleurs, l’ensemble reste dominé par le terme « La Capsule » qui représente deux mots sur trois du signe litigieux.

Il est certain que les signes en conflit diffèrent par la présence dans le signe contesté, d’un élément figuratif de grande dimension, déposé en couleurs. Il s’agit d’une gélule de médicament coiffée d’un casque de motard, tendant un pichet moussant de bière. Ce dessin surplombe les termes « la Capsule MALTÉE», sur un fond noir représentant une capsule de bouteille.

La SARL LA CAPSULE MALTÉE fait valoir que par sa position et sa dimension, l’élément figuratif occupe visuellement une place aussi essentielle voire d’importance supérieure à l’élément verbal « la Capsule MALTÉE ».

Cependant, contrairement à ce qu’elle indique, la SARL LA CAPSULE MALTÉE n’utilise pas systématiquement la police stylisée ni l’élément figuratif dans ses communications. En outre, l’élément figuratif est utilisé de manière autonome (comme sur le camion, photographie page 15 conclusions HDDB). Il y a lieu de considérer que les diverses représentations de la marque affaiblissent l’impact visuel de l’élément figuratif dans la perception du consommateur, lequel en définitive, sera amené à ne retenir que l’élément verbal de la marque contestée, qui est le dénominateur commun de ses différentes utilisations, à savoir « La Capsule MALTÉE».

Au plan phonétique, l’élément « la capsule » domine encore, en ce qu’il représente quatre des six syllabes de l’élément verbal composant la marque contestée. Par ailleurs, comme précédemment indiqué, la position d’attaque des termes communs « la capsule », dans le signe contesté en rend la prononciation prépondérante. Contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, la cour considère que le consommateur aura davantage tendance à retenir le terme d’attaque « la capsule » plutôt que l’adjectif «MALTÉE», dont l’adjonction n’est donc pas un élément de différenciation.

Au plan conceptuel, l’élément figuratif correspondant à une capsule de bière et à une gélule de médicament figurant un barman tendant une chope de bière, ne revêt aucune signification particulière. Ce dessin, évocateur du produit (bière) et de l’activité (service de bar) apparaît essentiellement descriptif et décoratif, et ne sera perçu par le consommateur que comme l’illustration des produits et services proposés sous la marque contestée. Il convient de considérer qu’il n’a pas pour effet d’altérer le caractère prépondérant et immédiatement perceptible de l’élément verbal « La Capsule MALTÉE», déposé en lettres blanches sur fond noir.

Le terme « MALTÉE» lui-même est également essentiellement descriptif du produit proposé par la marque. Le malt étant un ingrédient entrant dans la composition de la bière, l’adjectif malté ne peut être considéré comme un signe distinctif fort en application de l’article L711-2 al 2 du code de la propriété intellectuelle. Le consommateur le percevra comme secondaire par rapport au groupe nominal « la capsule » qu’il qualifie.

Par conséquent, ni l’adjectif «MALTÉE» ni l’élément figuratif ne créent la divergence entre les deux marques. Au contraire, l’évocation forte de l’univers brassicole contribue à renforcer l’idée que la marque « la Caspule MALTÉE» pourrait être une déclinaison de la marque originelle « La Capsule », utilisée à titre d’enseigne d’un bar réputé en matière de bières artisanales.

Ces éléments du signe contesté doivent donc être considérés comme secondaires par rapport au syntagme nominal « la capsule » qui constitue l’élément distinctif et dominant des deux marques en conflit.

En effet, le signe « LA CAPSULE » a été jugé suffisamment distinctif par le premier juge pour que soit rejetée la demande en nullité fondée sur le défaut de distinctivité de la marque déposée par la SARL HDDB. La SARL LA CAPSULE MALTÉE qui n’a pas relevé appel incident du jugement sur ce point n’est donc plus fondée à remettre en cause la distinctivité de la marque antérieure.

A cet égard, le premier juge a retenu à juste titre que le signe « LA CAPSULE » n’était pas descriptif des produits et services en question, au regard du public pertinent, celui-ci n’étant pas amené à percevoir immédiatement une description du produit mais une simple évocation d’une composante d’un contenant possible dudit produit.

Il s’infère de la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, compte tenu de l’élément distinctif et prépondérant que représente dans le signe contesté le syntagme nominal « la Capsule », constitutif de la marque première, qu’il existe une impression d’ensemble en faveur d’une forte similitude entre les signes.

Il y a lieu de considérer que l’identité des produits et services, alliée à la forte similitude entre les signes litigieux est de nature à entraîner un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne, normalement informé et raisonnablement avisé des produits désignés sous la marque première, celui-ci pouvant en effet être amené à considérer, par association, que « la Caspule MALTÉE» serait une déclinaison de la marque originelle « La Capsule » et à attribuer aux produits et services en cause une origine commune ou à tout le moins, à les associer comme provenant d’entreprises économiquement liées.

La SARL HDDB fait valoir que ce risque de confusion est accru en raison de la notoriété dont jouit sa marque « LA CAPSULE » auprès des amateurs de bières.

De fait, elle démontre que sa marque utilisée à titre d’ enseigne est connue et reconnue sur le marché concerné, à savoir les bars à bières, en ce que le bar « LA CAPSULE » est notamment apparu en 2011 dans le classement du site américain Ratebeer (site de référence auprès des amateurs de bières) comme étant le 23ème meilleur bar à bières du monde et le seul en France à figurer dans ce classement. Le site HappyBeerTime a publié une liste des 100 meilleurs bars à bières de France dans laquelle figurait le bar LA CAPSULE.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de considérer que l’atteinte à la marque antérieure est caractérisée et justifie que soit prononcée la nullité de l’enregistrement de la marque semi-figurative ‘la Capsule MALTÉE’ sous le n° 4374624, en classes 32 (bières), 33 (boissons alcoolisées) et 43 (services de bar).

Le jugement ayant débouté la SARL HDDB de sa demande en nullité de la marque semi-figurative n°4388080 « la Caspule MALTÉE» est donc infirmé.

2°/ Sur la contrefaçon de la marque « La Capsule »

Conformément à l’article L713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle, « sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public : la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ; l’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ».

Selon l’article L716-1 du Code de la Propriété Intellectuelle, la violation des interdictions prévues à l’article L713-3 du Code de la Propriété Intellectuelle porte atteinte au droit du propriétaire de la marque et « constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de

son auteur ».

Enfin, l’article L.716-14 du même code précise que « pour fixer les dommages-et-intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par les contrefacteurs, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages-et-intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».

En l’espèce, ainsi que précédemment relevé, la marque antérieure est intégralement reproduite au sein de la marque seconde, l’élément verbal « la Caspule » étant par ailleurs, l’élément distinctif et déterminant du signe contesté.

La cour a retenu que l’identité des produits et services alliée à la similarité forte entre les signes étaient susceptible de créer un risque de confusion et d’association dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne et normalement avisé, ce risque était d’autant plus important auprès des amateurs de bières compte tenu de la notoriété locale mais aussi nationale du bar « La capsule ».

En l’espèce, les actes de contrefaçon sont caractérisés par le dépôt de la marque contrefaisante le 7 juillet 2017 auprès de l’INPI ainsi que par son usage dans la vie des affaires, puisqu’il n’est pas contesté que la marque litigieuse est utilisée depuis 2016 à titre de dénomination sociale et surtout à titre d’enseigne du bar exploité par la SARL LA CAPSULE MALTÉE et qu’elle figure à ce titre, sur toutes les communications à des fins publicitaires et commerciales (notamment sur les réseaux sociaux) de celui-ci.

En réparation des actes de contrefaçon commis, la SARL HDDB réclame la somme de 25.000 € de dommages-et-intérêts au titre de ses préjudices moral et matériel.

Elle ne justifie cependant d’aucune perte financière ni d’aucun préjudice économique.

S’il est compréhensible que la SARL HBBD protège sa marque notamment dans la perspective de la duplication de son modèle dans d’autres villes en France, il n’est en rien démontré que l’exploitation de la marque « la Capsule MALTÉE » aurait freiné ou empêché le développement d’un réseau franchisé, la SARL HDDB reconnaissant elle-même que cette politique de développement n’en est qu’à ses débuts.

Il n’est en particulier pas établi que la SARL HDDB aurait eu pour intention d’étendre son activité dans le secteur des Pays-de-la Loire, distant de plusieurs centaines de kilomètres de l’emplacement de son propre établissement, ni en quoi le bar exploité par la SARL LA CAPSULE MALTÉE, situé à Doué-en- Anjou, lui aurait créé un préjudice en imitant sa marque, ou en aurait tiré un bénéfice.

Enfin, il y a lieu de considérer que les frais de promotion et de publicité allégués sont inhérents à l’exercice de toute activité commerciale. Étrangers à l’atteinte portée à la marque, ils ne peuvent constituer un préjudice indemnisable.

En définitive, la SARL HDDB ne peut invoquer qu’un préjudice moral résultant de l’atteinte à son droit privatif et à son image ou à sa réputation, compte tenu du risque incontrôlé d’être associée à une marque et à une entreprise dont elle ne peut être assurée ni de la qualité des services et des produits proposés ni de l’éthique. A cet égard, la SARL HDDB fait valoir à juste titre que le logo de la marque apparaît quelque peu douteux, s’agissant d’une capsule de médicament censée figurer un motard tendant un pichet moussant de bière, ce qui associe des éléments assez antinomiques à savoir la consommation d’alcool, la prise de médicaments et la conduite de véhicule.

Le jugement ayant débouté la SARL HDDB de ses demandes fondées sur la contrefaçon sera infirmé et la SARL LA CASULE MALTÉE sera condamnée à payer à la SARL HDDB la somme de 2.000 € au titre de son préjudice moral.

3°/ Sur les mesures réparatrices de l’atteinte aux droits antérieurs

Il convient d’interdire à la SARL LA CAPSULE MALTÉE de poursuivre l’usage du signe « LA CAPSULE » sous quelque forme que ce soit y compris pour toutes communications et publicités quelles soient physiques ou immatérielles et au titre de dénomination sociale, ce sous peine d’astreinte dont les modalités seront précisées au dispositif ci-après.

Par ailleurs, la SARL HDDB est fondée à réclamer la publication d’extraits de l’arrêt dans deux journaux quotidiens ou hebdomadaires nationaux du choix de la SARL HDDB, aux frais de la SARL LA CAPSULE MALTÉE, le coût maximum de chaque insertion étant fixé à 1.000 € HT.

II. Sur le parasitisme économique

Il résulte des articles 1240 et 1241 du code civil que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer, chacun étant responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La cour de cassation a défini le parasitisme comme « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire ».

La SARL HDDB sollicite la condamnation de la SARL LA CAPSULE MALT ÉE à lui payer la somme de 15 000 € à ce titre.

En l’espèce, l’activité commerciale de la SARL HDDB exercée sous la marque «LA CAPSULE» est pour le moment très circonscrite géographiquement au Nord de la France, puisqu’elle consiste en l’exploitation d’un bar à bières à Lille et d’un autre bar ouvert plus récemment à Arras.

La SARL HDDB ne démontre nullement en quoi la SARL LA CAPSULE MALTÉE, qui exploite un bar à bières situé quant à lui sur la commune de Doué-en-Anjou, distante de plusieurs centaines de kilomètres des bars exploités par l’appelante, aurait détourné une partie de sa clientèle, aurait profité de ses investissements publicitaires ou se serait placée dans son sillage pour tirer parti de sa renommée. A ce titre, c’est par une juste motivation que la cour adopte que le premier juge a écarté le moyen tiré de l’utilisation sur les réseaux sociaux de sa marque alors que ce n’est pas «LA CAPSULE» mais bien «La Capsule MALTÉE» qui figure dans tous les extraits de communication produits.

Le premier juge a retenu à juste titre qu’il n’était justifié d’aucun fait distinct de la contrefaçon, qui soit en outre, constitutif d’une faute.

Le jugement ayant rejeté la demande en dommages intérêts à ce titre sera confirmé.

III. Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Le premier juge a condamné la SARL HDDB à payer à la SARL LA CAPSULE MALTEE la somme de 3.000 € de dommages-et-intérêts pour procédure abusive.

En cause d’appel, l’atteinte aux droits de la marque dont la SARL HDDB est propriétaire a été reconnu et il a été fait droit, après infirmation du jugement, aux demandes de la SARL HDDB s’agissant de la nullité de la marque seconde, de la contrefaçon et des mesures réparatrices.

Le jugement ne peut donc qu’être infirmé en ce qu’il a retenu le caractère abusif de la procédure initiée par la SARL HDDB. Par conséquent, la SARL LA CAPSULE MALTÉE sera déboutée de sa demande indemnitaire.

IV. Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront également infirmées.

Succombant en appel, la SARL LA CAPSULE MALTÉE sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Elle sera condamnée à payer à la SARL HDDB la somme de 8.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, elle-même étant déboutée de sa demande sur ce fondement.

Il est rappelé que l’obligation de restituer les sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement résulte de plein droit de son infirmation de sorte qu’il n’y a pas lieu à ordonner leur restitution.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 02 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Rennes, sauf en ce qu’il a débouté la SARL HDDB de ses demandes au titre du parasitisme économique.

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés :

Prononce la nullité de l’enregistrement de la marque semi- figurative ‘la Capsule MALTÉE’ déposée le 7 juillet 2017 sous le n° 4374624, en classes 32 (bières), 33 (boissons alcoolisées) et 43 (services de bar);

Dit que le jugement sera transmis à l’INPI par la SARL HDDB, aux fins d’inscription au Registre National des Marques ;

Condamne la SARL LA CAPSULE MALTÉE à payer à la SARL HDDB la somme de 2.000 € au titre du préjudice moral résultant de la contrefaçon de la marque « La Capsule »;

Condamne la SARL LA CAPSULE MALTÉE, à cesser l’usage des termes associés « La Caspule » sous quelque forme que ce soit y compris pour toutes communications et publicités, qu’elles soient physiques ou immatérielles et au titre de dénomination sociale, et ce dans le délai de six mois à compter de la signification de l’arrêt, sous peine passé ce délai d’une astreinte provisoire de 150 € par infraction constatée et par jour de retard, qui courra pendant une période de trois mois à l’issue de laquelle, il sera de nouveau statué par le juge de l’exécution de Rennes;

Ordonne la publication d’extraits de l’arrêt dans deux journaux quotidiens ou hebdomadaires nationaux du choix de la SARL HDDB, aux frais de la SARL LA CAPSULE MALTÉE ;

Fixe le coût maximum de chaque insertion à la somme de 1.000 € HT ;

Déboute la SARL LA CAPSULE MALTÉE de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL LA CAPSULE MALTÉE à payer à la SARL HDDB la somme de 8.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que l’obligation de restituer les sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement résulte de plein droit de son infirmation et dit en conséquence n’y avoir lieu à ordonner leur restitution

Condamne la SARL LA CAPSULE MALTÉE aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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