En matière d’installation d’antenne-relais à proximité d’une habitation, le risque sanitaire et le trouble d’anxiété n’est pas admis par les juridictions dès lors que l’antenne relais installée respecte les normes légales et réglementaires en vigueur (rapport de mesures de champs électromagnétiques in situ inférieurs à 6V/m).
Le niveau d’exposition au champ électromagnétique dans la bande 100 kHZ-6GHz est conforme au décret n° 20002-775 du 3 mai 2002. Par ailleurs, les études relatives aux dangers des champs électromagnétiques sont contradictoires et les risques ne sont pas établis à ce jour. Le rapport récent de l’ANSES, actualisé en octobre 2019, conclut à l’absence de lien de causalité entre l’exposition aux ondes et d’éventuels effets sanitaires. Aussi, eu égard au caractère purement hypothétique du risque sanitaire aucun trouble excédent les inconvénients anormaux de voisinage ne peut être retenu et il ne peut être fait droit à un préjudice d’angoisse ou à une dépréciation financière de l’immeuble sur ce fondement. Le principe de précaution ne permet pas d’avantage, au vu des éléments qui précèdent de caractériser un trouble, qui doit de surcroît être anormal. |
Résumé de l’affaire :
Acquisition de la PropriétéM. [G] [V] et Mme [R] [T] sont devenus propriétaires d’une maison à [Localité 8] par acte notarié du 12 novembre 2015. Installation de l’Antenne RelaisEn 2018, une antenne relais de téléphonie mobile a été installée sur une parcelle voisine appartenant à M. [E]. Réclamations des PropriétairesSe plaignant de nuisances causées par l’antenne, M. et Mme [V] ont rejoint un collectif et ont participé à une expertise amiable. Ils ont également fait établir un constat d’huissier en mars 2020. Procédure JudiciaireLe 3 février 2021, M. et Mme [V] ont assigné la société SFR devant le tribunal judiciaire de Draguignan, demandant des dommages et intérêts pour préjudices subis, ainsi que d’autres compensations. Demandes des PartiesM. et Mme [V] réclament 107.000 € pour dommages et intérêts, 5.000 € pour résistance abusive, et 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. SFR, en réponse, demande l’irrecevabilité des demandes et des condamnations à leur encontre. Intervention de la SAS HivoryLa SAS Hivory a demandé à intervenir dans la procédure, affirmant ne pas être responsable des demandes des époux [V] concernant les équipements actifs de l’antenne. Arguments des PartiesM. et Mme [V] soutiennent que l’antenne cause des troubles visuels et sanitaires, tandis que SFR et Hivory affirment respecter les normes et ne causer aucun trouble anormal. Évaluation du Trouble Anormal de VoisinageLe tribunal doit déterminer si l’antenne cause un trouble anormal de voisinage, en tenant compte des circonstances et de la visibilité de l’antenne depuis la propriété des demandeurs. Conclusion du TribunalLe tribunal a reconnu un trouble anormal de voisinage et a condamné SFR et Hivory à verser 8.000 € pour préjudice esthétique, ainsi que 3.000 € pour les frais de justice, tout en rejetant les autres demandes des époux [V]. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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Chambre 3 – CONSTRUCTION
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DU 07 Novembre 2024
Dossier N° RG 21/01018 – N° Portalis DB3D-W-B7F-I774
Minute n° : 2024/290
AFFAIRE :
[G] [V], [R] [T] épouse [V] C/ Société Française du Radiotéléphone – SFR
JUGEMENT DU 07 Novembre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Madame Hélène SOULON, Vice-Président, statuant à juge unique
GREFFIER lors des débats : Madame Stéphanie STAINIER
GREFFIER FF lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 Septembre 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Novembre 2024
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort
copie exécutoire à :
Me Jean-Louis BERNARDI
Me Colette BRUNET-DEBAINES
Me Bilitis DAVID
Délivrées le 07 Novembre 2024
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDEURS :
Monsieur [G] [V]
Madame [R] [T] épouse [V]
[Adresse 3] – [Localité 8]
représentés par Me Bilitis DAVID, avocat au barreau de TOULON
D’UNE PART ;
DÉFENDERESSE :
Société Française du Radiotéléphone – SFR
dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 4]
représentée par Maître Jean-Louis BERNARDI de la SCP BERNARDI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant ; Maître Laurent BIDAULT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
PARTIE INTERVENANTE :
S.A.S. HIVORY, demeurant [Adresse 1] – [Localité 5]
représentée par Maître Colette BRUNET-DEBAINES de la SCP BRUNET-DEBAINES, avocats au barreau de DRAGUIGNAN, avocats postulant, Maître Xavier CLEDAT de la SELAS LPA-CGR AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
D’AUTRE PART ;
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Suivant acte notarié du 12 novembre 2015, M. [G] [V] et Mme [R] [T] épouse [V] sont devenus propriétaires d’une maison d’habitation sise [Adresse 3] à [Localité 8].
En 2018, une antenne relais de téléphonie mobile a été implantée sur la parcelle voisine appartenant à M. [E] sise [Adresse 6] à [Localité 8].
Se plaignant de nuisances visuelles, esthétiques et sanitaires occasionnées par l’installation de cette antenne, ils ont adhéré à un collectif dénommé « Les ondes de [Localité 8] » et ont participé à une expertise amiable réalisée par M. [G] [I] du cabinet IXI, diligentée par la Matmut, assureur de leurs voisins. Le rapport a été rendu le 6 juin 2019. Ils ont fait établir un procès-verbal de constat d’huissier le 13 mars 2020.
Par acte d’huissier du 3 février 2021 M. et Mme [V] ont fait assigner la société Française de Radiotéléphone SFR devant le tribunal judiciaire de Draguignan au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, 544 du même code, R 1334-31 du code de la santé publique, L 110-1 du code de l’environnement et 5 de la charte de l’environnement afin de voir :
Déclarer recevable et bien fondé le présent recours,
Condamner la société SFR, en sa qualité de propriétaire de l’ouvrage litigieux et de locataire du terrain appartenant à M. [E] sur lequel est implanté ledit ouvrage, à payer aux requérants la somme totale de 107.000 € (cent sept mille euros) à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis sus évoqués ;
Condamner la société SFR, en sa qualité de propriétaire de l’ouvrage litigieux et de locataire du terrain appartenant à M. [E] sur lequel est implanté ledit ouvrage, à la somme de 5.000 € pour résistance abusive et ce, pour les motifs sus évoqués.
En tout état de cause,
Condamner la société SFR, en sa qualité de propriétaire de l’ouvrage litigieux et de locataire du terrain appartenant à M. [E] sur lequel est implanté ledit ouvrage, à verser aux requérants un somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner la société SFR, en sa qualité de propriétaire de l’ouvrage litigieux et de locataire du terrain appartenant à M. [E] sur lequel est implanté ledit ouvrage, au paiement des entiers dépens d’instance, dont distraction au profit de Me Bilitis David, Avocat, sur son affirmation de droit.
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Toutes les parties ont conclu.
L’affaire a été clôturée le 18 mars 2024 et fixée à l’audience de plaidoiries du 5 septembre 2024. A cette date le dossier a été mis en délibéré au 7 novembre 2024.
PRETENTIONS ET MOYENS :
Par conclusions numéro 3, notifiées par RPVA le 11 octobre 2023, M. [G] [V] et Mme [R] [V] demandent au tribunal de :
Déclarer recevable et bien fondé le présent recours,
Condamner in solidum la société SFR et la société Hivory en leur qualité de propriétaires de l’ouvrage litigieux et de locataire du terrain appartenant à M. [E] sur lequel est implanté ledit ouvrage, à payer aux requérants la somme totale de 107.000 € (cent sept mille euros) à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis sus évoqués ;
Condamner in solidum la société SFR et la société Hivory en leur qualité de propriétaires de l’ouvrage litigieux et de locataire du terrain appartenant à M. [E] sur lequel est implanté ledit ouvrage, à la somme de 5.000 € pour résistance abusive et ce, pour les motifs sus évoqués.
En tout état de cause,
Condamner in solidum la société SFR et la société Hivory à verser aux requérants une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamner in solidum la société SFR et la société Hivory au paiement des entiers dépens d’instance, dont distraction au profit de Me Bilitis David, Avocat, sur son affirmation de droit.
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
La SA Société Française du Radiotéléphone SFR, par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 31 mars 2023, demande au tribunal :
A titre principal :
Déclarer M. [G], [M], [J] [V] et Mme [R], [Z] [T] épouse [V] irrecevables en leurs demandes ;
A titre subsidiaire :
Débouter M. [G], [M], [J] [V] et Mme [R], [Z] [T] épouse [V] de l’ensemble de leurs demandes
Condamner in solidum [G], [M], [J] [V] et Mme [R], [Z] [T] épouse [V] à payer à la société Française du Radiotéléphone SFR la somme de 5000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Rappeler l’exécution de droit du jugement à intervenir.
La SAS Hivory, par conclusions récapitulatives en réponse n° 4, notifiées par RPVA le 4 décembre 2023, demande au tribunal de :
Dire et juger la société Hivory recevable et bien fondée en son intervention volontaire en sa qualité de propriétaire des installations passives (pylône) hébergeant les antennes relais de télécommunication dont la présence à proximité de leur domicile est contestée par les demandeurs ;
Dire et juger que la société Hivory, en cette qualité, n’est pas concernée par les demandes de M. [G] [V] et Mme [R] [T] épouse [V] relatives aux équipements actifs positionnés sur le pylône et émettant des ondes électromagnétiques ;
Dire et juger en tout état de cause que M. [G] [V] et Mme [R] [T] épouse [V] ne justifient pas de l’existence réelle de troubles anormaux de voisinage provoqués par les installations d’Hivory et/ou les antennes relais hébergées sur lesdites installations ;
Dire et juger que M. [G] [V] et Mme [R] [T] épouse [V] ne justifient pas avoir sollicité la société Hivory avant que cette dernière n’intervienne volontairement à l’instance et qu’il ne peut dès lors pas lui être reprochée d’avoir fait preuve de résistance abusive ;
Débouter M. [G] [V] et Mme [R] [T] épouse [V] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Condamner M. [G] [V] et Mme [R] [T] épouse [V] à verser à la société Hivory la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [G] [V] et Mme [R] [T] épouse [V] aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Maître Brunet Debaines.
Les prétentions et moyens des parties sont résumés dans les motifs de la décision. Pour plus ample exposé, il convient de se référer aux dernières conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
1.Sur l’intervention volontaire de la SAS Hivory :
Selon l’article 325 du code de procédure civile, l’intervention volontaire n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
En l’espèce, au vu de l’extrait k-bis de Hivory et de l’extrait du traité d’apport partiel d’actifs entre SFR et SFR Filiales devenue Hivory, en date du 23 octobre 2018, SFR a transmis à Hivory une branche complète et autonome d’activité d’exploitation de sites et d’infrastructures passives des antennes du réseau.
Aussi, l’intervention volontaire de la société Hivory à la procédure sera déclarée recevable.
2. Sur la demande de mise hors de cause de la société SFR :
La société SFR indique avoir transféré la propriété du pylône (infrastructure dite passive) à la société Hivory mais être restée propriétaire de l’antenne (dite infrastructure active), ce qui est confirmé par la société Hivory.
Les demandes des époux [V] concernent l’ensemble de la structure à la fois le pylône et les ondes électromagnétiques émises par l’antenne.
De plus, il n’existe pas d’inventaires visant nominativement les sites transférés. Par conséquent, les deux sociétés défenderesses sont concernées par le présent litige et il n’y a pas lieu de mettre hors de cause la société SFR.
3. Sur les troubles anormaux de voisinage :
3.1 Moyens des parties :
M. et Mme [V] font valoir que leur maison est située sur une commune rurale et que l’antenne relais a été installée dans un quartier résidentiel, à moins de 300 mètres du Couvent [7], bâti au 17ème siècle, classé monument historique et à 600 mètres d’une école et d’une crèche.
Ils exposent que les zones habitées de la commune représentent 3% et qu’il était possible d’implanter l’antenne relais dans une zone libre d’habitation et de mutualiser les équipements, qui sont majoritairement installés au même endroit. Ils ajoutent que la zone concernée par l’implantation de l’ouvrage litigieux n’était pas sans réseau avant l’installation.
Ils indiquent qu’ils regrettent l’attitude de la société SFR qui n’a jamais répondu aux convocations et aux tentatives de règlement amiable. Ils précisent que la société Hivory, mise au courant de la situation par SFR, ne peut échapper à sa responsabilité en soutenant de ne pas avoir été convoquée.
Ils considèrent subir un trouble visuel et un préjudice esthétique au motif que :
– l’antenne relais objet du litige est située à 30 mètres de la limite de leur propriété et à cinquante mètres de leur maison, qu’elle mesure 17 mètres alors qu’elle est entourée de logements de faible hauteur,
– l’huissier a constaté que l’antenne est parfaitement visible depuis leur jardin, le séjour, dans la chambre située au sud alors que se situe à moins de 180 mètres de leur propriété et à moins de 250 mètres de l’antenne, le couvent [7] et que l’antenne a été édifiée en limite d’un périmètre classé monument historique.
Ils font également état d’un préjudice lié à la dépréciation vénale de leur bien de 10 à 15% et soulignent qu’il s’agit de deux demandes différentes avec le préjudice esthétique et que les deux préjudices distincts doivent être indemnisés.
Ils évoquent également le principe de précaution et le risque sanitaire en se référant à l’article L 110-1 du code de l’environnement à valeur constitutionnelle.
Ils exposent que l’exposition aux ondes électromagnétiques présente des risques sanitaires comme cela ressort du rapport international Bio Initiative du 31 août 2007, de la résolution du parlement européen n° 2008/2211 INI) du 2 avril 2009, des conclusions de l’OMS de mai 2011.
Ils ajoutent que la jurisprudence a souvent reconnu le risque sanitaire réel des antennes relais pour les riverains en appliquant le principe de précaution et qu’il convient de nuancer les termes du rapport Zmirou auquel se réfèrent les sociétés défenderesses au motif que l’axe des faisceaux principaux des antennes ne doit pas s’orienter directement vers les lieux de vie situés à moins de 100 mètres voire 200 mètres comme en l’espèce, même siles niveaux de champs mesurés sont très faibles.
Ils précisent que ce rapport se base sur les données transmises qui sont peu nombreuses et que les personnes interrogées sont souvent en lien avec les opérateurs de téléphonie, ce qui permet de s’interroger sur l’indépendance des rédacteurs du rapport.
La SA SFR expose qu’elle est soumise comme les autres opérateurs de téléphonie mobile à des obligations de couverture et que l’antenne posée est la seule permettant de couvrir l’Est du territoire de [Localité 8].
Elle soutient que l’infrastructure est séparée de la route par de la végétation, ce qui limite son impact visuel et que toutes les règles d’urbanisme ont été respectées et qu’aucun recours gracieux ou contentieux n’a été engagé contre l’arrêté de non opposition à la déclaration préalable du 16 juillet 2018.
Elle fait valoir que le rapport diligenté par la Matmut n’est pas contradictoire et non étayé.
Elle indique que le projet a été achevé le 8 février 2019 et qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir participé à une expertise amiable ou à des réunions intervenues postérieurement.
Elle précise que la mutualisation est un objectif et en aucun cas une obligation, qu’elle a déjà une antenne à l’endroit où se trouvent les autres opérateurs et que l’endroit utilisé par Orange ne lui permettait pas de couvrir l’Est du territoire. Elle ajoute que les antennes ont une portée limitée et qu’il lui appartenait de s’assurer d’une couverture des zones habitées et des axes routiers situés sur la commune de [Localité 8].
Elle fait état de jurisprudences qui ont rappelé qu’il n’existait pas de droit acquis à une vue permanente et que seul un trouble particulièrement anormal peut être retenu, ce qui n’est pas, selon elle, le cas en l’espèce.
Elle expose que l’antenne relais d’une hauteur très raisonnable qu’une quinzaine de mètres, avec un pylône de type treillis est camouflée par la végétation et que seule une petite partie de l’infrastructure dépasse de la cime des arbres.
A propos de la dépréciation de valeur, les demandeurs ne justifient pas d’un trouble certain et que l’attestation produite utilise le conditionnel en ce qui concerne la perte de valeur.
Pour le trouble anormal sur le plan sanitaire et le principe de précaution, elle indique que la commission internationale pour la protection contre les rayonnements ionisants de mars 2020 a publié une nouvelle version du guide pour l’établissement de limites d’exposition aux champs électriques, magnétiques et électromagnétiques assurant la protection contre les effets nocifs connus de ces champs. Elle considère que les demandeurs n’apportent pas la preuve d’un risque occasionné par l’antenne relais et que les études récentes démontrent le contraire.
Elle indique que le principe de précaution ne consiste pas à supprimer tout risque mais à adopter les mesures proportionnées ce qui n’est pas le cas en l’espèce et cite plusieurs jurisprudences.
Elle précise que la réglementation applicable a été respectée et qu’il n’existe pas de trouble avéré, indéniable, inéluctable et ne peut résulter d’un sentiment d’insécurité légitimé par une controverse scientifique.
Elle ajoute qu’il n’existe pas de préjudice pour les demandeurs et de lien de causalité.
La société Hivory rappelle comme SFR l’obligation de densification des réseaux d’antennes relais sur le territoire et indique que le choix du site qui nécessite de tenir compte de plusieurs contraintes s’avère compliqué. Elle ajoute que la parcelle choisie répond aux exigences techniques imposées et que sa mise en place était nécessaire pour assurer une couverture de qualité sur l’ensemble de la commune.
Elle conteste l’existence d’un trouble anormal de voisinage, que la vue peut évoluer que le caractère inesthétique d’un pylône ne suffit pas à démontrer le caractère anormal du trouble, que la maison des époux [V] se situe à proximité d’un poteau électrique dont les câbles passent devant l’entrée de leur domicile.
Elle souligne que l’antenne n’est pas située dans une zone classée monument historique et que la gêne alléguée reste d’une importance très modérée, que l’antenne n’occulte pas la vue et ne crée aucune nuisance particulière mais correspond à l’évolution technologique.
Elle considère que les époux [V] qui sollicitent une somme en compensation de la dépréciation de la valeur vénale de leur maison, réclament une double indemnisation pour un même préjudice et que la perte de valeur est hypothétique.
Elle fait valoir que l’exposition aux ondes électromagnétiques relevée au domicile des consorts [V] est conforme et même inférieur à la réglementation applicable.
Elle cite plusieurs rapports pour en conclure que les antennes relais n’ont aucun effet néfaste sur la santé humaine.
Elle expose que les demandeurs font état de jurisprudence qu’ils ne produisent pas aux débats, ce qui ne lui permet pas d’y répondre.
Elle expose que ni le principe de précaution, ni le sentiment d’angoisse ne peuvent être retenus en l’absence de risque sanitaire établi et eu égard au respect des normes.
3.2 Réponse du tribunal :
Conformément aux dispositions de l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Il découle de ce texte que le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue est néanmoins limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage. Le voisin lésé peut demander, par une action en responsabilité extra-contractuelle, réparation à l’ensemble des personnes responsables du dit trouble. Il s’agit d’une responsabilité de plein droit, dont l’auteur du trouble ne serait s’exonérer par la démonstration du respect des normes, de la licéité des activités ou de son utilité pour la collectivité.
Il appartient aux époux [V] de rapporter la preuve qu’ils ont subi un trouble de voisinage, présentant un caractère anormal générateur de préjudice.
Le caractère anormal du dommage doit s’apprécier in concreto compte tenu des circonstances de la cause.
Il n’incombe pas au tribunal de se prononcer sur le choix de l’emplacement de l’antenne relais objet du litige, au vu d’éléments techniques et de couverture du réseau mais de rechercher si celle qui a été implantée cause un trouble anormal de voisinage à M. et Mme [V].
Sur le trouble visuel et esthétique :
L’antenne relais mesure 14,50 mètres de hauteur, selon le rapport non contradictoire de M. [G] [I] du cabinet Ixi une quinzaine de mètres selon SFR et dix-sept mètres selon les demandeurs.
La maison des époux [V] se trouve à 180 mètres du Couvent [7] classé monument historique et à 130 mètres à pied de l’antenne relais, selon le plan communiqué par SFR.
L’antenne se situe donc à vol d’oiseau à moins de 130 mètres de la propriété des demandeurs.
Me [O] [X], huissier de justice a constaté le 13 mars 2020 que l’antenne était très visible depuis le jardin de la maison appartenant à M. [G] [V] et Mme [R] [V] et que le sommet de l’antenne était également visible depuis le séjour et la chambre exposée au sud.
Il est exact qu’il n’existe pas de droit acquis à une vue permanente et inchangée et que le paysage peut être modifié par la main de l’homme en raison des évolutions technologiques, notamment en matière de téléphonie. Toutefois en l’espèce, la lecture de l’attestation rédigée par Immobilier Transaction Conseil, en date du 7 juillet 2020, qui n’est contredite par aucune partie en ce qui concerne la description du bien immobilier des demandeurs ainsi que l’examen des photographies communiquées par les parties, permettent d’indiquer que la propriété des époux [V] est située sur une commune rurale, peu urbanisée, sur un terrain de 1300 m², avec un très beau jardin paysagé très bien entretenu, agrémenté d’un espace piscine et spa. Comme indiqué précédemment, la maison est à 180 mètres à pied d’un monument historique or l’antenne relais est visible depuis le jardin et depuis plusieurs endroits à l’intérieur de la maison (le séjour et une des chambres).
Elle n’est que partiellement dissimulée par la végétation, qui de toute façon est sujette à évolution, les arbres pouvant être abattus ou mourir et la suppression de cette antenne n’est pas à ce jour envisagée. L’antenne a été implantée après l’acquisition du bien et est surtout située à proximité de l’habitation, à moins de 200 mètres de celle-ci, en face de la maison. Cette antenne située dans un environnement composé de bâtiments de faibles hauteurs, (les fils électriques et leur pylône ne pouvant être comparés à l’antenne objet du litige beaucoup plus imposante) constitue un trouble visuel et une vue disgracieuse pour M. et Mme [V] dépassant les inconvénients normaux de voisinage. Ce trouble cause aux demandeurs un préjudice esthétique et une somme de 8000 € leur sera accordée à ce titre.
La SA SFR a fait réaliser l’ouvrage à l’origine du trouble et reste propriétaire de l’infrastructure active (antenne). Cette société a transféré l’infrastructure passive en octobre 2018 à la SAS Hivory qui vient aux droits de SFR Filiale qui est donc responsable in solidum de l’antenne relais objet du litige.
Sur le principe de précaution, le risque sanitaire et le trouble d’anxiété :
L’antenne relais installée à [Localité 8] respectent les normes légales et réglementaires en vigueur et le rapport de mesures de champs électromagnétiques in situ réalisé par la SAS Exem indique que les niveaux de champ obtenus au cas A sont inférieurs à 6V/m. Selon ce même rapport, le niveau d’exposition au champ électromagnétique dans la bande 100 kHZ-6GHz du décret n° 20002-775 du 3 mai 2002 est conforme.
Les études relatives aux dangers des champs électromagnétiques sont contradictoires et les risques ne sont pas établis à ce jour. Le rapport récent de l’ANSES, actualisé en octobre 2019, conclut à l’absence de lien de causalité entre l’exposition aux ondes et d’éventuels effets sanitaires.
Aussi, eu égard au caractère purement hypothétique du risque sanitaire évoqué par les époux [V] aucun trouble excédent les inconvénients anormaux de voisinage ne peut être retenu et il ne peut être fait droit à un préjudice d’angoisse ou à une dépréciation financière de l’immeuble sur ce fondement.
Le principe de précaution ne permet pas d’avantage, au vu des éléments qui précèdent de caractériser un trouble, qui doit de surcroît être anormal.
Sur la perte de valeur du bien :
La seule attestation de la société Immobilier Transaction Conseil en date du 7 juillet 2020 selon laquelle « la présence de l’antenne relais pourrait entrainer une dépréciation, de la valeur vénale du bien de l’ordre de 10 à 15% créant une nuisance d’ordre esthétique, voire peut être même sanitaire ne suffit pas à caractériser un préjudice né actuel et certain, étant de surcroît précisé que le préjudice esthétique a d’ores et déjà été indemnisé. Aussi, et les demandeurs seront déboutés de leur demande à ce titre.
4. Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :
4.1 Moyens des parties :
M et Mme [V] font valoir que la société SFR a ignoré toutes les sollicitations amiables y compris avec les instances représentatives en la matière et le préfet. Ils ajoutent que la société Hivory n’a pas d’avantage réagi et que ces sociétés ont fait preuve de mauvaise foi en implantant l’antenne très proche de leur habitation alors qu’il était possible de faire autrement.
La SAS Hivory indique qu’elle n’a jamais été sollicitée par les demandeurs avant son intervention dans la présente instance et elle expose qu’aucun élément ne permet de démontrer qu’elle avait connaissance du litige opposant les époux [V] à la société SFR.
4.2 Réponse du tribunal :
Aux termes de l’article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé de le réparer. »
Il appartient alors aux époux [V] de rapporter la preuve d’une faute imputable aux sociétés défenderesses, l’existence d’un préjudice, et d’un lien de causalité entre les deux.
Si la SA SFR n’a pas répondu aux demandes qui lui ont été adressées pour participer à des réunions et pour tenter de trouver une solution amiable pour autant cette position ne caractérise pas une faute.
La SAS Hivory est intervenue volontairement à la procédure et il n’est pas établi qu’elle ait été sollicitée par les demandeurs dans la phase amiable.
La simple résistance à une action en justice ne constitue pas un abus de droit, M. et Mme [V] n’apportent la preuve d’aucun préjudice autre que ceux déjà indemnisés, aussi en l’absence d’abus caractérisé, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive sera rejetée.
5. Sur les demandes accessoires :
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la SA SFR et la SAS Hivory seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l’instance.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [G] [V] et de Mme [R] [T] époux [V], les frais irrépétibles exposés, aussi la SA Société Française du Radiotéléphone SFR et la SAS Hivory seront condamnés in solidum à leur payer la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité ne justifie pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des autres parties.
L’exécution provisoire de droit à titre provisoire prévue par l’article 514 du code de procédure civile est compatible avec la nature de l’affaire et il n’y a pas lieu de l’écarter conformément à l’article 514-1 du même code.
Le tribunal statuant en audience publique, par mise à disposition au Greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
RECOIT l’intervention volontaire de la SAS Hivory ;
DEBOUTE la SA Société Française du Radiotéléphone de sa demande de mise hors de cause ;
CONDAMNE in solidum la SA Société Française du Radiotéléphone SFR et la SAS Hivory à verser à M. [G] [V] et Mme [R] [T] épouse [V] la somme de 8000 € en réparation du trouble anormal de voisinage et du préjudice visuel et esthétique ;
CONDAMNE in solidum la SA Société Française du Radiotéléphone SFR et la SAS Hivory à verser à M. [G] [V] et Mme [R] [T] épouse [V] la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur des autres parties ;
REJETTE toutes les autres demandes des époux [V] ;
CONDAMNE in solidum la SA Société Française du Radiotéléphone SFR et la SAS Hivory aux entiers dépens de l’instance ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Draguignan le SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT-QUATRE.
La greffière, La présidente,