Analyse des obligations et droits en matière de crédit à la consommation : enjeux de la défaillance de l’emprunteur

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Analyse des obligations et droits en matière de crédit à la consommation : enjeux de la défaillance de l’emprunteur

La S.A CREATIS a accordé un prêt personnel de 30.600,00 euros à Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] le 29 octobre 2015, avec un taux d’intérêt de 6,07 % et un remboursement en 144 mensualités de 299,72 euros. En raison d’échéances impayées, la S.A CREATIS a envoyé une mise en demeure le 13 novembre 2023 pour un montant de 3.283,77 euros. Le 16 avril 2024, elle a assigné les emprunteurs devant le juge des contentieux de la protection d’Évreux, demandant le paiement de 17.666,68 euros, avec intérêts, une indemnité de 8 %, et 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Lors de l’audience du 29 mai 2024, la S.A CREATIS a maintenu ses demandes, tandis que le tribunal a soulevé des questions sur la forclusion de l’action et l’irrégularité du contrat de crédit. Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] n’étaient pas présents. L’affaire a été mise en délibéré pour le 20 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 septembre 2024
Tribunal judiciaire d’Évreux
RG
24/00403
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’EVREUX
[Adresse 3]
[Localité 1]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,

Minute n°

N° RG 24/00403 – N° Portalis DBXU-W-B7I-HV3O

Société CREATIS

C/
[R] [S]
[D] [I]

JUGEMENT DU 20 SEPTEMBRE 2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE D’EVREUX

Mis à disposition au greffe en vertu de l’article 450 du Code de procédure civile le 20 Septembre 2024 et signé par Thierry ROY, Juge des contentieux de la protection et Valérie DUFOUR, Greffier

DEMANDERESSE :

Société CREATIS
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par Maître Marion QUEFFRINEC de la SCP PICARD LEBEL QUEFFRINEC BEAUHAIRE MOREL, avocats au barreau de l’EURE,

DÉFENDEURS :

Monsieur [R] [S]
[Adresse 6]
[Localité 2]
non comparant, non représenté

Madame [D] [I]
[Adresse 6]
[Localité 2]
non comparante; non représentée

DÉBATS à l’audience publique du : 29 Mai 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Juge des contentieux de la protection : Thierry ROY
Greffier : Catherine POSE

JUGEMENT :

– réputé contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort

Copies certifiées conformes délivrées le :

Copie exécutoire délivrée le :
à :

EXPOSE DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 29 octobre 2015, la S.A CREATIS a consenti à Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] un prêt personnel n°28956000167333 d’un montant en capital de 30.600,00 euros, avec intérêts au taux nominal conventionnel de 6,07 %, remboursable en 144 mensualités s’élevant à 299,72 euros, hors assurance facultative.

la S.A CREATIS a adressé à Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] une mise en demeure d’avoir à payer la somme de 3.283,77 euros au titre des échéances impayées par lettre recommandée en date du 13 novembre 2023.

Par acte d’huissier en date du 16 avril 2024, la S.A CREATIS a fait assigner Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] devant le juge des contentieux de la protection d’EVREUX afin d’obtenir, leur condamnation au paiement des sommes suivantes :
17.666,68 euros au titre des sommes dues, avec intérêts au taux de 6,07% l’an à compter du 28 décembre 2023,de l’indemnité de 8%,1.500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, les dépens.
A l’audience du 29 mai 2024,

La S.A CREATIS, représentée par son conseil, maintient ses demandes et s’en réfère à ses écritures.

Le tribunal l’a invitée à s’expliquer sur le moyen soulevé d’office tiré de la forclusion de son action et de l’irrégularité du contrat de crédit, notamment pour absence de FIPEN, de consultation du FICP, de notice d’assurance, de fiche dialogue, de vérification de la solvabilité et de bordereau de rétractation.

Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I], bien que régulièrement assignés à étude, n’ont pas comparu et n’étaient pas représentés.

En application de l’article 455 du Code de procédure civile, le tribunal renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’affaire a été mise en délibéré au 20 septembre 2024

MOTIFS DE LA DECISION :

En application de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

I. Sur l’office du juge en matière de crédit à la consommation

En application de l’article 12 du Code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles du droit qui lui sont applicables. De plus, l’article R 632-1 du Code de la consommation dispose que le juge peut soulever d’office toutes les dispositions de ce code dans les litiges nés de son application. Toutefois, selon l’article 16 du code de procédure civile, il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu’il a relevé d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

En l’espèce, la S.A CREATIS a évoqué la régularité de l’offre de prêt et a pu formuler ses observations quant au respect des dispositions d’ordre public des articles L312-1 et suivants du Code de la consommation.

II. Sur la demande en paiement :

– Sur la recevabilité de la demande

La forclusion de l’action en paiement est une fin de non-recevoir qui doit être relevée d’office par le Juge en vertu de l’article 125 du Code de procédure civile comme étant d’ordre public selon l’article L 314-26 du Code de la consommation.

Aux termes de l’article R312-35 du Code de la consommation, les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le Tribunal judiciaire dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ou le premier incident de paiement non régularisé.

Le même article précise que lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un plan de surendettement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou après adoption du plan conventionnel de redressement.

Toutefois, si la forclusion était acquise préalablement à l’adoption du plan, l’action en paiement demeure irrecevable.

Au regard des pièces produites aux débats, en particulier le contrat et l’historique de compte, il apparaît que le premier impayé non régularisé est survenu le 28 février 2023 et que l’assignation a été signifiée le 16 avril 2024.

En conséquence, l’action de la S.A CREATIS sera dite recevable, la forclusion n’étant pas acquise à la date de la signification de l’assignation.

– Sur le bien-fondé de la demande

Sur l’exigibilité de la créance

Aux termes de l’article L 312-39 du Code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

Les articles 1224 et 1226 du Code civil précisent que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification et doit, sauf urgence préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable, mentionnant expressément qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat. Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Ainsi, la déchéance du terme ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

En l’espèce, le contrat stipule à l’article I-2 qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés.

De plus, il ressort des pièces communiquées que Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] ont cessé de régler les échéances du prêt et que la S.A CREATIS leur a fait parvenir une demande de règlement des échéances impayées en date du 13 novembre 2023, restée sans effet.

En conséquence, la S.A CREATIS était dès lors bien fondée à se prévaloir de la déchéance du terme et de la résiliation de plein droit du contrat et à demander le remboursement immédiat des sommes exigibles selon les termes du contrat.

Sur le droit aux intérêts

Selon l’article L312-16 du Code de la consommation, avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations. Le prêteur doit ainsi consulter le fichier national des incidents de paiement caractérisé (FICP) avant toute décision effective d’octroyer un crédit à la consommation.

Il résulte de l’article L341-2 du même code, que le prêteur qui n’a pas respecté cette obligation est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

En l’espèce, il apparaît que le justificatif de consultation du FICP porte mention de la date du 24 novembre 2015, soit postérieurement à la conclusion du contrat le 29 octobre 2015, et au délai d’agrément de l’emprunteur par le prêteur de sept jours prévu par l’article L312-24 du Code de la consommation.

Au surplus, la S.A CREATIS a fait part de l’acceptation de l’emprunteur par courrier en date du 27 octobre 2015.

Dès lors, la S.A CREATIS ne démontre pas avoir respecté son obligation de vérification préalable et il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts à compter du 29 octobre 2015, date de conclusion du contrat. Cette sanction devant revêtir un caractère effectif et dissuasif pour le prêteur doit être appliquée tant aux intérêts au taux contractuel qu’aux intérêts au taux légal (CJUE, 27 mars 2014, question préjudicielle).

Sur l’indemnité conventionnelle

Le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé à l’article D312-16 du Code de la consommation.

La S.A CREATIS ayant été déchue de son droit aux intérêts contractuels, elle ne saurait se prévaloir des dispositions contractuelles prévoyant le versement d’une indemnité dont le montant est égal à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Sur le calcul des sommes dues

En cas d’irrégularité de l’offre préalable de crédit, l’article L 341-8 du Code de la consommation précise que l’emprunteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû, les sommes perçues au titre des intérêts étant restituées ou imputées sur le capital restant dû. Cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité prévue par l’article L 312-39 du Code de la consommation .

Le prêteur est donc en droit d’obtenir la différence entre le capital emprunté soit 30.600,00 euros et les versements, soit 32.409,55 euros dont 4.669,41 euros à titre de prime d’assurance.

La somme due est ainsi de 2.859,86 euros.

III. Sur la demande reconventionnelle en délais de paiement

En application de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut, en considération de la situation du débiteur et des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années. Par décision spéciale et motivée il peut prévoir que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal.

En l’espèce, Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I], non comparants, ne communiquent, de facto, aucun élément quant à leur situation personnelle et financière.

En conséquence, la juridiction se trouve dans l’impossibilité de leur octroyer des délais de paiement.

IV. Sur les demandes accessoires

Parties perdantes, Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l’instance.

Compte tenu de la situation respective des parties, il n’y a pas lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.

En application de l’article 514 du Code de procédure civile, la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement,

DECLARE recevable l’action de la S.A CREATIS,

CONSTATE la résiliation du contrat de prêt n°28956000167333 souscrit par Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] le 29 octobre 2015,

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel et au taux légal de la S.A CREATIS au titre du contrat de prêt n°28956000167333souscrit par Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] le 29 octobre 2015,

CONDAMNE SOLIDAIREMENT Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] à payer à la S.A CREATIS la somme de 2.859,86 euros au titre du contrat de prêt,

CONDAMNE in solidum Monsieur [R] [S] et Madame [D] [I] aux entiers dépens de l’instance,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de droit de l’exécution provisoire,

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président et le Greffier

LE PRESIDENT                                                                              LE GREFFIER


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