Analyse des obligations et droits en matière de crédit à la consommation

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Analyse des obligations et droits en matière de crédit à la consommation

Le 30 mai 2020, Monsieur [Y] [E] [M] et Madame [B] [H] ont accepté une offre de la société CREDIPAR pour un contrat de crédit destiné à financer un véhicule SUZUKI Jimmy, d’un montant de 8 990,00 €, remboursable en 60 mensualités de 171,72 € à un taux débiteur fixe de 5,52 %. Le véhicule a été livré le 10 juin 2020.

Le 24 novembre 2020, des nouvelles conditions de remboursement ont été établies, modifiant les mensualités à 173,40 € pour 54 mensualités. En raison d’échéances impayées, CREDIPAR a mis en demeure les emprunteurs le 19 janvier 2022, puis a prononcé la déchéance du terme le 31 janvier 2022.

Le 11 juillet 2023, CREDIPAR a assigné Madame [B] [H] et la succession de Monsieur [Y] [E] [M] devant le juge des contentieux de la protection de CHARTRES, demandant le paiement de 4 066,90 € et 1 000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

L’audience du 05 décembre 2023 a vu CREDIPAR maintenir ses demandes, tandis que les défendeurs ne se sont pas présentés. L’affaire a été mise en délibéré au 20 février 2024, où le juge a ordonné la réouverture des débats pour recueillir des observations sur l’assignation signifiée à la succession.

Lors de l’audience du 11 juin 2024, CREDIPAR a précisé qu’elle maintenait ses demandes uniquement contre Madame [B] [H]. Les défendeurs ne se sont pas présentés à nouveau, et l’affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

17 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Chartres
RG
23/02540
N° RG 23/02540 – N° Portalis DBXV-W-B7H-GDSV

Minute : JCP

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Maître Justine GARNIER

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à :
[B] [H] divorcée [E] [S],
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE CHARTRES

Juge des Contentieux de la Protection

JUGEMENT Réputé contradictoire

DU 17 Septembre 2024

DEMANDEUR :

S.A. CREDIPAR,
dont le siège social est sis 2-10 boulevard de l’Europe – 78300 POISSY
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par la SELARL BLANC-GILLMANN & BLANC, demeurant 34 Cous Lieutaud – 13001 MARSEILLE 01, avocats au barreau de MARSEILLE, vestiaire : substituée par Me Justine GARNIER, demeurant 30 Boulevard Chasles – 28000 CHARTRES, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 21

D’une part,

DÉFENDEURS :

Madame [B] [H] divorcée [E] [S]
née le 29 Janvier 1943 à PARIS (75003),
demeurant Lieudit “Les Villeneuves” – 28290 CHATILLON EN DUNOIS
non comparante, ni représentée

D’autre part,

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Juge des contentieux de la protection : François RABY

Greffier: Séverine FONTAINE

DÉBATS :

L’affaire a été plaidée à l’audience publique du 11 Juin 2024 et mise en délibéré au 17 Septembre 2024 date à laquelle la présente décision est rendue par mise à disposition au greffe.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre préalable acceptée le 30 mai 2020 par Monsieur [Y] [E] [M] et Madame [B] [H], la société CREDIPAR a conclu avec ces derniers un contrat de crédit affecté au financement d’un véhicule SUZUKI Jimmy, d’un montant de 8 990,00€ remboursable par 60 mensualités de 171,72 euros au taux débiteur fixe de 5,52 %, soit au TAEG de 5,66 %.

Le véhicule a été livré le 10 juin 2020.

Des nouvelles conditions de remboursement ont été constatées par courrier en date du 24 novembre 2020, par le remboursement de 54 mensualités de 173,40 euros au taux d’intérêt conventionnel de 5,52 %.

Se prévalant d’échéances impayées, la SA CREDIPAR a mis en demeure les emprunteurs par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 19 janvier 2022 puis a prononcé la déchéance du terme par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 31 janvier 2022.

Par actes de commissaire de justice signifiés à étude le 11 juillet 2023, la société CREDIPAR a fait assigner Madame [B] [H] et la succession de Monsieur [Y] [E] [M] devant le juge des contentieux de la protection de CHARTRES aux fins d’obtenir leur condamnation solidaire à lui payer :
– la somme de 4 066,90 euros, avec intérêts au taux contractuel à compter du 20 juin 2023 ;
– la somme de 1 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens ainsi que le montant des sommes retenues par l’huissier au titre de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 en cas d’exécution forcée.

L’affaire a été appelée à l’audience du 05 décembre 2023.

Lors de l’audience du 05 décembre 2023, la société CREDIPAR est représentée par son avocat. Elle maintient les demandes formées dans son assignation. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels et légaux ont été mis dans le débat d’office, sans que la demanderesse ne présente d’observations supplémentaires sur ces points.

Monsieur [Y] [E] [M] et Madame [B] [H] ne comparaissent pas personnellement et ne sont pas représentés.

L’affaire a été mise en délibéré au 20 février 2024 par mise à disposition au greffe.

Par mention au dossier en date du 20 février 2024, le juge des contentieux de la protection a ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations de la demanderesse sur le sort de ses demandes, l’assignation ayant été signifiée à la succession de Monsieur [Y] [E] [M].
L’affaire a été appelée à l’audience du 11 juin 2024.

Lors de l’audience du 11 juin 2024, la société CREDIPAR est représentée par son avocat. Elle précise, aux termes de ses dernières écritures, maintenir ses demandes à l’encontre de Madame [B] [H] seulement.

Monsieur [Y] [E] [M] et Madame [B] [H] ne comparaissent pas personnellement et ne sont pas représentés.

L’affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et il n’est fait droit à la demande que dans la mesure où elle apparaît régulière, recevable et bien fondée, ce qui est le cas en l’espèce.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

L’article R. 632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 05 décembre 2023.

L’article L. 312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D. 312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de l’absence de forclusion de la créance, de l’absence de cause de nullité du contrat, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion

Aux termes des dispositions de l’article R. 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à la suite de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.

La demande de la société CREDIPAR, introduite le 11 juillet 2023 alors que le premier incident de paiement non régularisé date du 15 juillet 2021, est recevable.

Sur la nullité du contrat

Aux termes de l’article L. 312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.

La méconnaissance de ce texte est sanctionnée par la nullité du contrat sur le fondement de l’article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté.

En l’espèce, il ressort de l’historique de compte versé aux débats que le déblocage des fonds a eu lieu le 10 juin 2020, soit postérieurement à l’expiration du délai de sept jours précité courant à compter du 30 mai 2020, de sorte que la nullité du contrat n’est pas encourue.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave.
L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L. 312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l’envoi d’une telle mise en demeure et de s’assurer que la mise en demeure a bien été portée à la connaissance du débiteur.

En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d’exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article I-6d) et une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 1 040,40 euros précisant le délai de régularisation de huit jours a bien été envoyée le 19 janvier 2022 ainsi qu’il en ressort de l’avis de recommandé produit, l’avis de réception ayant été présenté le 20 janvier 2022, de sorte qu’en l’absence de régularisation dans le délai, ainsi qu’il en ressort de l’historique de compte, la société CREDIPAR a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

A peine de déchéance du droit aux intérêts, il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment :
la fiche d’information précontractuelle -FIPEN- (article L. 312-12 du code de la consommation),la notice d’assurance comportant les conditions générales (article L. 312-29),la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- (article L. 312-16),la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur au moyen nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L. 312-16).
En outre, aux termes de l’article R. 312-10 du code de la consommation, auquel renvoie l’article L. 312-28 du même code, le contrat doit être rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure au corps huit.

Afin de s’assurer du respect de cette prescription réglementaire, il convient de diviser la hauteur en millimètres d’un paragraphe, mesuré du haut des lettres montantes de la première ligne au bas des lettres descendantes de la dernière ligne, par le nombre de lignes qu’il contient. Le quotient ainsi obtenu doit être au moins égal à trois millimètres.

En l’espèce, cette vérification permet d’établir qu’une partie du contrat produit aux débats est rédigée en caractères d’une hauteur inférieure au corps huit, plusieurs paragraphes comportant des lignes d’une hauteur inférieure à trois millimètres.

Le moyen selon lequel le contrat, signé électroniquement, permet à l’emprunteur de le consulter ou de l’imprimer dans la taille de police de son choix est inopérant dès lors qu’il appartient au prêteur de respecter les prescriptions légales et d’en justifier, sans devoir attendre de l’emprunteur une quelconque adaptation qui permettrait au prêteur de s’en affranchir.

Dès lors, par application des articles L. 312-28 et L. 341-4 du code de la consommation, le prêteur doit être intégralement déchu de son droit aux intérêts conventionnels.

Sur le montant de la créance

Aux termes de l’article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l’espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.

Au regard de l’historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société CREDIPAR à hauteur de la somme de 4 066,90 euros au titre du capital restant dû et de la clause pénale.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité.

En l’espèce, les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ne seraient pas significativement inférieurs à ce taux conventionnel. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l’article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire que la somme restant due en capital au titre de ce crédit portera intérêts au taux légal à compter de l’assignation, soit le 11 juillet 2023, sans majoration de retard.

Sur les demandes accessoires

Le défendeur, qui succombe, supportera les dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile, qui n’incluront pas le montant des sommes retenues par l’huissier au titre de l’article 10 du décret du 08 mars 2001 en cas d’exécution forcée.

La situation économique respective des parties commande de ne pas faire droit à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société CREDIPAR au titre du contrat de crédit affecté souscrit par Monsieur [Y] [E] [M] et Madame [B] [H] le 30 mai 2020, à compter de cette date ;

ÉCARTE l’application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

CONDAMNE en conséquence Madame [B] [H] à payer à la société CREDIPAR la somme de quatre mille soixante-six euros et quatre-vingt-dix cents (4 066,90 euros), avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2023, sans application de la majoration légale de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

DEBOUTE la société CREDIPAR de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [B] [H] aux dépens ;

DEBOUTE la société CREDIPAR du surplus de ses demandes ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé.

LE GREFFIER LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION

Séverine FONTAINE François RABY


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