La société LCL-Le Crédit Lyonnais a accordé à Mme [T] [Y] un crédit d’un an renouvelable de 8400 euros, remboursable en 59 mensualités. En raison de paiements manquants, LCL a assigné Mme [T] devant le tribunal judiciaire de Paris pour récupérer 8991,87 euros, avec intérêts, et a demandé la résolution judiciaire du contrat. LCL affirme que le premier incident de paiement a eu lieu le 5 février 2022.
Lors de l’audience du 21 mai 2024, LCL a maintenu sa demande, tandis que Mme [T] a proposé de rembourser sa dette par mensualités de 250 euros sur 23 mois, en raison de difficultés financières. Elle a également commencé à rembourser par l’intermédiaire d’un commissaire de justice. La décision sera rendue le 5 septembre 2024, après que le conseil de LCL a fourni un décompte des paiements effectués par Mme [T] après la déchéance du terme. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Madame [T] [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Eric BOHBOT
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 24/01540 – N° Portalis 352J-W-B7I-C36QE
N° MINUTE :
4 JCP
JUGEMENT
rendu le jeudi 05 septembre 2024
DEMANDERESSE
Société LCL- LE CREDIT LYONNAIS, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0430
DÉFENDERESSE
Madame [T] [Y], demeurant [Adresse 2]
comparante en personne
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 mai 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 05 septembre 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier
Décision du 05 septembre 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/01540 – N° Portalis 352J-W-B7I-C36QE
Selon offre préalable acceptée le 29 décembre 2020, la société LCL-Le Crédit Lyonnais a consenti à Mme [T] [Y] un crédit d’un an renouvelable d’un montant maximal en capital de 8400 euros remboursable au taux nominal de 5,020% (soit un TAEG de 5,137%) en 59 mensualités de 159 euros et d’une soixantième ajustée de 110,83 euros, sur la base d’une utilisation totale en une seule fois.
Des échéances étant demeurées impayées, la société LCL-Le Crédit Lyonnais a, par acte de commissaire de justice en date du 17 janvier 2024, fait assigner Mme [T] [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
8991,87 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 4,77% l’an, à compter du 3 février 2023, avec prononcé de la résolution judiciaire aux torts de l’emprunteur si le tribunal estimait la déchéance du terme irrégulière, 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Au soutien de sa demande, la société LCL-Le Crédit Lyonnais fait valoir que les mensualités d’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 15 janvier 2023, rendant la totalité de la dette exigible. Elle situe le premier incident de paiement non régularisé au 5 février 2022.
A l’audience du 21 mai 2024, à laquelle l’affaire a été appelée, la société LCL-Le Crédit Lyonnais, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d’assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d’office, sans que le demandeur ne présente d’observations particulières sur ces points.
Mme [T] [Y], comparante en personne, sollicite le règlement de sa dette par mensualités de 250 euros, durant 23 mois, le 24ème étant majoré du solde de la dette. Elle sollicite le rejet de la demande formée au titre des frais irrépétibles.
Elle explique avoir rencontré des difficultés financières qui ne lui ont pas permis d’honorer les échéances de son contrat de prêt. Au soutien de sa bonne foi, elle expose avoir commencé à apurer sa dette en effectuant des règlements réguliers auprès de l’étude du commissaire de justice en charge du recouvrement de la créance.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2024.
Invité à produire en délibéré un justificatif des sommes versées par la défenderesse postérieurement au prononcé de la déchéance du terme, le conseil du demandeur a transmis le décompte demandé par courriel du 31 mai 2024.
Sur la demande en paiement
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 21 mai 2024.
L’article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.
Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de l’absence de cause de nullité du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.
La jurisprudence sanctionne la violation de ce texte par la nullité du contrat en vertu de l’article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté (Ccass civ 1ère, 22 janvier 2009, 03-11.775).
En l’espèce, le déblocage des fonds a eu lieu le 6 janvier 2021, soit postérieurement au délai de sept jours précité courant à compter du 29 décembre 2020, de sorte qu’aucune nullité n’est encourue.
Sur la forclusion
L’article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme, le premier incident de paiement non régularisé ou encore, dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable, le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti ;
En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance de mai 2022 de sorte que la demande effectuée le 17 janvier 2024 n’est pas atteinte par la forclusion.
Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Par ailleurs, selon l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.
En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).
Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l’envoi d’une telle mise en demeure (Ccass Civ 1ère, 2 juillet 2014, n° 13-11636), étant précise qu’il n’a pas à justifier de la remise effective de la mise en demeure au débiteur (Ccass 1ère civ, 20 janvier 2021, pourvoi n°19-20.680).
En l’espèce, deux mises en demeure préalables au prononcé de la déchéance du terme sont produites par le demandeur : l’une est datée du 5 avril 2022 et sollicite le paiement de la somme de 200,62 euros sous huit jours ; l’autre est datée du 8 avril 2022 et sollicite le paiement de la somme de 358,62 euros sous trente jours.
Il n’est toutefois pas justifié pas de l’envoi de ces deux courriers.
Le contrat de prêt mentionne expressément, en son article 6.7, que le prêteur aura la possibilité de se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent crédit en cas de non paiement des sommes exigibles malgré une mise en demeure de régulariser, adressée à l’emprunteur par tout moyen et restée sans effet pendant quinze jours, quand il est précisé, au paragraphe suivant, que le prêteur ne pourra se prévaloir de la déchéance du terme qu’après envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, en cas de manœuvres dolosives ou de manquements aux dispositions de l’article 9.
Il apparaît donc que le contrat signé des deux parties permettait au prêteur de mettre en demeure l’emprunteur par tout moyen en cas de non-paiement des échéances exigibles, quand le recommandé avec accusé de réception conditionnait le prononcé de la déchéance du terme en cas de manœuvres dolosives ou de manquements aux dispositions de l’article 9.
Si cette mention, qui permet à la banque de prononcer la déchéance du terme en cas d’impayés sans être astreinte à l’envoi d’une mise en demeure en recommandé avec accusé de réception, ne résout pas le problème de la preuve de cet envoi, il sera constaté que Mme [T] [Y] n’a pas contesté, à l’audience, avoir reçu ces courriers.
La déchéance du terme a donc été régulièrement prononcée.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment : la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- (article L.312-16) à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (article L.341-2), étant précisé que cette consultation doit avoir été effectuée avant la remise des fonds, et préciser son résultat.
En l’espèce, la société LCL-Le Crédit Lyonnais ne justifie pas de la consultation du FICP préalablement à l’octroi du crédit, la seule preuve de consultation du fichier des incidents de paiement étant datée du 7 septembre 2021. Ainsi elle ne démontre pas avoir respecté son obligation de vérification préalable. En conséquence, il convient de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts à compter de la date de conclusion du contrat.
Il n’est par ailleurs produit aucune lettre de reconduction annuelle précisant les conditions de reconduction du contrat (article L.312-65) laquelle est prévu à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L.341-5).
La banque sera donc déchue, en totalité, de son droit aux intérêts contractuels.
Sur le montant de la créance
Aux termes de l’article L.341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, la déchéance s’appliquant même aux frais, commissions et autres accessoires inscrits au compte (Ccass 1ère civ, 31 mars 2011, pourvoi n°09-69.963). Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
En l’espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.
De surcroît, la limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts résultant de l’article L.311-48 susvisé exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance prévue à l’article L.311-24 du code de la consommation.
S’agissant des primes d’assurances afférentes aux mensualités impayées, les termes de l’article L311-48 du code de la consommation excluent également que la demanderesse puisse en obtenir le paiement, celle-ci n’ayant au surplus pas qualité à agir pour le compte de l’assureur – sauf subrogation qui ne se trouve pas démontrée en l’espèce.
Au regard de l’historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société LCL-Le Crédit Lyonnais à hauteur de la somme de 6672,01 euros au titre du capital restant dû (9886,01 euros – 2394 euros de règlements effectués antérieurement au prononcé de la déchéance du terme – 820 euros de règlements effectués postérieurement au prononcé de la déchéance du terme).
Mme [T] [Y] est ainsi tenue au paiement de la somme de 6672,01 euros correspondant au capital restant dû.
Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier.
En conséquence, Mme [T] [Y] sera condamnée à payer à la société LCL la somme de 6672,01 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Sur les délais de paiement
En vertu de l’article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
En l’espèce, il est justifié de la bonne foi de Mme [T] [Y], qui a cherché à apurer sa dette en effectuant des versements réguliers à l’étude du commissaire de justice, postérieurement au prononcé de la déchéance du terme.
Compte tenu de ces éléments et des propositions de règlements formulées à l’audience, Mme [T] [Y] sera autorisée à se libérer du montant de sa dette selon les modalités qui seront rappelées au dispositif.
Il convient néanmoins de prévoir que tout défaut de paiement d’une mensualité justifiera de l’exigibilité totale de la somme due.
Sur les demandes accessoires
La défenderesse, qui succombe, supportera les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande de rejeter la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,
Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société LCL-Le Crédit Lyonnais au titre du prêt souscrit par Mme [T] [Y] le 29 décembre 2020, à compter de cette date ;
Condamne Mme [T] [Y] à verser à la société LCL-Le Crédit Lyonnais la somme de 6672,01 euros au titre du capital restant dû avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2024 ;
Autorise Mme [T] [Y] à s’acquitter des sommes susvisées en 24 mensualités de 250 euros, le 15 de chaque mois et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification de la présente décision, la dernière mensualité étant majorée du solde de la dette,
Dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à son terme, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible,
Condamne Mme [T] [Y] aux dépens ;
Rejette la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.
Le greffier, Le juge des contentieux
de la protection