La BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a accordé un crédit personnel de 12 950 euros à Monsieur [E] [L] en juillet 2019, avec un remboursement prévu en 72 mensualités. Suite à des impayés, la banque a assigné Monsieur [E] [L] devant le tribunal de Chartres en décembre 2022 pour récupérer les sommes dues. Elle demande le paiement de 11 247,52 euros, ainsi que des intérêts, et sollicite la résiliation du contrat. L’affaire a été renvoyée plusieurs fois avant d’être examinée en juin 2024, où les deux parties ont présenté leurs arguments. La décision a été mise en délibéré pour le 17 septembre 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE CHARTRES
N° RG 22/03060 – N° Portalis DBXV-W-B7G-F3ZC
Minute : 24/ JCP
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Maître Nathalie GAILLARD
Copie certifiée conforme
délivrée le :
à :
SCP MERY – RENDA – KARM – GENIQUE, avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 35
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Juge des Contentieux de la Protection
JUGEMENT Contradictoire
DU 17 Septembre 2024
DEMANDEUR :
S.A. BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE (RCS DE PARIS N° 326 127 784),
dont le siège social est sis 56-60 rue de la Glacière – 75013 PARIS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
représentée par Me Ingrid BOILEAU, demeurant 176 rue de Rivoli – 75001 PARIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 0575 substitué par Me Nathalie GAILLARD, demeurant 5 Rue Saint Brice – 28000 CHARTRES, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 1
D’une part,
DÉFENDEUR :
Monsieur [E] [L]
né le 12 Décembre 1982 à BLOIS (41000),
demeurant 26 ruelle de Segland – St Denis les Ponts – 28200 SAINT DENIS LANNERAY
représenté par Me KARM de la SCP MERY – RENDA – KARM – GENIQUE, demeurant 3 Place de la Porte Saint Michel – 28000 CHARTRES, avocats au barreau de CHARTRES, vestiaire : T 35
D’autre part,
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Juge des contentieux de la protection : François RABY
Greffier: Séverine FONTAINE
DÉBATS :
L’affaire a été plaidée à l’audience publique du 11 Juin 2024 et mise en délibéré au 17 Septembre 2024 date à laquelle la présente décision est rendue par mise à disposition au greffe.
EXPOSE DU LITIGE
Selon offre préalable du 16 juillet 2019, non rétractée, devenue définitive, la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a consenti à Monsieur [E] [L] un crédit personnel d’un montant en capital de 12 950,00 euros remboursable au taux nominal de 3,91% (soit un TAEG de 3,98%) en 72 mensualités de 205,96 euros avec assurance.
Des échéances étant demeurées impayées, la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a fait assigner Monsieur [E] [L] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres, par acte de commissaire de justice signifié à personne le 6 décembre 2022, en paiement des sommes restant dues au titre du crédit consenti. Dans ses dernières conclusions déposées à l’audience, la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE demande au tribunal, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
A titre principal, de condamner Monsieur [E] [L] à lui payer la somme de 11 247,52 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 3,91% à compter du 19 avril 2021 sur le principal de 10475,40 euros, et au taux légal pour le surplus à compter du 19 avril 2021, sous déduction de la somme de 800 euros réglée postérieurement à la déchéance du terme ;A titre subsidiaire, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat souscrit ; de condamner Monsieur [E] [L] à payer à la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE la somme de 9675,40 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 3,91% à compter de l’assignation. De condamner Monsieur [E] [L] à lui payer 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Appelée à l’audience du 21 mars 2023, l’affaire a fait l’objet de quatre renvois pour être finalement retenue à l’audience du 11 juin 2024.
A l’audience 11 juin 2024, la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice le bénéfice de ses dernières écritures. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels et légaux ont été mis dans le débat d’office, sans que la demanderesse ne présente d’observations complémentaires sur ces points.
Lors de l’audience du 11 juin 2024, Monsieur [E] [L] est représenté par son avocat. Il reprend les prétentions figurant dans ses dernières conclusions déposées à l’audience et sollicite, à titre principal, le rejet des demandes formulées par la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE et, à titre subsidiaire, la déchéance des droits aux dommages et intérêts contractuels ainsi que l’octroi de délais de paiement. Il demande enfin de condamner a demanderesse à lui payer la somme de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait référence aux termes de leurs dernières conclusions respectives en date du 11 juin 2024.
L’affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2024 par mise à disposition au greffe.
Sur la demande en paiement
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.
L’article R. 632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 11 juin 2024.
L’article L. 312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D. 312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de l’absence de forclusion de la créance, de l’absence de cause de nullité du contrat, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la forclusion
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance du 5 janvier 2021 de sorte que la demande effectuée le 6 décembre 2022 n’est pas atteinte par la forclusion.
Sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.
La méconnaissance de ce texte est sanctionnée par la nullité du contrat sur le fondement de l’article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté.
En l’espèce, il ressort de l’historique de compte versé aux débats que le déblocage des fonds a eu lieu le 24 juillet 2019, soit postérieurement au délai de sept jours précité courant à compter du 16 juillet 2019, de sorte qu’aucune nullité n’est encourue.
Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Par ailleurs, selon l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.
En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).
Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l’envoi d’une telle mise en demeure et de s’assurer que la mise en demeure a bien été portée à la connaissance du débiteur.
En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d’exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement, dans son article 5.6. En outre, une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 823,84 euros précisant le délai de régularisation, égal à huit jours, a bien été envoyée le 7 avril 2021. Si l’avis de réception est revenu avec la mention « destinataire inconnu à cette adresse », il ressort des pièces versées aux débats que le courrier a bien été envoyé à l’adresse de l’emprunteur figurant au sein du contrat de prêt et qu’aucun élément ne permettait à l’organisme bancaire de connaître la nouvelle adresse de Monsieur [E] [L]. Par conséquent, il convient de considérer, contrairement à ce qu’affirme le défendeur, qu’une mise en demeure lui a bien été adressée.
Si Monsieur [E] [L] soutient par ailleurs que la mise en demeure qui lui a été adressée ne comprend pas toutes les informations exigées par les articles L. 312-36 et suivants du code de la consommation, il n’en demeure pas moins qu’elle contient le montant des échéances impayées, l’existence d’une pénalité contractuelle de 8 % du montant du capital restant dû et le risque de prononcer la déchéance du terme du crédit consenti.
Ainsi, en l’absence de régularisation dans le délai, ainsi qu’il en ressort de l’historique de compte, la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme le 19 avril 2021.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
A peine de déchéance du droit aux intérêts, il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment :
la fiche d’information précontractuelle -FIPEN- (article L.312-12 du code de la consommation),la notice d’assurance comportant les conditions générales (article L.312-29),la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- (article L.312-16),la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur au moyen nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L.312-16).
En outre, en vertu de l’article R. 312-10 du code de la consommation, le contrat de crédit doit être rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.
En l’espèce, ces différents éléments contractuels ont été produits et la taille de caractères réglementaire est respectée, de sorte qu’aucune déchéance du droit aux intérêts contractuels n’est encourue.
Sur le montant de la créance
En application de l’article L. 312-39 du code de la consommation et au regard du décompte de créance, du tableau d’amortissement et de l’historique de compte, il résulte qu’à la date de la déchéance du terme, il est dû à la banque la somme de 9 675,40 euros. Cette somme se décompose comme suit :
9 651,56 euros correspondant au capital restant dû à la date de la déchéance du terme, duquel a été déduite la somme de 800 euros correspondant au versement volontaire effectué par le défendeur le 11 août 2021 ; 823,84 euros correspondant aux quatre échéances impayées, intérêts conventionnels inclus, entre le 5 janvier 2024 et le 5 avril 2024 ;
Il sera par ailleurs rappelé qu’en application de l’article 1231-5 du code civil, le juge peut réduire d’office le montant de la clause pénale par le juge si elle est manifestement excessive.
En l’espèce, la clause pénale de 8 % du capital dû à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt est manifestement excessive compte tenu du préjudice réellement subi par la banque et du taux d’intérêt pratiqué. En effet, si la déchéance du terme est intervenue le 19 avril 2021, Monsieur [E] [L] a réglé volontairement la somme de 800,00 euros le 11 août 2021 et n’a, en tout état de cause, pas reçu la mise en demeure envoyée par la société demanderesse. En outre, une pénalité de retard est d’ores et déjà prévue contractuellement, de sorte que l’application de clause pénale telle qu’elle est prévue au contrat créerait une disproportion manifeste entre les droits et obligations des parties. Il convient donc de la réduire à hauteur d’un euro symbolique.
Monsieur [E] [L] est ainsi tenu au paiement de la somme totale de 9 676,40 euros avec intérêts au taux contractuel de 3,91 % portant sur la somme de 10 475,40 euros du 20 avril 2021 au 11 août 2021, et sur la somme de 9 675,40 euros à compter du 12 août 2021.
Sur les délais de paiement
En vertu de l’article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
En l’espèce, Monsieur [E] [L] ne fournit aucun élément justificatif quant à sa demande d’octroi de délais de paiement.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur les demandes accessoires
Le défendeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
La situation économique respective des parties commande de ne pas faire droit à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.
Le juge des contentieux de la protection, statuant, après débats en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort mis à disposition au greffe,
DECLARE recevable la demande en paiement formée par la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE ;
CONDAMNE Monsieur [E] [L] à payer à la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE la somme de neuf mille six cent soixante-seize euros et quarante cents (9 676,40 euros) au titre du capital restant dû et de la clause pénale, avec intérêts au taux conventionnel de 3,91 % portant sur la somme de 10 475,40 euros du 20 avril 2021 au 11 août 2021, et sur la somme de 9 675,40 euros à compter du 12 août 2021 ;
REJETTE la demande de délais de paiement Monsieur [E] [L] ;
REJETTE la demande de la BANQUE FRANCAISE MUTUALISTE au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE la demande de Monsieur [E] [L] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [E] [L] aux dépens ;
RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Ainsi jugé et prononcé.
LE GREFFIER LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION
Séverine FONTAINE François RABY