Analyse des Obligations et Droits dans le Cadre des Contrats de Crédit à la Consommation

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Analyse des Obligations et Droits dans le Cadre des Contrats de Crédit à la Consommation

M. [D] [X] [W] [T] a signé une offre de prêt personnel de 20 000 euros avec BNP PARIBAS le 23 août 2021, remboursable en 60 mensualités à un taux de 0,89% par an. M. [H] [I] [J] a agi en tant que caution solidaire. Suite à des échéances non réglées, BNP PARIBAS a demandé la déchéance du terme et a assigné les deux hommes devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris le 9 avril 2024, réclamant des paiements pour un total de 19 133,84 euros, des intérêts de retard, une indemnité de résiliation, des frais sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi que l’exécution provisoire de la décision. Lors de l’audience du 28 mai 2024, la société a soulevé des questions relatives à la forclusion, la nullité du contrat, et d’autres obligations légales, sans que la demanderesse ne réponde sur ces points. M. [H] [I] [J] n’a pas comparu, tout comme M. [D] [X] [W] [T], qui a été assigné selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile. La décision a été mise en délibéré et rendue le jour même.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

29 août 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/04625
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON ; Monsieur [D] [X] [W] [T] ; Monsieur [H] [I] [J]

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/04625 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4YN7

N° MINUTE :
11-2024

JUGEMENT
rendu le jeudi 29 août 2024

DEMANDERESSE
S.A. LA BNP PARIBAS, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #J0131

DÉFENDEURS
Monsieur [D] [X] [W] [T], demeurant [Adresse 3]
non comparant, ni représenté

Monsieur [H] [I] [J], demeurant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe, juge des contentieux de la protection assistée de Audrey BELTOU, Greffière lors de l’audience et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 28 mai 2024
Délibéré le 29 août 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 29 août 2024 par Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe assistée de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 29 août 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/04625 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4YN7

EXPOSE DU LITIGE

M. [D] [X] [W] [T] a signé, le 23 août 2021, une offre de prêt personnel de la société BNP PARIBAS pour un montant en capital de 20 000 euros remboursable au taux conventionnel de 0,89% l’an en 60 mensualités de 443,06 euros.

Le même jour, M. [H] [I] [J] s’est porté caution solidaire.

Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société de crédit a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte de commissaire de justice en date du 9 avril 2024, la société BNP PARIBAS a fait assigner M. [D] [X] [W] [T] et M. [H] [I] [J], devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, afin d’obtenir leur condamnation solidaire :
– au paiement des sommes suivantes :
– 19 133,84 euros augmentés des intérêts de retard courus au taux conventionnel de 0,89% l’an à compter du 17 janvier 2024,
– 1 530,71 euros au titre de l’indemnité de résiliation de 8%,
– la capitalisation des intérêts ;
– 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
-l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
-la condamnation du défendeur aux dépens.

A l’audience du 28 mai 2024, la société BNP PARIBAS représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son exploit introductif d’instance. Les diverses obligations édictées par le Code de la consommation relatives à une éventuelle forclusion de son action, la nullité du contrat pour omission de la date d’acceptation de l’offre et déblocage des fonds anticipée, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (mentions et présentation de l’encadré du contrat, FIPEN et mentions obligatoires de cette fiche, notice d’assurance, consultation du FICP, vérification solvabilité) ainsi que l’exclusion des intérêts légaux ont été mis dans le débat d’office.
La demanderesse n’a pas fait valoir d’observation sur ces points.

M. [H] [I] [J] assigné à domicile n’a pas comparu ni ne s’est fait représenter.

Assigné suivant les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, M. [D] [X] [W] [T] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter. Par note en délibéré autorisée, la demanderesse a justifié de l’envoi par l’huissier de la lettre recommandée avec avis de réception exigé par l’article 659 du Code de procédure civile.

Conformément à l’article 473 du Code de procédure civile, la décision à intervenir sera réputée contradictoire à l’égard de tous.

L’affaire a été mise en délibéré et rendue ce jour par mise à disposition au greffe en application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du Code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011, recodifiés par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 pour la partie législative, et par le décret n° 884 du 29 juin 2016 pour la partie réglementaire.

L’article R.632-1 du Code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du Code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 28 mai 2024.

L’article L.312-39 du Code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du Code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l’absence de cause de nullité du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion
L’article R.312-35 du Code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal judiciaire dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet article précise que lorsque les modalités de règlement des échéances ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés.

En l’espèce, il résulte de l’historique produit que le premier impayé non régularisé remonte au 4 décembre 2022. La société BNP PARIBAS est recevable en son action, l’assignation datant du 9 avril 2024, soit moins de deux ans après le premier impayé non régularisé.

Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1217 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés.

Aux termes de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du Code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Civ 1ère, 3 juin 2015).

La mise en demeure que le créancier doit adresser au débiteur n’étant pas de nature contentieuse, les dispositions des articles 665 à 670-3 du Code de procédure civile ne sont pas applicables et le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n’affecte pas sa validité. (Civ 1ère, 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.680, publié)

En l’espèce, le contrat de prêt n’exclut pas de manière expresse et non équivoque l’envoi d’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme et la demanderesse produit aux débats une mise en demeure en date du 10 janvier 2023 de payer la somme de 746,24 euros correspondant aux mensualités impayées du contrat et informe l’emprunteur de la déchéance du terme à défaut de paiement sous 15 jours, le montant total restant dû devenant exigible.

A défaut de paiement, il y a lieu de constater que la déchéance du terme du contrat n° 619.035/35 est valablement intervenue le 28 août 2023.

Sur la créance de la banque et la déchéance du droit aux intérêts
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires.

Toutefois le créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation doit justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le Code de la consommation[2], en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires pour la vérification de solvabilité du débiteur dès lors que le montant du crédit excède 3 000 euros (article D.312-7), à savoir, la copie des pièces justificatives (identité, domicile et revenu) exigées par l’article D.312-8, la preuve de l’exécution du respect de l’obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations (article L.312-16).

[2] Pour alléger la lecture de la décision il ne sera pas repris la référence au Code de la consommation pour les articles dudit code visés par la suite.

En effet, selon cet article, avant de conclure le contrat de crédit, quel qu’en soit le montant, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Ainsi, de simples déclarations non étayées faites par un consommateur ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives (CJUE, 4e ch., 18 décembre 2014, aff. C-449/13, § 37).

Dès lors qu’il incombe au créancier qui réclame l’exécution d’un contrat d’en établir la régularité au regard des textes d’ordre public sur la consommation, et donc de prouver qu’il a bien procédé à la vérification de la solvabilité en exigeant les pièces justificatives nécessaires, le prêteur doit rapporter la preuve de ses diligences et donc produire le double des pièces exigées.

Par ailleurs, la convention de prêt objet de la présente instance est soumise aux conditions de la loi du1er juillet 2010 dite loi Lagarde, laquelle a mis à la charge des prêteurs de nouvelles obligations, et notamment celle de consulter avant toute opération de crédit le Fichier des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers ou FICP (article L.312-16 du Code de la consommation). En cas de non-respect de cette formalité, le juge peut priver le prêteur en tout ou partie de son droit aux intérêts (article L.341-2 du Code de la Consommation).

En l’espèce, il n’est produit aucun justificatif de cette consultation.

La violation, caractérisée ci-dessus, des dispositions de l’article L.312-16 précité est sanctionnée par la déchéance de tout ou partie du droit aux intérêts, depuis l’origine, par application de l’article L.341-2. En l’espèce, la demanderesse ne produit aucun élément permettant de prononcer une déchéance partielle des droits.

Conformément à l’article L.341-8, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû ; cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires : frais de toute nature (Civ 1ère, 31 mars 2011, n° 09-69963 – CA Paris, 29 septembre 2011, Pôle 04 Ch. 09 n° 10/01284), et primes d’assurances, dont il est constant qu’une part importante est rétrocédée à l’établissement de crédit, sous forme de commissions, par l’assureur de groupe (Cf. J. Kullmann, Petites affiches, 17 juin 1998, n° 72, p. 46) ainsi qu’à l’indemnité de 8%.

Les sommes dues se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [D] [X] [W] [T] (20 000 euros) et les règlements effectués par ce dernier (1 278,73 + 7 975,08 = 9 253,81euros), tels qu’ils résultent du décompte arrêté au 28 août 2023 et actualisé des versements reçus depuis, arrêtés à la date du 13 mai 2024, soit 10 746,19 euros.

Afin d’assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, exigence réaffirmée par l’arrêt CJUE du 27/03/2014, C-565/12, il convient d’écarter, compte tenu de l’importance que revêt la vérification de solvabilité dans le cadre de l’octroi d’un crédit, toute application de l’article 1231-6 du Code civil et L.313-3 du Code monétaire et financier et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal.

Compte tenu de l’engagement solidaire de M. [H] [I] [J] à titre de caution, ce dernier sera donc également condamné au paiement de ladite somme.

Sur la capitalisation des intérêts
1Les dispositions de l’article L.312-38 du Code de la consommation font obstacle à la capitalisation des intérêts telle que prévue par l’article 1343-2 du Code civil, les articles L.311-39 et L.311-40 du Code de la consommation ne prévoyant pas, en cas de défaillance de l’emprunteur, la mise à sa charge de ce coût supplémentaire, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation sous l’empire des textes antérieurs à la loi n° 2010-737 du 01/07/2010 rédigés de manière identique (Civ. 1ère, 9 février 2012, n° 11-14605).

La demande de capitalisation des intérêts sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes accessoires
En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.

En application de l’article 514 du Code de Procédure civile, l’exécution provisoire, de droit en la matière, ne sera pas écartée.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant publiquement en premier ressort par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

DIT que l’action de la société BNP PARIBAS n’est pas forclose ;

CONSTATE que la déchéance du terme est valablement intervenue ;

CONDAMNE solidairement M. [D] [X] [W] [T] et M. [H] [I] [J] Mme [N] [E] à payer à la société BNP PARIBAS la somme de 10 746,19 euros ;

CONDAMNE in solidum M. [D] [X] [W] [T] et M. [H] [I] [J] aux dépens conformément à l’article 696 du Code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par le juge et le greffier susnommés et mis à disposition au greffe.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


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