M. [T] [L] a contracté un crédit personnel de 25 000 euros auprès de la SA BNP PARIBAS le 10 novembre 2021, avec un remboursement en 60 mensualités à un taux de 2,52 % par an. Suite à des échéances non réglées, la société a notifié la déchéance du terme le 29 septembre 2022. Le 5 février 2024, BNP PARIBAS a assigné M. [T] [L] devant le juge des contentieux de la protection à Paris pour obtenir le paiement de 17 572,62 euros pour mensualités impayées, 1 344,49 euros pour indemnité de résiliation, la capitalisation des intérêts, l’exécution provisoire de la décision, 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et le remboursement des dépens. Lors de l’audience du 28 mai 2024, la société a demandé le bénéfice de son exploit introductif d’instance, tandis que plusieurs points de droit ont été soulevés, sans réponse de la demanderesse. M. [T] [L] n’a pas comparu. La décision sera réputée contradictoire selon l’article 473 du Code de procédure civile. L’affaire a été mise en délibéré et la décision rendue ce jour.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Monsieur [T] [L]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 24/02054 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4CNR
N° MINUTE :
3-2024
JUGEMENT
rendu le jeudi 29 août 2024
DEMANDERESSE
S.A. BNP PARIBAS, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON de la SELARL DOUCHET DE LAVENNE Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #J0131
DÉFENDEUR
Monsieur [T] [L], demeurant [Adresse 2]
non comparant, ni représenté
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe, juge des contentieux de la protection assistée de Audrey BELTOU, Greffière lors de l’audience et de Antonio FILARETO, Greffier lors du prononcé
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 28 mai 2024
Délibéré le 29 août2024
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 29 août 2024 par Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe assistée de Antonio FILARETO, Greffier
Décision du 29 août 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/02054 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4CNR
M. [T] [L] a souscrit auprès de la SA BNP PARIBAS, le 10 novembre 2021 un contrat de crédit personnel n° 602.210/72 d’un montant de 25 000 euros, remboursable au taux conventionnel de 2,52% l’an en 60 mensualités de 1 102,23 euros
Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société de crédit a entendu se prévaloir de la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 29 septembre 2022.
Par acte de commissaire de justice en date du 5 février 2024, la SA BNP PARIBAS a fait assigner M. [T] [L], devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, afin d’obtenir,
-la condamnation du défendeur au paiement des sommes suivantes :
– 17 572,62 euros, au titre des mensualités impayées du prêt, augmentée des intérêts de retard courus au taux conventionnel de 2 ,52% l’an à compter du 4 janvier 2024 jusqu’au jour du parfait paiement,
– 1 344,49 euros au titre de l’indemnité de résiliation de 8 %
– la capitalisation des intérêts
– l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
– 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– la condamnation du défendeur aux dépens.
A l’audience du 28 mai 2024, la SA BNP PARIBAS représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son exploit introductif d’instance. Les diverses obligations édictées par le Code de la consommation relatives à une éventuelle forclusion de son action, la nullité du contrat pour omission de la date d’acceptation de l’offre et déblocage des fonds anticipée, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (mentions et présentation de l’encadré du contrat, FIPEN et mentions obligatoires de cette fiche, notice d’assurance, consultation du FICP, vérification solvabilité) ainsi que l’exclusion des intérêts légaux ont été mis dans le débat d’office.
La demanderesse n’a pas fait valoir d’observation sur ces points. Elle a été autorisée à produire par note en délibéré la justification de l’envoi par le commissaire de justice de la lettre prévue par l’article 659 du Code de procédure civile.
Assigné régulièrement par acte remis sous la forme d’un procès-verbal de recherches infructueuses, M. [T] [L] n’a pas comparu, ni personne pour lui.
Conformément à l’article 473 du Code de procédure civile, la décision à intervenir sera réputée contradictoire.
L’affaire a été mise en délibéré et rendue ce jour par mise à disposition au greffe en application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.
En application des dispositions de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
La convention de compte de chèque et le contrat de prêt n°61881880 ne sont pas produits. La réalité des contrats est néanmoins établie par la production de l’historique du crédit, les relevés du compte de chèque portant mention du débit des échéances du prêt et les courriers recommandés relatifs à ces contrats, lesquels n’ont pas été contestés.
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du Code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011, recodifiés par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 pour la partie législative, et par le décret n° 884 du 29 juin 2016 pour la partie réglementaire.
L’article R.632-1 du Code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du Code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 28 mai 2024.
L’article L.312-39 du Code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif les sommes, restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du Code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.
Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l’absence de cause de nullité du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la forclusion
L’article R.312-35 du Code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal judiciaire dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet article précise que lorsque les modalités de règlement des échéances ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés.
En l’espèce, le premier impayé non régularisé pour chacun des contrats remonte au 4 juillet 2022. La SA BNP PARIBAS est recevable en son action, l’assignation étant en date du 21 mars 2024, soit moins de deux ans après le premier impayé non régularisé.
Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1217 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés.
Aux termes de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du Code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Civ 1ère, 3 juin 2015).
La mise en demeure que le créancier doit adresser au débiteur n’étant pas de nature contentieuse, les dispositions des articles 665 à 670-3 du Code de procédure civile ne sont pas applicables et le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n’affecte pas sa validité. (Civ 1ère, 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.680, publié)
En l’espèce, il est produit une mise en demeure en date du 23 mai 2022 visant l’exigibilité anticipée du crédit à défaut de régularisation des impayés.
La déchéance du terme a donc été valablement prononcée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 septembre 2022.
Sur la créance de la banque et la déchéance du droit aux intérêts
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires.
Toutefois le créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation doit justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le Code de la consommation[2], en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires pour la vérification de solvabilité du débiteur dès lors que le montant du crédit excède 3 000 euros (article D.312-7), à savoir, la copie des pièces justificatives (identité, domicile et revenu) exigées par l’article D.312-8, la preuve de l’exécution du respect de l’obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations (article L.312-16).
[2] Pour alléger la lecture de la décision il ne sera pas repris la référence au Code de la consommation pour les articles dudit code visés par la suite.
En effet, selon cet article, avant de conclure le contrat de crédit, quel qu’en soit le montant, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Ainsi, de simples déclarations non étayées faites par un consommateur ne peuvent, en elles-mêmes, être qualifiées de suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de pièces justificatives (CJUE, 4e ch., 18 décembre 2014, aff. C-449/13, § 37).
Dès lors qu’il incombe au créancier qui réclame l’exécution d’un contrat d’en établir la régularité au regard des textes d’ordre public sur la consommation, et donc de prouver qu’il a bien procédé à la vérification de la solvabilité en exigeant les pièces justificatives nécessaires, le prêteur doit rapporter la preuve de ses diligences et donc produire le double des pièces exigées.
Par ailleurs, la convention de prêt objet de la présente instance est soumise aux conditions de la loi du1er juillet 2010 dite loi Lagarde, laquelle a mis à la charge des prêteurs de nouvelles obligations, et notamment celle de consulter avant toute opération de crédit le Fichier des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers ou FICP (article L.312-16 du Code de la consommation). En cas de non-respect de cette formalité, le juge peut priver le prêteur en tout ou partie de son droit aux intérêts (article L.341-2 du Code de la Consommation).
En l’espèce, il n’est pas justifié de la consultation du FICP.
La violation, caractérisée ci-dessus, des dispositions de l’article L.312-16 précité est sanctionnée par la déchéance de tout ou partie du droit aux intérêts, depuis l’origine, par application de l’article L.341-2. En l’espèce, la demanderesse ne produit aucun élément permettant de prononcer une déchéance partielle des droits.
Conformément à l’article L.341-8, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû ; cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires : frais de toute nature (Civ 1ère, 31 mars 2011, n° 09-69963 – CA Paris, 29 septembre 2011, Pôle 04 Ch. 09 n° 10/01284), et primes d’assurances, dont il est constant qu’une part importante est rétrocédée à l’établissement de crédit, sous forme de commissions, par l’assureur de groupe (Cf. J. Kullmann, Petites affiches, 17 juin 1998, n° 72, p. 46) ainsi qu’à l’indemnité de 8%.
Les sommes dues se limiteront dès lors à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de M. [T] [L] et les règlements effectués par ce dernier, tels qu’ils résultent de l’historiques de prêt produit, soit la somme de 17 572,62 euros après déduction de 8 802, 31 euros versés (7×1 102,23 + 1 086,70 euros).
1Afin d’assurer l’effectivité du droit de l’Union européenne dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, exigence réaffirmée par l’arrêt CJUE du 27/03/2014, C-565/12, il convient d’écarter, compte tenu de l’importance que revêt la vérification de solvabilité dans le cadre de l’octroi d’un crédit, toute application de l’article 1231-6 du Code civil et L.313-3 du Code monétaire et financier et de dire que cette somme ne produira aucun intérêt, même au taux légal ;
Sur la capitalisation des intérêts
1Les dispositions de l’article L.312-38 du Code de la consommation font obstacle à la capitalisation des intérêts telle que prévue par l’article 1343-2 du Code civil, les articles L.311-39 et L.311-40 du Code de la consommation ne prévoyant pas, en cas de défaillance de l’emprunteur, la mise à sa charge de ce coût supplémentaire, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation sous l’empire des textes antérieurs à la loi n° 2010-737 du 01/07/2010 rédigés de manière identique (Civ. 1ère, 9 février 2012, n° 11-14605).
La demande de capitalisation des intérêts sera en conséquence rejetée.
Sur les demandes accessoires
En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens.
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du Code de procédure civile.
En application de l’article 514 du Code de Procédure civile, l’exécution provisoire, de droit en la matière, ne sera pas écartée.
Le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant publiquement en premier ressort par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
CONSTATE que l’action de la SA BNP PARIBAS n’est pas forclose ;
CONSTATE que la déchéance du terme est valablement intervenue ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA BNP PARIBAS au titre du prêt n°602.210/72 souscrit par M. [T] [L], le 10 novembre 2021 ;
CONDAMNE M. [T] [L] à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 17 572,62 euros ;
DEBOUTE la SA BNP PARIBAS de ses demandes plus amples et contraires ;
CONDAMNE M. [T] [L] aux dépens conformément à l’article 696 du Code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;
Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par le juge et le greffier susnommés et mis à disposition au greffe.
Le greffier Le juge des contentieux de la protection