La BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE (BPCF) a accordé un contrat de crédit à [P] [S] le 1er avril 2016, d’un montant de 45.542 euros, destiné à rembourser plusieurs crédits antérieurs. En octobre 2019, le contrat a été modifié pour réduire les mensualités. À partir de juin 2021, [P] [S] a cessé de payer régulièrement les échéances, ce qui a conduit la BPCF à mettre en demeure [P] [S] pour le paiement des mensualités impayées. En février 2022, la BPCF a prononcé la déchéance du terme du contrat et a assigné [P] [S] en justice. Le jugement du 9 décembre 2022 a déclaré la BPCF recevable dans ses demandes, a prononcé la déchéance des intérêts, et a condamné [P] [S] à payer une somme pour solde du contrat. La BPCF a interjeté appel, demandant la réformation du jugement concernant les intérêts et le montant de la condamnation. [P] [S] n’a pas constitué avocat, et l’ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023, avec une audience de plaidoirie prévue pour le 16 février 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CC
N° RG 23/00096 – N° Portalis DBWB-V-B7H-F3WM
S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE ‘LBPCF (EX SA BANQUE POSTALE FINANCEMENT
C/
[S]
COUR D’APPEL DE SAINT – DENIS
ARRÊT DU 20 SEPTEMBRE 2024
Chambre civile TGI
Appel d’une décision rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE SAINT PIERRE en date du 09 DECEMBRE 2022 suivant déclaration d’appel en date du 16 JANVIER 2023 RG n° 22/01791
APPELANTE :
S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE LBPCF (EX SA BANQUE POSTALE FINANCEMENT
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉ :
Monsieur [P] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
DATE DE CLÔTURE : 28 septembre 2023
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Février 2024 devant Madame COMBEAU Chantal, présidente de chambre, qui en a fait un rapport, assistée de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l’issue des débats, que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 30 Août 2024.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Chantal COMBEAU, présidente de chambre
Conseiller : Monsieur Cyril OZOUX, président de chambre
Conseiller : Madame Nathalie BRUN, présidente de chambre
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 20 septembre 2024, après prorogation.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Selon offre préalable, acceptée le 1er avril 2016, la BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE (BPCF) a consenti à [P] [S] un contrat de crédit n°50361077717 d’un montant de 45.542 euros remboursable en 144 mensualités de 565,15 euros (dont 50,37 euros d’assurance), outre les intérêts au taux annuel effectif global fixe de 7,52%, afin de rembourser quatre crédits souscrits auprès de la CAISSE d’EPARGNE (6159€), la société VOLKSWAGEN BANL (22000€), la BNP PARIBAS (8822€) et la société FINANCO (7561€).
Le 31 octobre 2019, le contrat a fait l’objet d’un aménagement de crédit portant les échéances à 560,71 euros (dont 43,83€ d’assurance) remboursables en 116 mois à compter du 10 novembre 2019.
Les échéances du prêt n’étant plus payées régulièrement à compter du 20 juin 2021, la BPCF a mis en demeure [P] [S], par lettres recommandées avec accusé de réception des 7 juillet puis 12 octobre 2021, cette dernière reçue le 19 octobre 2021, de lui régler la somme de 3014,78 euros correspondant au montant des mensualités impayées.
Par lettre recommandée avec accusé réception en date 28 février 2022, reçue le 2 mars 2022, la BPCF a prononcé la déchéance du terme du contrat et mis en demeure [P] [S] de lui régler la somme de 43.752,20 euros représentant le montant de la créance, sous réserve des intérêts contractuels.
Par acte d’huissier en date du 8 juin 2022, la BPCF a assigné [P] [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion.
Par jugement réputé contradictoire en l’absence du défendeur, en date du 9 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection de Saint Pierre a :
dit la BPCF recevable en ses demandes,
prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts de la BPCF au titre du contrat de crédit n°50361077717 conclu le 1er avril 2016 avec [P] [S] à compter de la date de conclusion du prêt,
condamné [P] [S] à payer à la BPCF la somme de 6434,71 euros pour solde du contrat de crédit °50361077717 conclu le 1er avril 2016, outre intérêts au taux légal non majorés à compter du 28 février 2022,
rappelé qu’en cas de mise en place d’une procédure de surendettement, la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixées dans la dite procédure,
débouté les parties du surplus de leurs demandes,
condamné [P] [S] aux dépens de l’instance,
rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration au greffe de la cour d’appel de Saint Pierre en date du 16 janvier 2023, la BPCF a interjeté appel du jugement, limitant l’objet de son recours au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts de la banque, au montant de la condamnation de [P] [S] pour solde du contrat au vu du montant des versements retenus par le juge et au rejet de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par RPVA le 12 avril 2023, la BPCF demande à la cour, au visa des articles L311-1 et suivants du Code de la consommation, de :
déclarer son appel recevable,
à titre principal,
réformer le jugement en ce qu’il l’a déchu de son droit aux intérêts contractuels et condamner [P] [S] au paiement de la somme principale de 44.491,09 euros, avec intérêts de droit,
à titre subsidiaire,
réformer le jugement en ce qu’il a limité la condamnation de [P] à la somme de 6434,71 euros et le condamner au paiement de la somme de 20.223, 25 euros avec intérêts de droit,
en tout état de cause,
condamner [P] [S] à lui verser la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la BPCF fait valoir, à titre principal que la consultation du FICP est conforme aux exigences légales et que, intervenue avant le déblocage des fonds, elle ne peut être considérée comme tardive.
A titre subsidiaire, elle soutient que la totalité des sommes versées par [P] [S] est de 29.318,75 et non comme retenu par erreur par le premier juge, de 43.107,29 euros.
[P] [S] n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2023.
L’audience de plaidoirie s’est tenue le 16 février 2024. Le délibéré, initialement fixé au 21 juin 2024 a été prorogé au 20 septembre 2024.
En application des dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile, [P] [S], qui n’a pas conclu, sera considéré comme s’appropriant les motifs du jugement de première instance.
Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels
L’article L341-2 du Code de la consommation dispose que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L312-4 et L312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
L’article L312-16 du Code de la consommation impose au prêteur, avant la conclusion du contrat de crédit, de vérifier la solvabilité de l’emprunteur. A ce titre, il a l’obligation de consulter le Fichier national des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers (FICP) prévu à l’article L751-1 du même code. L’article 3 de l’arrêté du 17 février 2020 modifiant l’article 13 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au FICP oblige les prêteurs à conserver des preuves de la consultation sur un support durable afin de pouvoir en justifier. La preuve de la consultation doit comporter, afin d’écarter tout risque d’homonymie et garantir que la consultation opérée l’a bien été auprès de la Banque de France, les éléments suivants :
dénomination de l’établissement bancaire ayant effectué la consultation,
code interbancaire de l’établissement,
la clé de la Banque de France consultée (clé BDF),
le motif de la consultation,
la nature du crédit,
le numéro de consultation attribué par la Banque de France,
l’horodatage de la réponse,
le vecteur d’échange utilisé pour la consultation.
Elle doit aussi mentionner l’identité de l’emprunteur et le résultat de la consultation (fiché ‘ non fiché).
La preuve de cette consultation incombe au prêteur auquel revient la charge, en application des dispositions de l’article 1353 du Code civil, d’établir qu’il a satisfait aux formalités d’ordre public du code de la consommation.
En l’espèce, le document que la BPCF verse aux débats (pièce 8) pour établir qu’elle a consulté le FICP, ne mentionne ni le numéro de consultation attribué par la Banque de France, ni l’horodatage de la réponse, ni le vecteur d’échange utilisé pour la consultation ni surtout, le résultat de la consultation.
Par ailleurs, la date de consultation mentionnée sur le document est le 29 avril 2016. Or, l’emprunteur avait en vertu des dispositions de l’article L312-19 du code de la consommation un délai de 14 jours pour se rétracter, soit en l’espèce jusqu’au 14 avril 2016, l’offre de prêt ayant été acceptée le 1er avril 2016.
La BPCF soutient que l’absence de mention du résultat de la consultation équivaut à une mention « non fiché » sans toutefois en justifier. Elle soutient en outre que sa consultation n’est pas tardive puisqu’elle serait intervenue avant le déblocage des fonds le 30 avril 2016, sans là encore en justifier.
Au vu de ces éléments, c’est à raison que le juge de première instance a considéré que la consultation par la BPCF était à la fois incomplète et tardive et qu’il en en conséquence déchu la banque de son droit aux intérêts contractuels.
Sur les sommes restant dues
Aux termes de l’article L341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts sont imputées sur le capital restant dû.
Le juge des contentieux de la protection a considéré que cette limitation légale de la créance du prêteur excluait qu’il puisse prétendre au paiement de la clause pénale et des cotisations d’assurance.
En vertu de l’article 1231-6 du Code civil, le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure.
L’article L313-3 du Code monétaire et financier dispose qu’en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire. Cette disposition doit cependant être écartée s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion, d’efficacité et de proportionnalité.
Sur ce fondement, le juge des contentieux de la protection a exclu la majoration de l’intérêt au taux légal.
Ces deux points ne sont pas contestés par la BPCF, qui fonde son appel sur l’erreur qu’aurait commise le premier juge dans le calcul des sommes déjà versées par l’emprunteur et donc sur le montant des sommes lui restant dues.
En première instance, la BPCF produisait l’historique du dossier de [P] [S] (pièce 12), difficilement exploitable en l’état et l’historique du compte (pièce 13) portant une mention manuscrite « règlements clients en date et montant 30.052,61€ ». Le premier juge a estimé que les versements antérieurs à la déchéance du terme, intervenue le 28 février 2022, se montait à la somme de 43.107,29 euros, sans effectivement préciser le mode de calcul retenu.
La BPCF fournit en cause d’appel un nouveau document (pièce 19) sur lequel figure au titre des mensualités réglées par l’emprunteur jusqu’au 14 juin 2021 (date du premier impayé non régularisé), un montant global de 29.318,75 euros dont se prévaut la banque.
Les documents fournis par la banque se contredisent.
Il est en revanche constant que le montant des mensualités de remboursement était de 565,15 euros du mois d’avril 2016 au mois de novembre 2019 (soit 44 mois), puis de 560,71 euros à compter du mois de décembre 2019. Il est de la même manière non contesté que le premier impayé non régularisé date du mois de juin 2021.
[P] [S] ne justifie pas avoir réglé des mensualités postérieurement au mois de juin 2021, preuve qui lui incombe en application des dispositions de l’article 1353 du code civil. Il sera donc considéré qu’aucun règlement n’est intervenu depuis le mois de juin 2021.
[P] [S] a donc réglé la somme de 34.959,38 ([565,15×44] + [560,71×18]) euros au titre du crédit souscrit le 1er avril 2016.
Le capital emprunté se montait à la somme de 49.542 euros.
[P] [S] reste donc redevable à la BPCF de la somme de 14.582,62 (49542 ‘ 34959,38) euros, outre intérêts au taux légal non majorés à compter du 28 février 2022.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
[P] [S], partie succombante au principal, supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.
L’équité, au vu de la situation économique de l’emprunteur et des manquements commis par la banque, commande de ne pas faire droit à la demande de celle-ci sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.