Analyse des obligations contractuelles et des garanties dans le cadre de travaux de copropriété

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Analyse des obligations contractuelles et des garanties dans le cadre de travaux de copropriété

La Sas Foncia Normandie, en tant que syndic du syndicat des copropriétaires, a commandé des travaux d’embellissement à la Sarl Etablissements Dolpierre pour un montant de 79 579,50 euros. Suite à des désaccords sur la qualité des travaux et des factures impayées, la Sarl a demandé une garantie de paiement au syndic, sans succès. En mai 2023, elle a assigné le syndicat des copropriétaires en référé pour obtenir cette garantie, ainsi qu’un paiement provisoire de 46 156,11 euros. Le tribunal a rejeté ses demandes, ordonné une expertise sur les malfaçons alléguées et condamné la Sarl à payer 1 500 euros au syndicat. La Sarl a fait appel de cette décision, demandant l’annulation de l’ordonnance et le paiement d’une somme moindre. Le syndicat a contesté l’appel, soutenant que les obligations de garantie de paiement ne s’appliquent pas à lui et que les travaux réalisés étaient sujets à des malfaçons. Une expertise judiciaire a été ordonnée pour examiner les désordres et évaluer les responsabilités.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

18 septembre 2024
Cour d’appel de Rouen
RG
24/00010
N° RG 24/00010 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JRJG

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

23/00207

Président du tribunal judiciaire d’Evreux du 20 septembre 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS DOLPIERRE

RCS d’Evreux 667 250 427

[Adresse 10]

[Localité 1]

représentée et assistée par Me Aurélie BLONDE de la SELARL THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de l’Eure substituée par Me THOMAS-COURCEL

INTIME :

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble [5] représenté par son syndic, la Sas FONCIA NORMANDIE

RCS de Rouen 394 288 401

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assisté de Me Dmitroff de la Scp DPR Avocats, avocat au barreau de Rouen plaidant par Me DUBREIL

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 12 juin 2024 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 12 juin 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 septembre 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 18 septembre 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Selon devis n°NEUB6942 du 29 mai 2019, la Sas Foncia Normandie agissant en sa qualité de syndic du syndicat des copropriétaires du [5] [4], a commandé à la Sarl Etablissements Dolpierre des travaux d’embellissements extérieurs de l’ensemble immobilier sis [Adresse 9] et [Adresse 8] à [Localité 7], et ce pour un montant de 79 579,50 euros TTC.

Après interruption du chantier et factures demeurant impayées à la suite d’un désaccord sur la qualité des travaux, la Sarl Etablissements Dolpierre a sollicité en vain du syndic une garantie de paiement.

Par acte du 11 mai 2023, la Sarl Etablissements Dolpierre a fait assigner le syndicat des copropriétaires du [5] [Localité 7], représenté par son syndic en exercice la société Foncia Normandie devant le président du tribunal judiciaire d’Evreux, statuant en référés aux fins de voir condamner le syndicat des copropriétaires à lui fournir une garantie de paiement conforme aux dispositions de l’article 1799-1 du code civil, et ce, sous astreinte journalière de 250 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, condamner par provision le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 46 156,11 euros, condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 1 350 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.

Par ordonnance contradictoire du 20 septembre 2023, le président du tribunal judiciaire d’Evreux a :

– rejeté les demandes de la Sarl Etablissements Dolpierre,

– ordonné une mission d’expertise confiée à M. [N],

– dit que l’expert aura pour mission essentiellement d’examiner les désordres, malfaçons, non-façons, non-conformités contractuelles et aux règles techniques applicables, allégués dans l’assigniation, le procès-verbal de constat du 20 mai 2019 et le rapport de M. [M] en date du 26 octobre 2019, les décrire, en indiquer la nature, l’importance, la date d’apparition, en rechercher la ou les causes, fournir tout renseignement de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues,

– chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d’un maître d’oeuvre, le coût de ces travaux, fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d’évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état,

– condamné la Sarl Etablissements Dolpierre à payer au syndicat des copropriétaires du [5] [Localité 7], représenté par son syndic en exercice la société Foncia Normandie la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Sarl Etablissement Dolpierre aux dépens,

– rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

Par ordonnance du 10 octobre 2023, M. [N] a été remplacé par M. [U].

Par déclaration reçue au greffe le 29 décembre 2023, la Sarl Etablissements Dolpierre a formé appel de la décision.

Par décision du président de chambre du 5 février 2024, l’affaire a été fixée, suivant les modalités des articles 905 et suivants du code de procédure civile, à l’audience du 12 juin 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 27 février 2024, la Sarl Etablissements Dolpierre demande à la cour, au visa des articles 455 et 458, 146 et 835 du code de procédure civile, 1799-1 du code civil, de :

– annuler l’ordonnance de référé entreprise,

subsidiairement,

– infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,

statuant à nouveau,

– condamner le syndicat des copropriétaires du [5] [4] à lui fournir une garantie de paiement conforme aux dispositions de l’article 1799-1 du code civil, et ce, sous astreinte journalière de 250 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

– condamner par provision le syndicat des copropriétaires du [5] [4] à lui payer la somme de 19 895,59 euros TTC, outre intérêts de droit à compter de l’assigniation et capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

– débouter le syndicat des copropriétaires du [5] [Localité 7] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner le syndicat des copropriétaires du [5] [4] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le syndicat des copropriétaires du [5] [Localité 7], aux dépens de l’instance, tant de première instance que d’appel, lesquels comprendront les frais du procès-verbal de constat du 27 mai 2019.

Elle sollicite l’annulation de la décision entreprise au motif qu’elle avait soulevé dans ses conclusions un moyen en faisant valoir que le syndicat des copropriétaires n’agissait pas pour son compte propre mais pour celui des copropriétaires, seuls propriétaires des parties communes ; que le premier juge n’y a pas répondu. Le défaut de réponse à conclusions est assimilé à un défaut de motivation et justifie l’annulation de la décision litigieuse.

Sur la garantie de paiement, elle soutient que le marché étant supérieur au seuil de 12 000 euros, et contrairement aux dispositions de l’article 1799-1 du code civil, aucune garantie ne lui a été fournie malgré demande par une mise en demeure. Ayant visé le caractère d’ordre public du texte, elle précise que l’alinéa 4 de l’article 1799-1 du code civil a seulement pour effet de rendre inapplicable l’alinéa 3 précédent et non l’ensemble du texte ; que même si le syndicat remplissait les conditions de l’alinéa 4, soit l’hypothèse d’un maître d’ouvrage agissant dans son intérêt propre et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas d’une activité professionnelle en rapport avec ce marché, le premier paragraphe posant le principe d’une obligation relative à la garantie de paiement s’appliquerait. En outre, les deux conditions posées par l’alinéa 4 sont cumulatives ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisque le syndicat des copropriétaires n’a pas d’activité professionnelle. Elle ajoute que le syndicat des copropriétaires n’agit pas pour son propre compte mais pour celui des copropriétaires de sorte que l’article 1799-1 du code civil est applicable.

Concernant la provision au titre des travaux déjà réalisés, elle sollicite la condamnation par provision du syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 19 895,59 euros. En l’espèce elle relève que les travaux ont été interrompus avant d’être achevés et ce conformément à la demande du syndic, dès lors les travaux déjà réalisés ont été facturés. Le syndicat des copropriétaires ne peut donc invoquer l’exception d’inexécution afin de s’exempter de paiement. Elle maintient que l’existence d’éventuelles malfaçons, au demeurant non démontrées, ne peuvent justifier qu’une action indemnitaire et non une absence de paiement dans le cadre de l’exception soulevée. Il faudrait démontrer de surcroît une inexécution grave ce qui n’est pas établi puisque de façon incompatible, le premier juge a ordonné une expertise. Ce dernier a ainsi commis une erreur de droit. Elle répond aux différentes critiques formulés par le syndicat des copropriétaires en soulignant qu’elle a facturé un taux d’avancement de 95 % alors que le syndicat des copropriétaires n’a payé qu’un montant représentant 73,68 % des sommes dues.

Sur la demande d’expertise formulée par le syndicat des copropriétaires, elle sollicite l’infirmation de la décision critiquée. Au regard des dispositions de l’article 146 du code de procédure civile, en aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve. En l’espèce, elle s’interroge sur l’intérêt légitime d’une telle demande de la part du syndicat concernant un chantier arrêté il y a près de cinq ans à leur demande, rien ne démontrant de plus que les ouvrages peints n’ont pas été dégradés depuis lors et relevant également qu’un état des lieux avait déjà été établi par deux commissaires de justice et qu’une expertise non contradictoire a déjà été réalisée.

Par dernières conclusions notifiées le 22 mars 2024, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [5], représenté par son syndic en exercice la Sas Foncia Normandie, demande à la cour de :

– débouter la société Etablissements Dolpierre de son appel tendant à l’annulation et à l’infirmation de l’ordonnance entreprise,

– confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

– condamner la société Etablissements Dolpierre à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel,

– condamner la société Etablissements Dolpierre aux dépens de l’appel,

à titre subsidiaire et s’il était fait droit à l’appel tendant à l’annulation de l’ordonnance entreprise,

– débouter la société établissements Dolpierre de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– désigner M. [U] et à défaut tel expert qu’il plaira à la Cour, avec pour mission de :

. prendre connaissance de tous documents contractuels et techniques, tels que plans, devis, marchés et autres,

. se rendre sur les lieux sis [Adresse 6] à [Localité 7], après y avoir convoqué les parties,

. examiner les désordres, malfaçons, non-façons, non-conformités contractuelles et aux règles techniques applicables, allégués dans l’assignation, le procès-verbal de constat du 20 mai 2019 et le rapport de M. [M] en date du 26 octobre 2019,

. les décrire, en indiquer la nature, l’importance, la date d’apparition, en rechercher la ou les causes,

. fournir tout renseignement de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues,

. après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d’exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d’un maître d’oeuvre, le coût de ces travaux,

. fournir tous les éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d’évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirectes, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état,

. le cas échéant, donner son avis sur les mémoires et situations de l’entreprise, ainsi que sur les postes de créance constestés et notamment par exemple sur les créances relatives au compte prorata,

. proposer un apurement des comptes entre les parties en distinguant le cas échéant les moins-values résultant de travaux entrant sur le devis et non exécutés, et plus généralement en distinguant les coûts de reprise nécessaires,

. faire toutes observations utiles au règlement du litige,

– condamner la société Etablissements Dolpierre à lui payer la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés,

– condamner la société Etablissements Dolpierre aux dépens de première instance et d’appel.

Il conclut au rejet de la demande d’annulation de la décision critiquée présentée par la Sarl Etablissements Dolpierre relevant que le premier juge a parfaitement répondu au moyen soulevé en écrivant qu’ ‘ il a été jugé que les travaux commandés par une copropriété le sont pour son compte propre’ ; que le moyen soulevé est inopérant.

Concernant la demande d’infirmation relative à la production d’une garantie de paiement, il relève que les obligations de l’article 1799-1 du code civil ne peuvent s’appliquer à un syndicat de copropriété ; sauf mandat spécial visant des travaux en partie privative, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le syndicat ne commande pas des travaux pour satisfaire un besoin en lien avec une activité professionnelle mais pour son propre compte. Il renvoie aux dispositions de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 posant le principe de la personnalité juridique du syndicat des copropriétaires représentant l’ensemble des copropriétaires. Il importe peu que les travaux aient été commandés par son syndic au visa de la jurisprudence de la Cour de cassation. Les dispositions de l’article 1799-1 du code civil n’ayant pas vocation à s’appliquer en l’espèce, aucune garantie de paiement ne peut être exigée.

Sur la demande de provision de la Sarl Etablissements Dolpierre, il souligne que les travaux déjà exécutés ont été intégralement réglés ; qu’ils sont cependant sujets à de multiples griefs et réclamations ; que c’est par ailleurs pour cette raison, alors qu’aucune solution amiable n’a été trouvée que le chantier a été arrêté. De plus, lors de l’expertise réalisée par M. [M], ce dernier a constaté une exécution des travaux non conforme au devis, relevant notamment de l’application de couche d’impression mais également d’une mise en oeuvre des travaux non conforme aux conditions climatiques résultant du DTU 59. L’ampleur des malfaçons et non-façons relevées justifie donc que soit invoquée une exception d’inexécution, dont la gravité est établie. Il y a lieu en conséquence de confirmer le débouté de la demande de provision.

Concernant l’expertise judiciaire, il sollicite la confirmation de la décision ayant ordonné une expertise judiciaire, afin de confirmer contradictoirement la réalité et les conséquences des malfaçons, non-façons et non-conformités relevées par M. [M] dans son rapport.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2024.

MOTIFS

Sur la demande d’annulation de l’ordonnance

L’article 455 du code de procédure civile dispose que le jugement doit être motivé. En application de l’article 458 du même code, cette disposition doit être observée à peine de nullité.

Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

En l’espèce, après avoir rappelé les dispositions de l’article 1799-1 du code civil, le premier juge a procédé à l’analyse des textes en visant précisément les ‘deux cas de figure’ dans lesquels la garantie était due pour exclure cette obligation en écrivant : ‘En l’espèce, il n’est pas contesté que le syndicat des copropriétaires n’a pas d’activité professionnelle. Par ailleurs, il est jugé que les travaux commandés par une copropriété le sont pour son propre compte’.

Il a ainsi répondu au moyen soulevé par la Sarl Etablissements Dolpierre tiré des conditions d’application du texte susvisé en procédant à une analyse pour aboutir à la solution retenue, le débouté. La divergence des analyses telle qu’exprimée par l’appelante se distingue de l’absence de motivation de la décision.

En conséquence, la décision critiquée répondant aux conclusions de la société de peinture, la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise sera écartée.

Sur la garantie de paiement

L’article 1799-1 du code civil dispose que :

– le maître de l’ouvrage qui conclut un marché de travaux privé visé au 3° de l’article 1779 doit garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues lorsque celles-ci dépassent un seuil fixé par décret en Conseil d’Etat.

– lorsque le maître de l’ouvrage recourt à un crédit spécifique pour financer les travaux, l’établissement de crédit ne peut verser le montant du prêt à une personne autre que celles mentionnées au 3° de l’article 1779 tant que celles-ci n’ont pas reçu le paiement de l’intégralité de la créance née du marché correspondant au prêt. Les versements se font sur l’ordre écrit et sous la responsabilité exclusive du maître de l’ouvrage entre les mains de la personne ou d’un mandataire désigné à cet effet.

– lorsque le maître de l’ouvrage ne recourt pas à un crédit spécifique ou lorsqu’il y recourt partiellement, et à défaut de garantie résultant d’une stipulation particulière, le paiement est garanti par un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit, une société de financement, une entreprise d’assurance ou un organisme de garantie collective, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. Tant qu’aucune garantie n’a été fournie et que l’entrepreneur demeure impayé des travaux exécutés, celui-ci peut surseoir à l’exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l’issue d’un délai de quinze jours.

– les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas lorsque le maître de l’ouvrage conclut un marché de travaux pour son propre compte et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.

Comme le précise expressément la Sarl Etablissements Dolpierre, ces dispositions sont d’ordre public.

En outre, le premier juge a visé à juste titre le seuil de 12 000 euros qui a été fixé par le décret n° 99-658 du 30 juillet 1999.

Si l’article 1799-1 susvisé fixe le principe de la garantie de paiement, il en fixe de façon stricte et circonstanciée, le régime dans les alinéas 2 et suivants en distinguant deux hypothèses :

– soit le maître d’ouvrage finance les travaux par un crédit spécifique, le paiement sera dès lors effectué suivant des modalités précises par l’établissement de crédit,

– soit le maître d’ouvrage n’a pas recours à un crédit ou partiellement et dès lors, il devra fournir un cautionnement solidaire par un établissement financier.

Ces deux hypothèses répondent aux conditions posées pour la mise en oeuvre de l’obligation de garantie sans en créer un principe autonome.

Placé dans ce dernier cas en l’espèce prévu par l’alinéa 3, le syndicat des copropriétaires est dispensé de fournir une garantie s’il répond aux conditions cumulatives de l’alinéa 4 qui renvoit expressément au paragraphe précédent relatif à la caution solidaire de l’établissement dédié.

En qualité de maître de l’ouvrage, il a conclu un marché de travaux :

– pour son propre compte.

Comme le rappelle le syndicat des copropriétaires au visa de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires est l’organe représentatif de l’ensemble des copropriétaires qui ne peuvent agir de façon individuelle que dans des cas et conditions déterminés.

Ce texte dispose en effet que la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. Il a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes.

– et pour la satisfaction de besoins ne ressortissant pas à une activité professionnelle en rapport avec ce marché.

Le besoin porte d’évidence sur des travaux d’entretien de l’immeuble sans lien avec une activité professionnelle, qui plus est avec le marché de peinture.

Les conditions de l’alinéa 4 étant remplies, c’est à juste titre que le premier juge a exclu toute obligation pour le syndicat des copropriétaires de fournir une garantie de paiement. La décision sera confirmée.

Sur la provision au titre des travaux déjà réalisés

Selon l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le premier juge a écarté la demande de la Sarl Etablissements Dolpierre en retenant l’existence d’une contestation sérieuse au regard des observations formulées par l’expert amiable en son rapport de 2019.

La Sarl Etablissements Dolpierre conteste l’application de l’exception d’inexécution rappelant que le syndicat des copropriétaires lui a démandé de suspendre les travaux et que les désordres ne sont pas de nature à faire obstacle au paiement d’une provision.

Le critère d’octroi d’une provision est l’absence de contestation sérieuse sur l’existence de la créance.

En l’espèce, le devis du 29 mai 2018 pour un montant de 79 579,50 euros a été accepté par le syndicat des copropriétaires ; il portait la mention d’un paiement par acompte de 30 % à la commande, le solde étant dû à réception de l’ouvrage.

La Sarl Etablissements Dolpierre a établi cinq factures de février à mai 2019 pour un montant total de 75 601,24 euros, le solde dû selon décompte du 20 juin 2023 s’élevant à la somme de 19 895,59 euros.

A réception de lettre du 24 mai 2019 par laquelle le syndic demandait l’arrêt du chantier, la société a fait dresser un constat d’huissier de justice le 27 mai 2019 : constatations et photographies démontrent une exécution de parties peintes qui ne font pas apparaître des défauts manifestes et des travaux commencés tels que le ponçage en raison de l’intervention du maître d’ouvrage.

Pour contester le paiement de la provision, le syndicat des copropriétaires a fait dresser un constat le 20 mai 2019, relevant essentiellement que les boiseries n’ont pas été enduites ou traitées avant peinture.

Le professionnel sollicité, M. [M], a établi un rapport critique sur les travaux en faisant notamment valoir l’application du DTU 59.1 qui certes est une référence professionnelle mais qui n’est pas entrée dans le champ contractuel déterminé par les parties. Il relève la mention de travaux devant être réalisés par nacelle ou échafaudage alors que si la mention est portée dans le devis, elle ne fait pas l’objet d’une prestation payante distincte. Des appréciations sur la qualité des produits utilisés ou à utiliser sont émis sans qu’elles ne soient assorties de supports de nature à consolider les avis formulés.

Le devis de la Sarl Etablissements Dolpierre ne prévoit pas de traitement de fond du bois ou du métal, de rebouchage de fissures qu’il s’agisse des matériaux ou de leurs supports mais simplement un brossage, ponçage, impression et l’application de deux couches.

Il ressort de la correspondance du 24 mai 2019 que sans préavis quant aux critiques formulées à l’encontre de l’entreprise, le syndic a donné ‘l’ordre de stopper le chantier dès réception’ du courrier pour motiver ensuite comme suit :

‘ – Non respect du devis signé sur le nombre de couches appliquées’

L’entreprise n’avait pas achevé les travaux. La production de la fiche du produit monocouche est critiquée sans qu’aucun élément objectif et contradictoire permette d’en fixer les conséquences.

‘ – Absence de couche d’impression sur les portes de garage’

Le salarié de l’entreprise affirme le contraire devant huissier de justice.

‘- Non respect des préconisations du fournisseur de peinture selon la nature des travaux’

La lettre précise : ‘Sur ce point, nous vous demandons de nous spécifier cette dernière : neuf ou d’entretien ou de réfection’, observation propre à démontrer que le motif n’est à la date de l’écrit pas certain.

‘- Non respect du DTU concernant les travaux préaratoires des supports tels qu’ils sont décrits dans le DTU 59.1’

Ce DTU n’est pas un document contractuel à la lecture du devis.

Même si le professionnel affirme de façon péremptoire, dans le cadre d’une intervention unilatérale, hors la présence de l’entreprise, que ‘la procédure d’arrêt des travaux est parfaitement justifiée’, il convient de constater que sans information préalable portant sur ses griefs et sans constat contradictoire, le syndicat des copropriétaires a mis fin à l’exécution du chantier pour proposer une conciliation en posant alors le principe de manquements, bien que non établis objectivement, de son cocontractant. A plus forte raison, aucun manquement grave n’est caractérisé pour justifier la position du syndicat des copropriétaires.

La créance de la Sarl Etablissements Dolpierre s’établissait lors de l’arrêt de chantier à la somme de 65 110,50 euros TTC soit 90 % du prix des travaux, le solde dû à ce stade par le syndicat des copropriétaires s’élevant à 15 915,90 euros après versement en novembre 2019.

La provision allouée à l’appelante sera fixée à ce montant, par infirmation de l’ordonnance entreprise.

Les intérêts seront dus comme demandés à compter de l’assignation du 11 mai 2023 avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la demande d’expertise

Le syndicat des copropriétaires ne précise pas le fondement de sa demande.

Le premier juge a visé de façon pertinente l’article 145 du code de procédure civile qui dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Le syndicat des copropriétaires ne verse aucun état des lieux postérieur à l’année 2019 pour soutenir une demande qui doit s’apprécier au regard d’un motif légitime actuel. Il ne précise pas s’il a procédé ou fait procéder à des travaux depuis l’arrêt du chantier dont il a pris l’initiative de façon irréversible.

L’entreprise était placée dans l’impossibilité d’achever ses prestations. Plus de cinq années se sont écoulées depuis le début des travaux critiqués et la fin du chantier dans les conditions ci-dessus décrites.

La décision ordonnant une expertise sera infirmée et le syndicat des copropriétaires débouté de sa demande.

Sur les frais de procédure

Le syndicat des copropriétaires succombe et supportera les dépens de première instance par infirmation et d’appel.

Il sera condamné à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la décision de première instance étant également infirmée de ce chef.

Les frais du constat du 27 mai 2019 réclamés ne sont pas compris dans les dépens mais les frais indemnisés au titre de l’article 700 du code de procédure civile ci-dessus fixés.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Rejette la demande d’annulation de l’ordonnance entreprise,

Infirme l’ordonnance entreprise sauf en ce qu’elle a rejeté la demande en garantie en paiement de la Sarl Etablissements Dolpierre au visa de l’article 1799-1 du code civil,

La confirme de ce chef,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [5] [4] à payer à la Sarl Etablissements Dolpierre :

– la somme de 15 915,90 euros à titre de provision sur la créance née des travaux devisés le 28 février 2019, avec intérêts à compter du 11 mai 2023 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.

– la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [5] [4] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,


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