Analyse des obligations contractuelles et des droits des parties dans le cadre d’une convention bancaire

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Analyse des obligations contractuelles et des droits des parties dans le cadre d’une convention bancaire

M. [J] [R] a créé une activité d’entrepreneur individuel en 2002 et a ouvert un compte courant auprès de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Est. En 2018, il a saisi la commission de surendettement, mais sa demande a été rejetée pour mauvaise foi par un jugement en 2019. La banque a ensuite mis en demeure M. [R] de régler une créance de 25 106,35 euros. Après une nouvelle tentative de surendettement, qui a également été déclarée irrecevable, la banque a assigné M. [R] en justice en 2020 pour obtenir le paiement de la somme due. Le tribunal a condamné M. [R] à payer cette somme, ainsi que des intérêts et des dépens, en considérant que ses arguments n’étaient pas fondés. M. [R] a fait appel de ce jugement, demandant l’irrecevabilité de l’action de la banque et d’autres compensations. La banque a, quant à elle, demandé la confirmation du jugement initial. L’affaire a été mise en délibéré après l’audience de juin 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Besançon
RG
23/00785
Le copies exécutoires et conformes délivrées à

BM/FA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/00785 – N° Portalis DBVG-V-B7H-EUJU

COUR D’APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 02 septembre 2022 – RG N°22/00151 – TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE LONS LE SAUNIER

Code affaire : 38C – Demande en paiement du solde du compte bancaire

COMPOSITION DE LA COUR :

Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre

Madame Bénédicte MANTEAUX, Monsieur Cédric SAUNIER, conseillers

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant Madame Bénédicte MANTEAUX, conseiller, présidente de l’audience qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.

DELIBERE :

Madame Bénédicte MANTEAUX, conseiller, présidente de l’audience a rendu compte, conformément à l’article 806 du code de procédure civile aux autres magistrats :

Monsieur Michel WACHTER, Président de chambre et Monsieur Cédric SAUNIER, conseiller.

L’affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [J] [R]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 4], de nationalité française,

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Boris LASSAUGE de la SELARL SENTINELLE AVOCATS, avocat au barreau de JURA

ET :

INTIMÉE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST

Sise [Adresse 2]

Inscrite au RCS de Lyon sous le numéro 399 973 825

Représentée par Me Valérie GIACOMONI de la SCP MAYER-BLONDEAU GIACOMONI DICHAMP MARTINVAL, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Amélie GONCALVES de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Michel Wachter, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*

EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS

Le 15 octobre 2002, M. [J] [R] a créé une activité d’entrepreneur individuel dans le secteur des activités des agences de publicité.

Par contrat du 30 novembre 2002, il a conclu auprès de la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Est (la banque) une convention d’ouverture de compte courant n°73496448000.

Le 23 novembre 2008, il a souscrit une convention de compte bancaire à usage professionnel pour le même compte courant n°73496448000 ouvert dans les livres de cette banque.

Le 20 février 2018, M. [R] a saisi la commission de surendettement des particuliers qui a décidé de la recevabilité du dossier de celui-ci. Par jugement du 6 août 2019, le tribunal d’instance de Lons-le-Saunier a infirmé la décision de recevabilité prise par la dite commission et a prononcé la déchéance de la procédure de surendettement de M. [R] pour mauvaise foi.

Par courriers datés du 2 septembre 2019 et du 2 octobre 2019, la banque a adressé à M. [R] une mise en demeure afin que celui-ci procède au règlement de la créance au titre des concours bancaires de 25 106,35 euros dans le délai de 30 jours.

Le 16 septembre 2019, M. [R] a saisi à nouveau la commission de surendettement. Par jugement en date du 18 août 2020, le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier a infirmé la décision de recevabilité de la commission de surendettement du 8 octobre 2019 et a prononcé la déchéance de la procédure de surendettement de M. [R] en raison de sa mauvaise foi.

Par assignation du 31 décembre 2020 la banque a attrait M. [R] devant le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier aux fins de solliciter notamment la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 25 125,35 euros outre intérêts au taux contractuel à compter du 2 septembre 2019.

Par jugement rendu le 2 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier a :

déclaré l’action de la banque recevable,

condamné M. [R] au paiement en faveur de la banque de la somme de 25 125,35 euros outre intérêts au taux contractuel à compter du 2 septembre 2019, date de la première mise en demeure,

débouté M. [R] de ses demandes,

condamné M. [R] aux entiers dépens et au versement de la somme de 1 500 euros en faveur de la banque au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a notamment considéré que :

– M. [R] ne démontrait pas son intention de ne pas convertir sa convention d’ouverture de compte en ouverture de compte à usage professionnel ou l’irrégularité de la convention de compte bancaire à usage professionnel signée le 23 novembre 2008 ;

– l’action introduite le 3 décembre 2020 n’était pas prescrite puisqu’elle avait été introduite dans le délai de 5 ans ayant commencé à courir à compter du 14 avril 2017.

Par déclaration transmise au greffe le 29 mai 2023, M. [R] a relevé appel du jugement.

Aux termes de ses conclusions transmises le 29 août 2023, il demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

– déclarer irrecevable l’action et les demandes de la banque,

> à titre subsidiaire :

– prononcer la nullité du contrat de crédit et par conséquent la déchéance du droit aux intérêts même au taux légal, indemnités, frais et commissions concernant le contrat de prêt personnel qui lui a été octroyé,

– condamner la banque à l’indemniser de son préjudice à hauteur de 25 125,35 euros, compte tenu du manquement à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde,

> à titre infiniment subsidiaire :

– l’autoriser à se libérer de sa dette par mensualités de 25 euros,

> en tout état de cause :

– condamner la banque à lui payer la somme de 3 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 28 novembre 2023, la banque demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

– débouter M. [R] de l’ensemble de ses demandes,

– le condamner à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

En application de l’article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 27 juin 2024 et a été mise en délibéré au 26 septembre 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

– Sur la demande tendant à déclarer irrecevable l’action de la banque :

Moyens soutenus par les parties à l’appui de leurs prétentions :

M. [R] sollicite que la cour déclare forclose l’action de la banque.

Il soutient qu’il a la qualité de consommateur, que rien n’interdit à un consommateur de souscrire un contrat « professionnel » auprès d’un établissement bancaire, que le fait que la banque ait intitulé le compte de « compte professionnel » est indifférent puisque la qualification de consommateur dépend de l’utilisation des services fournis par la banque, à des fins qui entrent, ou non, dans le cadre d’une activité professionnelle ; or il n’a agi qu’à des fins personnelles depuis au moins janvier 2015.

Il en déduit que le droit spécial de la consommation s’applique et en particulier la forclusion biennale.

La banque réplique que :

– le compte régularisé par l’appelant était un compte professionnel ; la mention « compte professionnel » est claire et sans ambiguïté ;

– le compte était initialement utilisé à des fins professionnelles ; si M. [R] l’a ensuite utilisé comme un compte personnel, il lui appartient d’en assumer les conséquences ;

– dès lors, seule la prescription quinquennale est applicable.

Réponse de la cour :

Le contrat souscrit entre les parties le 23 novembre 2008 est formalisé par un document qui porte le titre de « convention de compte bancaire à usage professionnel » qui s’applique au compte courant n°7349644800 que M. [R] a ouvert le 30 novembre 2022 dans les livres de la banque.

L’impayé dont la banque se prévaut date de 2017 et est donc postérieur à la souscription en 2008 de la convention de compte bancaire à usage professionnel. Les relevés du compte de 2015 à 2019 montrent que les opérations y figurant concernent l’activité professionnelle de M. [R] dans le secteur de la publicité, notamment les nombreux règlements modiques liés à l’usage du site Le Bon Coin et le règlement de l’assurance du prêt professionnel.

Le fait que des chèques seraient liés, selon l’appelant, à des activités non professionnelles n’est pas démontré puisque la cour ne dispose que des numéros de chèques et de l’affirmation de M. [R] ; la dissolution de la société de M. [R] n’est pas prouvée par la seule production d’un document issu du site « societe-com » qui indique seulement que l’établissement situé au Royaume-Uni a été fermé le 15 octobre 2015.

Dès lors, la cour considère que M. [R] échoue à démontrer que la dette qu’il a à l’égard de la banque ne relève pas de son activité professionnelle alors que son compte a fait l’objet d’une convention spécifiquement stipulée à usage professionnel.

La cour, comme le premier juge, considère donc que le contrat litigieux n’est pas soumis à la forclusion prévue par le code de la consommation mais aux dispositions de droit commun issues de l’article 2224 du code civil prévoyant une prescription quinquennale pour la demande en paiement.

Le délai de cinq ans, concernant une somme due au titre d’une convention de compte courant, court à compter de la première demande en paiement du solde du compte, donc à compter, selon les pièces versées aux débats devant la cour, de la mise en demeure du 2 septembre 2019.

La cour confirme donc le jugement qui a déclaré la banque recevable en sa demande en paiement.

– Sur la nullité de la convention de compte courant :

Moyens soutenus par les parties à l’appui de leurs prétentions :

M. [R] sollicite la nullité de la convention de compte courant son contrat et la déchéance du droit aux intérêts subséquente de la banque.

Il fait valoir que la convention de compte courant prévoit un découvert autorisé de 25 000 euros, ce qui constitue une opération de crédit et que la banque n’a pas respecté ses obligations du code de la consommation qui imposent la remise préalable d’une offre de crédit.

La banque se borne à préciser que le contrat litigieux est une convention de compte courant et non un crédit.

Réponse de la cour :

Comme il l’a été exposé ci-dessus, la convention en litige est une convention de compte courant à usage professionnel qui n’est pas soumise aux dispositions du code de la consommation citées par l’appelant.

Par conséquent la cour confirme le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande de nullité et de déchéance de la banque de son droit aux intérêts, indemnités, frais et commissions.

– Sur la demande de dommages et intérêts formulée par M. [R] :

Moyens soutenus par les parties à l’appui de leurs prétentions :

M. [R] sollicite l’indemnisation de son préjudice résultant du manquement de la banque à son devoir d’informations, de conseil et de mise en garde, en ce qu’il n’aurait pas bénéficié d’une information exhaustive, objective et neutre sur l’opération envisagée, lui permettant d’appréhender parfaitement les conditions de l’emprunt, et qu’il n’aurait pas été alerté sur ses capacités financières et surtout sur le risque d’endettement induit par le crédit.

La banque se borne à préciser que le contrat litigieux est une convention de compte courant et non un crédit.

Réponse de la cour :

La cour rappelle qu’il n’existe pas de devoir général d’information et de conseil à la charge du banquier mais seulement des devoirs spécifiques consacrés par la loi ou la jurisprudence.

S’agissant d’une convention de compte courant dont l’usage est particulièrement simple et usité, M. [R] ne prouve pas l’existence d’une défaillance particulière de la banque.

Quant au devoir de mise en garde, il pèse sur le banquier lorsqu’il est dispensateur de crédit à l’égard d’un emprunteur non averti et sous réserve de l’existence d’un risque d’endettement excessif pour celui-ci à la date de conclusion du contrat.

En l’espèce, comme exposé ci-dessus, il ne s’agit pas d’un crédit faisant naître une obligation de mise en garde.

Par conséquent la cour confirme le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [R] de sa demande de dommages et intérêts.

– Sur la demande de délais de paiement formée par M. [R] :

En vertu de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

La cour considère que M. [R] a largement bénéficié de délais de paiement pour une somme dont la banque réclamé le paiement depuis plus de cinq ans maintenant.

Par conséquent, elle confirme le rejet prononcé par le juge de première instance sur la demande de délais de M. [R].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 2 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier ;

CONDAMNE M. [J] [R] aux dépens d’appel ;

DÉBOUTE M. [J] [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le CONDAMNE, sur ce fondement, au paiement de la somme de 1 500 euros en faveur de la société coopérative Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier, Le président,


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