La société Sogefinancement a accordé un crédit personnel de 15 000 euros à M. [B] en avril 2017, remboursable sur 84 mois. En mai 2019, un avenant a réaménagé le montant dû à 12 523,96 euros, avec des mensualités réduites. Suite à des impayés, Sogefinancement a demandé la déchéance du terme et a assigné M. [B] en mai 2022. Le tribunal a déclaré Sogefinancement recevable, a prononcé la résiliation du contrat, la déchéance du droit aux intérêts, et a condamné M. [B] à payer 5 081,58 euros. Sogefinancement a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement sur plusieurs points, notamment la déchéance des intérêts et la résiliation du contrat. À l’audience, la cour a relevé que la FIPEN produite n’était pas signée et a demandé des justificatifs supplémentaires. La banque a soutenu que la signature n’était pas nécessaire pour prouver la remise de la FIPEN et a contesté la déchéance des intérêts.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/01668 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG7X4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 octobre 2022 – Juge des contentieux de la protection d’AULNAY SOUS BOIS – RG n° 11-22-001823
APPELANTE
La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
N° SIRET : 394 352 272 00022
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée et assistée de Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉ
Monsieur [I] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
DÉFAILLANT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon offre préalable acceptée le 29 avril 2017, la société Sogefinancement a consenti à M. [I] [B] un crédit personnel d’un montant en capital de 15 000 euros remboursable en 84 mensualités de 219,13 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 6 %, le TAEG s’élevant à 6,43 %, soit une mensualité avec assurance de 237,73 euros.
Par avenant du 16 mai 2019, les parties ont convenu d’un réaménagement du montant dû à cette date de 12 523,96 euros par réduction du montant des mensualités à la somme de 165,89 euros assurance comprise, sur 108 mois du 30 juillet 2019 au 30 juin 2028.
Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société Sogefinancement a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.
Par acte du 4 mai 2022, la société Sogefinancement a fait assigner M. [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Aulnay-sous-Bois en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 20 octobre 2022, a :
– déclaré la société Sogefinancement recevable en son action,
– prononcé la résiliation judiciaire du contrat renouvelable à compter du 4 mai 2022,
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts,
– condamné M. [B] au paiement de la somme de 5 081,58 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter de la décision,
– débouté la société Sogefinancement de ses plus amples demandes et de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [B] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire.
Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard de la forclusion, le juge a retenu que la mise en demeure du 3 novembre 2020 n’était pas assez précise pour permettre le jeu de la clause résolutoire du contrat et n’informait pas suffisamment l’emprunteur des conséquences de la déchéance du terme telles que l’obligation de remboursement de l’intégralité du capital et de l’indemnité ainsi que l’inscription au FICP.
Il a relevé que le prêteur avait fait part de son intention de mettre fin au contrat en délivrant l’assignation et que les manquements de M. [B] étaient suffisants pour lui permettre de prononcer la résiliation du contrat.
Pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, il a considéré que la vérification de la solvabilité obligeait le prêteur à produire le double des pièces exigées et que ces pièces n’étaient pas produites.
Il a déduit les sommes versées soit 9 918,42 euros du capital emprunté et a relevé que pour assurer l’effectivité de la sanction il fallait écarter l’application des dispositions relatives à la majoration de plein droit du taux légal de 5 points.
Par déclaration réalisée par voie électronique le 12 janvier 2023, la société Sogefinancement a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 12 avril 2023, la société Sogefinancement demande à la cour :
– de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
– d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a déclarée recevable et a condamné M. [B] aux dépens,
– de déclarer irrecevable comme prescrit le moyen visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts au regard du délai de prescription quinquennal, et subsidiairement de rejeter le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
– de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l’emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit et fixer la date des effets de la résiliation au 14 janvier 2022 et,
– en tout état de cause, de condamner M. [B] à lui payer la somme de 11 450,08 euros avec intérêts au taux contractuel de 6 % l’an à compter du 8 avril 2023 en deniers ou quittance pour les règlements postérieurs au 7 avril 2023,
– subsidiairement en cas de déchéance du droit aux intérêts, de condamner M. [B] à lui payer la somme de 7 434,01 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2022 date de la mise en demeure,
– en tout état de cause de condamner M. [B] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil.
S’agissant de la prescription, elle fait valoir que celle-ci s’applique à toutes les demandes qu’elles soient formées par voie d’action ou par voie d’exception, que la demande de déchéance du droit aux intérêts est bien une demande puisqu’elle vise à compenser les intérêts avec la créance et que cette prescription s’applique aussi bien aux parties qu’au juge qui ne peut avoir plus de droits que les parties elles-mêmes. Elle se prévaut de l’article L. 110-4 du code de commerce dans sa version applicable après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, laquelle a réduit ce délai à 5 ans et soutient que les arguments soulevés au titre d’une déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel ou du formalisme contractuel ne pouvaient donc être invoqués que jusqu’au 29 avril 2022 alors que le juge l’a soulevé à l’audience du 1er septembre 2022.
S’agissant de la vérification de solvabilité, elle indique qu’elle avait produit la fiche de dialogue démontrant qu’elle avait bien respecté ses obligations à cet égard et que dès lors que le contrat a été conclu en agence, les dispositions de l’article L. 312-17 du même code ne s’appliquent pas et qu’elles sont les seules à poser l’exigence de pièces justificatives dont la liste est fixée par décret. Elle précise qu’elle avait aussi produit les fiches de paie et l’avis d’imposition de M. [B] corroborant les revenus déclarés par celui-ci. Elle souligne qu’elle a consulté le FICP.
Elle soutient que l’indemnité d’exigibilité anticipée, dont le montant est limité en fonction de la durée de remboursement du crédit, et donc proportionnée au préjudice subi par le prêteur du fait de la défaillance du débiteur, n’est pas manifestement excessive.
A titre subsidiaire, elle rappelle que M. [B] a réglé la somme de 8 462,76 euros mais que les échéances d’assurance échues restent dues car la déchéance du droit aux intérêts ne porte pas sur les cotisations d’assurance et qu’il reste devoir à ce titre 446,40 euros si bien qu’en cas de déchéance du droit aux intérêts la somme due est de 7 434,01 euros.
Elle rappelle que le juge n’a pas le pouvoir d’écarter l’application du taux légal et que seul le juge de l’exécution est donc en mesure de se prononcer sur le caractère non dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels au regard de l’application du taux majoré.
Aucun avocat ne s’est constitué pour M. [B] à qui la déclaration d’appel a été signifiée par acte du 13 mars 2023 délivré à étude et les conclusions par acte du 18 avril 2023 délivré selon les mêmes modalités.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience le 11 juin 2024.
A l’audience la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n’était pas signée. Elle a fait parvenir le 11 juin 2024 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l’intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 4 juillet 2024.
Le 4 juillet 2024, la banque a fait parvenir une note en délibéré aux termes de laquelle elle fait valoir :
– qu’aucun texte ne prévoit que la FIPEN soit signée et que sa seule obligation consiste à remettre cette fiche d’information,
– que jusqu’à l’arrêt du 7 juin 2023 visé dans l’avis, la Cour de cassation admettait que la remise d’un document constituant un fait juridique, il pouvait être prouvé par tous moyens et notamment par une clause de reconnaissance, et qu’il en était déduit, de manière constante, que la clause combinée à la production de la copie du document permettait à l’établissement de crédit de rapporter la preuve de la remise du document sans qu’il soit nécessaire que ledit document soit signé par l’emprunteur,
– que l’exigence d’un document émanant du débiteur n’est requise qu’en matière de preuve des actes juridiques par l’article 1362 du code civil,
– que l’apposition de la signature de l’emprunteur sur le document ne confère, en outre, pas à la production un caractère plus probant que celui résultant de la signature sous la clause de reconnaissance corroborée par la production d’une copie du document,
– que la FIPEN soit ou non signée laisse à l’emprunteur la faculté de rapporter la preuve contraire que le document qui lui a été remis n’est pas celui que le prêteur a produit, en produisant le cas échéant l’exemplaire qui lui a été remis,
– que l’arrêt du 7 juin 2023 apparaît en contradiction avec une position jusqu’alors clairement établie, qu’il ne peut qu’être analysé qu’en un arrêt d’espèce voire d’égarement isolé et ne saurait être suivi, étant rappelé que la loi a une valeur normative supérieure et que jusqu’alors la présente cour statuait différemment,
– que changer de jurisprudence conduirait à heurter gravement le principe de sécurité juridique et que cette règle ne peut au mieux valoir que pour l’avenir et ne saurait être appliquée rétroactivement car la banque n’était pas en mesure de prévoir cette exigence nouvelle,
– qu’il y a donc lieu de ne pas prononcer de déchéance du droit aux intérêts de ce chef.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Sur la demande en paiement
Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 29 avril 2017 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.
Sur la forclusion
La recevabilité de l’action de la société Sogefinancement au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, n’est pas remise en cause à hauteur d’appel. Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
La prescription du moyen
La société Sogefinancement soutient que le juge du fond ne pouvait soulever d’office le 1er septembre 2022 le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels au regard du délai de prescription quinquennale ayant commencé à courir à la date d’acceptation de l’offre et devant se terminer au 29 avril 2022.
La prescription est sans effet sur l’invocation d’un moyen qui tend non pas à l’octroi d’un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.
C’est ainsi que, défendant à une action en paiement du solde d’un crédit à la consommation, l’emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d’une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription, pour autant qu’il n’entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d’intérêts indûment acquittés.
Dans le rôle qui lui est conféré tant par l’article R. 632-1 du code de la consommation que par le droit européen, le juge peut relever d’office, sans être enfermé dans un quelconque délai, toute irrégularité qui heurte une disposition d’ordre public de ce code.
En l’espèce, le moyen soulevé d’office par le premier juge et susceptible de priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels n’a pas pour effet de conférer à l’emprunteur un avantage autre qu’une minoration de la créance dont la société Sogefinancement poursuit le paiement.
Loin de constituer un remboursement des intérêts acquittés par le jeu d’une compensation qui supposerait une condamnation -qui n’est pas demandée- de l’organisme de crédit à payer une dette réciproque, ces moyens ne peuvent avoir pour seul effet que de modifier l’imputation des paiements faits par l’emprunteur.
En conséquence, il convient d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par la société Sogefinancement.
La vérification de la solvabilité
L’article L. 312-16 du code de la consommation impose au prêteur avant de conclure le contrat de crédit de vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande prêteur et de consulter le fichier prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6.
Il résulte de l’article L. 341-2 que lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Le contrat a été conclu en agence. L’article L. 312-17 du même code qui impose à la banque en cas de crédit de plus de 3 000 euros de corroborer les informations de la fiche par des pièces justificatives à jour au moment de son établissement par tout justificatif du domicile de l’emprunteur, tout justificatif du revenu de l’emprunteur et tout justificatif de l’identité de l’emprunteur ne s’applique donc pas.
La société Sogefinancement produit devant la cour une fiche « charges ressources » qui mentionne les revenus de M. [B] à hauteur de 1 667 euros par mois sur 12 mois, un loyer de 425 euros par mois et une nouvelle mensualité de crédit de 237,73 euros. Elle verse notamment aux débats la copie des bulletins de paye de M. [B] des mois de décembre 2016, janvier et février 2017 et de sa pièce d’identité.
Elle démontre en outre avoir consulté le FICP avant la remise des fonds et produit le résultat.
Elle justifie ainsi avoir vérifié la solvabilité de M. [B] à partir d’un nombre suffisant d’informations au sens de ce texte et n’encourt pas la déchéance du droit aux intérêts pour ce motif.
La fiche d’informations précontractuelles
Il résulte de l’article L. 312-12 du code de la consommation que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
Cette fiche d’informations précontractuelles -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 341-1), étant précisé qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’information et de remise de cette FIPEN.
A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’informations précontractuelles normalisées européennes, n’est qu’un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
Il a toutefois été jugé qu’un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l’offre de prêt pour apporter la preuve de l’effectivité de la remise. (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).
Dès lors, la production de la FIPEN remplie par le prêteur ne saurait suffire à corroborer cette clause à la différence du bordereau de rétractation qui doit être remis vierge, car ce qui doit être prouvé d’emblée par le prêteur est la remise effective à M. [B] non représenté en appel, de la FIPEN personnalisée.
Il doit dès lors être considéré que la société Sogefinancement qui ne produit que le contrat comportant une clause de reconnaissance et une FIPEN remplie mais non signée par M. [B] ne rapporte pas suffisamment la preuve d’avoir respecté l’obligation qui lui incombe, sans qu’elle puisse valablement opposer que la signature de cette pièce n’est pas exigée par les textes ou que le fait que l’appréciation des éléments de preuves apportés ait pu être différente est de nature à heurter un principe de sécurité juridique.
Il y a dès lors lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour ce motif et le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur la déchéance du terme et les sommes dues
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
En application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.
En matière de crédit à la consommation en particulier, il résulte des dispositions de l’article L. 312-39 du code de la consommation que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.
La société Sogefinancement produit en sus de l’offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l’avenant de réaménagement, l’historique de prêt, les tableaux d’amortissement. Elle verse également aux débats la mise en demeure avant déchéance du terme du 3 novembre 2020 enjoignant à M. [B] de régler l’arriéré de 361,23 euros sous 15 jours à peine de déchéance du terme comme prévu au contrat et précise expressément qu’a défaut la banque pourra exiger le remboursement immédiat du montant total restant dû. Cette mise en demeure est suffisamment explicite et répond aux conditions imposées par le texte susvisé qui n’impose pas que la clause soit expressément reproduite.
Elle justifie également de l’envoi de la mise en demeure notifiant la déchéance du terme du 26 janvier 2022 portant mise en demeure de payer le solde du crédit et un décompte de créance.
Il en résulte que la société Sogefinancement se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme du contrat et de l’exigibilité des sommes dues, ce qu’il convient de constater. Dès lors le jugement doit être infirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à cette demande et a prononcé la résiliation judiciaire du contrat.
Aux termes de l’article L. 311-48 devenu L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Il y a donc lieu de déduire de la totalité des sommes empruntées soit 15 000 euros la totalité des sommes payées soit 8 462,76 euros. (8 362,76 euros avant la déchéance du terme et 100 euros à l’huissier).
Le jugement déféré doit donc être infirmé sur le quantum et M. [B] condamné à payer la somme de 6 537,24 euros en deniers ou quittances pour les versements postérieurs au 7 avril 2023.
La limitation légale de la créance du préteur exclut qu’il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l’article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation. La société Sogefinancement doit donc être déboutée sur ce point.
Sur les intérêts au taux légal, la majoration des intérêts au taux légal
Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.
Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).
En l’espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d’intérêt annuel fixe de 6 %.
Dès lors, les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal significativement inférieurs à ce taux conventionnel ne le seraient plus si ce taux devait être majoré de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l’article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire qu’il ne sera pas fait application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier. La somme restant due en capital au titre de ce crédit portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer effectuée simultanément au prononcé de la déchéance du terme soit le 26 janvier 2022 sans majoration de retard, ce que le juge du fond comme la cour peut parfaitement apprécier, sans que ceci relève de la compétence exclusive du juge de l’exécution.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a écarté la majoration de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier mais infirmé sur le point de départ des intérêts au taux légal lequel doit être fixé au 26 janvier 2022.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a condamné M. [B] aux dépens de première instance et a rejeté la demande de la société Sogefinancement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La société Sogefinancement qui succombe en grande partie conservera la charge de ses dépens d’appel et de ses frais irrépétibles.
LA COUR,
Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
Rejette la fin de non-recevoir ;
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire du contrat et condamné M. [I] [B] à payer la somme de 5 081,58 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la résiliation du contrat a été valablement prononcée ;
Condamne M. [I] [B] à payer à la société Sogefinancement la somme de 6 537,24 euros en deniers ou quittances pour les versements postérieurs au 7 avril 2023 avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2022 ;
Laisse les dépens d’appel à la charge de la société Sogefinancement ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente