Analyse des obligations contractuelles et des droits des parties dans le cadre d’un crédit à la consommation

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Analyse des obligations contractuelles et des droits des parties dans le cadre d’un crédit à la consommation

La SA COFIDIS a accordé un prêt renouvelable de 6000 euros à Monsieur [P] [E] le 7 avril 2021, remboursable en 38 mensualités. En raison de mensualités impayées, COFIDIS a assigné M. [P] [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris le 22 avril 2024, demandant le paiement de 6 863,18 euros, des intérêts, la résiliation du contrat de prêt, ainsi qu’une indemnité de 800 euros. Lors de l’audience du 27 mai 2024, COFIDIS a soutenu que les paiements n’avaient pas été effectués, entraînant la déchéance du terme le 19 décembre 2022. M. [P] [E] n’a pas comparu. La décision sera rendue le 30 août 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 août 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/04616
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : M. [E]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me HASCOET

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/04616 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4YKM

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le vendredi 30 août 2024

DEMANDERESSE
S.A. COFIDIS,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Olivier HASCOET, avocat au barreau de l’ESSONNE,

DÉFENDEUR
Monsieur [P] [E],
demeurant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Jean-François SEGOURA, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 27 mai 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 30 août 2024 par Clara SPITZ, Juge assistée de Jean-François SEGOURA, Greffier

Décision du 30 août 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/04616 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4YKM

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre acceptée le 07 avril 2021, la SA COFIDIS a consenti à Monsieur [P] [E] un prêt renouvelable n°28962001152174 d’un montant de 6000 euros, remboursable, dans l’hypothèse d’un prélèvement immédiat de la totalité du crédit disponible, en 38 mensualités de 186 euros, et une dernière de 127,48 euros moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 9,48 % et un taux annuel effectif global de 9,90%.

Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la SA COFIDIS a fait assigner M. [P] [E], par acte de commissaire de justice du 22 avril 2024, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
à titre principal, sa condamnation au paiement de la somme de 6 863,18 euros au titre du prêt susmentionné, avec intérêt au taux contractuel de 9,68% à compter de la mise en demeure du 19 décembre 2022, subsidiairement à compter de l’assignation et capitalisation des intérêtsà titre subsidiaire, le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de prêt et la condamnation de M. [P] [E] à lui payer la somme de 6 863,18 euros avec intérêt au taux légal à compter de la date de prononcé du jugementen tout état de cause, sa condamnation à lui verser la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
A l’audience du 27 mai 2024 à laquelle l’affaire a été appelée, la SA COFIDIS, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que les mensualités d’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contrainte à prononcer, après mise en demeure infructueuse, la déchéance du terme le 19 décembre 2022, réitérée le 07 décembre 2023. Elle précise que le premier incident de paiement non régularisé se situe courant mai 2022.

La forclusion, la nullité, la déchéance du droits aux intérêts contractuels et légaux, dont la liste écrite et détaillée de ces moyens a été versée au dossier de la procédure, ont été mis dans le débat d’office, sans que le demandeur ne présente d’observations supplémentaires sur ces points.

Monsieur [P] [E], régulièrement cité à étude, n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter.

Conformément à l’article 473 du code de procédure civile, il sera statué par décision réputée contradictoire.

La décision a été mise en délibérée par mise à disposition au greffe au 30 août 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 16 mars 2023.

Il convient dès lors de vérifier l’absence de forclusion de la créance, et l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la demande en paiement

Sur la forclusion
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Cet événement est caractérisé par le non paiement des sommes dues à la suite du premier incident de paiement non régularisé.

En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu le 13 juin 2022, de sorte que l’action introduite le 22 avril 2024 n’est pas forclose.

Sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.

La jurisprudence sanctionne la violation de ce texte par la nullité du contrat en vertu de l’article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté (Ccass civ 1ère, 22 janvier 2009, 03-11.775).

En l’espèce, le déblocage des fonds a eu lieu le 15 avril 2021 soit postérieurement au délai de sept jours précité, courant à compter du 07 avril 2021, date de signature du contrat, de sorte qu’aucune nullité n’est encourue.

Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires. En application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés, soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire, soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).

Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l’envoi d’une telle mise en demeure et de s’assurer que la mise en demeure a bien été portée à la connaissance du débiteur (Ccass Civ 1ère, 2 juillet 2014, n° 13-11636).

En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d’exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement qui n’exclut pas de manière expresse et non équivoque l’envoi d’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme.

Or, la société demanderesse verse au débat un courrier de mise en demeure adressé le 08 décembre 2022 à Monsieur [P] [E] dont le bordereau d’accusé de réception n’est pas renseigné, rien ne permettant de corroborer les allégations contenues dans la mise en demeure réitérée du 10 novembre 2023 selon lesquelles la précédente a été retournée à l’expéditeur « avec la mention NPAI ».

Dès lors, la déchéance du terme ne saurait avoir été acquise le 19 décembre 2022, en l’absence de preuve que M. [P] [E] a bien été touché par l’envoi de la mise en demeure préalable.

S’agissant de la mise en demeure réitérée datée du 10 novembre 2023, il est avéré qu’elle est parvenue à son destinataire mais qu’elle n’a pas été réclamée par le débiteur.

Toutefois, le délai de 08 jours qui lui est laissé pour s’acquitter de la somme réclamée de 1509,82 euros est insuffisant et ce d’autant que le courrier a été envoyé le 13 novembre 2023 ne lui laissant qu’un délai effectif de cinq jour pour régler ce montant.

De ces éléments, il résulte que la déchéance du terme ne peut être déclarée acquise au créancier, que seul le montant des mensualités impayées peut être réclamé par le prêteur et que le capital restant dû ne peut en revanche l’être sur ce fondement.

Sur la demande subsidiaire de résolution judiciaire
En application de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Or, si la résolution d’un contrat à exécution successive a les effets d’une résiliation et ne porte donc que sur l’avenir, celle d’un contrat à exécution instantanée remet les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant sa conclusion, conformément à l’article 1229 du code civil.

Il sera rappelé que le contrat de prêt est un contrat à exécution instantanée, puisque la totalité des fonds doit être libérée en une fois, et que les échéances de remboursement ne sont que le fractionnement d’une obligation unique de remboursement.

En l’espèce, le défaut de paiement pendant plusieurs mois caractérise un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de crédit aux torts de l’emprunteur au jour du présent jugement.

Il convient, par conséquent, de remettre les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat.

En conséquence, Monsieur [P] [E] est tenu de restituer à l’établissement de crédit le capital perçu (7 110,11 euros) déduction faite des sommes versées au titre du contrat de prêt (2 554,02 euros), soit la somme de 4 556,09 euros.

Par ailleurs, en application de l’article 1152 devenu 1231-5 du code civil, le juge peut réduire d’office le montant de la clause pénale si elle est manifestement excessive.

En l’espèce, la clause pénale de 8% du capital du à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt est manifestement excessive compte tenu du préjudice réellement subi par la SA COFIDIS qui percevra des dommages et intérêts moratoires consistant en des intérêts au taux légal, laquelle sera réduite à 1 euros.

Monsieur [P] [E] sera donc condamné à payer la somme de 4 557,09 euros correspondant au capital restant dû et à la clause pénale.

Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la demande en justice de résolution en application de l’article 1231-6 du code civil.

Sur la capitalisation des intérêts

En application de l’article L.312-39 du code de la consommation, les sommes qui peuvent être réclamées par le prêteur sont strictement et limitativement énumérées.

La demande de capitalisation des intérêts est par conséquent rejetée.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [P] [E], partie perdante, sera condamné aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

En revanche, l’équité et la situation économique respective des parties commandent d’écarter toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé qu’en application de l’article 514 du code de procédure civile, l’exécution provisoire des décisions de première instance est de droit à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Rien en l’espèce, ne justifie d’y déroger.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les conditions du prononcé régulier de la déchéance du terme du contrat de crédit accordé à Monsieur [P] [E] ne sont pas réunies,

PRONONCE la résolution du contrat de crédit n°28962001152174 conclu le 07 avril 2021 entre Monsieur [P] [E] et la SA COFIDIS aux torts de l’emprunteur,

CONDAMNE Monsieur [P] [E] à payer à la SA COFIDIS la somme de 4 557,09 euros (quatre mille cinq cent cinquante sept euros et zéro neuf centimes) à titre de restitution des sommes versées en application du contrat précité et de la clause pénale, avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation,

DÉBOUTE la SA COFIDIS du surplus de ses demandes,

DIT n’y avoir lieu à condamnationau titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [P] [E] aux dépens,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi signé par la juge et le greffier susnommés et mis à disposition des parties le 30 août 2024

Le Greffier La Juge


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