Analyse des obligations contractuelles et des conséquences financières en matière de crédit à la consommation

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Analyse des obligations contractuelles et des conséquences financières en matière de crédit à la consommation

La société Cofidis a accordé un crédit renouvelable à M. [N] [Z] [S] [O] en mai 2018, d’abord d’un montant maximal de 3 000 euros, puis porté à 6 000 euros en septembre 2019. En raison d’échéances impayées, Cofidis a déclaré la déchéance du terme du contrat. Le 18 mars 2022, Cofidis a saisi le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir le paiement du solde dû, mais le juge a constaté la forclusion de l’action, déclarant la société irrecevable et la déboutant de ses demandes. Cofidis a interjeté appel le 28 février 2023, soutenant que la date du premier incident de paiement était le 6 avril 2020, et demandant le paiement d’une somme de 7 078,74 euros avec intérêts. L’intimé n’a pas constitué avocat et a été signifié des conclusions de l’appelante. La cour a relevé l’absence de signature sur un document produit par la banque et a demandé des justificatifs supplémentaires. Le 3 juillet 2024, la banque a indiqué ne pas pouvoir fournir une fiche signée de l’emprunteur et a demandé, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le paiement d’une somme réduite.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
23/04285
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/04285 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHHHL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 août 2022 – Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 22/01996

APPELANTE

La société COFIDIS, société anonyme agisant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 325 307 106 00097

[Adresse 4]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Serena ASSERAF, avocat au barreau de PARIS, toque : B0489

INTIMÉ

Monsieur [N] [Z] [S] [O]

né le [Date naissance 2] 1974 au CONGO

[Adresse 1]

[Localité 5]

DÉFAILLANT

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Marylène BOGAERS,

Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 7 mai 2018, la société Cofidis a consenti à M. [N] [Z] [S] [O] un crédit d’un an renouvelable utilisable par fractions d’un montant maximal de 3 000 euros remboursable selon des échéances variables en fonction du montant total du crédit et d’un pourcentage du capital résultant de l’ensemble des utilisations, au taux débiteur variable en fonction du crédit utilisé.

Le plafond a été porté à 6 000 euros par offre acceptée le 27 septembre 2019.

En raison d’échéances impayées, la société Cofidis s’est prévalue de la déchéance du terme du contrat.

Saisi le 18 mars 2022 par la société Cofidis d’une demande tendant principalement à la condamnation de M. [Z] [S] [O] au paiement du solde restant dû au titre du crédit renouvelable, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par un jugement réputé contradictoire rendu le 30 août 2022 auquel il convient de se reporter, a constaté la forclusion de l’action, a déclaré la société Cofidis irrecevable à agir, l’a déboutée de ses demandes plus amples et l’a condamnée aux dépens.

Le juge a considéré que la demande présentée le 18 mars 2022 était forclose pour avoir été introduite plus de deux ans après la date de la première échéance impayée non régularisée fixée au 6 mars 2020.

Par déclaration enregistrée le 28 février 2023, la société Cofidis a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de son unique jeu de conclusions déposé le 26 mai 2023, l’appelante demande à la cour :

– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– statuant à nouveau, de condamner M. [Z] [S] [O] à lui payer la somme de 7 078,74 euros outre les intérêts au taux contractuel de 9,70 % l’an, à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 décembre 2020 et jusqu’à parfait paiement,

– de le condamner aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à la somme de 1 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante fait valoir que son action est recevable en fixant la date du premier incident de paiement non régularisé au 6 avril 2020 et non pas au 6 mars 2020 comme retenu par le premier juge.

Elle estime communiquer l’ensemble des pièces contractuelles permettant de justifier du bien-fondé de sa demande en paiement et affirme avoir régulièrement provoqué la déchéance du terme du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 décembre 2020.

Régulièrement assigné par acte d’huissier délivré le 25 avril 2023 à étude, l’intimé n’a pas constitué avocat. Il a reçu signification des conclusions de l’appelante par acte remis à sa personne le 31 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 26 juin 2024 pour être mise en délibéré au 26 septembre 2024.

A l’audience, la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n’était pas signée. Elle a fait parvenir le 26 juin 2024 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l’intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise des FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 2 septembre 2024.

Le 3 juillet 2024, la banque a fait parvenir une note aux termes de laquelle elle indique ne pas être en mesure de produire une fiche signée de l’emprunteur. Elle demande en cas de déchéance du droit aux intérêts de condamner l’emprunteur au paiement de la somme de 4 195,80 euros correspondant au montant du capital de 7 300,66 euros moins les versements opérés pour 3 104,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien-fondée.

Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Au vu de la date du contrat, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur au 1er mai 2011 de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et postérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.

Sur la recevabilité de l’action au regard du délai de forclusion

L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En matière de crédit renouvelable, cet événement est caractérisé par le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti.

En l’espèce, l’historique de compte communiqué en pièce 10 atteste qu’une demande de financement est intervenue le 25 mai 2018 pour 3 000 euros puis une nouvelle demande le 25 septembre 2018 pour 226,78 euros, puis de 271,39 euros le 1er février 2019 et que des règlements sont intervenus ramenant le capital dû à 3 000 euros au 20 septembre 2019 avant augmentation du plafond à 6 000 euros au 27 septembre 2019. De nouveaux financements sont intervenus le 2 octobre 2019 pour 63,04 euros, le 7 octobre 2019 pour 3 000 euros, le 10 février 2020 pour 378,63 euros. Le plafond de 6 000 euros a été atteint le 10 février 2020 mais n’a jamais été dépassé compte tenu des régularisations, étant observé que sur l’ensemble du crédit, la somme de 6 939,84 euros a été financée.

La société Cofidis doit donc être reçue en son action et le jugement l’ayant déclarée forclose doit être infirmé.

Sur le respect des obligations précontractuelles et le montant des sommes dues

La société Cofidis produit à l’appui de ses prétentions les deux offres de crédit validées, les fiches de dialogue signées, les fiches explicatives, les fiches d’informations précontractuelles européennes normalisées, les notices d’information relatives à l’assurance, les résultats de consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FIPEN), les éléments d’identité, de domicile et de solvabilité remis par l’emprunteur, le courrier de renouvellement du contrat du 26 mai 2020, un décompte de créance et un historique de compte.

Il résulte de l’article L. 312-12 du code de la consommation applicable au cas d’espèce que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.

Cette fiche d’informations précontractuelles -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 341-1), étant précisé qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’information et de remise de cette FIPEN.

En l’espèce, les fiches produites ne sont pas signées et les contrats contiennent une clause type selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’informations précontractuelles normalisées européennes. La société Cofidis reconnaît ne pas être en mesure de produire d’autre élément venant corroborer la remise des fiches, sachant qu’il été jugé qu’un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l’offre de prêt pour apporter la preuve de l’effectivité de la remise. (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

Dès lors, il y a lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.

La société Cofidis démontre avoir mis en demeure l’emprunteur de régler les arriérés pour 1 540,64 euros sous un délai de 8 jours par courrier recommandé du 26 novembre 2020, sous peine de prononcer la déchéance du terme du contrat puis avoir pris acte de cette déchéance par courrier recommandé du 18 décembre 2020 valant mise en demeure de payer le solde du contrat. Elle se prévaut de manière légitime de la déchéance du terme et de l’exigibilité des sommes dues.

Aux termes de l’article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il y a donc lieu de déduire de la totalité des sommes financées soit 6 939,84 euros la totalité des sommes payées 3 104,86 euros soit une somme de 3 834,98 euros.

Il convient de condamner M. [Z] [S] [O] à payer cette somme.

La limitation légale de la créance du préteur exclut qu’il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l’article L. 312-39 du code de la consommation.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l’espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d’intérêts de 11,82 %. Dès lors, le taux légal est inférieur mais les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal s’il devait être majoré de cinq points ne seraient pas significativement inférieurs à ce taux conventionnel. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l’article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire qu’il ne sera pas fait application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Il convient ainsi d’écarter la majoration de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.

La somme due est ainsi des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2020.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a condamné la société Cofidis aux dépens de première instance mais confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Cofidis sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La société Cofidis qui succombe partiellement conservera la charge de ses dépens d’appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a rejeté la demande de la société Cofidis au titre de ses frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare la société Cofidis recevable en ses demandes ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne M. [N] [Z] [S] [O] à payer à la société Cofidis une somme de 3 834,98 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2020 ;

Écarte la majoration du taux légal prévue à l’article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

Condamne M. [N] [Z] [S] [O] aux dépens de première instance ;

Laisse les dépens d’appel à la charge de la société Cofidis ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


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