La société Creatis a accordé un crédit personnel de 34 800 euros à M. [T] en juillet 2016, remboursable en 144 mensualités. Suite à des impayés, Creatis a prononcé la déchéance du terme et a assigné M. [T] en justice pour récupérer le solde du prêt. Le tribunal a déclaré la société recevable, constaté la déchéance du terme, annulé le droit aux intérêts contractuels, et condamné M. [T] à payer 15 440,37 euros. Creatis a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et le paiement de 27 058,22 euros avec intérêts. Elle soutient avoir remis un bordereau de rétractation à M. [T] et conteste la décision du tribunal sur la déchéance des intérêts. M. [T] n’a pas constitué d’avocat pour l’appel. L’affaire a été clôturée le 21 mai 2024 et a été appelée à l’audience le 11 juin 2024.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02564 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHCLS
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 novembre 2022 – Juge des contentieux de la protection de MEAUX – RG n° 22/03812
APPELANTE
La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 419 446 034 00128
[Adresse 3]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l’ESSONNE
INTIMÉ
Monsieur [M] [T]
[Adresse 1]
[Localité 4]
DÉFAILLANT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Marylène BOGAERS,
Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon offre préalable acceptée le 29 juillet 2016, la société Creatis a consenti à M. [M] [T] un crédit personnel d’un montant en capital de 34 800 euros remboursable en 144 mensualités de 333,68 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 5,67 %, le TAEG s’élevant à 7,37 %.
Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société Creatis a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.
Par acte du 10 août 2022, la société Creatis a fait assigner M. [T] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Meaux en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 23 novembre 2022, a déclaré la société Creatis recevable en son action, a constaté la déchéance du terme, a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels, a écarté l’application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier, a condamné M. [T] au paiement de la somme de 15 440,37 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du jugement, a rejeté la demande de capitalisation des intérêts, a débouté la société Creatis de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de ses autres demandes et a condamné M. [T] aux dépens.
Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard de la forclusion et la régularité de la déchéance du terme et pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, le juge a retenu que le contrat produit ne comportait pas de bordereau de rétractation.
Il a déduit les sommes versées soit 19 359,63 euros du capital emprunté et a relevé que pour assurer l’effectivité de la sanction il fallait écarter l’application des dispositions relatives à la majoration de plein droit du taux légal de 5 points.
Par déclaration réalisée par voie électronique le 26 janvier 2023, la société Creatis a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses conclusions n° 2 déposées par voie électronique le 16 mai 2024, la société Creatis demande à la cour :
– de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
– d’infirmer le jugement en ses dispositions critiquées dans la déclaration d’appel lesquelles ne portaient pas sur la recevabilité de sa demande, le constat de la déchéance du terme, et la condamnation de M. [T] aux dépens,
– de condamner M. [T] à lui payer la somme de 27 058,22 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,67 % l’an à compter du jour de la mise en demeure du 24 mars 2022,
– subsidiairement si la déchéance du terme ne devait pas être considérée comme acquise, de constater les manquements graves et réitérés de M. [T] à son obligation contractuelle de remboursement du prêt, de prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil et,
– de le condamner à lui payer la somme de 27 058,22 euros, au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
– à titre infiniment subsidiaire en cas de déchéance du droit aux intérêts, de condamner M. [T] à lui payer la somme de 15 440,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 mars 2022, sans suppression de la majoration de 5 points,
– de condamner M. [T] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.
S’agissant de la preuve de l’existence d’un bordereau de rétractation, elle soutient qu’elle résulte de la reconnaissance par l’emprunteur de cette remise dans le contrat qui fait la loi des parties, qu’en présence d’une telle clause c’est à l’emprunteur qu’il appartient d’établir qu’il n’a pas reçu le bordereau de rétractation ou que celui-ci ne serait pas conforme ce qu’il ne fait pas étant non comparant et n’ayant pas contesté cette remise.
Elle ajoute que seul l’exemplaire remis à l’emprunteur doit comporter une telle clause et non celle conservée par le prêteur qui par définition ne pourrait s’en servir et que la règle du double exemplaire n’est pas applicable.
Elle soutient apporter la preuve de la remise d’un exemplaire conforme par la production de la liasse contractuelle envoyée à M. [T] le 27 juillet 2016 comportant le contrat ainsi que tous les éléments exigés par le code de la consommation, notamment un bordereau de rétractation, et surtout une FIPEN, que cette liasse contractuelle personnalisée comprend, d’une part, des documents « à conserver » et, d’autre part, des documents « à renvoyer » et que les documents qui sont conservés par l’emprunteur n’ont pas à être signés, que celui-ci lui a renvoyé l’exemplaire prêteur « à renvoyer » signé ainsi que la fiche de dialogue également signée et qu’il en résulte qu’en date du 27 juillet 2016 elle a transmis, et donc remis, à l’emprunteur un document complet, comportant notamment un bordereau de rétractation et une FIPEN remplie et que si elle a reçu en retour l’exemplaire « à renvoyer » signé, cela signifie que l’emprunteur a bel et bien reçu l’intégralité du document, comprenant la FIPEN. Elle déduit du fait que l’emprunteur lui ait retourné l’exemplaire prêteur que ce document n’émane pas uniquement de la banque mais aussi de l’emprunteur. Elle conclut donc à l’absence de déchéance du droit aux intérêts contractuels.
Elle soutient avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme par l’envoi d’une mise en demeure préalable lui laissant un délai de régularisation et visant la clause résolutoire. A titre subsidiaire elle fait valoir que l’absence de règlement par le débiteur constitue une cause de prononcé de la résolution judiciaire.
A titre plus subsidiaire, elle rappelle que le juge n’a pas le pouvoir d’écarter l’application du taux légal et que seul le juge de l’exécution est donc en mesure de se prononcer sur le caractère non dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels au regard de l’application du taux majoré.
Aucun avocat ne s’est constitué pour M. [T] à qui la déclaration d’appel et les conclusions en leur premier état ont été signifiées par acte du 22 mars 2023 délivré à étude.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience le 11 juin 2024.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Il résulte de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Sur la demande en paiement
Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 29 juillet 2016 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.
Sur la forclusion
La recevabilité de l’action de la société Creatis au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, n’est pas remise en cause à hauteur d’appel. Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur la déchéance du terme
La société Creatis développe des moyens visant à voir déclarer régulière le prononcé de la déchéance du terme mais ce point a déjà été tranché par le premier juge et elle ne demande pas l’infirmation de la décision sur ce point. Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
Il résulte de l’article L. 312-21 du code de la consommation qu’afin de faciliter l’exercice par l’emprunteur de son droit de rétractation, « un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit », lequel doit aux termes de l’article R. 312-9 du même code être établi conformément à un modèle type et ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l’adresse du prêteur.
Il résulte de l’article L. 341-4 du code de la consommation que lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L. 312-21, il est déchu du droit aux intérêts.
Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
En l’espèce, il ressort de l’exemplaire de contrat en possession de la société Creatis, que par une mention pré-imprimée de l’offre préalable acceptée par M. [T], ce dernier a reconnu rester en possession d’un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation. L’exemplaire « prêteur » produit est dépourvu de bordereau de rétractation.
A hauteur d’appel, la société Creatis produit la liasse contractuelle qu’elle a envoyée à M. [T] le 27 juillet 2016 qui comprend 48 pages qui se suivent, portent toutes la référence du contrat 28933000252506 qui est celui qui a été signé par M. [T], comporte en première page un document intitulé « votre dossier de financement » et explique en page 2 le « mode d’emploi » du dossier de crédit qui indique ce qui doit être renvoyé, en page 3 un courrier spécialement adressé à l’emprunteur, et comprend notamment :
– en page 5 une attestation à signer par l’emprunteur portant sur l’absence de versement d’une commission à un tiers,
– en pages 7 à 9 la fiche de dialogue renseignée,
– en pages 11 à 14 la FIPEN remplie,
– en pages 15 à 17 la fiche d’information spécifique au regroupement de crédits remplie avec les éléments concernant l’emprunteur,
– en pages 19 à 22 le contrat avec la mention « à renvoyer »,
– en pages 23 à 26 le contrat avec la mention « à conserver » qui comprend un bordereau de rétractation,
– en pages 27 à 30 les documents destinés à la mise en place d’une cession de salaire,
– en page 31 un mandat de prélèvement rempli avec les éléments fournis par M. [T],
– en pages 33 à 35 les documents relatifs à l’absence d’assurance,
– en pages 37 à 44 des demandes de résiliation de contrats du fait du remboursement par le biais de ce nouveau crédit,
– en pages 45 à 46 un questionnaire,
– en pages 47 à 48, un récapitulatif.
M. [T] a notamment renvoyé et signé l’attestation portant sur l’absence de versement d’une commission à un tiers qui comporte le numéro de contrat et la numérotation 5/48, la fiche de dialogue qui comporte le numéro de contrat et la numérotation 7 à 9 /48, l’exemplaire du contrat « à renvoyer » qui figure dans cette liasse personnalisée qui comporte le numéro de contrat et la numérotation 19 à 22 /48, le mandat de prélèvement qui comporte ce numéro de contrat et la numérotation 31/48 et la renonciation à l’assurance qui comporte ce numéro de contrat et la numérotation 35/48. Dès lors il doit être admis que la société Creatis a bien remis à l’emprunteur la FIPEN qu’elle produit et comporte le numéro de contrat et la numérotation 11 à 14/48.
La société Creatis produit en outre la notice d’assurance, le justificatif de la consultation du FICP avant le déblocage des fonds ainsi que les justificatifs de revenus (avis d’imposition 2015, copie des bulletins de salaire des mois de décembre 2015 et de mars à mai 2016), de domicile (facture internet, contrat de location, quittance de loyer de juillet 2016 et taxe d’habitation) et d’identité (copie de la carte nationale d’identité) de l’emprunteur s’agissant d’un contrat conclu à distance.
Cette liasse démontre suffisamment que l’exemplaire de contrat soumis à validation de M. [T] était pourvu d’un bordereau détachable de rétractation et que la société Creatis a respecté ses obligations précontractuelles et contractuelles. Aucune déchéance du droit aux intérêts contractuels n’est donc encourue et il convient par conséquent d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé cette déchéance du droit aux intérêts et a condamné M. [T] à payer la somme de 15 440,37 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du jugement.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments le respect par le prêteur de ses obligations dans le cadre du présent litige et que c’est à tort que le premier juge a retenu une déchéance du droit aux intérêts sur ce fondement.
Sur le montant des sommes dues
En application de l’article L. 312-39 du code de la consommation en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article D. 312-16 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance. Aucune autre pénalité notamment de retard ne peut être exigée par le prêteur.
La société Creatis produit en sus de l’offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, l’historique de prêt, le tableau d’amortissement, les mises en demeure et un décompte de créance.
Il en résulte que la société Creatis est fondée à obtenir paiement des sommes dues à la date de déchéance du terme prononcée par la dernière mise en demeure du 24 mars 2022 soit :
– 3 336,80 euros au titre des échéances impayées assurance comprise
– 21 727,57 euros au titre du capital restant dû
– 81,01 euros au titre des intérêts échus
soit un total de 25 145,38 euros majorée des intérêts au taux de 5,67 % à compter du 24 mars 2022 sur la seule somme de 25 064,37 euros.
Elle est en outre fondée à obtenir une indemnité de résiliation de 8 % laquelle, sollicitée à hauteur de 1 912,84 euros, apparaît excessive au regard du préjudice subi et doit être réduite à la somme de 210 euros et produire intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2022.
La cour condamne donc M. [T] à payer ces sommes à la société Creatis.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a condamné M. [T] aux dépens de première instance et en ce qu’il a rejeté la demande de la société Creatis sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En revanche rien ne justifie de le condamner aux dépens d’appel, alors que n’ayant jamais été représenté ni en première instance, ni en appel, il n’a jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l’a fait. La société Creatis conservera donc la charge de ses dépens d’appel et de ses frais irrépétibles.
LA COUR,
Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré la demande de la société Creatis recevable, a constaté la déchéance du terme, a condamné M. [M] [T] aux dépens et a rejeté la demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne M. [M] [T] à payer à la société Creatis les sommes de 25 145,38 euros majorée des intérêts au taux de 5,67 % à compter du 24 mars 2022 sur la seule somme de 25 064,37 euros au titre du solde du prêt et de 210 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2022 au titre de l’indemnité légale de résiliation ;
Laisse les dépens d’appel à la charge de la société Creatis ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
La greffière La présidente