Analyse des obligations contractuelles et des conséquences de la liquidation des sociétés dans le cadre d’un litige de travaux

·

·

Analyse des obligations contractuelles et des conséquences de la liquidation des sociétés dans le cadre d’un litige de travaux

Madame [J] [U] veuve [R] est propriétaire d’un appartement depuis le 12 juillet 2018. Le 23 juillet 2018, la SAS RAPHAEL RENOVATION a proposé un devis de travaux de 76 494,94 euros, modifié par la suite à 93 863,50 euros. Des factures ont été émises au nom de la SAS et de la SARL ACR-RAPHAEL RENOVATION. Un bon de commande pour des éléments de cuisine a été établi le 17 février 2019. Les travaux ont commencé le 4 mars 2019, et le 16 juin 2019, la SAS a demandé le règlement de fin de chantier. Madame [R] a émis des réserves en juillet 2019 et a mandaté un expert, qui a notifié des travaux restants à exécuter. La SAS a levé certaines réserves en septembre 2019, mais pas toutes.

Le 10 février 2020, Madame [R] a mis en demeure les sociétés de terminer les travaux. Un nouvel état des réserves a été établi le 17 juillet 2020. Madame [R] a ensuite assigné les sociétés en référé pour désigner un expert, qui a déposé son rapport le 6 décembre 2021. Le 4 avril 2022, elle a assigné les sociétés devant le tribunal pour obtenir des condamnations au paiement de diverses sommes, totalisant 64 281 euros pour les travaux de reprise et d’autres préjudices.

Les deux sociétés ont été déclarées en redressement puis en liquidation judiciaire en 2022, et Madame [R] a déclaré sa créance pour un montant total de 106 281 euros. Le 16 novembre 2022, elle a assigné le liquidateur judiciaire pour faire reconnaître sa créance au passif des liquidations. Les affaires ont été jointes par ordonnance du 3 avril 2023.

Dans leurs conclusions, les sociétés demandent le déboutement de Madame [R] et le paiement d’un solde de travaux. Elles contestent les conclusions de l’expert judiciaire, affirmant qu’aucun désordre décennal n’a été constaté et que les réserves étaient limitées à des non-finitions. Madame [R] a réclamé la fixation de sa créance et le déboutement des demandes des sociétés. La SELARL MJ LEFORT, liquidateur, n’était pas présente à l’audience. Le juge a fixé la clôture de la procédure au 28 mai 2024 et a renvoyé l’affaire à l’audience du 11 juin 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Draguignan
RG
22/02514
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DRAGUIGNAN
_______________________

Chambre 3 – CONSTRUCTION

DU 10 Septembre 2024
Dossier N° RG 22/02514 – N° Portalis DB3D-W-B7G-JNLM
Minute n° : 2024/235

AFFAIRE :

[J] [U] veuve [R] C/ S.A.R.L. ACR-AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION, S.E.L.A.R.L. MJ LEFORT, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS A.C.R. et de la SAS RAPHAEL RENOVATION, S.A.S. RAPHAEL RENOVATION

JUGEMENT DU 10 Septembre 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO

JUGES : Monsieur Guy LANNEPATS
Madame Olivia ROSE

GREFFIER lors des débats : Madame Peggy DONET
GREFFIER FF lors de la mise à disposition : Madame Evelyse DENOYELLE

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Juin 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le10 Septembre 2024

JUGEMENT :

Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort.

copie exécutoire à :

Me Jerry DESANGES de la SCP BARTHELEMY-DESANGES
Me Michel IZARD de la SCP LES AVOCATS IZARD & PRADEAU

Délivrées le 10 Septembre 2024

Copie dossier

NOM DES PARTIES :

DEMANDERESSE :

Madame [J] [U] veuve [R]
[Adresse 4]
représentée par Maître Michel IZARD de la SCP LES AVOCATS IZARD & PRADEAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’UNE PART ;

DÉFENDERESSES :

S.A.R.L. ACR-AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Jerry DESANGES de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

S.E.L.A.R.L. MJ LEFORT, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS A.C.R. et de la SAS RAPHAEL RENOVATION, dont le siège social est sis [Adresse 1]
non représentée

S.A.S. RAPHAEL RENOVATION, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Jerry DESANGES de la SCP BARTHELEMY-DESANGES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

D’AUTRE PART ;

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [J] [U] veuve [R] est propriétaire d’un appartement situé à [Adresse 4], depuis le 12 juillet 2018.

Le 23 juillet 2018, la SAS RAPHAEL RENOVATION a présenté aux époux [R] un devis de travaux comprenant la mission d’architecture et le suivi de chantier pour une somme totale de 76 494,94 euros TTC.

Ce devis a été modifié le 02 août 2018 puis le 24 novembre 2018 pour la somme de 93 863,50 euros TTC.

Des factures et des devis ont été émis au nom de la SARL ACR-RAPHAEL RENOVATION (immatriculée sous le SIRET de la SARL AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION) et au nom de la SAS RAPHAEL RENOVATION.

Par ailleurs, pour la rénovation de la cuisine, la SAS RAPHAEL RENOVATION a proposé à Madame [R] des éléments construits et vendus par la marque NOLTE KUCHEN et un bon de commande a été établi le 17 février 2019 au nom de la société « NOLTE RAPHAEL RENOVATION ».

Les travaux ont débuté le 4 mars 2019 et, le 16 juin 2019, la SAS RAPHAEL RENOVATION a demandé le règlement de fin de chantier.
Madame [R] a émis des réserves les 2 et 7 juillet 2019 et elle a mandaté un expert pour effectuer la réception des travaux. L’expert a dressé une liste de travaux restant à exécuter et l’a notifiée à la SAS RAPHAEL RENOVATION le 6 août 2019. La SAS RAPHAEL RENOVATION est ensuite intervenue au mois de septembre 2019 et a levé certaines réserves, mais pas toutes.

Le 10 février 2020, Madame [R] a mis en demeure la SAS RAPHAEL RENOVATION et la SARL AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION (ACR) de terminer les travaux, et le 17 juillet 2020 l’expert de Madame [R] a établi un nouvel état des réserves.

Madame [R] a fait assigner en référé la SAS RAPHAEL RENOVATION et la SAS ACR aux fins de désignation d’un expert et l’expert judiciaire, Monsieur [Y] [G] a déposé son rapport d’expertise le 6 décembre 2021.

C’est dans ces conditions que le 4 avril 2022, Madame [R] a fait assigner la SAS RAPHAEL RENOVATION et la SARL ACR devant le tribunal judiciaire de Draguignan aux fins de solliciter les condamnations solidaires des défenderesses au paiement de la somme principale de 64 281 euros TTC (soit les travaux de reprise pour 52 806 euros et le trop-perçu de 11 475 euros), au paiement de la somme de 15 500 euros au titre du préjudice de jouissance depuis le 1er août 2019 à parfaire, au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l’obligation de relogement pendant les travaux, la somme de 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise.

L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/02514.

Le 27 juin 2022, la SAS ACR a été déclarée en état de redressement judiciaire puis le 5 septembre 2022 en état de liquidation judiciaire et la SELARL MJ LEFORT a été désignée en qualité de liquidateur. Madame [R] a déclaré sa créance à titre chirographaire le 11 août 2022 pour un montant de 106 281 euros.

Le 25 juillet 2022, la SAS RAPHAEL RENOVATION a été déclarée en état de redressement judiciaire puis le 12 septembre 2022 en état de liquidation judiciaire et la SELARL MJ LEFORT a été désignée en qualité de liquidateur. Madame [R] a déclaré sa créance à titre chirographaire le 26 septembre 2022 pour un montant de 106 281 euros.

C’est dans ces conditions que le 16 novembre 2022, Madame [R] a fait assigner la SELARL MJ LEFORT en ses deux qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ACR et de la SAS RAPHAEL RENOVATION et a demandé au tribunal d’entendre la SELARL MJ LEFORT intervenir dans la cause, de l’entendre fixer sa créance au passif solidaire des liquidations judiciaires des deux sociétés aux sommes suivantes à titre chirographaire, 64 281 euros TTC (soit les travaux de reprise pour 52 806 euros et le trop-perçu de 11 475 euros), 18 000 euros au titre du préjudice de jouissance depuis le 1er août 2019 au 13 septembre 2022, 5000 euros au titre de l’obligation de relogement pendant les travaux, 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner la SELARL MJ LEFORT es-qualités au paiement des entiers dépens, y compris les frais de référé et d’expertise.

L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/07810.

Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 3 avril 2023 du juge de la mise en état sous le numéro unique RG 22/02514.

En réponse dans ses conclusions notifiées par RPVA le 15 septembre 2023, la SAS RAPHAEL RENOVATION et la SARL ACR demandent au tribunal de constater que Madame [U] veuve [R] s’est opposée à leur intervention, de la débouter de l’ensemble de ses demandes, de la condamner à leur payer au titre du solde des travaux la somme de 2115,58 euros, la somme de 2500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ces deux sociétés exposent que l’expert judiciaire n’a constaté aucun désordre de nature décennale, qu’il relève uniquement des réserves concernant des non-finitions, reprise d’enduit et peinture des murs. Elles ajoutent avoir proposé de lever ces réserves mais que le maître d’ouvrage s’est opposé catégoriquement à une quelconque intervention pour présenter un devis d’un montant de 55 946 euros lequel a été repris intégralement par l’expert judiciaire sans discussion et sans solliciter d’autres devis contradictoires. Elles précisent que le maître d’ouvrage peut effectuer les travaux aux frais avancés du constructeur uniquement si ce dernier refuse de lever les réserves, ce qui n’est pas le cas. Elles ajoutent qu’alors que l’expert judiciaire relève que les réserves sont limitées et purement esthétiques, il retient un devis d’un montant de 54 946 euros alors que les travaux facturés par SARL ACR sont de 89 985,65 euros, qu’ainsi le travail de l’expert n’est absolument pas sérieux et démontre une partialité en faveur de Madame [R] et qu’il n’a procédé à aucun décompte sérieux des comptes entre les parties.

Dans ses conclusions récapitulatives n°2 notifiées par RPVA le 4 janvier 2024, Madame [J] [U] veuve [R] demande au tribunal d’entendre la SELARL MJ LEFORT es-qualités de fixer la créance de l’exposante au passif solidaire des liquidations judiciaires des sociétés SAS ACR AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION et SAS RAPHAEL RENOVATION pour les causes énoncées, aux sommes suivantes à titre chirographaire, 64 281 euros TTC (soit les travaux de reprise pour 52 806 euros et le trop-perçu de 11 475 euros), 18 000 euros au titre du préjudice de jouissance depuis le 1er août 2019 au 13 septembre 2022, 5000 euros au titre de l’obligation de relogement pendant les travaux, 8000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, de débouter les SAS ACR AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION et la SAS RAPHAEL RENOVATION de leurs demandes comme irrecevables et mal fondées, et de condamner la SELARL MJ LEFORT es-qualités au paiement des entiers dépens, y compris les frais de référé et d’expertise.

La SELARL MJ LEFORT n’est ni présente, ni représentée à l’audience.

Par ordonnance du 18 mars 2024, le juge de la mise en état a fixé la clôture de la procédure au 28 mai 2024 et a ordonné le renvoi de l’affaire en formation collégiale à l’audience du 11 juin 2024, date à laquelle l’affaire a été plaidée et mise en délibéré ce jour par mise à disposition au greffe, les conseils avisés.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la conséquence de la non-comparution de la SELARL MJ LEFORT
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
En l’espèce la SELARL MJ LEFORT, assignée selon les dispositions de l’article 658 du code de procédure civile, est non-comparante.
En conséquence, le jugement étant susceptible d’appel, il sera statué par jugement réputé contradictoire conformément à l’article 474 du code de procédure civile.
2) Sur la recevabilité de l’action de Madame [R]
L’article 31 du code de procédure civile dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention.
Les devis présentés aux époux [R] le 23 juillet 2018, le 2 août 2018 et le 24 novembre 2018 ont été établis par la SAS RAPHAEL RENOVATION.
Nonobstant, Madame [V] [D] directrice générale de la SAS RAPHAEL RENOVATION a indiqué à Madame [R] dans son courriel du 28 novembre 2018 que la société facturant les travaux était la SARL ACR assurée en garantie décennale, que celle qui facturait le suivi était la SAS RAPHAEL RENOVATION, et que les deux sociétés avaient le même gérant Monsieur [N] [D].
Et il apparaît que les devis et les factures présentés aux époux [R] ont été émis parfois par la SARL ACR – RAPHAEL RÉNOVATION (facture du 29 janvier 2019, devis du 13 février 2019, facture du 14 mars 2019), par la SAS RAPHAEL RENOVATION (devis et factures du 13 février 2019 et du 29 mars 2019) et par la société NOLTE CUISINE (bon de commande du 17 février 2019 et facture du 22 février 2019) qui mentionne le numéro SIRET de la SAS RAPHAEL RENOVATION.
Du fait de la confusion entre ces diverses sociétés, il y a lieu de déclarer recevable l’action de Madame [R] contre la SAS AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION (ACR) et la SAS RAPHAEL RENOVATION.
3) Sur la recevabilité de l’action de la SAS AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION (ACR) et de la SAS RAPHAEL RENOVATION
L’article L641-9 du code du commerce dispose que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n’est pas clôturée, que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur, mais que toutefois, le débiteur accomplit les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l’administrateur lorsqu’il en a été désigné.
En l’espèce, il ressort des débats que le 5 septembre 2022 la SAS ACR a été déclarée en état de liquidation judiciaire et que la SELARL MJ LEFORT a été désignée en qualité de liquidateur, et que le 12 septembre 2022 la SAS RAPHAEL RENOVATION a été déclarée en état de liquidation judiciaire et que la SELARL MJ LEFORT a été désignée en qualité de liquidateur.
Il convient de dire que depuis les 5 et 12 septembre 2022, les droits et les actions de la SAS ACR et de la SAS RAPHAEL RENOVATION concernant leur patrimoine sont exercés par la SELARL MJ LEFORT, mais que ces deux sociétés conservent un droit procédural de se présenter à la présente instance pour la vérification de leurs créances.
En conséquence, il convient de déclarer recevables les actions de la SAS ACR et de la SAS RAPHAEL RENOVATION pour la vérification de leurs créances.
4) Sur la demande en principal
a) Sur les désordres
Il résulte des dispositions conjuguées de l’article 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, et des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits, et qu’ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
L’article 1792-6 du code civil ajoute que les délais nécessaires à l’exécution des travaux de réparation sont fixés d’un commun accord par le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur concerné, et qu’en l’absence d’un tel accord ou en cas d’inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant. Et l’article 1217 du même code précise que la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut demander réparation des conséquences de l’inexécution.
En l’espèce, le 23 juillet 2018 la SAS RAPHAEL RENOVATION a présenté un devis aux époux [R] pour des travaux dans leur appartement de [Localité 5] comprenant une mission d’architecture et de suivi de chantier, et ce devis a été modifié le 2 août 2018 et le 24 novembre 2018 pour une somme de 93 863,50 euros TTC.
Il n’est pas contesté par les parties que les travaux ont débuté le 4 mars 2019 et qu’ils devaient se terminer fin avril 2019, tel qu’il ressort du devis n°2576 du 13 février 2019.
Après la demande de la SAS RAPHAEL RENOVATION de règlement des factures le 14 juin 2019, un expert a été mandaté par Madame [R] et il a établi un procès-verbal de réception des travaux le 6 août 2019, non contradictoire puisque la SAS RAPHAEL RENOVATION ne s’est pas présentée à la réunion. Ce procès-verbal mentionnait de nombreuses réserves.

Il ressort des échanges de courriels entre les parties que la SAS RAPHAEL RENOVATION est intervenue et a levé certaines réserves, mais pas toutes.
Madame [R] a mis en demeure le 16 février 2020 les deux sociétés intervenantes et l’expert a établi le 17 juillet 2020 un nouvel état des réserves sur les travaux.
A la demande de Madame [R], un expert judiciaire a été désigné par le tribunal judiciaire de Draguignan et il a rendu son rapport au contradictoire des parties le 6 décembre 2021. Dans ses conclusions, Monsieur [G] mentionne de nombreuses réserves sur les travaux effectués, et notamment que « les désordres sont des malfaçons ou non façons visibles », que « les désordres sont majoritairement d’ordre esthétique, à l’exception de l’absence de verrouillage des volets roulants qui relève de la sécurité » et que « les malfaçons et non façons sont de la responsabilité de l’entreprise ».
Force est de constater que l’apparition des désordres établit les manquements des sociétés défenderesses à leurs obligations contractuelles et que ces sociétés ne rapportent pas la preuve que les désordres proviennent d’une cause étrangère.
Si dans leurs écritures les deux sociétés exposent que l’expert judiciaire n’a constaté aucun désordre de nature décennale mais uniquement des réserves concernant des non-finitions, et si elles prétendent avoir proposé de lever les réserves mais qu’elles « se sont heurtées au refus du maître d’ouvrage », il convient de constater d’une part qu’elles n’en rapportent pas la preuve et d’autre part que les travaux devaient se terminer fin avril 2019 et qu’elles n’ont proposé dans le cadre de l’expertise aucun délai pour lever les réserves.
Outre les manquements au délai raisonnable pour exécuter leurs obligations, les défenderesses ne peuvent prétendre à une réception de l’ouvrage puisque l’importance des réserves a été signalée dès le 9 août 2019 par le maître d’ouvrage afin de s’opposer à toute réception et qu’ainsi la volonté non équivoque de ce dernier de recevoir l’ouvrage n’est pas établie. Dans la mesure où les défenderesses n’établissent pas que l’ouvrage a été reçu et qu’elles ont manqué à leur obligation de lever les réserves signalées par Madame [R] en contrariété avec l’article 1792-6 du code civil, le caractère décennal des désordres, conditionné à une réception de l’ouvrage, n’a pas à être établi.
En conséquence, il convient de dire que la SAS ACR et la SAS RAPHAEL RENOVATION ont imparfaitement exécuté leurs obligations contractuelles et sont responsables des désordres dans les travaux effectués dans l’appartement de Madame [R] [J], et qu’ainsi cette dernière est en droit d’obtenir réparation des désordres.
b) Sur le coût des travaux
Dans son rapport du 6 décembre 2021, l’expert judiciaire a procédé à l’évaluation de la réfection et de l’achèvement des travaux propres à remédier aux désordres dont la responsabilité incombe aux SAS ACR et RAPHAEL RENOVATION.

Sur la base d’un devis de la SARL DAVILLE du 17 novembre 2021, il chiffre les travaux à la somme de 55 946 euros TTC, et il estime par ailleurs que Madame [R] a payé la somme totale de 94 359,78 euros alors que le devis récapitulatif des travaux comptabilise la somme de 82 883,90 euros.
Si dans leurs écritures les deux sociétés contestent ce devis, il convient de constater qu’il ressort d’une expertise contradictoire et que ces sociétés n’ont proposé aucune solution alternative.
D’autre part, si elles affirment que le travail de l’expert « n’est pas sérieux et démontre une partialité évidente en faveur de Madame [R] », force est de constater qu’elles ne fournissent aucun élément tangible pour concrétiser de telles critiques.
Force est de constater qu’il est paradoxal de reprocher à l’expert de « n’avoir procédé à aucun décompte sérieux des comptes entre les parties », alors que les factures émises par les sociétés SARL ACR – RAPHAEL RÉNOVATION, SAS RAPHAEL RENOVATION, SAS ACR et par la société NOLTE CUISINE, sont elles-mêmes particulièrement incompréhensibles, comme le souligne l’expert : « personne ne peut savoir qui fait quoi et qui facture quoi », et « aucune mission de maîtrise d’œuvre ne peut être revendiquée dans ce dossier ».
L’expert estime inutiles certaines prestations du devis de l’entreprise DAVILLE pour la somme totale de 3140 euros concernant des travaux et études relatifs au linteau, la mise ne place d’un bouchon démontable et la peinture des portes qui est reprise deux fois par l’entreprise.
En conséquence, il convient de dire que la SAS ACR et la SAS RAPHAEL RENOVATION restent devoir à Madame [R] [J] la somme de 52 806 euros au titre des travaux de reprise et la somme de 11 475 euros au titre du trop-perçu par les sociétés, soit la somme totale de 64 281 euros TTC.

5) Sur les demandes de dommages et intérêts
L’article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Si Madame [R] prétend subir un préjudice de jouissance, il convient de constater que l’expert déclare que « les désordres sont majoritairement d’ordre esthétique » et que « Madame [U] ([R]) n’a pas revendiqué un préjudice ».
Madame [R] [J] n’en justifiant pas, il convient en conséquence de la débouter de ses demandes au titre d’un préjudice de jouissance et d’obligation de relogement.

6) Sur les demandes reconventionnelles
Si les actions de la SAS ACR et de la SAS RAPHAEL RENOVATION ont été déclarées recevables pour la vérification de leurs créances, les demandes reconventionnelles sont irrecevables du fait de leur placement en situation de liquidation judiciaire et de la compétence unique de la SELARL MJ LEFORT en l’espèce conformément à l’article L641-9 du code de commerce.
A titre surabondant, les défenderesses n’établissent pas le bien-fondé de leurs créances alors qu’au contraire elles ont perçu des sommes en trop et ont cherché à semer la confusion sur leurs prestations respectives dans l’esprit de leur co-contractante.
7) Sur l’inscription des créances
Depuis les 5 et 12 septembre 2022, les droits et les actions de la SAS ACR et de la SAS RAPHAEL RENOVATION concernant leur patrimoine sont exercés par la SELARL MJ LEFORT.
Il convient en conséquence d’ordonner à la SELARL MJ LEFORT es-qualités de fixer la créance de Madame [R] [J] au passif solidaire des liquidations judiciaires de la SAS ACR et de la SAS RAPHAEL RENOVATION à titre chirographaire à la somme de 64 281 euros TTC pour la reprise des travaux et le trop-perçu.
8) Sur les demandes accessoires
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. En l’espèce, la SELARL MJ LEFORT, ès-qualités de liquidateur judiciaire des SAS AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION et RAPHAEL RENOVATION, sera condamnée aux dépens de l’instance, comprenant les frais de référé et d’expertise au profit de la SCP « LES AVOCATS IZARD & PRADEAU ».
L’article 700 du code de procédure civile dispose que dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En l’espèce, il convient d’ordonner à la SELARL MJ LEFORT de fixer la créance de Madame [R] au passif solidaire des liquidations judiciaires de la SAS AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION et de la SAS RAPHAEL RENOVATION la somme de 2000 euros à titre chirographaire au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Le surplus des demandes à ce titre sera rejeté.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire rendue en premier ressort,

DECLARE recevable l’action de Madame [R] [J] contre la SAS AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION et la SAS RAPHAEL RENOVATION ;
DECLARE recevables les actions de la SAS AGENCEMENT CONSTRUCTION ET RENOVATION et de la SAS RAPHAEL RENOVATION pour la vérification de leurs créances et les DECLARE irrecevables en leur demande reconventionnelle ;
ORDONNE à la SELARL MJ LEFORT, en sa double qualité de liquidateur judiciaire des sociétés ACR et RAPHAEL RENOVATION, de fixer la créance de Madame [J] [U] veuve [R] au passif solidaire des liquidations judiciaires de la SAS ACR et de la SAS RAPHAEL RENOVATION à titre chirographaire aux sommes suivantes :
– 64 281 euros TTC (SOIXANTE QUATRE MILLE DEUX CENT QUATRE-VINGT-UN EUROS) pour la reprise des travaux et le trop-perçu,
– 2000 euros (DEUX MILLE EUROS) en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SELARL MJ LEFORT, en sa double qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ACR et de la SAS RAPHAEL RENOVATION, aux dépens de l’instance, comprenant les frais de référé et d’expertise au profit de la SCP « LES AVOCATS IZARD & PRADEAU » ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire assortit l’entière décision ;
REJETTE le surplus des demandes ;
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Draguignan le DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x