Analyse des obligations contractuelles et des conséquences de la défaillance dans le cadre d’un crédit à la consommation

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Analyse des obligations contractuelles et des conséquences de la défaillance dans le cadre d’un crédit à la consommation

M. [W] [S] et Mme [C] [X] épouse [S] ont signé un contrat de prêt personnel de 48 891,00 euros avec la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS, remboursable en 84 mensualités de 730,06 euros. Suite à des échéances non honorées, la société de crédit a demandé la déchéance du terme et a assigné les époux devant le tribunal pour obtenir la résiliation du contrat et le paiement d’une somme de 53 238,33 euros, ainsi que des intérêts de retard et des dépens. Lors de l’audience, les époux ont reconnu la dette mais ont exprimé leur souhait d’éviter les pénalités, demandant un délai de 24 mois avec des mensualités réduites à 200 euros. L’affaire a été mise en délibéré pour décision.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

30 août 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/02426
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 30/08/2024
à : Monsieur [W] [S], Madame [C] [X] épouse [S]

Copie exécutoire délivrée
le : 30/08/2024
à : Me Eric BOHBOT

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/02426 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4F4O

N° MINUTE :
5/2024

JUGEMENT
rendu le vendredi 30 août 2024

DEMANDERESSE
La Société LCL- LE CREDIT LYONNAIS, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0430

DÉFENDEURS
Monsieur [W] [S], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne
Madame [C] [X] épouse [S], demeurant [Adresse 2]
représentée par M. [V] [X] (Père)

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe, juge des contentieux de la protection, assistée de Florian PARISI, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 07 juin 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, mis en délibéré à la date initiale du 06 septembre 2024 puis avancé et prononcé par mise à disposition le 30 août 2024 par Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe assistée de Florian PARISI, Greffier

Décision du 30 août 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/02426 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4F4O

EXPOSE DU LITIGE
M. [W] [S] et Mme [C] [X] épouse [S] (ci-après les époux [S]) ont signé, le 4 octobre 2022, une offre de prêt personnel n° 82418151974 de la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS pour un montant en capital de 48 891,00 euros remboursable au taux conventionnel de 3,60% (taux annuel effectif global 3,81%) l’an en 84 mensualités de 730,06 euros assurance comprise.

Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société de crédit a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte de commissaire de justice en date du 8 février 2024, la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS a fait assigner les époux [S], devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, afin d’obtenir au visa de l’article L.311-1 du Code de la consommation et 1224 à 1230 du Code civil,
– le constat de la déchéance du terme et, à titre subsidiaire, le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de prêt,
– la condamnation du défendeur au paiement des sommes suivantes :
– 53 238,33, augmentés des intérêts de retard courus au taux contractuel de 3,60% l’an à compter de l’assignation,
– 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– la condamnation de la défenderesse aux dépens.

A l’audience du 7 juin 2024, la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son exploit introductif d’instance. Les diverses obligations édictées par le Code de la consommation relatives à une éventuelle forclusion de son action, la nullité du contrat pour omission de la date d’acceptation de l’offre et déblocage des fonds anticipée, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (mentions et présentation de l’encadré du contrat, FIPEN et mentions obligatoires de cette fiche, notice d’assurance, consultation du FICP, vérification solvabilité) ainsi que l’exclusion des intérêts légaux ont été mis dans le débat d’office. La demanderesse n’a pas fait valoir d’observation sur ces points fixant la date du premier incident de paiement non régularisé au 12 janvier 2023.

Assigné à l’étude, M. [W] [S] a comparu en personne. Mme [C] [X] épouse [S] a comparu représentée par M. [V] [X], son père muni d’un pouvoir remis au greffier.

Ils ont expliqué avoir contracté plusieurs prêts auprès de la banque et suite à difficultés financières se sont vus proposer un nouveau contrat de prêt par regroupement de crédits alors qu’ils n’étaient pas solvables. Ils reconnaissent chacun la dette mais souhaitent si possible éviter les pénalités et majorations. Ils sollicitent 24 mois de délais avec une mensualité de 200 euros par mois.

Conformément à l’article 467 du Code de procédure civile, la décision à intervenir sera contradictoire.

L’affaire a été mise en délibéré et rendue ce jour par mise à disposition au greffe en application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du Code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011, recodifiés par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 pour la partie législative, et par le décret n° 884 du 29 juin 2016 pour la partie réglementaire.

L’article R.632-1 du Code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du Code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 7 juin 2024.

L’article L.312-39 du Code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif les sommes, restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du Code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l’absence de cause de nullité du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion
L’article R.312-35 du Code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal judiciaire dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet article précise que lorsque les modalités de règlement des échéances ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés.

En l’espèce, au regard de la date du crédit (4 octobre 2022), la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS est recevable en son action, l’assignation datant du 8 février 2024, soit moins de deux ans après le premier impayé non régularisé.

Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1217 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés.

Aux termes de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du Code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Civ 1ère, 3 juin 2015).

La mise en demeure que le créancier doit adresser au débiteur n’étant pas de nature contentieuse, les dispositions des articles 665 à 670-3 du Code de procédure civile ne sont pas applicables et le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n’affecte pas sa validité. (Civ 1ère, 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.680, publié)

En l’espèce, le contrat de prêt n’exclut pas de manière expresse et non équivoque l’envoi d’une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme et la demanderesse produit aux débats certes une mise en demeure à chacun des époux en date du 30 juin 2023 exigeant le paiement de la somme de 53 2838,33 euros correspondant au solde du crédit, mais ne justifie pas d’un avertissement préalable.

Il en résulte que la déchéance du terme n’a pu régulièrement intervenir et qu’il convient ainsi d’examiner la demande subsidiaire en prononcé de résiliation judiciaire.

En application de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Il sera également rappelé que le prêt qui se réalise par la remise des fonds à l’emprunteur, est un contrat instantané, dont les échéances ne sont que le fractionnement d’une obligation unique de remboursement (Ccass 1re Civ., 5 juillet 2006 n° 05-10.982), et que la sanction du manquement contractuel est ainsi bien la résolution judiciaire et non la résiliation judiciaire.

Il ressort de l’historique de compte produit que les échéances du prêt sont impayées depuis le 12 janvier 2023, seules deux mensualités ayant été entièrement honorées à ce jour, alors que le paiement des mensualités de remboursement figure comme première obligation essentielle de l’emprunteur. Ce défaut de paiement pendant plusieurs mois caractérise un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de crédit aux torts des emprunteurs au jour du présent jugement, quand bien même ces derniers expliquent que la banque leur a consenti ce prêt alors qu’ils étaient insolvables et à la place de précédents crédits qu’ils n’avaient pu honorer, dès lors qu’en signant la proposition de crédit ils se sont engagés à le rembourser.

Sur le montant de la créance
La résolution d’un contrat de prêt entraîne la remise des parties en l’état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion (Ccass 1re Civ., 14 novembre 2019 n°18-20955), à la différence de la résiliation qui n’est pas rétroactive mais ne joue que pour les contrats à exécution successive, ce que n’est pas le prêt.

Dès lors, l’emprunteur est tenu de restituer le capital prêté, moins les sommes qu’il a déjà versées.

Au regard de l’historique du prêt, il y a lieu de condamner Mme [E] [G] à payer à la société SA CA CONSUMER FINANCE la somme de 47 430,88 euros au titre du capital restant dû (48 891 – 1 460,12 euros réglés).

Il sera par ailleurs rappelé qu’en application de l’article 1152 devenu 1231-5 du code civil, le juge peut réduire d’office le montant de la clause pénale si elle est manifestement excessive.

En l’espèce, la clause pénale de 8% du capital dû à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt représentant la somme de 3 848,22 euros est manifestement excessive compte tenu du préjudice réellement subi par la société SA CA CONSUMER FINANCE et sera réduite à 1 euro.

Les époux [S] sont ainsi solidairement tenus au paiement de la somme totale de 47 431,88 euros correspondant au capital restant dû et à la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice de la résolution en application de l’article 1231-6 du code civil.

Compte tenu du montant de la dette et en l’absence de justification des ressources et charges du couple, la demande de délais de paiement pendant 24 mois avec proposition d’un échéancier de 200 euros par mois et le solde au 24ème mois, à laquelle s’oppose la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS, ne saurait prospérer.

Les époux [S] seront donc déboutés de leur demande de délais de paiement.

Sur les demandes accessoires
Les défendeurs qui succombent, supporteront les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité ne commande de faire droit à la demande de la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS au titre des frais irrépétibles.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement et en premier ressort, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe,

CONSTATE que les conditions de prononcé régulier de la déchéance du terme du prêt personnel n° 82418151974, accordé par la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS à M. [W] [S] et Mme [C] [X] épouse [S] ne sont pas réunies ;

PRONONCE la résolution judiciaire du prêt personnel n° 82418151974, accordé par la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS à M. [W] [S] et Mme [C] [X] épouse [S] aux torts de ces derniers à compter de ce jour ;

RÉDUIT l’indemnité sollicitée par la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS au titre de la clause pénale à 1 euro ;

CONDAMNE solidairement M. [W] [S] et Mme [C] [X] épouse [S] à verser à la société SA LCL-LE CREDIT LYONNAIS la somme de 47 431,88 euros au titre du capital restant dû et de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 8 février 2024 ;

CONDAMNE in solidum M. [W] [S] et Mme [C] [X] épouse [S] aux dépens ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par le juge et le greffier susnommés et mis à disposition au greffe.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


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