La S.A.S. SOGEFINANCEMENT a accordé un prêt personnel de 15 000 euros à Madame [X] [Y] [G] [F] le 22 janvier 2019, avec un taux nominal de 1,00 %. Madame [P] [O] a agi en tant que caution. Suite à des impayés, la S.A.S. a assigné les deux femmes devant le tribunal judiciaire de Paris pour obtenir la constatation de la déchéance du terme, la résiliation du contrat de crédit, et le paiement d’une somme de 12 316,24 euros, ainsi que des frais. À l’audience du 27 mai 2024, le montant de la dette a été actualisé à 11 772,07 euros. La S.A.S. a indiqué que les mensualités n’avaient pas été réglées depuis le 30 janvier 2023, entraînant la déchéance du terme le 12 juin 2023. Les défenderesses n’ont pas comparu. Des questions de forclusion et de déchéance des droits ont été soulevées d’office. La décision sera rendue le 30 août 2024.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Mme [O], Mme [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me MENDES GIL
Pôle civil de proximité
■
PCP JCP fond
N° RG 24/04782 – N° Portalis 352J-W-B7I-C42R2
N° MINUTE :
JUGEMENT
rendu le vendredi 30 août 2024
DEMANDERESSE
S.A.S. SOGEFINANCEMENT,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0173
DÉFENDERESSES
Madame [X] [Y] [G] [F],
domiciliée chez Mme [O] [P], [Adresse 1]
non comparante, ni représentée
Madame [P] [O],
demeurant [Adresse 1]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Jean-François SEGOURA, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 27 mai 2024
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 30 août 2024 par Clara SPITZ, Juge assistée de Jean-François SEGOURA, Greffier
Décision du 30 août 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/04782 – N° Portalis 352J-W-B7I-C42R2
Selon offre préalable acceptée le 22 janvier 2019, la S.A.S. SOGEFINANCEMENT a consenti à Madame [X] [Y] [G] [F] un prêt personnel n° 00037199120421 d’un montant en capital de 15 000 euros remboursable au taux nominal de 1,00 % (soit un TAEG de 1,00 %) en 36 premières mensualités de 18,80 euros puis en 48 autres mensualités de 325,25 euros assurance comprise.
Madame [P] [O] s’est portée caution personnelle et solidaire suivant engagement du 22 janvier 2019.
Des échéances étant demeurées impayées, la S.A.S. SOGEFINANCEMENT a fait assigner Madame [X] [Y] [G] [F] et Madame [P] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par actes de commissaire de justice des 30 avril 2024 et 06 mai 2024 afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
le constat que la déchéance du terme est acquise et à défaut, le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de crédit,la condamnation solidaire de Madame [X] [Y] [G] [F] et de Madame [P] [O], sans délai, au paiement de la somme de 12 316,24 euros avec intérêt au taux contractuel de 1,00% à compter du 12 juin 2023 et capitalisation des intérêts,la condamnation solidaire de Madame [X] [Y] [G] [F] et de Madame [P] [O] à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
A l’audience du 27 mai 2024, la S.A.S. SOGEFINANCEMENT, représentée par son conseil, actualise le montant de la dette à la somme de 11 772,07 euros.
Au soutien de sa demande, elle fait valoir que les mensualités d’emprunt ont cessé d’être réglées à compter du 30 janvier 2023, ce qui l’a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 12 juin 2023 après mises en demeure restée infructueuses adressées à Madame [X] [Y] [G] [F] et à Madame [P] [O].
Ces dernières, respectivement assignées selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile et à étude, n’ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter.
La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d’assurance, FICP, vérification solvabilité, etc) ont été mis dans le débat d’office, sans que le demandeur ne présente d’observations supplémentaires sur ces points.
En application de l’article 473 du code de procédure civile, il sera statué par décision réputée contradictoire.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 30 août 2024.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait alors droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 19 janvier 2024.
L’article L.312-39 du Code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du Code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.
Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l’absence de cause de nullité du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Il convient dès lors de vérifier l’absence de forclusion de la créance, et l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la demande en paiement
Sur la forclusion
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Cet événement est caractérisé par le non paiement des sommes dues à la suite du premier incident de paiement non régularisé.
En l’espèce, il résulte de l’historique de compte produit que le premier incident de paiement non régularisé date du 30 janvier 2023 de sorte que l’action, introduite les 30 avril 2024 et 06 mai 2024, n’est pas atteinte de forclusion.
sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.
La jurisprudence sanctionne la violation de ce texte par la nullité du contrat en vertu de l’article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté (Ccass civ 1ère, 22 janvier 2009, 03-11.775).
En l’espèce, le déblocage des fonds est intervenu le 30 janvier 2019 soit plus de sept jours après la date de signature du contrat par Madame [X] [Y] [G] [F] de sorte qu’aucune nullité n’est encourue.
sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires. En application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés, soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire, soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.
En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).
Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l’envoi d’une telle mise en demeure et de s’assurer que la mise en demeure a bien été portée à la connaissance du débiteur (Ccass Civ 1ère, 2 juillet 2014, n° 13-11636).
En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d’exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement mais ne conditionne la déchéance du terme à l’envoi d’aucune mise en demeure préalable. La mise en demeure qui a cependant été adressée à Madame [X] [Y] [G] [F] et à Madame [P] [O] le 15 mai 2023, par courrier recommandé avec accusé de réception, les enjoint de régler la somme de 1 055,59 euros dans un délai de 15 jours, ce qui constitue un délai insuffisant.
Par conséquent, il ne saurait être considéré que la déchéance du terme a valablement été acquise au 12 juin 2023.
Sur la résiliation judiciaire
En application de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
Or, si la résolution d’un contrat à exécution successive a les effets d’une résiliation, et ne porte donc que sur l’avenir, celle d’un contrat à exécution instantanée remet les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant sa conclusion, conformément à l’article 1229 du code civil.
Il sera rappelé que le contrat de prêt est un contrat à exécution instantanée, puisque la totalité des fonds doit être libérée en une fois, et que les échéances de remboursement ne sont que le fractionnement d’une obligation unique de remboursement.
En l’espèce, il ressort de l’historique de compte produit que les échéances du prêt sont impayées depuis le 30 janvier 2023. Si les défenderesses ont justifié du paiement de la somme de 1 900 euros avant la date de l’assignation puis de 100 euros supplémentaires, le paiement des échéances courantes n’a pas été repris.
Ce défaut de paiement pendant plusieurs mois caractérise un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de crédit aux torts de l’emprunteur au jour du présent jugement.
Il convient, par conséquent, de remettre les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion du contrat.
En conséquence, Madame [X] [Y] [G] [F] est tenue de restituer à l’établissement de crédit le capital perçu (15 000 euros) déduction faite des sommes qu’elle a versées (5 673,56 euros), soit la somme de 9 326,44 euros.
Par ailleurs, en application de l’article 1152 devenu 1231-5 du code civil, le juge peut réduire d’office le montant de la clause pénale si elle est manifestement excessive.
En l’espèce, la clause pénale de 8% du capital dû à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt est manifestement excessive compte tenu du préjudice réellement subi par l’établissement de crédit, qui percevra des dommages et intérêts moratoires consistant en des intérêts au taux légal, laquelle sera réduite à 1 euros.
Madame [X] [Y] [G] [F] sera donc condamnée à payer la somme de 9 327,44 euros correspondant au capital restant dû et à la clause pénale. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la demande en justice de la résolution en application de l’article 1231-6 du code civil.
Madame [P] [O] y sera condamnée solidairement en application de l’article 2288 du code civil, et conformément à son engagement de caution.
Sur les demandes accessoires
Madame [X] [Y] [G] [F] et Madame [P] [O], parties perdantes, supporteront in solidum les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
En revanche, l’équité et la situation économique respective des parties commandent d’écarter toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Enfin, selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
CONSTATE que les conditions du prononcé régulier de la déchéance du terme du prêt personnel accordé à Madame [X] [Y] [G] [F] le 22 janvier 2019 ne sont pas réunies,
PRONONCE la résolution du contrat de prêt de 15 000 euros conclu, le 22 janvier 2019, entre Madame [X] [Y] [G] [F] et la S.A.S. SOGEFINANCEMENT aux torts de l’emprunteur,
CONDAMNE solidairement Madame [X] [Y] [G] [F] et Madame [P] [O], dans la limite de son engagement de caution, à payer à la S.A.S. SOGEFINANCEMENT la somme de 9 327,44 euros à titre de restitution des sommes versées en application du contrat précité et de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum Madame [X] [Y] [G] [F] et Madame [P] [O] aux dépens,
REJETTE le surplus des demandes ;
RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Fait et jugé à Paris le 30 août 2024
Le greffier
La juge des contentieux de la protection