Analyse des obligations contractuelles en matière de construction de maison individuelle : conditions suspensives et responsabilité du constructeur

·

·

Analyse des obligations contractuelles en matière de construction de maison individuelle : conditions suspensives et responsabilité du constructeur

Monsieur [B] [L] a acquis un terrain à bâtir à [Localité 3] et a signé un contrat de construction avec la société LES MAISONS ALAIN METRAL le 20 février 2020. Ce contrat était soumis à des conditions suspensives, notamment l’obtention d’une garantie de livraison. Le permis de construire a été accordé le 7 octobre 2020, accompagné d’une délibération municipale exigeant une étude de sol pour dimensionner les ouvrages de récupération des eaux pluviales. Monsieur [L] a commandé une étude de sol à la société GEOTECHNIQUE, dont les résultats ont été présentés à la société de construction lors d’une réunion le 17 novembre 2020.

Suite à ces résultats, un avenant a été proposé par la société LES MAISONS ALAIN METRAL, incluant des surcoûts pour adapter les fondations. Monsieur [L] a contesté ces surcoûts, affirmant que le prix du contrat était ferme et que la société devait assumer les adaptations nécessaires. Le 28 janvier 2021, la société a résilié le contrat en raison du refus de la garantie de livraison par la société VERSPIEREN.

Monsieur [L] a alors assigné la société en justice pour obtenir réparation de ses préjudices. Il soutient que la résiliation était fautive et que la société a manqué à son devoir de conseil. En réponse, la société LES MAISONS ALAIN METRAL a contesté la responsabilité, affirmant que la défaillance de la condition suspensive n’était pas de son fait et qu’elle n’avait pas manqué à son devoir de conseil. Les deux parties ont présenté leurs arguments et demandes d’indemnisation, et l’affaire a été mise en délibéré pour jugement.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse
RG
22/02234
JUGEMENT DU : 19 Septembre 2024
MINUTE N° : 24/
DOSSIER N° : N° RG 22/02234 – N° Portalis DBWH-W-B7G-GBMY

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOURG-EN-BRESSE

CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT DU 19 Septembre 2024

Dans l’affaire entre :

DEMANDEUR

Monsieur [B] [L],
né le 22 novembre 1992 à [Localité 4] (69),
demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Thomas GUYENARD, avocat au barreau de Lyon, vestiaire : 3236

DEFENDERESSE

S.A.R.L. LES MAISONS ALAIN METRAL, immatriculée au RCS d’Annecy sous le n°317 526 382
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Serge MOREL-VULLIEZ, avocat plaidant au barreau d’Annecy, Me Luc ROBERT, avocat postulant au barreau de l’Ain, vestiaire : T 28

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors des débats et du délibéré :

PRESIDENT : Monsieur GUESDON, 1er Vice Président

ASSESSEURS : Madame BLIN, Vice Présidente
Monsieur DRAGON, Juge

GREFFIER : Madame LAVENTURE,

DÉBATS : tenus à l’audience publique du 20 Juin 2024, en présence de Madame BLIN et de Monsieur DRAGON, Juges rapporteurs

JUGEMENT : rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et Contradictoire

A l’audience, Madame BLIN a fait le rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile

ELEMENTS DU LITIGE

Monsieur [B] [L] a fait l’acquisition d’un terrain à bâtir dans le cadre d’un projet de lotissement sur la commune de [Localité 3].

Le 20 février 2020, il a signé avec la société LES MAISONS ALAIN METRAL un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans pour un montant de 138 000 euros, et sous différentes conditions suspensives, dont celle liée à l’obtention de la garantie de livraison à prix et délais convenus.

Le 7 octobre 2020, le permis de construire a été accordé par la mairie de [Localité 3]. L’arrêté était accompagné d’une délibération du conseil municipal en date du 25 juin 2020 indiquant notamment que : “la perméabilisation étant très inégale sur la commune, un sondage devra être réalisé par le demandeur du projet ou le propriétaire de la parcelle pour dimensionner le ou les ouvrages. La commune ne pourra être tenue pour responsable si le dimensionnement des ouvrages n’est pas adapté au volume d’eaux pluviales à infiltrer sur la parcelle.”

Monsieur [L] a confié à la société GEOTECHNIQUE une mission “G2 phase AVP Etude d’infiltration des eaux pluviales” comprenant l’étude du dimensionnement des ouvrages de récupération des eaux pluviales et des études poussées sur la nature du sol où la construction devrait être réalisée, et un rapport lui a été remis le 27 octobre 2020.

A l’occasion d’une réunion de préparation au chantier organisée le 17 novembre 2020, Monsieur [L] a exposé à la société LES MAISONS ALAIN METRAL les résultats de cette étude et lui a demandé de prendre en considération les adaptations techniques induites par la nature du sol.

La société LES MAISONS ALAIN METRAL a établi un avenant n°3 daté du 27 novembre 2020 comportant notamment une “plus-value pour approfondissement des fondations sur l’ensemble de la construction afin de respecter les préconisations de l’étude de sol de la société S2E du 27.10.2020″ et une “plus-value pour réalisation d’un vide-sanitaire de 75 cm de haut sur l’ensemble de la construction (partie habitable + garage) en remplacement du dallage prévu au contrat”, le tout représentant une somme de 13 004 euros TTC.

Par courrier recommandé avec accusé réception du date du 1er décembre 2020, Monsieur [L] a indiqué à la société LES MAISONS ALAIN METRAL que le CCMI était conclu selon un prix ferme et définitif et qu’il incombait à cette dernière de prendre en charge le coût lié à l’adaptation de son projet à l’étude de sols qui lui avait été fournie.

Par courrier du 28 janvier 2021, la société LES MAISONS ALAIN METRAL a informé Monsieur [L] de la résiliation sans délai de son contrat suite au refus de délivrance de la garantie de livraison émanant de la société VERSPIEREN.

Par acte d’huissier de justice du 5 juillet 2022, Monsieur [B] [L] a assigné devant le tribunal judiciaire de BOURG-EN-BRESSE la société LES MAISONS ALAIN METRAL en responsabilité et indemnisation de ses préjudices.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 octobre 2023, Monsieur [B] [L] sollicite de :
“Vu les articles L132-7 et L.231-2 du code de la construction et de l’habitation,
Vu l’article 1231-1 du Code civil,
Vu les articles 514 et suivants du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats et notamment l’étude de sols GEOTECHNIQUE SAS du 27 octobre 2020,
A titre principal,
DIRE ET JUGER que la société ALAIN METRAL est responsable de la non-exécution de la condition suspensive tenant à l’obtention de la garantie de livraison du fait de l’insuffisance de marge déclarée au garant de livraison.
DIRE, dans ces conditions, que la résiliation du contrat de construction de maison individuelle est fautive.
CONDAMNER la société ALAIN METRAL à indemniser monsieur [L] de l’ensemble des préjudices et surcoûts induits pour permettre l’adaptation de l’ouvrage au sol.
A titre subsidiaire,
DIRE ET JUGER que la société ALAIN METRAL ne s’est pas assurée de la nature et de l’importance des travaux nécessaires à l’adaptation au sol de l’ouvrage dont la construction était projetée.
DIRE ET JUGER que la société LES MAISONS ALAIN METRAL a failli dans l’exécution de son devoir de conseil.
CONDAMNER la société ALAIN METRAL à indemniser monsieur [L] de tous chefs de préjudices, celle-ci ayant manqué à son devoir de conseil.
Par suite sur les préjudices et autres demandes,
CONDAMNER la société ALAIN METRAL à indemniser monsieur [L] à hauteur de la somme de 15.637,20 € TTC correspondant à celle qui a dû être engagée pour dimensionner correctement l’ouvrage au sol d’ancrage.
CONDAMNER la société ALAIN METRAL à la somme de 1.716 € au titre des frais exposés par le maître d’ouvrage pour la conduite de l’étude géotechnique.
CONDAMNER la société ALAIN METRAL à la somme de 10.000 € en indemnisation du préjudice moral subi par monsieur [L].
CONDAMNER la société ALAIN METRAL à la somme de 614,52 € en indemnisation des frais bancaires indûment assumés par monsieur [L].
CONDAMNER la société ALAIN METRAL à verser à monsieur [B] [L] la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER la société ALAIN METRAL à prendre en charge les entiers dépens de l’instance dont distraction faite au profit de Maître Thomas GUYENARD, Avocat, sur son affirmation de Droit.
REJETER toute demande contraire ou plus ample”.

A l’appui de ses prétentions, il fait valoir notamment :
* que la résiliation du contrat de construction de maison individuelle, par la société LES MAISONS ALAIN METRAL, est fautive, ce qui justifie qu’elle l’indemnise de l’ensemble des préjudices subis et surcoûts induits pour permettre l’adaptation de l’ouvrage au sol,
* qu’en effet, le refus de délivrance de la garantie de livraison est motivé tant par le garant de livraison que par la société LES MAISONS ALAIN METRAL par des termes particulièrement vagues, et est motivé en réalité uniquement par l’insuffisance de marge déclarée par le constructeur du fait de son imprévision fautive tendant à prévoir des fondations suffisamment dimensionnées pour échapper, notamment, à l’aléa de retrait-gonflement des argiles,
* que c’est uniquement ce surcoût qui n’avait pas été prévu au départ qui est le facteur qui a évolué entre le mois d’octobre 2020 et le refus du mois de janvier 2021,
* qu’à l’occasion de l’avenant n°3 du 27 novembre 2020, Monsieur [L] a répondu “non” à la question des surcoûts liés aux adaptations rendues nécessaires par l’étude de sols, ce qu’il a confirmé par mail du 30 novembre 2020, de sorte que cet avenant n’a pas modifié les relations contractuelles en ce qui concerne les fondations et leur surcoût induit par l’insuffisance du projet porté par le constructeur,

* qu’alors qu’il appartient à la société LES MAISONS ALAIN METRAL de démontrer, en tant que professionnelle, que ce refus de garantie de livraison serait motivé par d’autres considérations que la perte de marge, comme l’exige la jurisprudence, elle ne le fait pas,
* que les motifs invoqués tardivement par la société LES MAISONS ALAIN METRAL pour justifier du refus de garantie de livraison ne sont pas plausibles,
* qu’au contraire, la société LES MAISONS ALAIN METRAL a reconnu dans ses écritures qu’en raison du nouvel avenant comportant une plus-value de l’ordre de 15 000 euros pour adapter les fondations, elle a été dans l’obligation de solliciter une nouvelle garantie de livraison à prix et délais convenus, ce qui a constitué une aggravation du risque pour le garant du fait de la réduction du prix de revient du constructeur,
* subsidiairement, que la société LES MAISONS ALAIN METRAL a manqué à son devoir de conseil, ce qui justifie que sa responsabilité contractuelle soit retenue sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil et de l’article L 231-2 du code de la construction et de l’habitation, puisqu’elle ne s’est pas assurée, avant la conclusion de son contrat, de la nature et de l’importance des travaux nécessaires à l’adaptation au sol de la maison de Monsieur [L],
* qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir unilatéralement et sans information préalable décidé de recourir aux services de la société GEOTECHNIQUE aux fins d’expertise du sol, alors qu’il appartenait à la société LES MAISONS ALAIN METRAL de s’assurer que l’ouvrage projeté soit correctement dimensionné et d’informer le consommateur de faire réaliser une étude de sol aux frais du professionnel, dans le cas où ce dernier venait à en faire l’économie, conformément aux dispositions d’ordre public auxquelles elle est soumise,
* que la société LES MAISONS ALAIN METRAL doit donc l’indemniser des préjudices subis en raison de son imprévision fautive, qui ont consisté en la dépense de sommes supérieures à celles prévues dans le contrat initial, à des frais intercalaires et d’assurance de prêt, et en un préjudice moral,
* que le remboursement du coût de l’étude de sols effectuée par la société GEOTECHNIQUE se justifie par le fait que la clause mentionnée dans la notice descriptive selon laquelle l’étude de sol éventuelle devra rester à la charge du client est abusive, au regard de la jurisprudence habituelle rendue dans le lignée de l’article L 231-2 c) du code de la construction et de l’habitation.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 18 décembre 2023, la SARL LES MAISONS ALAIN METRAL sollicite de :
“ Sans avoir nul égard aux fins, moyens et conclusions contraires, si ce n’est pour les rejeter,
Vu les articles L 132-7, L 231-2 et L 231-5 du Code de la Construction et de l’habitation.
Vu les articles 1193, 1217 et suivants, 1304 et suivants du Code Civil,
Vu l’article 6 du Code de Procédure Civil,
Vu les pièces versées aux débats selon bordereau,
Sur la condition suspensive :
CONSTATER la défaillance de la condition suspensive de garantie de livraison à prix et délai convenus.
JUGER que cette défaillance n’est pas imputable à la société LES MAISONS ALAIN METRAL
Sur le devoir de conseil :
CONSTATER que Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un manquement à l’obligation de conseil de la société LES MAISONS ALAIN METRAL.
JUGER que la société LES MAISONS ALAIN METRAL n’a pas commis de manquement à son devoir de conseil.
Sur le sort du contrat de construction de maison individuelle :
A titre principal :
JUGER que l’ensemble des obligations découlant du contrat en date du 20 février 2020 est réputé n’avoir jamais existé du fait de la défaillance d’une des conditions suspensives stipulées dans cet acte.

A titre subsidiaire :
JUGER que les parties se sont accordées pour résilier le contrat de construction de maison individuelle.
Sur la demande de dommages et intérêts :
DEBOUTER Monsieur [L] de l’intégralité de ses demandes indemnitaires dépourvues de tout fondement.
En tout état de cause :
DEBOUTER Monsieur [L] de sa demande de condamnation de la société LES MAISONS ALAIN METRAL à la somme 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
CONDAMNER Monsieur [L] au paiement d’une somme de 7 500,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
DIRE n’y avoir lieu à assortir le jugement de l’exécution provisoire.”

A l’appui de ses prétentions, elle fait valoir notamment :
* que la défaillance de la condition suspensive de garantie de livraison à prix et délai convenus ne lui est pas imputable, puisqu’elle s’est conformée aux stipulations contractuelles en demandant une garantie de livraison à prix et délais convenus, et qu’elle n’a pas empêché sa réalisation,
* que Monsieur [L] ne saurait lui imputer la charge de la preuve en se fondant exclusivement sur les articles L 221-5 et L 221-7 du code de la consommation, alors qu’ils portent exclusivement sur la délivrance d’informations précontractuelles,
* qu’en outre, la société VERSPIEREN n’a pas motivé son refus de garantie de livraison par un défaut de marge,
* qu’ainsi, Monsieur [L] ne rapporte pas la preuve que la société LES MAISONS ALAIN METRAL ait empêché la réalisation de la condition suspensive d’octroi de la garantie de livraison, ni que le refus de la société VERSPIEREN aurait été dicté par l’insuffisance de marge,
* que pourtant, il est de jurisprudence constante que la charge de la preuve de l’empêchement à l’accomplissement d’une condition suspensive pèse sur celui qui entend se prévaloir de l’existence de ce comportement,
* que la portée des jurisprudences qu’elle invoque le confirme, ainsi que les dispositions de l’article 6 du code de procédure civile, et qu’elle est supérieure à celles alléguées par Monsieur [L],
* que Monsieur [L] ne justifie pas du caractère potestatif de la condition suspensive d’obtention d’une garantie de livraison,
* que l’argumentation de Monsieur [L] ne repose que sur des présomptions,
* que l’avenant n°3 a été établi avant que la société VERSPIEREN ne donne sa position, de sorte qu’il ne peut être invoqué un bouleversement du contrat de ce fait,
* qu’il importe peu que le nouveau constructeur de Monsieur [L] ait pu obtenir une garantie de livraison,
* que c’est la société VERSPIEREN seule qui a estimé souverainement ne pas faire droit à la demande d’octroi de la garantie de livraison à prix et délais convenus, ce dont elle ne doit pas être tenue responsable,
* qu’elle n’a pas non plus manqué à son devoir de conseil alors que Monsieur [L] ne rapporte pas une telle preuve, et qu’au contraire, elle a délivré l’ensemble des informations nécessaires en application des dispositions légales en vigueur et que l’existence d’une prétendue clause abusive ne saurait constituer à elle seule un tel manquement,
* qu’en tout état de cause, elle a préconisé une étude de sol,
* qu’en raison de la défaillance de la condition suspensive de garantie de livraison et la résiliation du contrat de construction, l’obligation de conseil est réputée ne jamais avoir existé du fait de son caractère accessoire aux obligations principales dont elle était débitrice,
* subsidiairement, que Monsieur [L] ne saurait lui reprocher un défaut de conseil alors qu’il a unilatéralement et sans information préalable décidé de recourir aux services de la société GEOTECHNIQUE aux fins d’expertise de sol,

* qu’elle s’est parfaitement conformée aux dispositions de l’article L 132-7 du code de la construction,
* que la défaillance de la condition suspensive qui ne lui est pas imputable ne conduit pas à la résiliation du contrat, mais à sa caducité,
* que Monsieur [L] ne justifie pas du lien causal qu’il existerait entre le prétendu manquement à l’obligation de conseil et la défaillance de la condition suspensive,
* qu’en l’absence de toute faute de sa part, elle n’a à indemniser aucun des préjudices invoqués par Monsieur [L], préjudices qui, au demeurant, ne sont pas en lien de causalité avec elle, alors qu’elle n’a joué aucun rôle causal dans l’acceptation du nouveau CCMI, que l’étude de sol effectuée par la société GEOTECHNIQUE l’a été en dehors de toute relation contractuelle et qu’il n’est pas démontré du caractère abusif de la clause liée à l’étude de sol, étant précisé également que le CCMI est réputé n’avoir jamais existé du fait de la défaillance de la condition suspensive,
* qu’en outre, le préjudice moral invoqué par Monsieur [L] n’est pas justifié et que ce dernier ne justifie pas du lien de causalité entre son préjudice lié aux frais intercalaires et d’assurances de prêt et le comportement de la société LES MAISONS ALAIN METRAL.

Il sera renvoyé aux dernières conclusions susvisées des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 janvier 2024.

A l’audience de plaidoirie du 20 juin 2024, date à laquelle l’affaire a été utilement appelée et retenue, les parties ont été informées par le Président que le jugement serait rendu le 19 septembre 2024 par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.

MOTIVATION DE LA DECISION

– Sur les demandes principales formées en raison d’une résiliation fautive du contrat de construction de maison individuelle

En l’espèce, il résulte des dispositions de l’article L 231-2 du code de la construction et de l’habitation que le contrat de construction de maison individuelle doit notamment comporter:
(…)
“c) La consistance et les caractéristiques techniques du bâtiment à construire comportant :
– tous les travaux d’adaptation au sol, notamment, le cas échéant, ceux rendus nécessaires par l’étude géotechnique mentionnée aux articles L. 132-6 et L.132-7 du présent code, dont une copie est annexée au contrat ;
(…)
d) Le coût du bâtiment à construire, égal à la somme du prix convenu et, s’il y a lieu, du coût des travaux dont le maître de l’ouvrage se réserve l’exécution en précisant :
– d’une part, le prix convenu qui est forfaitaire et définitif, sous réserve, s’il y a lieu, de sa révision dans les conditions et limites convenues conformément à l’article L. 231-11, et qui comporte la rémunération de tout ce qui est à la charge du constructeur et faisant l’objet, de la part du maître de l’ouvrage, d’une clause manuscrite spécifique et paraphée par laquelle il en accepte le coût et la charge ;
(…)
k) Les justifications des garanties de remboursement et de livraison apportées par le constructeur, les attestations de ces garanties étant établies par le garant et annexées au contrat.”

L’article 1231-6 du code de la construction et de l’habitation énonce que la garantie de livraison prévue au k de l’article L.231-2 couvre le maître de l’ouvrage, à compter de la date d’ouverture du chantier, contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux prévus au contrat, à prix et délais convenus.

L’article 1304 du code civil dispose que l’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain. L’article 1304-3 du même code précise que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement.

Il incombe donc au maître de l’ouvrage de démontrer que la défaillance de la condition suspensive d’obtention de la garantie d’achèvement résulte d’une faute du constructeur.

En l’espèce, le contrat de construction de maison individuelle signé entre les parties le 20 février 2020 a été conclu sous la condition suspensive notamment d’obtention de la garantie de livraison à prix et délais convenus.

Or, il résulte des pièces produites que par courrier recommandé avec accusé réception du 28 janvier 2021, la société LES MAISONS ALAIN METRAL a informé Monsieur [L] de la résiliation de son contrat de construction de maison individuelle à la suite de l’audit de son garant habituel dont elle lui transmettait copie du courrier reçu le 25 janvier 2021 indiquant le refus de délivrance de la garantie de livraison.

Ce courrier de refus de délivrance de la garantie de livraison en date du 19 janvier 2021 émanant de la société VERSPIEREN adressé à la société LES MAISONS ALAIN METRAL était formulé de la façon suivante :
“Madame, Monsieur,
Nous accusons réception de votre demande de garantie financière pour le contrat de construction de maison individuelle sous objet.
Cependant, sa configuration ne nous permet pas de lui réserver une suite favorable et nous vous prions d’en informer le maître de l’ouvrage.”

Il apparaît donc que la société LES MAISONS ALAIN METRAL a respecté son obligation de solliciter une garantie de livraison à prix et délais convenus, conformément à la stipulation contractuelle relative à la condition suspensive, et que la société VERSPIEREN n’a pas motivé son refus de garantie par une insuffisance de marge.

Certes, Monsieur [L] explique ce refus de garantie par le fait qu’il aurait forcément été motivé par un manque de marge déclarée par le constructeur à son garant et par le fait que le constructeur ne démontre pas que la décision du garant aurait été motivée par une autre considération.

Cependant, c’est à Monsieur [L], en tant que maître de l’ouvrage, de démontrer que ce refus de garantie aurait été dicté par de telles considérations, et non pas à son constructeur, comme il l’invoque pourtant, ce qu’il ne fait pas. En effet, il ne saurait justifier ce renversement de la charge de la preuve par les dispositions spéciales des articles L 221-5 et L 221-7 du code de la consommation relatives à la délivrance d’informations précontractuelles, alors que la responsabilité qu’il recherche est liée à la question de savoir si la défaillance de la condition suspensive résulte d’une faute du constructeur.

Or, il n’apparaît pas suffisant de déduire de la temporalité des faits que ce refus aurait nécessairement été causé par les résultats de l’étude de sols du 17 novembre 2020 et par son refus, le 30 novembre 2020, d’assumer le surcoût lié à la mise en oeuvre de fondations plus profondes, alors qu’aucun élément ne démontre que la société VERSPIEREN aurait changé d’avis, et qu’au contraire, elle n’a jamais fait connaître sa position avant le 19 janvier 2021, soit avant la communication de l’avenant n°3 comportant une plus-value de 13 004 euros TTC pour adapter les fondations.

D’ailleurs, Monsieur [L] ne saurait tirer argument d’une “attestation de garantie de livraison” annexée au contrat de construction de maison individuelle, alors que cette attestation ne fait pas référence au chantier litigieux, qu’elle couvre une période antérieure à la convention, à savoir entre le 1er juin 2019 et le 31 mai 2020, et qu’elle stipule expressément qu’elle nécessite la remise d’un certificat de garantie spécifique et nominative pour que le maître d’ouvrage puisse s’en prévaloir.

Au demeurant, il convient de rappeler que la société VERSPIEREN a un pouvoir souverain d’appréciation et que cette dernière n’est pas dans la cause.

Dès lors, la thèse alléguée en demande liée au fait que le maître de l’ouvrage ayant refusé de supporter la nouvelle charge financière due au surcoût des fondations, il en serait résulté un élément nouveau, à savoir une marge plus faible qu’initialement déclarée au garant, n’apparaît être qu’une hypothèse, et ne saurait être considérée comme le seul élément objectif, comme le prétend Monsieur [L].

De même, la seule allusion à la “configuration du contrat” faite par la société VERSPIEREN dans son courrier de refus de garantie ne saurait caractériser une faute de la société LES MAISONS ALAIN METRAL qui serait à l’origine de ce refus et de la défaillance de la condition suspensive.

La cause exacte du refus de la société VERSPIEREN n’est donc pas établie par les pièces produites, de sorte qu’il ne saurait être considéré de façon certaine qu’elle serait liée à une imprévision de la société LES MAISONS ALAIN METRAL liée à l’absence d’intégration, au départ, de fondations suffisamment dimensionnées pour échapper notamment à l’aléa de retrait-gonflement des argiles.

Ainsi, c’est de façon inopérante que Monsieur [L] se fonde sur l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes du 12 janvier 2017 dans lequel il apparaissait au contraire que le garant de livraison avait explicitement motivé son refus de garantie par la faiblesse de marge.

C’est également de façon inopérante que Monsieur [L] tente de corroborer son hypothèse par le fait que le nouveau constructeur qu’il a ensuite choisi a obtenu la garantie de livraison.

Dès lors, en l’absence de lien de causalité certain entre ce refus de garantie et une faute éventuelle de la société MAISONS ALAIN METRAL, il ne saurait être reproché à cette dernière une résiliation fautive du contrat de construction de maison individuelle du fait de la défaillance de la condition suspensive liée à l’accord du garant de livraison.

Monsieur [L] sera donc débouté de ses demandes fondées à titre principal sur la responsabilité de la société LES MAISONS ALAIN METRAL en raison de la défaillance de la condition suspensive liée à l’obtention de la garantie de livraison.

– Sur les demandes subsidiaires formées en raison d’un manquement à un devoir de conseil

Il est constant que la résiliation du contrat de construction de maison individuelle et les préjudices consécutifs allégués par Monsieur [L] ont pour cause immédiate la non-réalisation de la condition suspensive relative à l’obtention, par le constructeur, de la garantie de livraison.

Indépendamment du fait de savoir si la société LES MAISONS ALAIN METRAL a ou non commis une faute par imprudence en faisant signer le contrat de construction de maison individuelle sans la réalisation de l’étude de sol, il doit être considéré qu’il n’est pas démontré de lien de causalité certain entre cette faute éventuelle et la non-réalisation de la condition suspensive, ni que le refus de garantie lui serait imputable.

Dès lors, les demandes indemnitaires formées à titre subsidiaire par Monsieur [L] sur le fondement d’un manquement à un devoir de conseil de la société LES MAISONS ALAIN METRAL ne pourront qu’être rejetées.

– Sur les demandes accessoires

Partie perdante, Monsieur [L] sera condamné aux dépens.

L’équité commande de le condamner à payer à la société LES MAISONS ALAIN METRAL la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

– Déboute Monsieur [B] [L] de l’ensemble de ses demandes ;

– Condamne Monsieur [B] [L] à payer à la société LES MAISONS ALAIN METRAL la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne Monsieur [B] [L] aux dépens.

Remis au Greffe en vue de sa mise à disposition des parties et signé par le Président et le Greffier,

Le Greffier Le Président

copie exécutoire + ccc le :
à
Me Thomas GUYENARD
Me Luc ROBERT


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x