Le 19 décembre 2012, BNP Paribas Lease Group et l’EARL [B] signent un contrat de crédit-bail pour un tracteur, prévoyant le paiement de vingt-huit loyers trimestriels. Un avenant du 22 mars 2013 fixe le premier loyer à 4 401,87 euros TTC, suivi de vingt-sept loyers identiques. Un autre avenant du 18 avril 2014 modifie les montants des loyers. En raison d’impayés, BNP met en demeure l’EARL [B] à plusieurs reprises entre janvier 2017 et novembre 2018, sans succès. Après un échéancier non respecté, BNP assigne l’EARL [B] en paiement de 23 949,61 euros en janvier 2021. Le tribunal judiciaire de Cambrai, par jugement du 12 mai 2022, condamne l’EARL [B] à payer 22 352,80 euros et accorde des dommages et intérêts à l’EARL [B]. BNP fait appel de ce jugement, demandant la réformation de la décision. L’EARL [B] conteste également le jugement et demande la nullité du contrat de crédit-bail, ainsi que des dommages et intérêts. L’instruction de l’affaire est clôturée le 12 juin 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 26/09/2024
N° de MINUTE : 24/700
N° RG 22/03157 – N° Portalis DBVT-V-B7G-ULUB
Jugement (N° 21/00169) rendu le 12 Mai 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Cambrai
APPELANTE
SA BNP Paribas Lease Group
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Alice Dhonte, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
EARL [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Anne Descamps, avocat au barreau de Valenciennes avocat constitué assisté de Me Sophie Savary, avocat au barreau de Cambrai, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 26 juin 2024 tenue par Samuel Vitse magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 juin 2024
Le 19 décembre 2012, la société BNP Paribas Lease Group (la société BNP) et l’EARL [B] ont conclu un contrat de crédit-bail portant sur un tracteur et stipulant le versement de vingt-huit loyers trimestriels.
Un avenant conclu le 22 mars 2013 a prévu le versement d’un premier loyer de
4 401,87 euros TTC le 15 mai 2013, puis le versement de vingt-sept loyers trimestriels de 4 401,87 euros TTC du 1er juillet 2013 au 1er janvier 2020.
Un nouvel avenant conclu le 18 avril 2014 a prévu le versement d’un loyer de
3 680,50 euros HT, d’un autre loyer de 7 466,98 euros HT, puis de vingt et un loyers de 3 680,50 euros HT.
A la suite d’incidents de paiement, la société BNP a, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 janvier 2017, vainement mis en demeure l’EARL [B] de s’acquitter de l’arriéré de loyers d’un montant de 14 174,64 euros, à peine d’appréhension du matériel financé.
Par nouvelle lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 7 février 2017, la société BNP a vainement mis en demeure l’EARL [B] de restituer le matériel financé et de s’acquitter de l’arriéré, à peine de paiement de l’indemnité de résiliation.
Par nouvelle lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 1er septembre 2017, la société BNP a vainement mis en demeure l’EARL [B] de s’acquitter de l’arriéré s’élevant désormais à 23 624,40 euros, à peine de résiliation du contrat et de paiement de l’indemnité de résiliation.
D’autres lettres recommandées avec demande d’avis de réception des 7 février , 9 mars, 4 mai, 1er octobre et 30 novembre 2018 ont vainement réitéré la mise en demeure de s’acquitter de l’arriéré après résiliation du contrat, la dernière d’entre elles faisant état de la vente du matériel financé et d’une dette résiduelle de 24 663,49 euros.
Les parties sont convenues d’un échéancier qui n’a pas été respecté, de sorte que la société BNP a, par acte du 22 janvier 2021, assigné l’EARL [B] en paiement, notamment, de la somme de 23 949,61 euros TTC, selon décompte arrêté au 1er décembre 2020.
Par jugement du 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Cambrai a :
– déclaré la demande recevable ;
– condamné l’EARL [B] à payer à la société BNP la somme de
22 352,80 euros ;
– dit que cette somme produirait des intérêts moratoires au taux égal à celui du minimum légal, soit trois fois le taux de 0,76 % à compter du
jugement ;
– ordonné la capitalisation des intérêts ;
– condamné la société BNP à payer à l’EARL [B] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– ordonné la compensation des sommes dues ;
– condamné la société BNP à payer à l’EARL [B] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépens ;
-débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration du 30 juin 2022, la société BNP a relevé appel de l’ensemble des chefs du jugement, sauf en ce qu’il a déclaré sa demande recevable.
Dans ses dernières conclusions remises le 20 février 2023, elle demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
– condamner l’EARL [B] à lui payer la somme de 23 949,61 euros ;
– condamner la même à lui payer les intérêts moratoires, qui ne sauraient être inférieurs à trois fois le taux légal, à compter du 16 janvier 2017, date de la première mise en demeure ;
– ordonner la capitalisation des intérêts ;
– débouter l’EARL [B] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner l’EARL [B] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la même aux entiers dépens.
Dans ses conclusions remises le 12 décembre 2022, l’EARL [B] demande à la cour de :
– réformer le jugement entrepris des chefs critiqués et le confirmer pour le surplus ;
En conséquence
– prononcer la nullité du contrat de crédit-bail et des avenants audit
contrat ;
– constater que la société BNP a déjà repris possession du matériel ;
– condamner la société BNP au paiement d’une somme de 61 881,10 euros au titre des sommes versées par l’EARL [B] ;
– constater que la société BNP a commis une faute dommageable et la condamner au paiement d’une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Subsidiairement
– constater que les clauses du contrat de bail sont illisibles est donc nulles ;
– constater que la créance est non certaine, liquide et exigible ;
– dire que la clause pénale est abusive ;
– dire que les factures d’indemnité de retard sont abusives, de même que les frais de pack ;
– débouter la société BNP de sa demande d’indemnité réparatrice ainsi que de sa demande en paiement de la facture de restitution ;
– constater que les deux décomptes présentés par la société BNP présentent un total identique alors que des lignes de comptabilité ont été supprimées ;
– constater la mauvaise foi de la société BNP ;
– la débouter de ses demandes ;
En tout état de cause
– dire que la société BNP a manqué à son devoir de mise en garde et par conséquent confirmer le jugement entrepris de ce chef ;
– ordonner subsidiairement la compensation des sommes dues ;
– accorder subsidiairement des termes et délais en vue du règlement des sommes dues ;
– condamner la société BNP au paiement d’une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’une somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour le détail de leurs prétentions et moyens.
L’instruction de l’affaire a été clôturée par ordonnance du 12 juin 2024.
En préambule, il y a lieu d’observer que les moyens ou éléments de fait repris dans le dispositif des conclusions des parties ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 954 du code de procédure civile, de sorte qu’ils n’appellent aucun chef de décision dans le dispositif du présent arrêt.
Sur la nullité du contrat de crédit-bail et de ses avenants
A titre liminaire, il convient de préciser qu’au regard de la date de souscription du contrat de crédit-bail et de ses avenants, sont applicables au présent litige les dispositions du code civil antérieures à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Aussi est-ce à tort que l’unique disposition dont se prévaut l’EARL [B] au soutien de sa demande en nullité procède de l’ordonnance précitée, en ce qu’elle invoque l’article 1120 du code civil.
Aucun formalisme particulier n’étant applicable au crédit-bail aux termes des articles L. 313-7 et suivants du code monétaire et financier, dans leur rédaction applicable au litige, la nullité invoquée, tirée d’un défaut de mention du montant du loyer, de sa périodicité et de la valeur résiduelle d’achat du matériel, relève donc nécessairement d’un vice du consentement au sens de l’article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance précitée, dont on rappellera qu’il dispose qu’il n’y a point de consentement valable si celui-ci n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.
En l’occurrence, il se déduit des écritures de l’EARL [B] que celle-ci ne reproche pas à son cocontractant un comportement violent ou dolosif, mais uniquement de lui avoir soumis un contrat imprécis, dont il résulterait une erreur.
Contrairement à ce que soutient l’EARL [B], l’article 7 des conditions générales du contrat stipule que « le bailleur consent au locataire une promesse unilatérale de vente à l’expiration de la location, moyennant le prix fixé aux conditions particulières », dont il n’est pas soutenu qu’elles n’auraient pas été remises au crédit-preneur, de sorte que la nullité n’est pas encourue du chef d’un défaut de mention de la valeur résiduelle du matériel.
Le contrat précise par ailleurs que la périodicité des loyers est trimestrielle et que ceux-ci sont au nombre de vingt-huit, de sorte que le crédit-preneur n’a pu se méprendre sur la périodicité des paiements et la durée du contrat.
Si le montant trimestriel du loyer est exprimé de manière inhabituelle puisque le contrat stipule: « montant en % : 4,33 », une telle formulation permettait néanmoins au crédit-preneur de connaître le montant du loyer, dès lors que le contrat ajoute que le montant du loyer est exprimé « en pourcentage du prix total H.T. de l’équipement loué », un tel prix (85 000 euros) étant mentionné sur la même page du contrat, étant par ailleurs relevé que le contrat stipule que le loyer trimestriel est dû à terme échu.
Si un doute pouvait exister sur le point de départ de la périodicité trimestrielle des loyers, celui-ci a été levé par l’avenant conclu le 22 mars 2013 ayant fixé au 15 mai 2013 l’exigibilité du premier loyer, puis au 1er juillet 2013 le suivant, et ainsi de suite jusqu’au dernier loyer dû le 1er janvier 2020. Un tel doute ne saurait justifier la nullité du contrat souscrit le 19 décembre 2012, d’autant plus sûrement qu’il résulte des termes mêmes de l’avenant précité que celui-ci a été sollicité par le crédit-preneur, qui, en y consentant, a implicitement mais nécessairement confirmé son engagement initial. Une telle confirmation se déduit également du second avenant conclu le 18 avril 2014 et fixant, à compter du 1er janvier 2014, un nouvel échéancier des loyers trimestriels, étant observé qu’un tel acte rappelle la faculté d’option d’achat à l’expiration de la durée de location, moyennant le paiement de la valeur résiduelle fixée à 850 euros H.T.
Il s’ensuit que l’EARL [B] ne caractérise aucun vice du consentement, de sorte que la nullité du contrat de crédit-bail et de ses avenants n’est pas encourue, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
Sur la demande en paiement au titre du contrat de crédit-bail
Aux termes de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
L’article 8 des conditions générales du contrat de crédit-bail litigieux, dont la police de caractère est lisible, stipule que, « sans qu’il y ait besoin d’aucune formalité judiciaire, […] le présent contrat peut être résilié de plein droit, si bon semble au bailleur, dans les cas suivants : non-respect de l’un des engagements pris au présent contrat et notamment le défaut de paiement d’une échéance ou de tout somme due en vertu du contrat ; […] La résiliation entraîne de plein droit, au profit du bailleur, le paiement par le locataire ou ses ayants droit, en réparation du préjudice subi en sus des loyers impayés et de leurs accessoires, d’une indemnité égale à la somme des loyers restant à échoir au jour de la résiliation et de l’option d’achat. Cette indemnité sera majorée d’un somme forfaitaire égale à 10 % de ladite indemnité à titre de clause pénale ».
L’EARL [B] ne conteste pas avoir failli dans le paiement des loyers échus du tracteur, de sorte que la résiliation du contrat est encourue, la société BNP justifiant d’une créance certaine, liquide et exigible, étant à cet égard relevé, d’une part, qu’il est acquis aux débats que le matériel convenu a été mis à disposition, d’autre part, que le décompte détaillé, en date du 1er décembre 2020, n’est pas utilement critiqué en ce qu’il porte sur les loyers impayés, frais et indemnités de retard, soit la somme de 27 819,79 euros, la cour adoptant à cet égard les motifs pertinents du premier juge.
C’est ensuite en application de l’article 8 précité que le décompte détaillé prévoit une indemnité réparatrice de 31 936,20 euros correspondant à la somme des loyers restant à échoir au jour de la résiliation.
Comme l’a justement retenu le premier juge, l’indemnité prévue à titre de clause pénale par l’article 8 précité s’avère manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le crédit-bailleur, de sorte qu’elle doit être réduite à 5 %, soit 1 596,81 euros, conformément aux dispositions de l’article 1152, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.
Si les frais de transport du matériel récupéré sont prévus à l’article 9 des conditions générales, ceux-ci ne sont pas suffisamment justifiés, dès lors que la société BNP se borne à produire une facture de 1 200 euros établie par ses soins, laquelle ne saurait établir la réalité des frais prétendument exposés par elle, le jugement entrepris étant en conséquence réformé de ce chef.
Il résulte de tout ce qui précède une créance de 27 819,79 + 31 936,20 + 1 596,81 = 61 352,80 euros, sauf à déduire le prix de revente du véhicule à hauteur de 40 200 euros, d’où une créance résiduelle de 21 152,80 euros, le jugement entrepris étant réformé de ce chef.
S’agissant des intérêts, dont le taux s’élève à trois fois celui de l’intérêt légal en application de l’article 10 des conditions générales, c’est à tort que le premier juge a fixé leur point de départ au jour du jugement entrepris, ceux-ci devant courir à compter de la mise en demeure adressée au débiteur, soit à compter du 16 janvier 2017 sur la somme de 14 174,64 euros, et à compter du 1er septembre 2017 sur le surplus, conformément à l’article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, le jugement étant réformé de ce chef.
C’est en revanche à bon droit que le premier juge a ordonné la capitalisation des intérêts, conformément à l’article 10 des conditions générales, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le manquement au devoir de mise en garde
Aux termes de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il est constant qu’en application de ces dispositions, un établissement de crédit est tenu d’un devoir de mise en garde envers l’emprunteur non averti si l’octroi du concours financier qui lui est consenti emporte un risque d’endettement excessif (Ch. mixte, 29 juin 2017, pourvoi n° 05-21.104, publié).
La qualité d’emprunteur averti exonère en revanche le prêteur de toute obligation de mise en garde (Com., 17 novembre 2009, pourvoi n° 08-70.197, publié), sauf à ce que l’emprunteur démontre que le prêteur disposait, sur ses revenus et son patrimoine, ou sur ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, des informations que lui-même ignorait (Com., 11 avril 2012, pourvoi n° 11-15.429, publié).
L’averti est celui qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés au concours consenti (1re Civ., 28 novembre 2012, pourvoi n° 11-26.477).
Lorsque l’emprunteur est une personne morale, le caractère averti est apprécié en la seule personne de son représentant légal (1re Civ., 20 mai 2020, pourvoi n° 18-21.567).
En l’espèce, le crédit-bail, dont on rappellera que les dispositions qui le régissent figurent dans une section du code monétaire et financier intitulée Catégories de crédits et opérations assimilées, a été consenti à l’EARL [B], laquelle avait pour représentant légal M. [E] [B] lors de la souscription de l’engagement litigieux.
C’est à bon droit que le premier juge a retenu que celui-ci ne disposait pas des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés au concours consenti. Il n’est en effet pas démontré par l’appelante que M. [E] [B] disposait, en raison de sa formation professionnelle ou de son expérience acquise, des connaissances suffisantes en matière financière pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés au crédit-bail litigieux, étant observé, d’une part, que la souscription antérieure de concours similaires n’a pu suffire à lui conférer la qualité d’emprunteur averti, d’autre part, qu’il importe peu qu’il ait bénéficié de l’assistance d’un expert-comptable dans la conduite de ses affaires, les compétences précédemment évoquées devant être possédées par l’emprunteur lui-même et non par le professionnel du chiffre qui l’accompagne.
N’ayant pas la qualité d’emprunteur averti, l’EARL [B] peut donc opposer à son cocontractant un manquement à son devoir de mise en garde, sauf pour elle à démontrer l’existence d’un risque d’endettement excessif né de l’octroi du crédit-bail litigieux, un tel risque devant être apprécié au jour de la souscription du contrat.
Il apparaît à cet égard que le compte de résultat de l’EARL [B] au titre de l’année 2011 révèle un bénéfice comptable limité à 5 486 euros, tandis que la société avait subi une perte de 18 528 euros au cours de l’exercice fiscal précédent. Le compte de résultat de l’année 2012 est à nouveau déficitaire puisqu’il laisse apparaître une perte de 15 094 euros, étant observé que le concours litigieux ayant été souscrit le 19 décembre 2012, la société BNP était en mesure de solliciter un prévisionnel pour l’année en cours afin d’évaluer plus finement la capacité contributive de son client au jour de la souscription de l’engagement.
Si la situation financière de l’EARL n’était pas alarmante, elle était toutefois tendue, de sorte que la société BNP aurait dû l’avertir du risque d’endettement excessif né du concours litigieux, lequel représentait une charge locative non négligeable au regard des amortissements en cours et des résultats de l’entreprise.
C’est donc à juste titre que le premier juge a retenu un manquement de la société BNP à son devoir de mise en garde.
Toutefois, au regard des données comptables précédemment exposées et de l’utilité du matériel litigieux destiné à assurer la poursuite d’exploitation, la perte de chance de ne pas contracter retenue par le premier juge s’avère excessive.
Une telle perte de chance doit plus justement être fixée à 50 % et la société BNP condamnée à payer à l’EARL [B] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement entrepris étant réformé de ce chef.
Sur la compensation des sommes dues
Aux termes de l’article 1291 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, la compensation n’a lieu qu’entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d’argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.
En l’espèce, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné la compensation des sommes réciproquement dues.
Sur les délais de paiement
Il résulte de l’article 1244-1 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, que, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
En l’espèce, la situation financière de l’EARL justifie de lui accorder des délais de paiement, sans que les besoins de son créancier y fassent obstacle.
Les modalités de ces délais de grâce seront précisées au dispositif du présent arrêt.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Chacune des parties ayant partiellement succombé, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris et de laisser à chacune d’entre elles la charge de ses propres dépens et frais irrépétibles de première instance. Le même motif justifie de réserver le même sort aux dépens et frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
Statuant dans les limites de l’appel,
Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :
– ordonné la capitalisation des intérêts ;
– dit que la société BNP Paribas Lease Group avait manqué à son devoir de mise en garde ;
– ordonné la compensation des sommes réciproquement dues ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne l’EARL [B] à payer à la société BNP Paribas Lease Group la somme de 21 152,80 euros au titre du contrat de crédit-bail ;
Dit que cette somme produira intérêts à un taux égal à celui de trois fois le taux de l’intérêt légal, à compter du 16 février 2017 sur la somme de 14 174,64 euros, et à compter du 1er septembre 2017 sur le surplus ;
Condamne la société BNP Paribas Lease Group à payer à l’EARL [B] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Autorise l’EARL à s’acquitter de la somme restant due après compensation en vingt-trois mensualités de 250 euros chacune, le solde étant versé lors d’une vingt-quatrième et dernière mensualité ;
Dit que la première mensualité devra être payée le 10 du mois suivant la signification du présent arrêt, et les mensualités suivantes au plus tard le 10 de chaque mois ;
Dit que le défaut de paiement d’une seule échéance à bonne date entraînera l’exigibilité immédiate de la totalité de la somme restant due ;
Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en appel ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d’appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Samuel VITSE