La SCI Terre Plein de Blainville a été fondée le 1er août 2015 par deux actionnaires, la SARL Vis Lignum et la SA EO2, chacun détenant 50% des parts. Pour financer l’acquisition d’un immeuble, les deux sociétés se sont portées caution solidaire pour des prêts de la SCI auprès des banques CIC et Crédit Maritime, avec un engagement de 97.500 euros chacune.
Après la cession de ses parts, la SA EO2 a souhaité être déchargée de ses engagements de caution. Un protocole a été signé le 1er février 2017, suivi d’un avenant le 13 juin 2018, mais EO2 n’a pas été déchargée de ses obligations. En mars 2019, la Banque Populaire a mis en demeure EO2 de payer 97.500 euros, ce qui a conduit EO2 à réclamer cette somme aux signataires du protocole. En juillet 2020, la Banque Populaire a assigné EO2 pour le paiement de la caution. Le 25 juin 2021, EO2 a assigné Vis Lignum, Aquaprimeur Participations et M. [X] [J] devant le Tribunal Judiciaire de Bordeaux, demandant le paiement de 197.000 euros. Les défendeurs ont contesté les demandes, arguant que l’engagement de M. [J] était nul en raison d’un non-respect des formalités légales et que les obligations des signataires étaient des obligations de moyens, qu’ils avaient respectées. Les débats ont eu lieu en mai 2024, et l’affaire est en délibéré pour une décision prévue en septembre 2024. Les demandes des parties incluent des condamnations financières, des demandes de nullité de cautionnement, et des demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
5ème CHAMBRE CIVILE
SUR LE FOND
59D
N° RG 21/05409 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VVAY
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
S.A. EO2
C/
Société AQUAPRIMEUR PARTICIPATIONS,
[X] [J],
S.A.R.L. VIS LIGNUM
Grosses délivrées
le
à
Avocats : Me Julien DOMINGUEZ
l’AARPI STERU BARATTE
Me Lucie TEYNIE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5ème CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT DU 05 SEPTEMBRE 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Lors des débats et du délibéré :
Marie WALAZYC, Vice-Présidente
Jean-Noël SCHMIDT, Vice-Président
Myriam SAUNIER, Vice-Présidente
Greffier, lors des débats et du prononcé
Pascale BUSATO, Greffier
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 Mai 2024
Délibéré au 5 septembre 2024
Sur rapport conformément aux dispositions de l’article 785 du code de procédure civile
JUGEMENT:
Contradictoire
Premier ressort
Prononcé publiquement par mise à disposition du jugement au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile
DEMANDERESSE :
S.A. EO2
36 avenue Pierre Brossolette
92240 MALAKOFF
représentée par Maître Aude BARATTE de l’AARPI STERU BARATTE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, Me Lucie TEYNIE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant
DÉFENDEURS :
Société AQUAPRIMEUR PARTICIPATIONS
19 Cours de Verdun
33000 BORDEAUX
représentée par Me Julien DOMINGUEZ, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
N° RG 21/05409 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VVAY
Monsieur [X] [J]
né le 13 Juin 1983 à sainte adresse (76000)
de nationalité Française
6 Rue des Pelourdes
33300 BORDEAUX
représenté par Me Julien DOMINGUEZ, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
S.A.R.L. VIS LIGNUM
Rue de la mer
14550 BLAINVILLE SUR ORNE
représentée par Me Julien DOMINGUEZ, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
Faits constants :
La SCI Terre Plein de Blainville (ci après “la SCI”), a été créée le 1er août 2015 par deux actionnaires, à hauteur de 50% chacun : d’une part, la SARL Vis Lignum, dont le gérant est M [X] [J] et d’autre part, la SA EO2.
Le 15 novembre 2015, en leur qualité d’associées de la SCI et afin de permettre l’acquisition d’un immeuble, les sociétés EO2 et Vis Lignum se sont chacune engagées à garantir, en qualité de caution solidaire, les prêts souscrits par la SCI auprès des banques CIC et Crédit Maritime.
Dans ce cadre, la SA EO2 s’est engagée en qualité de caution solidaire à hauteur de 97.500 euros auprès du CIC et 97.500 euros auprès du Crédit Maritime.
Lorsque la SA EO2 (ci après “le cédant”) a cédé ses parts, elle a souhaité pouvoir être déchargée de ses engagements de caution.
A cette fin un protocole a été signé le 1er février 2017 entre le cédant et (notamment) les sociétés VIS LIGNUM, AQUAPRIMEUR PARTICIPATIONS et M [X] [J], tant en son nom personnel, qu’en qualité de gérant des deux sociétés précédentes (ci-après “les signataires”).
Puis, en prenant acte de ce que les signataires n’étaient pas parvenus à décharger EO2 de son engagement de caution auprès des deux banques, un avenant à ce protocole a été conclu le 13 juin 2018 entre les mêmes parties précisant les termes des engagements souscrits auprès du cédant.
Le 18 mars 2019, la Banque Populaire du Grand Ouest (qui venait aux droits de CMBN – ex Crédit Maritime, ci-après “la Banque populaire”) a mis en demeure le cédant de lui verser la somme de 97.500 euros, sous huitaine, en application de son engagement de caution.
Dès le 2 avril 2019, le cédant a notifié aux signataires la réclamation formulée par la Banque Populaire et leur a demandé de lui verser la somme réclamée, soit 97.500 euros.
Le 31/07/2020 la Banque populaire a assigné la SA EO2 en paiement de son engagement de caution pour une somme de 97.500 €.
Le 30/10/2020, le CIC Nord Ouest (ci-après “ le CIC”) a adressée au cédant, un recommandé aux termes duquel elle demande au cédant de se substituer à la SCI, placée en redressement judiciaire.
Les 6/11/2020 et 18/12/2020, le conseil de la SA EO2 a mis en demeure les signataires d’avoir à lui régler les montants des deux réclamations bancaires effectuées du fait de son engagement de caution.
Les parties ne sont pas parvenues à s’accorder.
Procédure :
Par assignation délivrée le 25 juin 2021, le cédant a assigné la société Vis Lignum, la société Aquaprimeur Participations et M [X] [J] devant le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX aux fins de condamnation solidaire au paiement de la somme de 197.000 euros au titre de l’exécution des engagements souscris.
La société Vis Lignum, la société Aquaprimeur Participations et M [X] [J] ont ensemble constitué avocat et fait déposer des conclusions.
L’ordonnance de clôture est en date du 8/01/2024.
Les débats s’étant déroulés à l’audience du 16/05/2024, l’affaire a été mise en délibéré au 5/09/2024.
PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR, le cédant, la SA EO2 :
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5/09/2023, le demandeur sollicite du Tribunal de :
Condamner la société Aquaprimeur Participations, la société Vis Lignum et Monsieur [X] [J], solidairement, à verser entre les mains de la société EO2 la somme de :
– 197.000 euros au titre du protocole signé le 1er février 2017 tel que modifié le 13 juin 2018,
– 5.000 euros au titre de la résistance abusive dont les défendeurs font preuve,
– 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société Aquaprimeur Participations, la société Vis Lignum et Monsieur [X] [J] aux entiers dépens de la procédure, y compris les frais exposés par EO2 dans le cadre des opérations de saisie conservatoire qu’elle a été contrainte de mettre en œuvre.
Débouter Monsieur [J] de sa demande d’indemnisation au titre de son préjudice moral,
Débouter les défendeurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Rappeler que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est de droit.
Le cédant soutient qu’au terme d’un protocole signé le 1/02/2017 avec les signataires, et de son avenant signé le 13/06/2018, il bénéficie d’un engagement de payer qu’il conviendrait de qualifier de “garantie à première demande”, régie par l’article 2321 du code civil.
Il prétend qu’ayant été appelé à titre de caution solidaire par les deux banques créancières de l’emprunt souscrit par la SCI dont il a cédé les parts aux signataires, il serait en droit d’exiger d’eux qu’ils respectent leurs engagements vis à vis de lui et exécute les termes de la garantie.
Il conteste fermement que M. [J] puisse être mis hors de cause en se prévalant d’avoir souscrit à un cautionnement visé à l’article 2288 et non d’une garantie à première demande ou qu’il puisse former une demande d’indemnisation du préjudice qu’aurait causé sur son épouse une mesure de sûreté autorisée par le tribunal sur un compte bancaire qui se serait avéré être indivis, alors qu’aucune demande de mainlevée n’aurait été formulée devant le JEX.
IL s’oppose à tout délai estimant que les débiteurs auraient dans les faits déjà obtenu de large délais et qu’ils ne produiraient aucune pièce pour apprécier de leur situation financière actuelle.
PRÉTENTIONS DES DÉFENDEURS, les signataires des protocoles :
Dans leurs dernières conclusions en date du 14/02/2023 les défendeurs demandent au tribunal de :
A TITRE PRINCIPAL :
Prononcer la nullité du cautionnement conclu par Monsieur [X] [J] faute de respecter le formalisme légal attaché à cette qualification ;
Débouter la société EO2 de toutes ses demandes à l’encontre de Monsieur [X] [J];
Ordonner la mainlevée de toutes saisies conservatoires pratiquées sur les comptes de Monsieur [J] ;
Constater que les engagements pris par les sociétés AQUAPRIMEUR PARTICIPATIONS et VIS LIGNUM d’obtenir la substitution des engagements de cautions de la société EO2 constituaient une obligation de moyens et constater que cette obligation a été remplie ;
Débouter la société EO2 de toutes ses demandes de condamnation au titre de la mise en jeu de ses engagements de caution solidaire ;
Ordonner la mainlevée de toutes mesures conservatoires constituées à tort ;
A TITRE INFINIEMENT SUBSIDIAIRE :
Prononcer l’échelonnement des sommes dues par les sociétés AQUAPRIMEUR PARTICIPATIONS et VIS LIGNUM à la société EO2 selon un échéancier établi sur vingt quatre mois.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Débouter la société EO2 de ses demandes au titre de la résistance abusive ;
Condamner la société EO2 à verser à Monsieur [X] [J] la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice moral ;
Condamner la société EO2 à verser aux sociétés AQUAPRIMEUR PARTICIPATIONS, VIS LIGNUM et à Monsieur [X] [J] la somme de 2.000 euros chacun en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.
Les défendeurs soutiennent que l’engagement pris par M [J] l’aurait été sous la pression et qu’il s’agirait du cautionnement d’une personne physique vis à vis d’un professionnel, qui ne respecterait pas les dispositions impératives du Code de la consommation ce qui entraînerait sa nullité, de sorte que ce dernier devrait être mis hors de cause.
Ils affirment que l’engagement pris aux protocoles constituerait une obligation de moyen et non de résultat, qu’ils auraient respecté, sans succès car les banques bénéficiaires des cautionnement du cédant préféraient conserver celles-ci au motif que la stature financière de cette société cotée serait sans commune mesures avec celles des signataires, sociétés à caractère familial et simple particulier. Ils auraient donc rempli leur engagement.
Ils contestent les montant réclamés, assurant que la dette de la SCI, qui serait en redressement judiciaire et respecterait son plan, serait bien moindre à ce jour, alors que le cédant persisterait à leur réclamer la somme totale de son cautionnement auprès des deux banques créancières, alors que de surcroît seule la Banque populaire l’aurait appelé en qualité de caution et que le CIC se serait engagé à ne pas appeler le cédant en qualité de caution de la SCI.
Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux dernières écritures notifiées aux dates sus mentionnées aux parties
Sur le sort des demandes de donner acte et autres demandes ne constituant pas des prétentions
Le tribunal rappelle à titre liminaire qu’il n’a pas à statuer sur les demandes de « donner acte » ou « constater » de « déclarer » ou de « juger » qui figurent dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles demandes ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 53 et 768 du code de procédure civile mais des moyens de droit ou de fait qui doivent figurer au soutien d’une prétention dans la partie « discussion » des conclusions.
Sur la demande de nullité de l’engagement de M. [J]
– sur la qualification des engagements issus des protocoles de 2017 et 2018
Les clauses litigieuses du protocole de 2017 et de son avenant de 2018 sont les suivantes :
» Les signataires du présent acte s’engagent à mettre en œuvre, sans délai, leurs meilleurs efforts afin de négocier auprès des organismes de crédit précités afin qu’il soit mis un terme immédiat aux engagements de caution précités, afin que la société EO2 ne puisse pas être poursuivie par les bénéficiaires des cautionnements en cas de défaillance de la société TERRE PLEIN DE BLAINVILLE dans le remboursement des prêts garantis » (alinéa deux de l’article 3 du protocole)
et d’autre part,
» Les sociétés VIS LIGNUM, AQUAPRIMEUR PARTICIPATIONS, C2AP et Monsieur [J] devront, si et dès que la société EO2 sera actionnée en qualité de caution, huit jours après la réception d’une notification adressée par la société EO2 de la réclamation à laquelle elle fait face (laquelle notification pourra être adressée par tout moyen pourvu que sa réception par les destinataires puisse être prouvée), verser à la société EO2 le montant sollicité par les organismes de crédit, nonobstant toute contestation que la société EO2 pourrait opposer aux organismes de crédit pour échapper totalement ou partiellement à toute obligation à leur égard. » (article 2 de l’avenant qui modifie le i de l’article 3 du protocole).
A l’évidence la première clause citée constitue une obligation de moyens, ce qui n’est pas contesté par le cédant qui n’invoque en fait que l’application de la seconde clause citée, laquelle n’a vocation à s’appliquer qu’en cas d’échec des moyens mis en oeuvre par les signataires pour le dégager juridiquement de ses deux cautionnements auprès des deux banques créancières de la SCI dont les parts ont été cédées.
La difficulté de qualification concerne la seconde clause citée ; pour le cédant il s’agirait d’une garantie autonome (à première demande) alors que pour les signataires, il s”agirait d’un cautionnement, du moins cela est soulevé pour l’engagement de M. [J].
En droit, selon l’article 2288 ancien du code civil, alors en vigueur ;
“Celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.”
Etant précisé à toute fin utile que la version de cet article en 2022 précise : “Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. Il peut être souscrit à la demande du débiteur principal ou sans demande de sa part et même à son insu.”)
Alors que selon l’article 2321 du même code :
“La garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.
Le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre.
Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie.
Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie.”
Il convient ainsi de relever que deux critères cumulatifs caractérisent la garantie autonome, ce qui permet de la distinguer du cautionnement :
– d’une part, l’inopposabilité des exceptions (art. 2321 du code civil, al. 3). L’appréciation de ce critère est aisée lorsque l’acte prévoit explicitement que le garant ne peut se prévaloir d’aucune circonstance tenant au contrat de base. Or, la simple formule « à première demande » n’exprime pas en soit de façon assez claire l’inopposabilité des exceptions. En cas de doute, conformément à l’article 1190 du Code civil, le contrat s’interprétera « contre le créancier et en faveur du débiteur ».
– d’autre part, l’autonomie de l’objet de la garantie. Ici la question est de déterminer si l’engagement de payer porte sur « une somme » ou « toute somme » et non ce que doit le débiteur.
En revanche, dès qu’il est question dans l’acte litigieux de payer des «sommes dues» ou «restant dues par le débiteur”, la garantie perd son autonomie. Toutefois, la simple référence au contrat de base reste sans incidence dès lors que le montant et les modalités de la garantie sont indépendants.
En l’espèce, le Tribunal relève que :
– l’engagement des signataires porte sur la réclamation que feraient les banques au titre du cautionnement du cédant et non pas sur les sommes restant dues par la SCI à tel moment
– cet engagement n’est pas formé auprès des banques, il n’y a pas soumission envers le créancier tel que prévu à l’article 2288
– cet engagement n’est pas directement conditionné au fait que la SCI serait défaillante, mais au fait que le cédant soit appelé en garantie au titre de son propre cautionnement
– l’engagement comporte une modalité d’exécution que l’on peut retenir sous la dénomination “à première demande”
– la clause litigieuse contient une formule qui revient à poser une inopposabilité des exceptions, lesquelles restent du seul exercice éventuel et non obligatoire par le cédant.
N° RG 21/05409 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VVAY
Par ailleurs le Tribunal note également que le paragraphe litigieux du protocole se poursuit par la clause suivante :
“ (v) Dans l’hypothèse où la société EO2 formulerait une contestation amiable ou judiciaire qui aurait pour effet une réduction des sommes dues au titre des garanties souscrites, alors toute réduction de ses ces sommes devra bénéficier également à ses débiteurs, qui se verront restituer le trop perçu”.
Ce mécanisme conforte le caractère autonome de la garantie prévue au protocole (et avenant) vis à vis de l’obligation initiale ; le garant doit payer la somme qui est réclamé au cédant, quitte à bénéficier, le cas échéant ultérieurement, de toute réduction ou minoration qui résulterait le l’exécution du contrat initial qui lie les banques, la SCI débitrice et le cédant (resté) caution de cette obligation.
De sorte qu’il convient de retenir que cette clause ne constitue pas un cautionnement personnel mais une garantie à première demande, ce quand bien même la convention ne fait pas référence à ce terme, ni à l’article 2321 du Code civil.
Or, aucun formalisme particulier n’est exigé pour ce type d’engagement et la mention manuscrite prévue à l’article L.331-1 du Code de la consommation ne s’applique pas à cette garantie, il n’y a donc pas lieu à annulation de l’engagement de M. [J].
Il sera débouté de cette demande.
Sur la demande de paiement formée par le cédant
En droit, selon l’article 1104 du code civil :
« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public. »
Selon l’article 1353 du même code. :
« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
En l’espèce, l’avenant du protocole en date du 13/06/2018 est rédigé comme cité ci-dessus.
Il convient de relever qu’aucun abus, fraude manifeste, ni collusion ne sont évoqués par les signataires, qui seront donc tenus à garantie.
Il résulte de l’engagement contractuel qui a force de loi entre les parties que les signataires doivent payer au cédant toutes sommes que les banques ont exigé de lui au titre de ses deux cautionnement ; à condition d’avoir bien été “actionnée en qualité de caution” au sens de la loi, c’est à dire par une assignation en justice, un acte extra judiciaire ou encore une mise en demeure formelle.
Il sera utilement rappelé qu’une garantie autonome engage le débiteur de cette obligation pour le montant convenu et non pas sur le montant qui résulterait de la situation nette comptable au moment du jugement de la dette du débiteur principal vis à vis des banques.
En l’espèce, le cédant produit une mise en demeure, en date du 18/03/2019, de la banque populaire qui lui réclame la somme de 97.500 € (plafond du cautionnement), en qualité de caution solidaire de la SCI pour une créance de la SCI impayée et exigible de 308.327 €, laquelle demande a été suivie à cette fin d’une assignation en date du 31/07/2020.
En revanche, s’agissant de la créance du CIC, il convient de constater que la lettre de cette dernière, certes envoyée en recommandé, qui demande au cédant de se substituer à la SCI à la suite du plan de redressement judiciaire et de payer les mensualités du prêt selon tableau d’amortissement joint, ne comporte aucun terme coercitif, mais une invitation :
“nous vous demandons de bien vouloir vous substituer à (SCI) pour le règlement des échéances impayées (…)”
de sorte qu’elle ne peut à elle seule caractériser une volonté du créancier d’actionner la caution, à tout le moins pour l’ensemble de la dette du débiteur principal. Le cédant sera partiellement débouté de sa demande de condamnation des signataires pour le montant du plafond de son cautionnement.
Les signataires seront donc solidairement condamnés à lui payer la somme de 97.500 €.
Sur la demande de mainlevée des mesures conservatoires en cours
Cette mesure relève de la seule compétence du Juge de l’exécution (JEX), lequel statuera, le cas échéant, au vu de la présente décision.
Sur la demande reconventionnelle de M [J] de condamnation du cédant pour préjudice moral
Dans la mesure où M. [J] succombe dans la demande de paiement, il ne saurait valablement invoquer un quelconque préjudice lié à une mesure conservatoire prise par le créancier de son obligation de garantie autonome.
Sur la demande de condamnation pour une supposée résistance abusive
En droit, tout justiciable est en droit de saisir une juridiction d’une demande dirigée contre autrui, ou encore de résister à cette demande.
Toutefois, l’action, ou exceptionnellement la défense, en justice est susceptible de dégénérer en abus.
Pour pouvoir caractériser la faute du demandeur ou du défendeur, au sens de l’article 1240 du Code civil, il incombe à la partie qui invoque l’abus d’action ou de défense judiciaire de démontrer l’existence d’une intention exclusive de la partie adverse de nuire à la partie adverse ou encore d’une absence manifeste de perspective de chance pour le demandeur, ou le défendeur, d’obtenir gain de cause en justice, ne serait-ce pour ce dernier en formant une demande de délai.
En l’espèce, la SA EO2 échoue dans cette démonstration, étant rappelé que la résistance critiquée repose sur une question de qualification de l’acte d’engagement, laquelle est âprement débattue réciproquement, de sorte qu’elle sera déboutée de sa demande.
Sur la demande d’un délai de paiement de 24 mois
A titre subsidiaire, les deux sociétés signataires du protocole et avenant invoquent leurs qualités de sociétés familiales disposant de peu de ressources et dont l’équilibre reposerait sur le sort de l’activité SCI TERRE PLEIN DE BLAINVILLE, en redressement judiciaire. Elles forment une demande de délai de 24 mois pour payer les sommes restants dues au titre des loyers dus.
Le demandeur s’y oppose disant que les défendeurs ont déjà bénéficié de larges délais du fait de la procédure.
Le Tribunal retient qu’en droit, selon l’article 1244-1 du Code civil, devenu 1343-5, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues par le débiteur et statuer sur le sort des intérêts encourus de ce fait. Il découle de ce texte que le juge peut dans l’exercice de ses compétences, en tout état de cause et de procédure, accorder un délai de grâce, lequel à pour objet de permettre au débiteur de bonne foi de pouvoir s’acquitter de sa dette dans le délai légal (2 ans).
Il ressort également de cette disposition légale que le juge doit apprécier celle-ci en tenant compte de la situation du débiteur.
En l’espèce, force est de constater que les défendeurs ont – dans les faits – d’ores et déjà bénéficié de longs délais de paiement, puisque la première mise en demeure d’avoir à payer date du 2/04/2019.
De plus, aucun des défendeurs ne justifie de difficultés financières actuelles, dans la mesure où aucun bilan, ni déclaration de revenus n’est fourni.
De même, ils ne présentent aucun plan d’apurement de la dette ou de la condamnation à intervenir, ils n’indiquent pas avec quels moyens financiers ils régleraient celle-ci dans le délai demandé.
Sur les autres demandes :
– sur les dépens,
Les dépens seront supportés par la partie qui succombe, en application de l’article 696 du code de procédure civile, ici ensemble les défendeurs.
– sur la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la partie non condamnée aux dépens, tout ou partie des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagé pour faire valoir ses droits et assurer correctement sa défense.
Les défendeurs seront condamnés à verser au demandeur la somme de 3.000 €.
– sur l’exécution provisoire,
L’exécution provisoire de la décision à venir est de droit.
N° RG 21/05409 – N° Portalis DBX6-W-B7F-VVAY
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal,
– CONDAMNE solidairement, la société Aquaprimeur Participations, la société Vis Lignum et Monsieur [X] [J], à verser à la SA EO2 la somme de 97.500€ au titre du protocole signé le 1er février 2017 tel que modifié le 13 juin 2018, au titre de son engagement de caution auprès de la Banque populaire (venant aux droits du Crédit maritime) ;
– DÉBOUTE la SA EO2 de sa demande de condamnation des défendeurs pour la somme de 97.500 euros au titre de son engagement de caution auprès du CIC ;
– DÉBOUTE la SA EO2 de sa demande de condamnation des défendeurs pour résistance abusive ;
– DÉBOUTE M. [X] [J] de sa demande de condamnation de la SA EO2 au titre d’un préjudice moral ;
– DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande de mainlevée des mesures conservatoires ;
– REJETTE la demande de délais formée par la société Aquaprimeur Participations, la société Vis Lignum ;
– CONDAMNE in solidum, la société Aquaprimeur Participations, la société Vis Lignum et Monsieur [X] [J] aux entiers dépens ;
– CONDAMNE in solidum, la société Aquaprimeur Participations, la société Vis Lignum et Monsieur [X] [J], à verser à la SA EO2 la somme de 3.000 € au titre au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– RAPPELLE que le présent jugement est assorti de plein droit de l’exécution provisoire,
– REJETTE les demandes plus amples ou contraires des parties.
La présente décision a été signée par madame Marie WALAZYC, Vice-Présidente et par madame Pascale BUSATO, Greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT