La société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a accordé un crédit à la consommation de 16.057 euros à M. [J] [X] et Mme [E] [X] le 7 avril 2009, remboursable en 240 mensualités avec un taux d’intérêt de 5,64 %. Suite à des impayés, la banque a mis en demeure les époux par lettre recommandée le 27 janvier 2018, leur demandant de régler les mensualités dues sous 15 jours, sous peine de déchéance du terme. Cette mise en demeure concernait également un autre prêt de 159.929 euros et un compte débiteur. Le 4 juillet 2018, la banque a notifié la déchéance du terme des prêts et a demandé le remboursement intégral. Le 24 juillet 2018, elle a informé les époux que leur dossier serait confié à un avocat pour poursuites, tout en leur laissant la possibilité de régler à l’amiable. Le 12 septembre 2019, la banque a assigné les époux en justice pour obtenir le paiement de 12.086,85 euros, plus intérêts et frais. Le 15 novembre 2021, le tribunal a déclaré irrecevables les demandes de la banque et a condamné celle-ci aux dépens. La banque a interjeté appel le 2 mai 2022, demandant la réforme du jugement. Dans ses conclusions du 23 janvier 2023, la banque a demandé que son action soit jugée recevable et a sollicité la condamnation des époux au paiement des sommes dues. Les époux ont, de leur côté, demandé la confirmation de la décision de première instance et ont soulevé des nullités concernant la mise en demeure et la déchéance du terme. L’ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 26/09/2024
N° de MINUTE :
N° RG 22/02152 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UIFZ
Jugement (N° 11-19-583) rendu le 15 Novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Boulogne sur Mer
APPELANTE
Société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord de France prise en la personne de Madame [K] [Y], chef du Service Contentieux, spécialement habilitée , par délégation de pouvoir en date du 8 janvier 2019
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Me Jean-Sébastien Delozière, avocat au barreau de Saint Omer, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur [J] [X]
né le [Date naissance 1] 1959 – de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
Madame [E] [R] épouse [X]
née le [Date naissance 3] 1969 – de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentés par Me Jean Aubron, avocat au barreau de Boulogne sur Mer, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 10 avril 2024 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Samuel Vitse, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 27 mars 2024
Selon offre de contrat acceptée le 7 avril 2009, la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a consenti à M. [J] [X] et Mme [E] [X] un crédit à la consommation d’un montant de 16.057,00 euros, remboursable en 240 mensualités, moyennant un taux d’intérêt nominal de 5,64 % et un taux annuel effectif global de 6,6261 %.
Des mensualités étant restées impayées à leur échéance, la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a, par lettre recommandée avec accusé de réception signé Ie 27 janvier 2018, mis en demeure M. [J] [X] et Mme [E] [X] de s’acquitter des mensualités échues et impayées, dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme.
La mise en demeure concernait tant le contrat précédemment évoqué qu’un autre prêt contracté par M. [J] [X] et Mme [E] [X] avec la même banque pour un montant de 159.929,00 euros et un contrat d’ouverture de compte dont le compte était débiteur.
Par lettre recommandée avec accuse de réception signé le 4 juillet 2018, la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a notifie aux époux [X] la déchéance du terme des prêts susvisés, et les a mis en demeure de rembourser l’intégralité du crédit.
Par une lettre recommandée avec accusé de réception signé le 24 juillet 2018, la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a informé les époux [X] que leur dossier allait être confie a un avocat aux fins de poursuite en recouvrement, mais qu’en raison des délais nécessaires a l’avancement de Ia procédure, M. [J] [X] et Mme [E] [X] pouvaient toujours régler cette affaire a l’amiable sous un délai de quinze jours.
Par acte d’huissier de justice du 12 septembre 2019, Ia société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a fait assigner en justice M. [J] [X] et Mme [E] [X] afin d’obtenir, avec exécution provisoire :
– la condamnation solidaire des défendeurs a lui payer la somme de 12086,85 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,64 % à compter du 2 février 2019, outre 814,84 euros au titre de l’indemnité légale de 7%,
– la capitalisation annuelle des intérêts, par année entière et successive, commençant a courir a compter de la présente demande,
– le paiement de Ia somme de 1500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– la condamnation des défendeurs aux entiers frais et dépens.
Par jugement contradictoire en date du 15 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a:
– déclaré irrecevables les demandes de la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE,
– condamné la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE au paiement des entiers dépens de l’instance.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 2 mai 2022, la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a interjeté appel de cette décision en visant expressément dans l’acte d’appel tous les points tranchés dans le dispositif du jugement querellé.
Vu les dernières conclusions de la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE en date du 23 janvier 2023, et tendant à voir :
– dire bien appelé, mal jugé,
– réformer le jugement rendu le 15 novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER en toutes ses dispositions.
Et, statuant à nouveau,
– Juger l’action du CRÉDIT AGRICOLE dirigée à l’encontre des époux [X] recevable.
– Constater que la déchéance du terme est acquise,
– Condamner solidairement les époux [X] à verser au CRÉDIT AGRICOLE la somme de 12 086.85 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,64 %, à compter du 02 février 2019, outre la somme de 814,84 euros au titre de l’indemnité légale de 7 % ;
– Débouter les époux [X] de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
– Condamner solidairement les époux [X] à payer au CRÉDIT AGRICOLE la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner solidairement les époux [X] aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel.
Vu les dernières conclusions de M. [J] [X] et Mme [E] [X] en date du 24 octobre 2022, et tendant à voir:
– Confirmer purement et simplement la décision du 15 novembre 201 ayant déclarée irrecevable l’action intentée par la CRCAM, compte tenu de la forclusion et des positionnements divergents de l’appelante,
Et à défaut, au fond :
– Constater la nullité de la mise en demeure préalable à la déchéance du terme,
– Constater la nullité de la déchéance du terme,
– Débouter la demanderesse de ses demandes pour défaut d’exigibilité,
A titre subsidiaire :
– Prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels du Prêteur,
– Réduire à 1 euro le montant de l’indemnité de résiliation sollicitée par la demanderesse, et à défaut, dire que la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au CRÉDIT AGRICOLE,
– Accorder les plus larges délais de paiement aux débiteurs.
– Condamner l’appelante à payer la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du CPC.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures respectives.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 mars 2024.
– Sur la forclusion:
L’ancien article L 311-37 du code de la consommation dans sa version résultant de la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 applicable au présent litige, dispose en substance:
‘Les actions en paiement engagées […] à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 331-6 ou après décision du juge de l’exécution sur les mesures mentionnées à l’article L. 331-7.’
Au regard des justificatifs fournis et notamment de l’historique des opérations réalisées concernant le prêt en cause (pièce n°11 de l’appelante) il apparaît que les échéances impayées au titre du prêt son celles de janvier à juin 2018.
Il est ainsi constant que le premier incident de paiement non régularisé qui constitue le point de départ du délai biennal de forclusion, date du 28 janvier 2018.
Or, dans le cas présent l’assignation introductive d’instance a été délivrée par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE le 12 septembre 2019 soit moins de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé.
Dès lors l’action de la banque est parfaitement recevable.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement querellé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE, et statuant à nouveau, de déclarer l’action de cette banque dirigée contre les époux [X] recevable comme n’encourant pas la forclusion.
– Sur l’effectivité de la déchéance du terme:
Il résulte d’une jurisprudence bien établie qu’à défaut de mise en demeure préalable, la déchéance du terme n’est pas acquise et la créance du prêteur n’est pas exigible.
Au cas particulier l’objectivité commande de constater qu’avant le prononcé de la déchéance du terme, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE a adressé aux époux [X] par courriers recommandées avec demande d’avis de réception en date du 26 janvier 2018 des lettres de mise en demeure préalables (pièce n°3 et 4 de l’appelante).
Subséquemment par courriers recommandés avec demande d’avis de réception en date du 3 juillet 2018 la banque a informé les époux [X] qu’elle prononçait la déchéance du terme du contrat litigieux (pièce n°5 et 6 de l’appelante).
Il résulte de telles constatations objectives que dans le cas présent la déchéance du terme est bien intervenue de telle manière que la créance est effectivement exigible.
– Sur les sommes dues:
Pour établir tout à la fois la réalité et le montant de sa créance à l’égard des époux [X], la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE produit aux débats les pièces suivantes:
‘ l’offre préalable de crédit acceptée et non rétractée,
‘ le tableau d’amortissement du prêt,
‘ le courrier LRAR du 26 janvier 2018 adressé à Mme [X],
‘ le courrier RAR du 26 janvier 2018 adressé à M. [X],
‘ le courrier RAR du 3 juillet 2018 adressé à Mme [X] et prononçant la déchéance du terme,
‘ le courrier RAR du 3 juillet 2018 adressé à M. [X] et prononçant la déchéance du terme,
‘ le courrier RAR du 23 juillet 2018 adressé à Mme [X],
‘ le courrier RAR du 23 juillet 2018 adressé à M. [X],
‘ le décompte des sommes dues au 1er février 2019,
‘ le relevé de comptes du 9 avril 2018,
‘ le décompte du prêt n°99144991563 établi le 24 janvier 2019,
‘ les relevés de compte du 8 février 2017 au 8 janvier 2019.
Il convient de souligner que le contrat de crédit satisfait aux exigences légales et d’ordre public inhérentes au crédit à la consommation.
Au regard des justificatifs fournis la créance de la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE à l’égard des époux [X] apparaît tout à la fois certaine, liquide et exigible et s’établit à hauteur des sommes suivantes:
– capital restant dû: 10.970,17 euros
– échéances échues et impayées: 670,38 euros
– s’agissant de l’indemnité légale de 7% qui est assimilable à une clause pénale son montant de 814,84 euros est manifestement excessif et doit être réduit à hauteur de la somme de 50 euros
Total : 11.690,55 euros
Il convient dès lors de condamner solidairement les époux [X] à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE :
‘ au titre du capital restant dû et des échéances échues et impayées la somme de 11.640,55 euros outre intérêts au taux contractuel à compter de l’assignation introductive d’instance en date du 12 septembre 2019,
‘ au titre de l’indemnité légale de 7 % la somme de 50 euros outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive d’instance en date du 12 septembre 2019.
– Sur la demande de délais de grâce:
Si la bonne foi des débiteurs se présume, force est de constater qu’ils de produisent pas aux débats des justificatifs de nature à établir qu’ils se trouvent confrontés à des difficultés financières justifiant l’octroi de délais de grâce.
Il convient dès lors de débouter les époux [X] de ce chef de demande.
– Sur le surplus des demandes:
Au regard des considérations qui précédent, il y a lieu de débouter les parties du surplus de leurs demandes.
– Sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile:
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
– Sur les dépens:
Il y a lieu après infirmation du jugement querellé en ce qu’il a condamné la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE au paiement des entiers dépens de première instance et y ajoutant, de condamner in solidum les époux [X] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
– INFIRME en toutes ses dispositions le jugement querellé,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– DECLARE recevable l’action de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE car n’encourant pas la forclusion ;
– CONDAMNE solidairement les époux [X] à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL NORD DE FRANCE :
‘ au titre du capital restant dû et des échéances échues et impayées la somme de 11.640,55 euros outre intérêts au taux contractuel à compter de l’assignation introductive d’instance en date du 12 septembre 2019,
‘ au titre de l’indemnité légale de 7 % la somme de 50 euros outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive d’instance en date du 12 septembre 2019,
– DÉBOUTE les époux [X] de leur demande de délais de grâce,
– DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
– DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNE in solidum les époux [X] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Yves BENHAMOU