Analyse des conséquences juridiques liées à la nullité d’un contrat de crédit à la consommation

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Analyse des conséquences juridiques liées à la nullité d’un contrat de crédit à la consommation

La société SOGEFINANCEMENT a accordé un crédit personnel de 15 000 euros à M. [O] [B] le 13 avril 2022, remboursable en 60 mensualités de 269,20 euros à un taux nominal de 2,95%. En raison de paiements manquants, SOGEFINANCEMENT a assigné M. [O] [B] devant le tribunal judiciaire de Paris le 19 janvier 2024, demandant le paiement de 13 491,90 euros, plus des intérêts et des frais, en raison de la déchéance du terme prononcée le 7 mars 2023.

Lors de l’audience du 21 mai 2024, SOGEFINANCEMENT a confirmé que M. [O] [B] avait commencé à rembourser sa dette en juin 2023 et n’était pas opposé à des délais de paiement. M. [O] [B] a exprimé son souhait de continuer à rembourser par mensualités de 300 euros sur 24 mois. La décision sera rendue le 5 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/02296
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Monsieur [O] [B]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Sébastien MENDES GIL

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/02296 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4EY5

N° MINUTE :
11 JCP

JUGEMENT
rendu le jeudi 05 septembre 2024

DEMANDERESSE
S.A.S. SOGEFINANCEMENT, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0173

DÉFENDEUR
Monsieur [O] [B], demeurant [Adresse 2]
comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 mai 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 05 septembre 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 05 septembre 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/02296 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4EY5

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 13 avril 2022, la société SOGEFINANCEMENT a consenti à M. [O] [B] un crédit personnel d’un montant en capital de 15 000 euros remboursable au taux nominal de 2,95% (soit un TAEG de 2,99%) en 60 mensualités de 269,20 euros hors assurance.

Des échéances étant demeurées impayées, la société SOGEFINANCEMENT a, par acte de commissaire de justice en date du 19 janvier 2024, fait assigner M. [O] [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, en paiement, sans délai, des sommes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
13 491,9 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 2,95% à compter du 7 mars 2023, et capitalisation des intérêts, avec prononcé de la résolution judiciaire aux torts de l’emprunteur si le tribunal estimait la déchéance du terme irrégulière, 1068,93 euros au titre de l’indemnité légale de 8%,500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Au soutien de sa demande, la société SOGEFINANCEMENT fait valoir que les mensualités d’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 7 mars 2023, rendant la totalité de la dette exigible.

A l’audience du 21 mai 2024, à laquelle l’affaire a été appelée, la société SOGEFINANCEMENT, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d’assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d’office, sans que le demandeur ne présente d’observations particulières sur ces points.

La demanderesse a précisé que le défendeur avait commencé à rembourser sa dette à partir du mois de juin 2023, et a indiqué ne pas s’opposer aux délais de paiement qu’il sollicite.

M. [O] [B] a comparu en personne. Il explique avoir commencé à payer sa dette par échéances mensuelles de 300 euros, mensualité qu’il souhaite continuer à rembourser dans le cadre de délais de paiement s’échelonnant sur 24 mois.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 21 mai 2024.

L’article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de l’absence de forclusion de la créance, de l’absence de cause de nullité du contrat, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion

L’article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.

L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Cet événement est caractérisé par le non paiement des sommes dues à la suite du premier incident de paiement non régularisé.

En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance de décembre 2022 de sorte que la demande effectuée le 19 janvier 2024 n’est pas atteinte par la forclusion.

Sur la nullité du contrat

Aux termes de l’article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.

La jurisprudence sanctionne la violation de ce texte par la nullité du contrat en vertu de l’article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l’emprunteur du capital prêté (Ccass civ 1ère, 22 janvier 2009, 03-11.775).

D’après les documents soumis aux débats, le défendeur a accepté l’offre de prêt personnel le 13 avril 2022, de sorte qu’aucun paiement, sous quelque forme que ce soit, ne pouvait intervenir avant le 20 avril 2022 à vingt-quatre heures, soit en pratique le 21 avril 2022, conformément aux dispositions précitées telles qu’interprétées selon les modalités de computation des délais prévues à l’article 642 du code de procédure civile.

Or, d’après l’historique du dossier versé aux débats, le versement du montant du prêt personnel à l’emprunteur est intervenu le 19 avril 2023, soit avant l’expiration du délai légal précité, de sorte que le contrat de prêt est nul.

Il convient donc de constater la nullité du contrat de prêt personnel, et de replacer les parties dans l’état où elles se trouvaient avant sa conclusion.

Sur le montant de la créance

Au regard de l’historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société SOGEFINANCEMENT à hauteur de la somme de 10 535,23 euros au titre du capital restant dû (15 000 – 1094,77 euros de règlements effectués avant prononcé de la déchéance du terme – 3370 euros réglés entre le 21 juin 2023 et le 7 mai 2024).

M. [O] [B] est en conséquence tenu au paiement de la somme de 10 535,23 euros correspondant au capital restant dû, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Sur la capitalisation des intérêts légaux

Aux termes de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Il y a en conséquence lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts échus, à compter du présent jugement, sous réserve qu’ils soient dus pour une année entière.

Sur les délais de paiement

En vertu de l’article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Compte tenu de ces éléments et des propositions de règlements formulées à l’audience, et acceptées par la demanderesse, M. [O] [B] sera autorisé à se libérer du montant de sa dette selon les modalités qui seront rappelées au dispositif.

Il convient néanmoins de prévoir que tout défaut de paiement d’une mensualité justifiera de l’exigibilité totale de la somme due.

Sur les demandes accessoires

Le défendeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société SOGEFINANCEMENT les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 300 euros lui sera donc allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

Constate la nullité du contrat de prêt personnel du 13 avril 2022 de 15 000 euros accordé par la société SOGEFINANCEMENT à M. [O] [B];

Condamne M. [O] [B] à verser à la société SOGEFINANCEMENT la somme de 10 535,23 euros au titre du capital restant dû avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement;

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter de l’assignation, sous réserve qu’ils soient échus et dus pour une année entière,

Autorise M. [O] [B] à s’acquitter des sommes susvisées en 24 mensualités de 300 euros, le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision, la dernière mensualité étant majorée du solde de la dette,

Dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à son terme, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible,

Condamne M. [O] [B] aux dépens ;

Condamne M. [O] [B] à verser à la société SOGEFINANCEMENT la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le greffier, Le juge des contentieux
de la protection


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