Analyse des conséquences juridiques liées à la défaillance d’un emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation

·

·

Analyse des conséquences juridiques liées à la défaillance d’un emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation

La SA La Banque Postale Financement a accordé à M. [O] [L] un crédit renouvelable de 1 800 euros en janvier 2015, avec un taux d’intérêt de 0,95% par mois. En juillet 2017, M. [O] [L] a accepté une augmentation de ce crédit à 10 000 euros.

Des mensualités n’ayant pas été réglées, la banque a assigné M. [O] [L] devant le tribunal judiciaire de Paris le 7 mars 2024, réclamant un total de 11 030,34 euros, incluant des intérêts et des indemnités, en raison de la déchéance du terme prononcée le 4 juillet 2023, suite à des impayés constatés depuis juillet 2022.

Lors de l’audience du 21 mai 2024, la banque a demandé le bénéfice de son acte d’assignation, tandis que M. [O] [L] ne s’est pas présenté. Le tribunal statuera par jugement réputé contradictoire, avec une décision attendue le 5 septembre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
24/03223
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Monsieur [O] [L]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Sébastien MENDES GIL

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/03223 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4MKP

N° MINUTE :
13 JCP

JUGEMENT
rendu le jeudi 05 septembre 2024

DEMANDERESSE
S.A. LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0173

DÉFENDEUR
Monsieur [O] [L], demeurant [Adresse 2]
non comparant, ni représenté

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 mai 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 05 septembre 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 05 septembre 2024
PCP JCP fond – N° RG 24/03223 – N° Portalis 352J-W-B7I-C4MKP

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 28 janvier 2015, la SA La Banque Postale Financement a consenti à M. [O] [L] un crédit d’un an renouvelable d’un montant maximal en capital de 1800 euros remboursable au taux mensuel nominal de 0,95% (soit un TAEG annuel de 12,19%) en 26 mensualités de 80 euros hors assurance.

M. [O] [L] a accepté le 30 juillet 2017 une offre d’ augmentation du montant du crédit renouvelable, porté à 10 000 euros.

Des échéances étant demeurées impayées, la SA La Banque Postale Financement a, par acte de commissaire de justice en date du 7 mars 2024, fait assigner M. [O] [L] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
11030,34 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 4,80% l’an à compter du 4 juillet 2023, et capitalisation des intérêts, avec prononcé de la résolution judiciaire aux torts de l’emprunteur si le tribunal estimait la déchéance du terme irrégulière, 882,42 euros au titre de l’indemnité légale de 8%,500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Au soutien de sa demande, la SA La Banque Postale Financement fait valoir que les mensualités d’emprunt n’ont pas été régulièrement payées, ce qui l’a contrainte à prononcer la déchéance du terme le 4 juillet 2023, rendant la totalité de la dette exigible. Elle situe le premier incident de paiement non régularisé au 5 juillet 2022.

A l’audience du 21 mai 2024, à laquelle l’affaire a été appelée, la SA La Banque Postale Financement, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d’assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d’office, sans que le demandeur ne présente d’observations particulières sur ces points.

Bien que régulièrement assigné à étude, M. [O] [L] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter. Conformément à l’article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

En l’espèce, le défendeur n’a pas comparu, de sorte qu’il sera fait application des dispositions précitées.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L’article L.141-4 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 21 mai 2024.

L’article L.311-24 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de des articles 1152 et 1231 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.311-6 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.311-24, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion

L’article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.

L’article L.311-52 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Cet événement est caractérisé par le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme, le premier incident de paiement non régularisé ou encore, dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable, le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti.

En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance de juillet 2022 de sorte que la demande effectuée le 7 mars 2024 n’est pas atteinte par la forclusion.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’ article L.311-24 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).

Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l’envoi d’une telle mise en demeure (Ccass Civ 1ère, 2 juillet 2014, n° 13-11636), étant précise qu’il n’a pas à justifier de la remise effective de la mise en demeure au débiteur (Ccass 1ère civ, 20 janvier 2021, pourvoi n°19-20.680).

En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d’exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article 4) et une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 2146,96 euros précisant le délai de régularisation (de 15 jours) a bien été envoyée le 25 février 2023 ainsi qu’il en ressort de l’avis de recommandé produit (l’avis de réception envoyé à l’adresse figurant au contrat de prêt étant revenu pli avisé et non réclamé). De sorte qu’en l’absence de régularisation dans le délai, ainsi qu’il en ressort de l’historique de compte, la SA La Banque Postale Financement a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme le 4 juillet 2023.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Pour que l’emprunteur puisse exercer son droit de rétractation, prévu à l’article L. 311-14 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, un formulaire détachable de rétractation doit être joint à l’offre de prêt. Son omission est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts (Civ. 1re, 14 janv. 2010, n° 08-20.403) en vertu de l’article L. 311-48 du code de la consommation.

En l’espèce, le contrat ne contient pas bordereau de rétractation.

Il appartient en outre au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment, la justification, de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur au moyen nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L.311-9]), à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (article L.311-48] étant précisé que le prêteur ne doit pas s’arrêter aux seules déclarations de l’emprunteur compilées dans la « fiche dialogue » mais effectuer ses propres vérifications et solliciter des pièces justificatives (au minimum la production de relevés bancaires et d’un avis d’imposition) et être ensuite en mesure de les produire devant la juridiction saisie de son action en paiement.

En l’espèce, le prêteur ne démontre pas avoir procédé à ces vérifications, quand bien même le montant maximal du montant emprunté a été porté à la somme de 10.000 euros.

Également, s’agissant d’un crédit renouvelable, il n’est produit aucune lettre de reconduction annuelle précisant les conditions de reconduction du contrat (article L.311-16]) laquelle est prévue à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L.311-48).

En conséquence la banque sera déchue de son droit aux intérêts.

Sur le montant de la créance

Aux termes de l’article L.311-48 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, la déchéance s’appliquant même aux frais, commissions et autres accessoires inscrits au compte (Ccass 1ère civ, 31 mars 2011, pourvoi n°09-69.963). Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l’espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.

De surcroît, la limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts résultant de l’article L.311-48 susvisé exclut qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance prévue à l’article L.311-24 du code de la consommation.

S’agissant des primes d’assurances afférentes aux mensualités impayées, les termes de l’article L311-48 du code de la consommation excluent également que la demanderesse puisse en obtenir le paiement, celle-ci n’ayant au surplus pas qualité à agir pour le compte de l’assureur – sauf subrogation qui ne se trouve pas démontrée en l’espèce.

Au regard de l’historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la SA La Banque Postale Financement à hauteur de la somme de 5384 euros au titre du capital restant dû (28 8556– 23472 euros de règlements déjà effectués).

En conséquence, M. [O] [L] est tenu au paiement de la somme de 5384 euros correspondant au capital restant dû.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier.

En conséquence, la somme due par M. [O] [L] portera intérêts au taux légal à compter de l’assignation en justice.

Sur la capitalisation des intérêts légaux

Aux termes de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise.

Il y a en conséquence lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts, sous réserve qu’ils soient échus et dus pour une année entière, à compter de l’assignation.

Sur les demandes accessoires

Le défendeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA La Banque Postale Financement les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 300 euros lui sera donc allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe réputé contradictoire et en premier ressort,

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA La Banque Postale Financement au titre du prêt souscrit par M. [O] [L] le 28 janvier 2015, à compter de cette date ;

Condamne M. [O] [L] à verser à la SA La Banque Postale Financement la somme de 5384 euros au titre du capital restant dû avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2024 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter de l’assignation, sous réserve qu’ils soient échus et dus pour une année dernière ;

Condamne M. [O] [L] à verser à la SA La Banque Postale Financement la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [O] [L] aux dépens ;

Rejette le surplus des demandes ;

Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le greffier, Le juge des contentieux
de la protection


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x