La commune du [Localité 8] a assigné Madame [B] [E] et Monsieur [S] [V] pour obtenir la liquidation d’une astreinte fixée par une ordonnance du 20 mars 2023 et la fixation d’une nouvelle astreinte définitive. Lors de l’audience du 2 juillet 2024, la commune a demandé la liquidation de l’astreinte provisoire et la condamnation des défendeurs à verser 6.000 euros, ainsi qu’une nouvelle astreinte de 150 euros par jour de retard. Elle a affirmé que les travaux ordonnés n’avaient pas été réalisés et a contesté les arguments des défendeurs concernant l’accès au terrain et leur situation financière. De leur côté, Monsieur [V] et Madame [E] ont demandé le rejet des demandes de la commune, soutenant qu’ils ne pouvaient pas exécuter la décision en raison de l’absence d’accès au terrain et du coût des travaux. L’affaire a été mise en délibéré au 10 septembre 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE JUGE DE L’EXECUTION
JUGEMENT DU 10 Septembre 2024
DOSSIER N° RG 24/01943 – N° Portalis DBX6-W-B7I-YZ5X
Minute n° 24/ 310
DEMANDEUR
Commune [Localité 8], agissant poursuites et diligences de son Maire, Monsieur [N] [H]
domiciliée [Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Maître Valérie JANOUEIX de la SCP BATS – LACOSTE – JANOUEIX, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, Maître Jacques BORDERIE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
DEFENDEURS
Monsieur [S] [V]
né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 9] (65)
demeurant [Adresse 7]
Madame [B] [E]
née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 5] (33)
demeurant [Adresse 7]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-33063-2024-003158 du 06/03/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)
représentés par Maître Paul CESSO, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
JUGE DE L’EXECUTION : Marie BOUGNOUX, Vice-présidente
GREFFIER : Géraldine BORDERIE, Greffier
A l’audience publique tenue le 02 Juillet 2024 en conformité au Code des Procédures Civiles d’Exécution et des articles L 311-12 et L 311-12-1 du Code de l’organisation judiciaire, les parties présentes ou régulièrement représentées ont été entendues et l’affaire a été mise en délibéré au 10 Septembre 2024, et le jugement prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
Le 10 septembre 2024
Formules exécutoires aux avocats + dossiers
Copies Certifiées Conformes
par LRAR + LS aux parties
Se prévalant d’une ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 20 mars 2023 et d’un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux en date du 6 décembre 2023, la commune du [Localité 8] a fait assigner Madame [B] [E] et Monsieur [S] [V] par acte de commissaire de justice en date du 29 février 2024 afin de voir liquidée l’astreinte fixée par cette décision et que soit ordonnée la fixation d’une nouvelle astreinte définitive.
A l’audience du 2 juillet 2024 et dans ses dernières conclusions, la commune du [Localité 8] sollicite la liquidation de l’astreinte provisoire et la condamnation des défendeurs à lui verser la somme de 6.000 euros avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir au titre de la liquidation de l’astreinte fixée par l’ordonnance du 20 mars 2023 et la somme de 3.000 euros au titre de l’astreinte provisoire fixée par l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 6 décembre 2023. Elle demande la fixation d’une astreinte définitive de 150 euros par jour de retard outre la condamnation des défendeurs aux dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la commune du [Localité 8] indique qu’elle a annulé le titre exécutoire émis par erreur pour recouvrir les sommes réclamées avant la saisie de la présente juridiction. Elle indique qu’aucun des travaux de remise en état enjoint par les décisions judiciaires n’a été réalisé. Elle conteste toute cause étrangère empêchant la réalisation des travaux, soulignant qu’ils disposent bien d’un accès à leur parcelle qui pourrait être utilisé pour la réalisation des travaux. Elle soutient que le coût des travaux, qui n’est pas justifié aux débats, et la situation financière des défendeurs ne sauraient être une cause étrangère puisqu’il ne s’agit ni d’une circonstance nouvelle ni d’un fait imprévisible ou exceptionnel. Elle souligne la mauvaise foi des consorts [E]-[V] qui résistent à l’exécution de la décision judiciaire en dépit du risque pénal découlant d’un tel comportement.
A l’audience du 2 juillet 2024 et dans leurs dernières écritures, Monsieur [V] et Madame [E] concluent au rejet de toutes les demandes, à titre subsidiaire à ce qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal administratif et plus subsidiairement à la réduction du montant de l’astreinte.
Les défendeurs soutiennent que la commune a déjà tenté de recouvrer les sommes réclamées à l’aide d’un titre exécutoire qu’ils contestent. Ils indiquent ne pas pouvoir exécuter la décision judiciaire en raison de l’absence d’accès au terrain interdit par les voisins, un recours au fond étant pendant quant à cette difficulté. Ils font valoir que le coût des travaux est important et qu’ils ne peuvent les payer tout comme le montant de l’astreinte réclamée et dont ils sollicitent la diminution.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 septembre 2024.
Sur les demandes principales
– Sur le sursis à statuer
L’article 378 du Code de procédure civile dispose :
« La décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »
Les défendeurs produisent le titre exécutoire émis par la commune et leurs demandes d’aide juridictionnelle en vue de le contester, ces éléments ayant été remis au SAUJ le 29 février 2024.
Outre, qu’il n’est produit aucune pièce attestant de l’introduction effective d’un recours devant le tribunal administratif, la commune du [Localité 8] produit un mandat de paiement portant annulation du titre émis mentionnant bien le nom des défendeurs et le même montant que celui porté sur leur titre. La demanderesse justifie avoir donc annulé le titre exécutoire émis à tort. Le recours devant le tribunal administratif étant sans objet à cet égard, il n’y a pas lieu d’ordonner le sursis à statuer.
– Sur la liquidation de l’astreinte et la fixation d’une astreinte définitive
L’article L131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose : “Tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.
Le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.”
L’article L131-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L’astreinte est indépendante des dommages-intérêts.
L’astreinte est provisoire ou définitive. L’astreinte est considérée comme provisoire, à moins que le juge n’ait précisé son caractère définitif.
Une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine. Si l’une de ces conditions n’a pas été respectée, l’astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire”.
L’article L131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“L’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l’exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir”.
L’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose :
“Le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère”.
Toutefois, au visa de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales entrée en vigueur le 3 septembre 1953 et de son Protocole n° 1 applicable depuis le 1er novembre 1998, le juge du fond doit se livrer lors de la liquidation d’une astreinte provisoire à un contrôle de proportionnalité entre l’atteinte portée au droit de propriété du débiteur et le but légitime qu’elle poursuit, sans pour autant, à ce stade de l’évolution de la jurisprudence, considérer les facultés financières de celui-ci.
Enfin, l’article R121-1 alinéa 2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que:
« Le juge de l’exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l’exécution. »
En l’espèce, l’ordonnance du 20 mars 2023 mentionne notamment dans son dispositif :
« Ordonne aux consorts [V]-[E] de remettre leur terrain cadastré [Cadastre 4] en l’état où il se trouvait avant construction du cabanon, des clôtures et des bordures en béton, et de cesser ou faire cesser les travaux en cours, dans le délai d’un mois suivant la signification de la présente décision, passé lequel courra à leur encontre une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard durant deux mois. »
Cette décision a été signifiée par acte du 29 mars 2023.
L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 6 décembre 2023 infirme uniquement de façon partielle l’ordonnance et y ajoute la mention suivante :
« Ordonne à Mme [B] [E] et M [S] [V] de procéder à la remise en état de la partie de la parcelle communale [Cadastre 3] moyennant l’enlèvement du câble électrique, raccordé au pylône d’Enedis, installé et enfoui dans la tranchée creusée sur cette parcelle et le comblement de ladite tranchée, dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros jour de retard pendant deux mois. » Cet arrêt a été signifié par acte du 31 janvier 2024.
Les consorts [E]-[V] ne contestent pas ne pas avoir exécuté les travaux de démolition et de remise en état. Au contraire la comparaison du constat dressé le 13 octobre 2022 et celui établi le 28 septembre 2023, donc postérieurement à l’ordonnance de référé, permet de constater la construction de cabanons supplémentaires sur la parcelle sans qu’il soit justifié d’une autorisation pour y procéder.
S’agissant de l’impossibilité d’accès invoquée par les défendeurs, celle-ci n’est pas établie au vu des constats établis les 28 juillet et 28 septembre 2023 établissant la présence d’une caravane et de véhicules différents sur la parcelle litigieuse. Par ailleurs, le procès-verbal de constat du 2 novembre 2022 établit que des potelets ont été installés mais ne sont plus en place au moment où le constat est dressé, l’accès à la parcelle étant donc libre.
S’ils justifient d’une situation financière précaire et des difficultés de santé subies par Madame [E], les défendeurs ne produisent aux débats aucun devis sur le coût des travaux de remise en état. Ils ne justifient dès lors pas d’une cause extérieure qui puisse empêcher de liquider l’astreinte.
Le texte susvisé ne fait du reste aucune référence à la capacité financière du débiteur de l’obligation mais à son comportement et aux difficultés d’exécution qu’il a pu rencontrer.
Or, les défendeurs ne justifient d’aucun commencement d’exécution de l’injonction judiciaire qui leur a été faite. Au contraire, ils ont continué à construire des édifices sans autorisation. Ces constructions induisent un cout financier qu’ils auraient pu consacrer à respecter les décisions judiciaires.
Il y a donc lieu de liquider les deux astreintes à leur taux nominal.
Celle fixée par l’ordonnance de référé a couru durant deux mois à raison de 100 euros par jour soit 60 jours à 100 euros et une somme due de 6.000 euros.
Celle fixée par l’arrêt de la cour d’appel a couru durant deux mois soit 60 jours à raison de 50 euros par jour soit 3.000 euros.
Les défendeurs seront condamnés au paiement de ces sommes. Les intérêts au taux légal courant d’office, il n’est pas nécessaire de statuer sur ce point.
Par ailleurs, en l’absence de toute exécution et afin de les contraindre à se conforter aux condamnations rendues à leur encontre, il sera fixée une nouvelle astreinte provisoire définie au dispositif.
Sur les autres demandes
Il résulte des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
En outre l’article 700 du même code prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Les consorts [E]-[V], partie perdante, subiront les dépens et seront condamnés au paiement d’une somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
Le Juge de l’exécution statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort,
LIQUIDE l’astreinte provisoire prononcée par l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 20 mars 2023 et par l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux en date du 6 décembre 2023 à l’encontre de Madame [B] [E] et Monsieur [S] [V] au profit de la commune du [Localité 8] respectivement à la somme de 6.000 euros et à la somme de 3.000 euros et CONDAMNE en conséquence Madame [B] [E] et Monsieur [S] [V] à payer la somme de 9.000 euros à la Commune du [Localité 8] ;
FIXE une nouvelle astreinte provisoire et condamne Madame [B] [E] et Monsieur [S] [V] à exécuter la totalité des dispositions de l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 20 mars 2023 et de l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux en date du 6 décembre 2023 à raison de 150 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai de trois mois suivant la signification de la présente décision jusqu’à exécution parfaite et au maximum pour trois mois ;
CONDAMNE Madame [B] [E] et Monsieur [S] [V] à payer à la Commune du [Localité 8] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [B] [E] et Monsieur [S] [V] aux dépens ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire en application de l’article R 121-21 du code des procédures civiles d’exécution.
La présente décision a été signée par le Juge de l’exécution et par le Greffier présent lors de sa mise à disposition.
LE GREFFIER, LE JUGE DE L’EXECUTION,