La société AXA Banque a accordé un prêt immobilier de 480 000 euros aux consorts [T]-[Z] en novembre 2016, avec des mensualités à rembourser. En mai et juin 2017, AXA Banque a mis en demeure les emprunteurs pour des impayés, atteignant 11 257,77 euros. En juillet 2017, la garantie de la SA Crédit Logement a été sollicitée. En octobre 2018, Crédit Logement a informé les emprunteurs qu’elle devait payer 25 695,50 euros à AXA Banque en raison de leur défaillance. En juillet 2019, AXA Banque a notifié la déchéance du terme du contrat de prêt et a exigé le remboursement total de 493 560,75 euros. En octobre 2020, Crédit Logement a assigné les consorts [T]-[Z] pour obtenir le remboursement de 486 967,23 euros. Le tribunal a condamné les emprunteurs à payer cette somme en juin 2023, déboutant leur demande de délai de grâce. Les consorts [T]-[Z] ont fait appel, contestant la validité des quittances et invoquant la prescription de leur dette. Crédit Logement a soutenu que l’appel était mal fondé et a demandé la confirmation du jugement. L’instruction a été clôturée en juillet 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /24 DU 26 SEPTEMBRE 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 23/01378 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FGIR
Décision déférée à la cour :
Jugement du tribunal judiciaire d’EPINAL, R.G. n° 20/01483, en date du 06 juin 2023,
APPELANTS :
Madame [U] [Z]
née le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 5] (88), domiciliée [Adresse 2]
Représentée par Me Olivier COUSIN de la SCP SYNERGIE AVOCATS, avocat au barreau D’EPINAL
Monsieur [D] [T]
né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 6] (13), domicilié [Adresse 2]
Représenté par Me Olivier COUSIN de la SCP SYNERGIE AVOCATS, avocat au barreau d’EPINAL
INTIMÉE :
S.A. CREDIT LOGEMENT,
Société anonyme immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B 302 493 275 dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Violaine GUIDOT de la SELARL BGBJ, avocat au barreau d’EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 05 Septembre 2024, en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 26 Septembre 2024, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 26 Septembre 2024, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée le 27 novembre 2016, la société AXA Banque a consenti à M. [D] [T] et Mme [U] [Z] (ci-après les consorts [T]-[Z]) un prêt immobilier d’un montant de 480 000 euros remboursable en 300 mensualités (hors phase de préfinancement de 36 mois) au taux annuel effectif global de 2,39 % et au taux débiteur fixe de 1,9%, garanti par le cautionnement de la SA Crédit Logement accordé en faveur du prêteur selon accord du 15 septembre 2016.
Par courriers des 2 mai 2017 et 9 juin 2017, la SA AXA Banque a mis les consorts [T]-[Z] en demeure de s’acquitter des mensualités impayées sous quinzaine, en dernier état à hauteur de 11 257,77 euros, sous peine de déchéance du terme.
Par courrier du 5 juillet 2017, la société AXA Banque a sollicité la mise en jeu de la garantie de la SA Crédit Logement suite à un impayé de 11 257,77 euros.
Par courriers recommandés du 16 octobre 2018 avec avis de réception respectivement signé le 30 octobre 2018 et présenté le 26 octobre 2018, la SA Crédit Logement a averti les consorts [T]-[Z] que suite à leur défaillance, la banque lui demandait de payer la somme de 25 695,50 euros en leurs lieu et place, et les a mis en demeure de lui régler cette somme sous huitaine.
Le 22 octobre 2018, la société AXA Banque a établi une quittance subrogative au bénéfice de la SA Crédit Logement pour la somme de 25 695,50 euros, correspondant aux échéances échues et impayées du 5 novembre 2017 au 5 octobre 2018, outre les pénalités de retard.
Par courriel du 30 janvier 2019 émis par Mme [L], comportant une adresse électronique portant la mention du Crédit Foncier et agissant en qualité de ‘ chargée de clientèle, recouvrement-analyse et négociation AXA BANQUE ‘, la garantie de la SA Crédit Logement a été de nouveau appelée avec la communication des courriers de mise en demeure de payer les échéances du prêt adressés aux emprunteurs le 18 décembre 2018.
Par courriers du 5 février 2019, la SA Crédit Logement a averti les consorts [T]-[Z] que suite aux impayés, la banque était en droit de prononcer l’exigibilité anticipée du prêt, et qu’elle pourrait être amenée à payer les sommes dues en leurs lieu et place.
Par courriers du 10 juillet 2019, la société AXA Banque a mis les consorts [T]-[Z] en demeure de régler les échéances échues et impayées à hauteur de 19 264,09 euros dans un délai de dix jours, sous peine de déchéance du terme.
Par courriers du 22 juillet 2019, la société AXA Banque a notifié aux consorts [T]-[Z] la déchéance du terme contrat de prêt, et les a mis en demeure de lui payer la somme totale exigible de 493 560,75 euros.
Le 29 juillet 2020, la société AXA Banque a établi une première quittance subrogative au bénéfice de la SA Crédit Logement signée par un responsable du département recouvrement de la société Crédit Foncier de France portant le cachet de ladite société, puis une seconde quittance subrogative signée par un responsable du département recouvrement de la société AXA Banque portant le cachet de ladite société, pour la somme de 461 271,73 euros, correspondant au capital restant dû, aux échéances échues et impayées du 5 novembre 2018 au 5 juillet 2019 et aux pénalités de retard.
Par courriers recommandés du 6 octobre 2020 avec avis de réception retournés signés le 9 octobre 2020, la SA Crédit-Logement a informé les consorts [T]-[Z] qu’elle était amenée à rembourser à la SA AXA Banque l’intégralité du solde de la créance en leurs lieu et place.
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Par actes d’huissier délivrés le 15 octobre 2020, la SA Crédit Logement a fait assigner les consorts [T]-[Z] devant le tribunal judiciaire d’Epinal afin de les voir solidairement condamnés à lui payer la somme au principal de 486 967,23 euros sur le fondement de l’article 2305 du code civil.
Elle a fait valoir que l’assignation délivrée moins de deux ans après le paiement de la caution n’était pas affectée par la prescription tirée de l’article L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, et que les emprunteurs n’étaient pas recevables à lui opposer des exceptions personnelles ou inhérentes à la dette dans le cadre de son recours personnel, ni l’absence de déchéance du terme sur le fondement de l’article 2313 du code civil édicté au seul bénéfice de la caution. Elle a soutenu que les consorts [T]-[Z] ne pouvaient utilement s’opposer au recours de la caution sur le fondement de l’article 2308 du code civil.
Les consorts [T]-[Z] ont conclu à l’absence de droit de la SA Crédit Logement à leur encontre et au débouté de la demande en paiement relative à la quittance de 461 271,13 euros. Ils ont sollicité l’octroi d’un délai de grâce de 24 mois afin de vendre l’immeuble financé.
Ils ont soutenu qu’ils avaient les moyens de faire déclarer leur dette éteinte pour cause de prescription à compter du 24 juin 2017, date de la déchéance du terme résultant de la mise en demeure préalable du 9 juin 2017, de sorte que l’action était prescrite depuis le 24 juin 2019 lorsque que le second versement était intervenu en juillet 2020.
Par jugement en date du 6 juin 2023, le tribunal judiciaire d’Epinal a :
– condamné solidairement les consorts [T]-[Z] à payer à la SA Crédit Logement la somme de 486 967,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2018 sur la somme de 25 695,50 euros et à compter du 29 juillet 2020 pour le surplus,
– débouté les consorts [T]-[Z] de leur demande de délais de grâce,
– condamné solidairement les consorts [T]-[Z] aux dépens, dont distraction au profit de la SCP Begel Guidot Bernard Jurek conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
– condamné solidairement les consorts [T]-[Z] à payer à la SA Crédit Logement la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu que la SA Crédit Logement, exerçant le recours personnel prévu par l’article 2305 du code civil, les consorts [T]-[Z] ne pouvaient lui opposer les exceptions et moyens dont ils auraient pu disposer contre le créancier originaire, la société AXA Banque, sauf à ce que soient invoquées avec succès les dispositions de l’article 2308 du code civil ayant pour conséquence la perte du recours de la caution, ce qui n’était pas établi, en ce que la SA Crédit Logement avait été mise en demeure d’exécuter son engagement de caution et qu’elle avait averti les consorts [T]-[Z] qu’elle serait amenée à payer en leurs lieu et place.
Il a jugé que les consorts [T]-[Z] n’avaient pas justifié de paiements partiels depuis le 15 octobre 2020, et qu’ils ne justifiaient pas des démarches accomplies en vue de vendre leur bien immobilier.
-o0o-
Le 28 juin 2023, les consorts [T]-[Z] ont formé appel du jugement tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués.
Dans leurs conclusions transmises le 12 juin 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les consorts [T]-[Z], appelants, demandent à la cour sur le fondement des articles 2308 du code civil, dans sa version en vigueur du 24 mars 2006 au 1er janvier 2022, L. 137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation et de l’article 1343-5 du code civil :
– de juger leur appel recevable,
– de rejeter l’intégralité des demandes, fins et conclusions de la SA Crédit Logement,
– d’infirmer intégralement le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Epinal le 6 juin 2023,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– de juger que la quittance (pièce adverse 4-2) est tamponnée et signée pour le compte du Crédit Foncier de France,
– de juger que le Crédit Logement n’a aucun droit à l’encontre des concluants,
– de juger qu’ils sont fondés à se prévaloir des dispositions de l’article 2308 alinéa 2 du code civil,
Dès lors,
– de rejeter l’intégralité des demandes, fins et conclusions de la SA Crédit Logement,
– de condamner la SA Crédit Logement à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la SA Crédit Logement aux dépens de première instance et d’appel,
A titre subsidiaire,
– de leur accorder un délai de grâce de 24 mois pour se libérer de leur éventuelle dette à l’égard de la SA Crédit Logement, à compter de la signification de la décision à intervenir,
– de rappeler que la décision du juge octroyant des délais de paiement suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Au soutien de leurs demandes, les consorts [T]-[Z] font valoir en substance :
– que la seconde quittance subrogative émise le 29 juillet 2020 est signée par la responsable recouvrement auprès du CFF et est signée et tamponnée pour le compte du Crédit Foncier de France, de sorte qu’elle ne permet pas d’établir que la SA Crédit Logement a payé le prêteur ; qu’une nouvelle quittance a été émise à la même date et signée par le responsable département recouvrement de la SA AXA Banque, pour les besoins de la cause, de sorte qu’elle doit être écartée des débats ; que la communication de cette nouvelle pièce postérieurement à l’acte introductif d’instance n’est pas spontanée, contrairement aux articles 132 et 56 du code de procédure civile ; que le tribunal n’a pas statué sur ce point ;
– que par ordonnance en date du 25 mars 2024, le conseiller de la mise en état a rejeté l’incident formé afin d’obtenir la communication des conventions et protocoles signés entre la SA Crédit Logement et l’établissement prêteur déterminant les effets résultant du cautionnement ;
– qu’ils se prévalent des dispositions de l’article 2308 du code civil et non de celles de l’article 2313, tel que retenu par le tribunal ; que la caution a payé sans être poursuivie en ce que le courrier simple du 5 juillet 2017 ne contient aucune demande en paiement du prêteur, ni aucune réclamation ou mise en demeure, s’agissant d’une demande de recouvrement amiable de l’impayé, et que le mail du 30 janvier 2019 émane du Crédit Foncier de France qui n’est pas concerné par le prêt et ne comporte pas de demande en paiement ; que la caution n’a pas averti les débiteurs préalablement au paiement, en ce que la SA Crédit Logement produit des courriers du prêteur adressés aux emprunteurs les 2 mai, 9 juin et 5 juillet 2017, s’agissant du règlement des échéances impayées, et les 10 et 22 juillet 2019, s’agissant du règlement du capital, et que les seuls courriers simples adressés aux emprunteurs par la SA Crédit Logement les 16 octobre et 17 décembre 2018, pour le paiement des échéances, et les 5 février 2019 et 6 octobre 2020, pour le paiement du capital, ne correspondent pas à une information préalable mais à des demandes de paiement postérieures aux règlements du prêteur, enregistrés respectivement les 22 octobre 2018 et 29 juillet 2020 ; qu’ils disposaient de moyens pour faire déclarer la dette éteinte, en ce que la déchéance du terme a été prononcée irrégulièrement à l’issue d’un délai de douze jours suivant la mise en demeure préalable, au lieu de quinze jours prévus au contrat, de sorte que les sommes ne sont pas devenues exigibles et que la caution ne devait pas payer les sommes sollicitées, et qu’ils disposaient de moyens de défense à faire valoir résultant du caractère abusif de la clause de déchéance du terme sans préavis d’une durée raisonnable (huit jours) permettant de voir déclarer la dette éteinte car non due ; que l’action du prêteur est prescrite depuis juin 2019, en ce que suite aux impayés du 5 janvier 2017, une mise en demeure a été adressée aux emprunteurs le 9 juin 2017, déterminant le premier impayé au plus tard à cette date, alors que l’assignation a été délivrée le 15 octobre 2020 et que le second règlement de 461 271,73 euros est intervenu en juillet 2020, soit après l’expiration du délai de prescription ;
– que leur bonne foi doit être retenue pour justifier l’allocation de délais de paiement, en ce qu’un compromis de vente du bien financé avait été signé le 22 février 2022 pour un prix de 485 000 euros, mais que les acquéreurs n’ont pas obtenu leur crédit bancaire pour permettre la réitération de la vente prévue au plus tard le 23 mai 2022.
Dans ses conclusions transmises le 9 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA Crédit Logement, intimée, demande à la cour :
– de déclarer mal fondé l’appel formé par les consorts [T]-[Z] à l’encontre de la décision rendue le 6 juin 2023 par le tribunal judiciaire d’Epinal,
En conséquence,
– de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,
– de débouter les consorts [T]-[Z] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
Y ajoutant,
– de condamner solidairement les consorts [T]-[Z] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement les consorts [T]-[Z] aux entiers dépens de l’instance, avec application de l’article 699 au profit de Me Violaine Guidot, avocat, en ce compris les frais d’inscription d’hypothèque judiciaire.
Au soutien de ses demandes, la SA Crédit Logement fait valoir en substance :
– que la quittance subrogative établie le 29 juillet 2020 par le prêteur est valable ;
– que le délai de prescription du recours personnel de la caution qui a payé le prêteur contre l’emprunteur a pour point de départ, non la première échéance impayée par le débiteur principal mais la date à laquelle celle-ci a payé, et que l’assignation devant le tribunal judiciaire a été délivrée moins de deux ans après la date de remboursement du prêt par la caution ;
– que dans le cadre de l’exercice de son recours personnel, les débiteurs ne sont pas recevables à opposer à la caution quelque défaut que ce soit tiré du rapport originel les liant au créancier, qu’il soit personnel ou inhérent à la dette ; que les dispositions de l’article 2313 du code civil sont prévues au seul bénéfice de la caution ; que les seules exceptions que le débiteur peut opposer à la caution sont développées dans l’article 2308 du code civil qui encadre ainsi spécifiquement et limitativement les cas dans lesquels le débiteur peut s’opposer utilement au recours de la caution à son égard ; qu’il n’est pas établi que les débiteurs auraient eu des moyens pour faire déclarer leur dette éteinte au moment du paiement effectué par la caution en ce que les échéances du prêt ont été réglées jusqu’en octobre 2017 (la quittance subrogative relative au paiement des échéances impayées ayant été établie le 22 octobre 2018), et que la déchéance du terme a été prononcée le 22 juillet 2019 (la quittance subrogative relative au paiement du capital restant dû ayant été établie le 29 juillet 2020) ; qu’elle a procédé au paiement après demande du créancier principal et qu’elle a averti les emprunteurs de ce qu’elle allait régler le créancier, en ce que l’avertissement du débiteur ne résulte pas nécessairement d’une information émanant de la caution ;
– qu’elle s’oppose formellement à l’octroi de délais de paiement compte tenu de l’ancienneté des échéances impayées et des délais de procédure, et de ce qu’elle s’est immédiatement acquittée des causes de son engagement auprès du créancier et n’est pas un établissement bancaire.
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La clôture de l’instruction a été prononcée le 3 juillet 2024.
Sur la demande tendant à voir écarter des débats la seconde quittance subrogative établie le 29 juillet 2020 par la SA AXA Banque postérieurement à l’assignation
L’article 135 du code de procédure civile dispose que le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.
Or, les consorts [T]-[Z] ne soutiennent pas que ladite quittance subrogative établie par la SA AXA Banque le 29 juillet 2020 n’a pas été produite en temps utile pour leur permettre de conclure avant l’ordonnance de clôture.
Aussi, cette pièce produite après l’assignation ne saurait être écartée des débats sur ce seul fondement.
Sur le recours personnel de la SA Crédit Logement au titre de l’article 2305 du code civil
Les consorts [T]-[Z] font valoir que la dette cautionnée ne leur est pas opposable dans la mesure où la deuxième quittance subrogative a été établie au bénéfice de la SA Crédit Logement le 29 juillet 2020 par la SA CFF, qui n’est pas partie au contrat de prêt qui leur a été consenti par la SA AXA Banque le 27 novembre 2016.
Toutefois, la SA Crédit Logement a versé aux débats une seconde quittance subrogative établie à son bénéfice le 29 juillet 2020 par la SA AXA Banque, qui revêt la qualité de prêteur dans le contrat litigieux consenti aux consorts [T]-[Z] le 27 novembre 2016, garanti par l’engagement de caution de la SA Crédit Logement.
Aussi, les consorts [T]-[Z] ne peuvent utilement soutenir que la SA Crédit Logement ne justifie pas d’une quittance subrogative lui permettant d’engager un recours personnel à leur encontre au titre du prêt consenti le 27 novembre 2016.
Sur les fautes de la caution
L’article 2308 du code civil pose les conditions dans lesquelles la caution qui a payé le créancier est déchue de son droit d’exercer ses recours subrogatoire ou personnel.
Cet article dispose en son alinéa 2, dans sa rédaction applicable antérieure à l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021, que ‘ lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti l’emprunteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte, sauf son action en répétition contre le créancier.’
Ainsi, il en résulte que la caution est privée de tout recours contre l’emprunteur lorsque, cumulativement :
– elle a payé sans avoir été poursuivie par le créancier,
– elle a payé sans avoir averti l’emprunteur,
– l’emprunteur avait des moyens pour faire déclarer la dette éteinte.
S’agissant de la nécessité d’une poursuite préalable du créancier, une demande en paiement ou une réclamation du créancier à l’égard de la caution est suffisante à écarter les dispositions du second alinéa de l’article 2308 du code civil.
Ainsi, l’article 2308 alinéa 2 du code civil est écarté lorsque la caution a payé la dette à la demande du créancier qui l’a appelée en garantie.
Les consorts [T]-[Z] font valoir que la SA Crédit Logement a payé sans être poursuivie en ce que le courrier simple du 5 juillet 2017 ne contient aucune demande en paiement, ni aucune réclamation ou mise en demeure, s’agissant d’une demande de recouvrement amiable de l’impayé, et que le mail du 30 janvier 2019 émane du Crédit Foncier qui n’est pas concerné par le prêt et ne comporte pas de demande en paiement.
En l’espèce, il ressort du courrier adressé par la SA AXA Banque à la SA Crédit Logement le 5 juillet 2017 que ‘le compte de l’emprunteur (…) présente un impayé de 11 257,77 euros que nos démarches n’ont pas permis de régulariser. En conséquence, nous mettons en jeu votre garantie pour les sommes dues par l’emprunteur au titre de ce prêt selon décompte joint ‘.
De même, par mail du 30 janvier 2019 adressé à la SA Crédit Logement par un représentant de la société CFF, ayant la qualité de ‘ chargée de clientèle recouvrement-analyse et négociation AXA BANQUE ‘, et ayant pour objet le recouvrement du prêt AXA Banque consenti aux consorts [T]-[Z], comportant en pièces jointes un relevé d’écritures actualisé ainsi que les mises en demeure adressées aux emprunteurs le 18 décembre 2018, il a été indiqué à la SA Crédit Logement qu’elle était ‘ en possession de l’intégralité du dossier depuis juillet 2017 ‘, qu’elle était ‘ intervenue en paiement le 23 octobre 2018 ‘ et qu’il convenait ‘ de considérer ce mail comme un nouvel appel en garantie ‘.
Il en résulte que l’émetteur du message fait expressément référence au prêt litigieux et agit en qualité de représentant de la SA AXA Banque.
Aussi, ces courriers et messages sont suffisants pour valoir respectivement demandes du prêteur auprès de la caution en garantie du paiement des échéances échues impayées et du capital restant dû.
Au surplus, il n’est pas nécessaire de justifier de l’envoi par le prêteur d’un courrier en la forme recommandée, dans la mesure où la SA Crédit Logement, destinataire de ces courriers et messages, s’en prévaut dans le cadre de la présente instance.
A titre surabondant, s’agissant de l’avertissement de l’emprunteur, il importe que le paiement effectué ou projeté ait été porté à la connaissance du débiteur.
Il incombe à la caution d’en rapporter la preuve, étant précisé que l’avertissement, qui n’est pas constitutif d’un acte juridique, n’est soumis à aucune forme.
Les consorts [T]-[Z] font valoir que les seuls courriers que la SA Crédit Logement leur a adressés sont datés du 16 octobre 2018 et du 17 décembre 2018, et ne font pas état d’une information préalable mais d’une demande en paiement.
En l’espèce, par courriers recommandés du 16 octobre 2018 avec avis de réception retournés respectivement signé le 30 octobre 2018 et présenté le 26 octobre 2018, la SA Crédit Logement a averti les consorts [T]-[Z] que suite à leur défaillance dans le paiement du prêt, la banque lui avait demandé de payer en leurs lieu et place, tout en les mettant en demeure de lui régler la somme sollicitée sous huitaine.
De même, par courriers du 5 février 2019, la SA Crédit Logement a averti les consorts [T]-[Z] que suite à l’arrêt du paiement des échéances du prêt souscrit auprès de AXA Banque, le prêteur était en droit de prononcer l’exigibilité anticipée du prêt, et qu’en sa qualité de garant, elle pourrait être amenée à payer les sommes dues en leurs lieu et place.
Aussi, il en résulte que les consorts [T]-[Z] ont été avertis des paiements de la SA Crédit Logement qui allaient intervenir au profit du prêteur ‘ en leurs lieu et place ‘ au titre des échéances échues et impayées et du capital restant dû, et ce avant l’établissement des quittances subrogatives par le prêteur, respectivement les 22 octobre 2018 et 29 juillet 2020.
Par ailleurs, s’agissant de la condition tenant aux moyens dont dispose le débiteur pour faire déclarer sa dette éteinte au moment où la caution la paie spontanément, il s’agit des exceptions que le débiteur aurait pu opposer au créancier.
Aussi, il appartient aux débiteurs qui opposent à la caution la déchéance de ses recours d’apporter la preuve du moyen de faire déclarer la dette éteinte au moment du paiement.
Or, l’irrégularité de la déchéance du terme ou le caractère abusif de la clause de déchéance du terme, qui n’affectent que l’exigibilité de la dette, ne sont pas des moyens de faire déclarer la dette éteinte.
En outre, les consorts [T]-[Z] doivent apporter la preuve de l’extinction de la dette au moment du paiement, preuve dont ils prétendent disposer en vertu de la prescription.
Or, les consorts [T]-[Z] font valoir à juste titre que l’obligation de payer les mensualités est exigible à la date des échéances convenues selon le tableau d’amortissement, tandis que l’obligation de rembourser le capital restant dû ne devient exigible qu’à compter du jour où l’établissement prêteur prononce la déchéance du terme.
Néanmoins, en l’espèce, il y a lieu de constater au préalable que le capital restant dû était exigible au 22 juillet 2019, date du prononcé de la déchéance du terme, de sorte que son paiement par la SA Crédit Logement attesté par la quittance subrogative établie par le prêteur le 29 juillet 2020 est intervenu avant l’expiration du délai biennal de prescription de la créance.
En effet, il y a lieu de constater que le prêteur n’a pas prononcé la déchéance du terme du prêt suite à la mise en demeure préalable de payer adressées aux emprunteurs le 9 juin 2017.
S’agissant des échéances impayées du 5 novembre 2017 au 5 octobre 2018, la quittance subrogative attestant du paiement par la SA Crédit Logement a été établie le 22 octobre 2018, de sorte que les consorts [T]-[Z], qui se prévalent de la prescription de la créance au jour du paiement par la caution, doivent justifier que ce paiement porte sur des échéances échues et impayées antérieurement au 22 octobre 2016.
Or, les consorts [T]-[Z] font eux-mêmes valoir que le premier impayé devrait remonter au plus tard au 9 juin 2017.
Aussi, il en résulte que la quittance subrogative établie le 22 octobre 2018 au profit de la SA Crédit Logement porte sur le paiement des échéances échues et impayées depuis moins de deux ans.
De même, s’agissant des échéances impayées du 5 novembre 2018 au 5 juillet 2019, la quittance subrogative attestant du paiement par la SA Crédit Logement a été établie le 29 juillet 2020, de sorte que le paiement est intervenu avant l’expiration du délai de prescription de deux ans courant à compter de leur exigibilité.
Dans ces conditions, les consorts [T]-[Z] ne rapportent pas la preuve de l’extinction de la dette au moment du paiement par l’effet de la prescription.
Dès lors, les trois conditions visées à l’article 2308 alinéa 2 du code civil ne sont pas réunies et la SA Crédit Logement ne saurait être déchue de son droit d’exercer son recours personnel à l’encontre des emprunteurs.
Au surplus, les consorts [T]-[Z] ne font état d’aucune faute personnelle distincte de la caution.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé sur ce point et en ce qu’il a condamné solidairement les consorts [T]-[Z] à payer à la SA Crédit Logement la somme de 486 967,23 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 22 octobre 2018 sur la somme de 25 695,50 euros, et à compter du 29 juillet 2020 pour le surplus.
Sur l’octroi de délais de paiement
L’article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l’espèce, si les consorts [T]-[Z] justifient de leur volonté de vendre un bien immobilier sis à [Adresse 7], pour un prix qui a été évalué à 485 000 euros au compromis de vente signé le 22 février 2022, n’ayant pas abouti à défaut d’accord du prêt aux acheteurs, en revanche, la vente envisagée ne saurait être considérée comme la perception certaine, au terme du délai de 24 mois, d’une somme leur permettant d’apurer leur dette.
En effet, les consorts [T]-[Z] ne produisent aucun mandat de vente en cours d’un bien immobilier leur appartenant, et ne justifient d’aucune démarche engagée afin de trouver un acheteur depuis l’échec de la vente de l’immeuble prévue initialement en 2022, et ce alors que la SA Crédit Logement n’a perçu aucun paiement, même partiel, et qu’ils ne justifient pas d’une situation financière actuelle rendant impossible tout versement.
Dans ces conditions, les consorts [T]-[Z] ne peuvent prétendre à l’octroi de délais de paiement.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
En effet, il y a lieu de constater, à l’instar du premier juge, que la SA Crédit Logement ne justifie pas de l’inscription d’une hypothèque judiciaire lui permettant de solliciter le paiement des frais y afférent au titre des dépens.
Les consorts [T]-[Z] qui succombent à hauteur de cour supporteront la charge des dépens d’appel, et seront déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Eu égard à la situation respective des parties, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [D] [T] et Mme [U] [Z] de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [D] [T] et Mme [U] [Z] in solidum aux dépens, et autorise Me Violaine Guidot, avocat, à faire application de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en dix pages.