La société Escota a entrepris l’élargissement de l’autoroute A57, nécessitant l’expropriation d’une parcelle de 1 546 m² appartenant au Syndicat des copropriétaires de la copropriété AX. Après une enquête publique et un arrêté préfectoral, le juge de l’expropriation a fixé une indemnité de 418 145,74 euros pour le SDC. Escota a fait appel, et la cour d’appel a réduit l’indemnité à 365 727,46 euros, tout en déclarant irrecevable une demande d’indemnité pour perte de places de stationnement. La Cour de cassation a ensuite annulé partiellement cette décision, précisant que le SDC ne pouvait pas réclamer une indemnité de dépréciation pour l’ensemble de la copropriété. Escota a demandé la réformation du jugement, contestant la recevabilité des mémoires du SDC et proposant une indemnisation pour quatre places de stationnement. Le SDC a, de son côté, demandé une réévaluation des indemnités pour couvrir l’intégralité du préjudice. Le commissaire de gouvernement a proposé une indemnité pour dépréciation du surplus, calculée sur la base des parties communes, et a également évoqué la perte d’emplacements de stationnement.
|
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
CHAMBRE DE L’EXPROPRIATION
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
DU 19 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/ 16
N° RG 23/00012
N° Portalis : DBVB-V-B7H-BLK3R
Société AUTOROUTE ESTEREL CÔTE D’AZUR PROVENCE ALPES (ESCOTA)
C/
Syndicat DE LA COPROPRIÉTÉ [Adresse 10]
LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DU VAR
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Fabienne BEUGNOT
Me Grégory MARCHESINI
Madame LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DU VAR
Sur déclaration de saisine de la cour d’appel suite à un arrêt de la Cour de cassation en date du 16 mars 2023, enregistré au répertoire général sous le n°187 FS-B, ayant partiellement cassé un arrêt n°21/49 rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 2 décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n°20/00010, lequel avait statué sur appel d’un jugement du Juge de l’expropriation du VAR en date du 5 décembre 2019, enregistré au répertoire général sous le n°19/95.
DEMANDEUR SUR RENVOI DE CASSATION
Société AUTOROUTE ESTEREL CÔTE D’AZUR PROVENCE ALPES (ESCOTA),
domiciliée [Adresse 2]
Représentée par Me Fabienne BEUGNOT, substituée et plaidant par Me Yannick GUIN, avocats au barreau de MARSEILLE
DÉFENDEUR SUR RENVOI DE CASSATION
Syndicat DE LA COPROPRIÉTÉ [Adresse 10], représenté par son syndic en exercice SA PROLETAZUR pris en la personne de son représentant légal en exercice,
domicilié [Adresse 5]
Représenté par Me Grégory MARCHESINI de la SELARL ITEM AVOCATS, substituée par Me Jacques GONZALEZ-LOPEZ, avocats au barreau de TOULON
EN PRÉSENCE DE :
Madame LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT DU VAR, domiciliée [Adresse 7]
[Adresse 7]
Comparante en la personne de Madame [Y] [Z]-[N],
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions del’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 4 Juillet 2024 en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant :
Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président, désignée pour présider la chambre des expropriations par ordonnance du Premier Président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence qui a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
Greffier lors des débats : Mme Sancie ROUX
Les avocats présents ont été entendus en leur plaidoirie.
Madame le commissaire du Gouvernement a été entendue en ses observations.
Après clôture des débats, l’affaire a été mise en délibéré.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2024.
Le magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Cécile YOUL-PAILHES, Président
Monsieur Ambroise CATTEAU, conseiller
Madame Audrey CARPENTIER, conseiller
qui en ont délibéré, conformément à la loi, hors la présence du commissaire du Gouvernement et du greffier.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé publiquement le 19 Septembre 2024 et signé par Mme Cécile YOUL-PAILHES, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier lors du prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Autoroute Esterel Côte d’Azur Provence Alpes (ci-après : Escota), concessionnaire autoroutier, a entrepris l’élargissement à deux fois trois voies de l’autoroute A57 sur la section [Adresse 6]/[Adresse 11] sur les communes de [Localité 12] et [Localité 9].
L’enquête publique s’est déroulée du 15 mars 2018 au 19 avril 2018 et par arrêté en date du 27 novembre 2018, le préfet du Var a déclaré ces travaux d’utilité publique et a déclaré urgents les transferts de gestion et les acquisitions à réaliser pour les besoins de l’opération.
Parmi les parcelles à exproprier, se trouve la parcelle cadastrée section AX [Cadastre 4] de 1 546 m², sise [Adresse 1] à [Localité 12] appartenant au Syndicat des copropriétaires de la copropriété AX [Cadastre 3] [Adresse 10], représenté par son syndic, Proletazur (ci-après : le SDC), dont l’emprise partielle de 126 m² porte sur du non bâti en nature de parking goudronné de configuration allongée et étroite, un espace végétalisé par des arbustes d’ornement et jardinières le long de la clôture matérialisée par le mur anti bruit existant.
Par jugement en date du 7 mars 2019, le juge de l’expropriation du Var a constaté l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la juridiction dans le cadre de la procédure d’expropriation ordinaire.
Escota l’a à nouveau saisi le 8 février 2019 dans le cadre d’une procédure d’urgence pour la fixation judiciaire des indemnités de dépossession.
L’arrêté préfectoral de cessibilité a été pris le 7 août 2019.
Le transport sur les lieux a été fixé par ordonnance du 7 octobre 2019.
Par jugement en date du 16 janvier 2020, la juridiction d’expropriation du Var a :
– rejeté la demande de nullité de la saisine du juge de l’expropriation,
– déclaré régulière la saisine du juge de l’expropriation selon la procédure d’urgence,
– fixé à 418 145,74 euros l’indemnité totale de dépossession revenant au SDC pour l’expropriation partielle, soit 39 383,40 euros au titre de l’indemnité principale, 4 938,34 euros au titre de l’indemnité de remploi et 373 824 euros au titre de l’indemnité accessoire de dépréciation du surplus,
– condamné Escota à verser au SDC la somme de 16 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé les dépens à la charge d’Escota.
Vu la déclaration d’appel d’Escota en date du 23 janvier 2020,
Par arrêt en date du 2 décembre 2021, la cour d’appel de céans a :
– confirmé le jugement entrepris en ce qu’il a laissé les dépens à la charge d’Escota,
– infirmé pour le surplus,
– fixé l’indemnité de dépossession à hauteur de 365 727,46 euros, soit :
– indemnité principale : 35 068,60 euros
– indemnité de remploi : 4 506,86 euros,
– indemnité de dépréciation pour le surplus : 326 152 euros,
– déclaré irrecevable la demande nouvelle d’Escota de voir statuer sur l’indemnité pour la perte future de 5 emplacements de stationnement hors emprise,
– condamné Escota à payer au SDC la somme de 3 000 euros, outre les entiers dépens, dont distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par arrêt en date du 16 mars 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt mais seulement en ce qu’il fixe l’indemnité pour dépréciation du surplus à la somme de 326 152 euros et condamne Escota à payer cette somme au SDC.
Elle a considéré que le SDC ne peut pas représenter chaque copropriétaire pour la défense de ses droits sur son lot et ne peut donc pas se voir allouer une indemnité de dépréciation du surplus de l’ensemble de la copropriété.
Vu la déclaration de saisine de la cour d’appel en date du 16 mars 2023,
Au vu de son dernier mémoire en date du 6 mai 2024, Escota demande à la cour d’appel de réformer le jugement dont appel et de :
* À titre principal : rejeter le mémoire du SDC car hors délai,
* À titre subsidiaire,
– rejeter la demande de réformation du jugement entrepris quant à l’indemnité principale et à l’indemnité de remploi, désormais définitives,
– rejeter la demande au titre de l’indemnité de dépréciation du surplus et la demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile du SDC,
– confirmer le principal d’une indemnité de dépréciation correspondant à la disparition de 4 places de stationnement à hauteur de 5 600 euros par place,
– infirmer le jugement sur le montant de l’indemnité de dépréciation,
– fixer l’indemnité de dépréciation pour le surplus à hauteur de 22 400 euros et l’indemnité pour la reconstruction de l’entrée de la copropriété, soit un portail coulissant électrique et deux piliers neufs permettant l’accès à l’arrière du bâtiment,
– condamner le SDC au paiement de la somme de 2 500 euros sur sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
À titre principal, Escota fait valoir que les mémoires du SDC sont irrecevables pour avoir été notifiés au-delà du délai de deux mois prévus par l’article 1037-1 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire, elle fait état de ce que les écritures du SDC correspondent à des écritures rédigées dans le cadre d’une autre affaire et ne peut donc pas y répondre.
En réponse aux écritures du commissaire du gouvernement, Escota indique que la surface de 236 m² fixée par l’expert, M. [V], n’a jamais été démontrée et que cette surface tient nécessairement compte des parties privatives, ce qui va à l’encontre de l’arrêt de la Cour de cassation. Elle demande donc le rejet de la demande d’indemnisation pour dépréciation du surplus.
Subsidiairement, Escota propose une indemnisation calculée sur la base de quatre places de stationnement, au vu de la note technique de la société Setec, à hauteur de 5 600 euros par place.
Au de son dernier mémoire déposé le 4 mars 2024, le SDC sollicite qu’il plaise à la cour d’appel de:
« – réformer le jugement rendu le 16 janvier 2020 (n° 19/00109) Chambre des expropriations du Var près le Tribunal d Grande Instance de Toulon, par le juge de l’expropriation par lequel a rejeté les demandes relatives à la fixation d’indemnités accessoires pour dépréciation du surplus, de réaménagement nécessaire de stationnement et de reconstitution de clôture ;
– réévaluer à la hausse le montant des indemnités destinées à couvrir l’intégralité du préjudice subi par le Syndicat de la copropriété [Adresse 8] exproprié, à savoir :
Dépréciation du surplus : 312 513 euros,
– en toutes hypothèse, condamner la société Escota à payer au Syndicat de la copropriété [Adresse 8] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens. »
Au vu de son dernier mémoire en date du 24 juillet 2023, le commissaire de gouvernement demande à la Cour d’appel de réformer l’indemnisation pour dépréciation du surplus.
Il rappelle, en lecture de l’arrêt de la Cour de cassation, que l’indemnité pour dépréciation du surplus réclamée par le SDC ne peut être calculée que sur la seule assise des parties communes. En l’absence de mesurage précis, il se rapporte aux pondérations habituellement attribuées par le cadastre, soit une pondération de 0,2 sur la totalité de l’immeuble, soit 1 180 m² X 0,2 = 236 m². L’emprise porte sur 8% de l’unité foncière. La dépréciation du surplus ne peut donc pas excéder 10 % de la valeur des parties communes de l’immeuble.
Il constate que l’expert mentionne une superficie de bâti de 1 180 m², avec une retenue de 236 m² pour les parties communes ; ce qui est cohérent avec le cadastre. Le prix moyen était de 1 383 euros/m². Les parties communes étaient, au jour du transport sur lieux, dans un état médiocre à moyen. L’abattement moyen usuel étant de 15 %, la valeur nette est de 1 176 euros/m². Le pourcentage de dépréciation retenu étant de 10 %, le commissaire du gouvernement proposé une indemnité ainsi calculée : [(1 180 m²X 0,2) X 1176 m²] x 0,2 soit 55 507,20 euros arrondis à 55 500 euros.
Subsidiairement, à défaut d’indemnité de dépréciation pour le surplus, le commissaire du gouvernement d’indemniser considère qu’il conviendrait, a minima, d’indemniser les emplacements matérialisés perdus sur le parking arrière hors ceux inclus dans l’emprise objet de l’expropriation. Tout en rappelant que le non croisement des véhicules est déjà une réalité sur l’accès actuel, il considère que seuls quatre emplacements sont perdus. Il prend cependant acte de ce qu’Escota retient que cinq emplacements sont perdus. La valeur d’un emplacement étant de 5 600 euros, l’indemnité pour perte d’emplacement est de 28 000 euros (5 600 euros X 5).
Sur la recevabilité des écritures du SDC :
Escota soutient que les mémoires du SDC sont hors du délai prévu par l’article 1037-1 du code de procédure civile et sont donc irrecevables.
L’article 1037-1 du code de procédure civile alinéas 2 et 3, énonce :
« La déclaration de saisine est signifiée par son auteur aux autres parties à l’instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe de l’avis de fixation. Ce délai est prescrit à peine de caducité de la déclaration, relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président.
Les conclusions de l’auteur de la déclaration sont remises au greffe et notifiées dans le délai de deux mois suivant cette déclaration. »
Le SDC a formalisé sa déclaration de saisine de la cour d’appel au greffe le 26 mai 2023. Le SDC a constitué avocat le 29 juin 2023. Le greffe lui a notifié le premier mémoire d’ESCOTA en date du 30 juin 2023, le 7 juillet 2023. Le moyen est donc en voie de rejet.
La cour d’appel constate cependant que le SDC fait valoir des écritures qui concernent une autre affaire, si bien que même si elles sont recevables, elle n’y répondra pas. Les dispositions du jugement discutées par le SDC sont, en tout état de cause, confirmées.
Par ailleurs, la cour ne statuera pas sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, qui sont définitivement tranchées.
Sur la demande d’indemnisation pour dépréciation du surplus :
La superficie des parties communes a été évaluée par l’expert, M. [V], à 236 m², soit 8% de l’unité foncière. Cette superficie est cohérente avec le cadastre. Elle sera donc considérée comme validée.
La valeur moyenne est, au vu des termes de comparaison proposés par le commissaire du gouvernement, de 1 383 euros/m², sur lequel un abattement de 15 % doit être appliqué en raison de l’état médiocre à moyen des parties communes, soit une valeur nette de 1 176 euros/m².
La dépréciation tenant à la dévalorisation de la propriété expropriée tenant à la perte de places de stationnement à l’arrière du bâti est de l’ordre de 10 %.
Il sera ainsi accordé au SDC une indemnité au titre de la dépréciation du surplus de 55 507,20 euros ([(1 180 m²X 0,2) X 1176 m²] x 0,2) arrondie à la somme de 55 500 euros.
Sur les demandes accessoires :
Succombant à l’action, en application de l’article 696 du code de procédure civile Escota sera condamnée aux entiers dépens d’appel.
LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition,
Vu l’arrêt partiellement infirmatif en date du 2 décembre 2021 de la cour d’appel de céans,
Vu l’arrêt de cassation partielle rendu par la Cour de cassation en date du 16 mars 2023,
FIXE l’indemnité de dépréciation du surplus à la somme de cinquante cinq mille cinq cents euros (55 500 euros),
CONDAMNE la société Autoroute Esterel Côte d’Azur Provence Alpes à payer cette somme au Syndicat des copropriétaires de la copropriété AX [Cadastre 3] [Adresse 10], représenté par son syndic, Proletazur.
Le greffier Le Président