Analyse des conditions de recevabilité et des obligations contractuelles dans le cadre d’une procédure de liquidation

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Analyse des conditions de recevabilité et des obligations contractuelles dans le cadre d’une procédure de liquidation

La SCCV EVA et la SARL F.2.J. TRAVAUX ont signé un contrat le 23 décembre 2020 pour la réalisation de travaux de voiries et réseaux divers pour un projet de 41 logements, pour un montant de 473.515,70 € TTC. Le 12 septembre 2023, la SCCV EVA a résilié le contrat en raison de l’arrêt du chantier et de la renonciation de l’entrepreneur à ses engagements. Le 1er mars 2023, un tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire pour la SARL F.2.J. TRAVAUX, désignant la SELARL [L] comme mandataire. La SCCV EVA a déclaré une créance de 105.297,83 € TTC, contestée par la SELARL [L] pour absence de titre et incertitude de la créance. Le 8 novembre 2023, une procédure de liquidation a été ouverte contre la SARL F.2.J. TRAVAUX, avec la SELARL [L] comme liquidateur. Le juge commissaire a ensuite déclaré incompétent pour évaluer le préjudice et a invité la SCCV EVA à introduire une instance au fond. Le 17 avril 2024, la SCCV EVA a assigné la SARL F.2.J. TRAVAUX et la SELARL [L] devant le tribunal judiciaire pour faire reconnaître sa créance de 97.048,69 € HT, incluant une retenue de garantie, un surcoût d’assurance et un surcoût lié à un changement d’entreprise. La société F2J TRAVAUX et la SELARL [L] n’ont pas constitué avocat. L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2024, fixant des dates pour le dépôt des dossiers et la mise à disposition du jugement.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
RG
24/01327
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 24/01327 – N° Portalis DB3Z-W-B7I-GVWF

NAC : 4DC

JUGEMENT CIVIL
DU 24 SEPTEMBRE 2024

DEMANDERESSE

SCCV EVA
Immatriculée au RCS de SAINT DENIS sous le numéro 824 018 329
[Adresse 2]
[Localité 7]
Rep/assistant : Maître Jean claude DULEROY de la SELARL DULEROY & DIAZ-DULEROY, avocats au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

DÉFENDERESSES

S.E.L.A.R.L. [L] , représentée par Maître [H] [L], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL F.2.J TRAVAUX
[Adresse 4]
[Localité 5]
Non représentée

S.A.R.L. F.2.J TRAVAUX, représentée par la SELARL [L] es qualité de liquidateur judiciaire
Immatriculée au RCS de SAINT DENIS sous le numéro 812 740 819
[Adresse 1]
[Localité 6]
Rep/assistant : SELARL [L], es qualité de liquidateur judiciaire suivant jugement rendu par le Tribunal Mixte de Commerce de SAINT DENIS en date du 08 Novembre 2023

Copie exécutoire délivrée le : 24.09.2024
CCC délivrée le :
à Maître Jean claude DULEROY de la SELARL DULEROY & DIAZ-DULEROY

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Sophie PARAT, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 12 Août 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 24 Septembre 2024.

JUGEMENT : Réputé contradictoire , du 24 Septembre 2024 , en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Sophie PARAT, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte d’engagement en date du 23 décembre 2020, la SCCV EVA et la SARL F.2.J. TRAVAUX ont conclu un marché pour la réalisation du lot 1b voiries et réseaux divers (VRD) d’un ensemble de 41 logements sur 4 bâtiments avec parking en sous-sols, sis [Adresse 3].

Cet engagement a été conclu pour un prix global et forfaitaire de 473.515,70€ TTC.

Suivant courrier délivré le 12 septembre 2023 à la SARL F.2.J. TRAVAUX, la SCCV EVA, prenant acte de l’arrêt du chantier en cours et d’une renonciation de l’entrepreneur à honorer ses engagements, résiliait le marché avec effet immédiat.

Par jugement en date du 1er mars 2023, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SARL F.2.J. TRAVAUX et a désigné la SELARL [L] en qualité de mandataire.

Suivant courrier distribué le 11 mai 2023, la SCCV EVA adressait à la SELARL [L] une déclaration de créance chirographaire pour un montant de 105.297,83€ TTC. Suivant courrier en réponse reçu le 22 août 2023, la SELARL [L] contestait la créance au motif d’une absence de titre et que la créance serait non certaine et non exigible au passif de la procédure. Suivant courrier distribué au mandataire le 12 septembre 2023, la SCCV EVA maintenait ses demandes.

Par jugement en date du 08 novembre 2023, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis a ouvert une procédure de liquidation à l’encontre de la SARL F.2.J. TRAVAUX et a désigné la SELARL [L] en qualité de liquidateur.

Par ordonnance en date du 21 mars 2024, le juge commissaire, considérant que l’évaluation du préjudice de la SCCV EVA nécessitait l’introduction d’une instance au fond, s’est déclaré incompétent au regard de la contestation sérieuse de la créance et a invité le créancier à mieux se pourvoir.

Par acte extrajudiciaire en date du 17 avril 2024, la SCCV EVA a assigné la SARL F2J TRAVAUX et, es qualité de liquidateur judiciaire de celle-ci, la SELARL [L] devant le Tribunal judiciaire de Saint-Denis afin de :
FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la société F2J TRAVAUX la créance déclarée par la SCCV EVA, pour un montant de 97.048,69€ HT, soit 105.297,83 € TTC, correspondant à : Une retenue de garantie d’un montant de 10.101,63 € TTC, Un surcoût de l’assurance Dommages-Ouvrage d’un montant de 9.744,14 € HT, soit 10.572,39€ TTC,Un surcoût lié au changement d’entreprise représentant un montant de 77.994,30 € HT, soit 84.623,81 € TTC ; DÉBOUTER la société F2J TRAVAUX et la SELARL [L], es qualité de liquidateur judiciaire, de toute demande contraire ;FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la société F2J TRAVAUX, prise en la personne de son mandataire liquidateur, la créance de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;CONDAMNER la SELARL [L], représentée par Maître [H] [L], es qualité de liquidateur judiciaire de la F2J TRAVAUX, aux entiers dépens de l’instance.
Elle expose que, conformément à l’article 7 de l’acte d’engagement en date du 23 décembre 2020, une retenue de garantie de 5% était prévue pour garantir la bonne exécution des travaux et qu’un certificat de paiement n°6 en date du 04 novembre 2022 mentionne une retenue de garantie d’un montant de 10.101,63€ TTC.

Elle soutient également que la société F2J TRAVAUX n’aurait pas fourni d’attestation d’assurance en responsabilité décennale, si bien qu’une surprime de 15% serait exigible par son assurance dommage ouvrage. La prise en charge de cette surprime incomberait, in fine, à la société F2J TRAVAUX en application de l’article 5.1.5.2 du Cahier des Clauses Administratives Générales (CCAG).

Finalement, elle expose que la défaillance de la société F2J TRAVAUX aurait nécessité la conclusion d’un nouvel acte d’engagement pour l’achèvement du lot 1b VRD. Partant, elle soutient être créancière de la société F2J TRAVAUX pour le surcoût engendré au marché initial.

Régulièrement assignées à personne, la société F2J TRAVAUX et la SELARL [L], es qualité de liquidateur judiciaire, n’ont pas constitué avocat.

Conformément aux termes de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé à l’assignation pour le surplus des moyens développés au soutien de leurs prétentions.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 03 juin 2024, a fixé la date de dépôt des dossiers au greffe le 12 août 2024 et la date de mise à disposition du jugement au 24 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En vertu de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Toutefois, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande en fixation de créance

Il résulte de la combinaison des articles L. 622-21-I-1° et L. 641-3 du code de commerce que le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.

Toutefois, et en l’absence de prévision expresse de la loi, l’interprétation par analogie des dispositions de l’article L. 622-22 du même code doit conduire, lorsque le juge-commissaire a constaté que la contestation de créance ne relève pas de sa compétence en application de l’article L. 624-2, à admettre l’action tendant uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant lorsque le créancier a dûment appelé le mandataire judiciaire à la cause.

Le juge-commissaire ayant une compétence exclusive pour décider de l’admission ou du rejet des créances déclarées, après une décision d’incompétence de ce dernier pour trancher une contestation, les pouvoirs du juge compétent régulièrement saisi se limitent à l’examen de cette contestation à l’exclusion donc de l’admission et de la fixation au passif des créances contestées.

Aux termes de l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Sur la retenue de garantie

Il résulte de l’article 1er de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, que la retenue de garantie a pour objet de protéger le maître d’ouvrage contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux de levée des réserves à la réception.

En l’espèce, l’article 7 de l’acte d’engagement signé avec la société F2J TRAVAUX stipule une retenue de garantie d’un montant de 5% du montant TTC des travaux. Le certificat de paiement arrêté au mois d’octobre 2022, fait état d’une retenue de garantie cumulée d’un montant de 10.101,63 euros.

Néanmoins, la retenue de garantie dont il est question est une somme retenue par le maître d’ouvrage en garantie du bon achèvement des travaux et de la levée des éventuelles réserves qui pourraient être formulées à la réception des travaux.

Partant, cette somme n’a, par définition, pas été versée à l’entrepreneur et la SCCV EVA n’apparaît pas légitime à solliciter la constatation d’une créance à ce titre.

Par conséquent, ce poste de la demande sera écarté.

Sur la surprime d’assurance dommage-ouvrage

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, les parties ont soumis leurs relations résultant de l’acte d’engagement du 23 décembre 2020à un Cahier des Clauses Administratives générales (CCAG applicable aux travaux du bâtiment faisant l’objet d’un marché privé : norme NFP 03 001 version 1999) tel que cela ressort de l’article 5 de l’acte d’engagement initial.

En application des stipulations de l’article 5.1.5.2 du CCAG, la surprime imposée au maître d’ouvrage du fait d’une absence ou insuffisance d’assurance de l’entrepreneur est supportée par ce dernier qui s’engage à la régler au premier dès qu’il lui en est fait notification.

La SCCV EVA produit les conditions particulières relatives à son contrat d’assurance dommage-ouvrage, lesquelles stipulent une majoration de cotisation de 15% en cas de non-production des attestations d’assurance responsabilité décennale des réalisateurs de l’ouvrage.

La SCCV EVA indique qu’une surprime de 15% aurait été exigée par son assurance dommage ouvrage le 18 octobre 2022.

Néanmoins, si elle produit des courriels adressés les 17 octobre 2022 et 11 janvier 2023à la société F2J TRAVAUX au sujet d’une éventuelle responsabilité, force est de constater que la SCCV EVA ne verse aux débats aucune pièce justificative des surprimes qu’elle aurait effectivement réglées à son assureur dommage-ouvrage.

Partant, ce poste de la demande sera écarté.

Sur le surcoût des travaux

En l’espèce, il résulte de l’article 5.2.4.2 – Résiliation – du CCAG que le maître d’ouvrage peut résilier le marché pour faute de l’entrepreneur, notamment, lorsque (f) l’entrepreneur déclare ne pas pouvoir exécuter ses engagements. Dans ce cas, en application de l’article 5.3.4.4 – Conséquences de la résiliation ou de la mise en régie – Entrepreneur général ou marché en corps d’états séparés – Le maître d’ouvrage peut passer un nouveau marché aux frais et risques de l’entrepreneur défaillant. Les excédents de dépenses sont à la charge de l’entrepreneur et prélevés sur les sommes qui peuvent lui être dues, sans préjudice des droits à exercer contre lui en cas d’insuffisance.

La SCCV EVA produit un décompte de paiements à la société F2J TRAVAUX qui, arrêté au mois d’octobre 2022, fait état d’un cumul versé de 191.931,06 euros.

Elle justifie de la conclusion d’un acte d’engagement de la SAS 2TMOI en date du 03 mai 2023, s’agissant du lot 1 VRD pour un prix global et forfaitaire de 366.208,45 euros TTC.

La SCCV EVA ne produit toutefois aucune pièce justifiant du paiement effectif de tout ou partie cette somme à la société 2TMOI, ni ne justifie de l’état d’avancement du marché lot 1 VRD de sorte qu’il ne saurait être fait droit à sa demande à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La demanderesse, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

REJETTE l’intégralité des demandes de la SCCV EVA tendant à constater des créances sur la société F2J TRAVAUX ;

CONDAMNE la SCCV EVA aux entiers dépens ;

DIT n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit ;

La greffière La présidente


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