La Sci Géocleger a confié à la Sas Harlin la réfection de la couverture en ardoises de son immeuble, ainsi que la rénovation des cheminées et le remplacement de menuiseries à d’autres entreprises. Les travaux de couverture ont été réceptionnés avec réserves, qui ont été levées plus tard. En 2016, la Sci Géocleger a saisi le tribunal pour des désordres, mais le juge a ordonné une expertise sur les autres travaux, sans désordre avéré concernant la couverture. En 2023, la Sci Géocleger a assigné la Sarl Harl’Invest en référé expertise, mais le tribunal a déclaré la demande irrecevable et a condamné la Sci Géocleger aux dépens. La Sci Géocleger a fait appel de cette décision. La Sarl Harl’Invest a demandé la confirmation de l’ordonnance et a formulé des demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive. Les deux parties ont présenté leurs arguments concernant la conformité des travaux et la responsabilité des désordres allégués. L’instruction a été clôturée en mai 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 28 AOUT 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
23/00287
Tribunal judiciaire de Rouen du 14 novembre 2023
APPELANTE :
S.C.I. GEOCLEGER
RCS de Paris 493 179 212
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Florence MALBESIN, avocat au barreau de Rouen
INTIMEE :
S.A.R.L. HARL’INVEST
RCS de Dieppe 312 238 686
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée et assistée par Me Stéphane BARBIER de la SELARL BARBIER VAILLS, avocat au barreau de Dieppe
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 22 mai 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l’audience publique du 22 mai 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 28 août 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 28 août 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Suivant devis accepté le 26 avril 2013, la Sci Géocleger a confié à la Sas Harlin la réfection de la couverture en ardoises de son immeuble d’habitation situé [Adresse 2], avec réalisation d’un faîtage en lignolet en ardoises naturelles, c’est-à-dire avec un dépassement des ardoises en faîtage qui le protège des intempéries.
Elle a également confié la rénovation des cheminées et le remplacement d’une partie des menuiseries extérieures à deux autres entreprises.
Les travaux de couverture ont été réceptionnés le 20 février 2014 avec des réserves qui ont été levées le 23 avril 2014.
Par ordonnance du 12 avril 2016, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen, saisi par la Sci Géocleger alléguant des désordres, a dit n’y avoir lieu à référé à l’égard de la Sas Harlin et a ordonné une expertise judiciaire portant sur les travaux réalisés par les deux autres entreprises. Il a relevé qu’aucun désordre particulier relativement aux travaux de couverture n’était allégué et que la non-conformité de la pose du lignolet dans son orientation par rapport aux usages du pays dont se plaignait la Sci Géocleger n’était pas avérée.
Ces opérations d’expertise ont été étendues à la Sas Harlin par arrêt de la cour d’appel de Rouen du 17 mai 2017.
M. [W] [Z], expert judiciaire, a établi son rapport d’expertise le 13 mars 2019. Au cours de ses opérations, l’affaissement du lignolet, faisant l’objet du point M, a été repris par la Sas Harlin. Aux termes de son rapport d’expertise, l’expert judiciaire a considéré qu’il n’y avait aucune imputabilité technique à retenir en l’état à l’encontre de la Sas Harlin s’agissant du point L : ‘Sens du lignolet’, à défaut de désordre acté à ce jour malgré la tempête du 13 janvier 2017.
Par acte d’huissier de justice du 6 avril 2023, la Sci Géocleger a fait assigner la Sarl Harl’Invest, anciennement dénommée Sas Harlin, en référé expertise.
Par ordonnance du 14 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Rouen a :
– déclaré irrecevable la demande tendant à voir ordonner une expertise judiciaire,
– rejeté la demande de condamnation pour procédure abusive,
– condamné la Sci Géocleger aux entiers dépens,
– condamné la Sci Géocleger à payer à la Sarl Harl’Invest la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 8 décembre 2023, la Sci Géocleger a formé un appel contre l’ordonnance.
Par décision du président de chambre du 15 janvier 2024, l’affaire a été fixée, suivant les modalités des articles 905 et suivants du code de procédure civile, à l’audience du 22 mai 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 12 avril 2024, la Sci Géocleger demande, en application des articles 145 et 488 du code de procédure civile, 1792 et suivants, 1231 et suivants, du code civil, de :
– se voir recevoir en son appel et se voir déclarer bien fondée,
– voir réformer l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Rouen du 14 novembre 2023,
statuant à nouveau,
– voir désigner tel expert qu’il plaira avec pour mission de :
. se rendre sur les lieux en présence des parties dûment convoquées en temps utile ainsi que leur conseil,
. prendre connaissance et se faire communiquer tous documents contractuels, toutes pièces et documents qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission, et veiller à leur examen contradictoire,
. constater la réalité des désordres, malfaçons, non-façons et non-conformités allégués dans l’assignation ; les décrire, en indiquer l’origine, en déterminer les causes et, le cas échéant, en cas de pluralité de causes, l’ordre chronologique et l’importance de celles-ci,
. fournir tous éléments permettant d’apprécier s’ils sont susceptibles de compromettre la solidité de l’ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination,
. vérifier notamment si, au vu de la situation de l’immeuble, pouvait être posé un lignolet en ardoise et vérifier l’état du lattage et contre-lattage situé sous le faîtage,
. donner son avis sur la bonne ou mauvaise réalisation de la toiture et de son état,
. décrire et chiffrer le coût des travaux propres à remédier aux désordres, non-conformités, non-façons et malfaçons constatés,
. donner son avis sur le montant de tous chefs de préjudices matériels ou immatériels qui pourraient être invoqués,
. donner à la juridiction qui pourra être saisie ultérieurement tous éléments d’information pour statuer sur les responsabilités encourues,
. réunir les éléments permettant à la juridiction saisie de faire les comptes entre les parties,
– voir fixer la consignation à valoir sur la rémunération de l’expert,
– voir débouter la Sarl Harl’Invest de son appel incident,
– voir confimer l’ordonnance en ce qu’elle a débouté la Sarl Harl’Invest de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– voir débouter la Sarl Harl’Invest de sa demande au titre des frais irrépétibles et de toutes ses demandes,
– voir condamner cette dernière à lui régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre tous les dépens.
Elle fait valoir que le principe de concentration des moyens invoqué par le premier juge pour déclarer irrecevable sa demande d’expertise et qui découle de l’autorité de la chose jugée n’a pas vocation à s’appliquer à l’instance en référé, puisque l’ordonnance de référé n’a pas autorité de la chose jugée conformément à l’article 488 du code de procédure civile.
Elle ajoute que le juge des référés a confondu le principe de concentration des moyens avec la concentration des demandes ; que sa demande tendant à la première mesure d’expertise portait sur le sens du lignolet et la hauteur des ardoises constituant le débord du lignolet, alors que la présente demande porte sur un fait nouveau, d’une part, sur le fait que seul un faîtage métallique, et non pas en ardoises ou à lignolet, pouvait être posé en site non protégé dans lequel se situait son immeuble exposé aux vents, ce qui constitue un non-respect du Dtu 40.11 Couvertures en ardoises naturelles, et, d’autre part, sur l’existence de désordres afférents d’infiltrations sur le lignolet qui n’est plus jointif et laisse passer l’eau sur le bois du faîtage ; que, si sa nouvelle demande d’expertise repose sur les mêmes faits (exécution du lignolet par la Sarl Harl’Invest), elle est distincte de sa première demande ; qu’elle justifie d’un intérêt légitime rendant sa prétention recevable.
Elle réplique aux moyens développés par la Sarl Harl’Invest que la problématique n’est plus celle du sens du lignolet, ni de la taille du débordement du lignolet ; que l’absence de réserves sur le lignolet à la réception ne fait pas échec à son recours sur le fondement de la garantie décennale ou sur celui de la garantie contractuelle de droit commun, étant précisé qu’elle était un maître d’ouvrage profane ; qu’elle justifie d’un motif légitime constitué par le non-respect du Dtu par la Sarl Harl’Invest et par le fait que le lignolet n’est plus jointif de sorte que l’eau passe nécessairement, humidifie la charpente, et dégrade les bois, et que les ardoises se soulèvent au point de faire tomber les clous rouillés censés les maintenir en place ; que, contrairement à ce qu’avance l’intimée, le Dtu Couvertures en ardoises naturelles est obligatoire comme cela avait été convenu aux termes de leur marché dans le cahier des charges, que le non-respect du Dtu évoqué lors de la première expertise concernait uniquement le sens du lignolet.
Elle répond, sur l’appel incident de la Sarl Harl’Invest, que sa procédure n’est pas abusive au vu de l’état du lignolet et de sa non-conformité manifeste.
Par dernières conclusions notifiées le 15 mai 2024, la Sarl Harl’Invest sollicite de voir :
– confirmer l’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Rouen du 14 novembre 2023 en ce qu’elle a :
. déclaré irrecevable la demande tendant à voir ordonner une expertise judiciaire,
. condamné la Sci Géocleger aux entiers dépens,
. condamné la Sci Géocleger à payer à la Sarl Harl’Invest la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– réformer ou infirmer cette ordonnance en ce qu’elle a rejeté sa demande de condamnation pour procédure abusive formée à l’encontre de la Sci Géocleger,
statuant à nouveau sur ce chef,
– condamner la Sci Géocleger à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– déclarer irrecevable l’ensemble des demandes de la Sci Géocleger et, en tout état de cause, l’en débouter,
– condamner la Sci Géocleger à lui régler la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle fait valoir que la demande de l’appelante est irrecevable aux motifs que la pose du lignolet en ardoises naturelles est conforme au marché signé avec elle et qu’aucune réserve afférente n’a été faite le jour de la réception contradictoire alors que cet ouvrage était visible et que le gérant de la Sci Géocleger est une personne avisée de la construction immobilière puisqu’il a rédigé le cahier des charges annexé au devis.
Elle estime en outre que cette demande est irrecevable pour défaut d’intérêt légitime ; que le lignolet est exposé dans le bons sens et que l’appelante a reconnu qu’il n’y avait pas de problème sur ce point, ce qui ressortait des conclusions de l’expert judiciaire et de l’absence de désordre et d’infiltration plus de neuf ans après la réception de ses travaux ; que l’appelante ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir respecté le Dtu Couvertures en ardoises naturelles qui imposerait selon elle un faîtage métallique, car ce Dtu n’est pas imposé par la loi, ni prévu dans le contrat lequel prévoyait un lignolet en ardoises naturelles ; que l’expert judiciaire n’a retenu aucune imputabilité technique à son encontre et que, si la pose d’un faîtage métallique avait été obligatoire, ce dernier n’aurait pas manqué de soulever cette difficulté.
Elle précise que l’argumentation de l’appelante sur la confusion du principe de concentration des moyens avec la concentration des demandes par le premier juge est sans intérêt et au demeurant inexacte car les deux demandes successives de celle-ci portent bien toutes les deux sur la question de la conformité du lignolet.
Elle expose en tout état de cause qu’il appartient à la Sci Géocleger de rapporter la preuve de sa faute de l’installation d’un faîtage en ardoises ou en lignolet au lieu de celle d’un faîtage métallique et celle d’un lien entre celle-ci et un dommage, ce qu’elle ne fait pas ; que ni l’expert judiciaire, ni l’huissier de justice mandaté par l’appelante le 26 janvier 2024, n’ont fait état d’un désordre ; que la rouille des clous au bout de dix ans n’est pas anormale ; que la critique d’un lignolet non jointif est inutile puisque la technique de pose de celui-ci, consistant en un dépassement des ardoises d’un versant sur l’autre versant, empêche toute infiltration ; que la Sci Géocleger, qui ne démontre pas entretenir régulièrement sa couverture depuis la réception, est seule responsable de ce dont elle se plaint.
Elle ajoute que l’appelante n’apporte aucun élément nouveau au soutien de sa demande d’une nouvelle mesure d’expertise ; que même si, par impossible sa responsabilité contractuelle de droit commun était retenue par le juge du fond, une telle demande est prescrite du fait de l’expiration du délai de cinq ans depuis la réception des travaux ; que, s’agissant de la responsabilité décennale, un intérêt légitime n’existe pas faute de démonstration d’un quelconque désordre ; que la mesure d’expertise ne peut pas avoir pour vocation de pallier la carence de la Sci Géocleger dans l’administration de la preuve.
Au soutien de sa demande indemnitaire pour procédure abusive, elle fait valoir que la Sci Géocleger a engagé celle-ci juste avant l’expiration du délai décennal afin de tenter de faire perdurer la garantie décennale alors qu’elle n’est victime d’aucun désordre ; que cette dernière a fait preuve d’un acharnement procédural à son encontre qui lui cause un préjudice certain.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 22 mai 2024.
Sur la demande d’expertise
1) sur sa recevabilité
L’article 122 du code de procédure civile définit une fin de non-recevoir comme tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
– Sur la conformité de l’ouvrage au marché et sur l’absence de réserve à la réception
Ces moyens invoqués par la Sarl Harl’Invest ne constituent pas des fins de non-recevoir au sens de l’article 122. Ils relèvent du débat au fond.
Ils sont donc rejetés au titre des irrecevabilités soulevées.
– Sur le défaut d’intérêt légitime
Selon l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L’article 145 du même code précise que, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
L’intérêt à agir se distingue du motif légitime requis par l’article 145, lequel ne constitue pas une fin de non-recevoir. Le moyen invoqué par la Sarl Harl’Invest n’est pas fondé.
– Sur l’autorité de la chose jugée et le principe de concentration des moyens
L’article 488 du code de procédure civile énonce que l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles.
Il en est de même d’un arrêt de cour d’appel statuant en référé.
Si l’absence d’autorité de la chose jugée de l’ordonnance de référé n’existe que par rapport au principal et que le principe de concentration des moyens ne peut donc pas être opposé en l’espèce à la Sci Géocleger, elle ne la prive pas de toute autorité au provisoire. En effet, le juge des référés ne peut pas remettre en cause sa décision, aussi longtemps qu’un fait nouveau n’a pas modifié les circonstances qui avaient été à l’origine de la mesure.
Il incombe donc à la Sci Géocleger de rapporter la preuve d’un fait ou d’un acte, postérieur à la décision dont l’autorité est invoquée, qui modifie la situation antérieurement reconnue en justice pour que sa nouvelle demande d’expertise judiciaire soit recevable.
Aux termes de ses investigations qui avaient été étendues à la Sas Harlin le 17 mai 2017, l’expert judiciaire a conclu sur le point L relatif au sens du lignolet, seul point restant en discussion à l’égard de celle-ci, qu’il n’y avait pas de suite à donner à la demande de la Sci Géocleger sur le non-respect du sens du lignolet par rapport aux règles de l’art, dès lors qu’aucun désordre n’avait été acté malgré la tempête de janvier 2017. Il a ajouté que le désordre futur et certain n’était pas avéré, même si une infiltration d’eau par un lignolet peut avoir des conséquences non visibles à court terme et même si la position du lignolet, bien que visible à la réception, reste difficile à réserver pour un non-sachant et relève notamment de l’expérience du couvreur.
La Sci Géocleger indique que la position du lignolet n’est plus l’objet de sa demande d’expertise, mais un non-respect au Dtu 40.11 du type de faîtage qui devait être réalisé, non pas en ardoises ou à lignolet comme prévu dans le devis du 26 avril 2013 et comme effectué par la Sarl Harl’Invest, mais en matière métallique eu égard au secteur exposé de l’immeuble.
L’application d’un Dtu était implicitement visée dans le cahier des charges rédigé par le gérant de la Sci Géocleger qui prévoyait que ‘Les travaux de couverture devront répondre aux prescriptions techniques et fonctionnelles comprises dans les textes officiels’. Ce cahier des charges été annexé au devis et accepté par la Sas Harlin le 30 avril 2023.
La référence au Dtu applicable figure également dans la première assignation en référé expertise de la Sci Géocleger du 22 décembre 2015.
Toutefois, ce Dtu y était seulement pris dans ses dispositions relatives à l’orientation du lignolet par rapport aux vents dominants.
Dès lors, la révélation à la Sci Géocleger de ses règles sur le type de faîtage à réaliser est un fait nouveau. Il n’est pas démontré, même si le gérant de celle-ci a rédigé le cahier des charges précité, qu’elle avait la qualité de maître de l’ouvrage professionnel qui aurait dispensé la Sas Harlin de son devoir de conseil à son égard.
La demande expertale de la Sci Géocleger est donc recevable sur ce point. La décision contraire du juge des référés sera infirmée.
Ensuite, la Sci Géocleger avance que le faîtage n’est plus jointif et qu’existe une infiltration.
Cependant, l’expert judiciaire, qui a effectué ses investigations sur place en 2016 et 2017 au cours du délai décennal, n’a relevé aucun désordre.
Me [L], huissier de justice mandaté par la Sci Géocleger, n’a pas davantage constaté un tel désordre aux termes de son procès-verbal de constat du 26 janvier 2024. Il a seulement noté que l’alignement du lignolet, sur toute la longueur du faîtage, était irrégulier, que la rangée d’ardoises, en tête du versant sud, ne venait pas buter sous les ardoises débordantes du lignolet du fait de l’existence d’un espace vide allant jusqu’à 12 millimètres, et que des clous étaient rouillés, voire soulevés à plusieurs endroits.
Aucun autre élément probant, antérieur à l’expiration du délai décennal le 20 février 2024, n’a été produit.
Dès lors, à défaut de prouver la survenue d’un désordre depuis la décision ayant ordonné l’extension des opérations d’expertise judiciaire à la Sas Harlin, la Sci Géocleger est irrecevable en sa demande d’une nouvelle expertise judiciaire. La décision du juge des référés ayant statué en ce sens sera confirmée.
2) sur son bien-fondé quant à l’existence d’un défaut de conformité au Dtu sur le type de faîtage à réaliser
Les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile ont été spécifiées ci-dessus.
En l’absence de désordre, les défauts de conformité affectant un immeuble n’entrent pas dans le champ d’application de l’article 1792 du code civil.
Comme jugé ci-dessus, aucun désordre n’est avéré pendant le délai décennal.
En conséquence, une éventuelle action de la Sci Géocleger fondée sur la garantie décennale est vouée à l’échec.
Par ailleurs, la seule question de l’application ou non des dispositions du Dtu relatives au type de faîtage de l’immeuble ne requiert pas les investigations techniques d’un expert, mais relève de l’appréciation souveraine du juge du fond. A la page 19 de ses écritures, la Sci Géocleger a d’ailleurs conclu qu’il était ‘démontré par les documents versés aux débats qu’un lignolet en ardoises ne pouvait pas être posé sur l’immeuble de la SCI GEOCLEGER. Ce point doit être constaté dans le cadre d’une mesure d’expertise judiciaire contradictoire.’.
En définitive, le motif légitime exigé pour la réalisation d’une mesure d’expertise fait défaut. Cette prétention sera rejetée.
Sur la demande indemnitaire de la Sarl Harl’Invest pour procédure abusive
L’article 1240 du code civil précise que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Dans le cas présent, la Sarl Harl’Invest ne prouve pas que l’exercice par la Sci Géocleger de son action formée à son encontre a été fautif, ni le préjudice qui en a résulté pour elle.
Elle sera donc déboutée de sa réclamation. La décision du premier juge ayant statué en ce sens sera confirmée.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions de première instance sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées.
Partie perdante, la Sci Géocleger sera condamnée aux dépens d’appel.
Il n’est pas inéquitable de la condamner aussi à payer à la Sarl Harl’Invest la somme de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens que celle-ci a exposés pour cette procédure.
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande tendant à voir ordonner une expertise judiciaire au titre d’un non-respect au Dtu applicable sur le type de faîtage à réaliser,
Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et y ajoutant,
Déclare recevable la demande de la Sci Géocleger tendant à voir ordonner une expertise judiciaire au titre d’un non-respect au Dtu applicable sur le type de faîtage à réaliser, mais l’en déboute,
Condamne la Sci Géocleger à payer à la Sarl Harl’Invest la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne la Sci Géocleger aux dépens d’appel.
Le greffier, La présidente de chambre,