La Caisse d’Epargne a engagé une saisie immobilière contre M. [T] et Mme [N] pour un montant de 220.435,79 euros, en raison d’un prêt notarié de 2008. Lors de l’audience d’orientation, le juge a débouté M. [T] de ses contestations, a confirmé la créance de la Caisse d’Epargne, et a ordonné la vente forcée du bien. M. [T] a fait appel, contestant la réalité de la créance et la procédure de saisie, arguant que les impayés avaient été régularisés et que la banque avait mal géré les prélèvements. La Caisse d’Epargne a demandé la confirmation du jugement et a contesté les arguments de M. [T], affirmant que les paiements n’avaient pas été effectués correctement depuis 2019. Mme [N] n’a pas constitué avocat et a informé la cour de son incapacité à se défendre.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRET DU 19 SEPTEMBRE 2024
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/02338 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CI3FK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Janvier 2024 -Juge de l’exécution de MELUN RG n° 22/00042
APPELANT
Monsieur [G] [T]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Emmanuel LEBLANC de l’AARPI BOUCHARD – LEBLANC, avocat au barreau d’ESSONNE
INTIMEES
Madame [E] [N]
[Adresse 4]
[Localité 1]
n’a pas constitué avocat
S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Elise BARANIACK de la SCP BOSQUE ET ASSOCIES, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : PB 173
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 26 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre
Madame Catherine LEFORT, Conseillère
Madame Valérie DISTINGUIN, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, Conseillère dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRET :
– RENDUE PAR DEFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Bénédicte PRUVOST, Présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
Selon commandement de payer valant saisie immobilière en date du 31 janvier 2022, la Caisse d’Epargne et de Prévoyance Ile de France (ci-après la Caisse d’Epargne) a entrepris une saisie immobilière portant sur un bien situé [Adresse 7] à [Localité 8] (77), appartenant à M. [G] [T] et Mme [E] [N], pour avoir paiement d’une somme totale de 220.435,79 euros, et ce en vertu d’un acte notarié de prêt en date du 21 mars 2008.
La Caisse d’Epargne a fait assigner M. [T] et Mme [N] à l’audience d’orientation du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Melun. Mme [N] était comparante en personne. M. [T] était représenté par un avocat.
Par jugement d’orientation en date du 16 janvier 2024, le juge de l’exécution a notamment :
débouté M. [T] de l’intégralité de ses contestations,
mentionné que la créance totale privilégiée de la Caisse d’Epargne retenue à l’encontre de Mme [N] et M. [T] s’élève à la somme de 220.746,36 euros en principal, intérêts et accessoires, telle qu’arrêtée au 14 novembre 2023, outre intérêts postérieurs jusqu’à parfait paiement,
ordonné la vente forcée des biens visés au commandement,
fixé la date et le lieu de l’audience d’adjudication,
autorisé et organisé les visites des biens saisis,
aménagé la publicité de la vente,
débouté M. [T] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
rejeté les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe.
Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu l’existence d’échéances impayées et la régularité de la déchéance du terme prononcée, de sorte que M. [T] n’était pas fondé à contester la réalité de la créance.
M. [T] a formé appel de cette décision par déclaration du 2 février 2024. Puis, par actes de commissaire de justice des 26 février et 11 mars 2024, déposés au greffe par le Rpva le 13 mai 2024, il a fait assigner à jour fixe respectivement la Caisse d’Epargne et Mme [N] devant la cour d’appel de Paris, après y avoir été autorisé par ordonnance sur requête en date du 8 février 2024.
Par conclusions du 19 juin 2024, M. [T] demande à la cour d’appel de :
– infirmer le jugement entrepris,
– débouter la Caisse d’Epargne de l’intégralité de ses demandes,
– juger que la créance de la Caisse d’Epargne n’est ni certaine, ni liquide ni exigible,
– juger que la procédure de saisie immobilière est mal fondée et en ordonner la mainlevée,
– condamner la Caisse d’Epargne à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– condamner la Caisse d’Epargne au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’appelant fait valoir que les seules échéances impayées sont celles de mars à juillet 2020, qui ont été régularisées en août et septembre ; que la Caisse d’Epargne fonde la déchéance du terme sur des échéances du 18 avril 2021 au 18 septembre 2021, alors qu’aucun impayé ne peut lui être reproché sur cette période, puisque son compte sur lequel les prélèvements sont effectués était toujours suffisamment créditeur ; que la banque a procédé soit à des prélèvements partiels soit à des régularisations, à des dates autres que le 18 ; qu’entre janvier 2021 et septembre 2021, il a déposé sur son compte la somme totale de 14.812,19 euros correspondant au montant des échéances, et la banque a prélevé un total de 16.093,39 euros, comprenant des agios et intérêts de retard ; qu’il n’est pas responsable des agissements de la banque.
A l’appui de sa demande de dommages-intérêts, il ajoute que la Caisse d’Epargne a volontairement entretenu une situation floue en ne précisant pas quelles échéances étaient prélevées et n’a jamais voulu entendre raison, et qu’elle a prononcé la déchéance du terme alors que le compte permettait de la désintéresser.
En réponse aux conclusions adverses, il conteste le décalage invoqué par la banque à compter de décembre 2019 expliquant qu’il bénéficiait d’un découvert en compte de 1.000 euros qui n’a jamais été dépassé et qu’il a toujours provisionné son compte avant le 18 de chaque mois. Il estime que le décalage n’est pas de son fait mais provient de la Caisse d’Epargne qui a manqué de loyauté dans l’exécution du contrat en ne procédant qu’à des prélèvements partiels et fractionnés des échéances alors que les fonds étaient disponibles, son compte étant largement créditeur.
Par conclusions du 24 juin 2024, la Caisse d’Epargne demande à la cour de :
– confirmer dans son intégralité le jugement entrepris,
– condamner M. [T] au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, y compris ceux d’appel dont distraction au profit de son conseil, dépens qui suivront le sort des frais taxés.
Elle fait valoir que les échéances du prêt n’ont pas été payées à bonne date depuis décembre 2019, que l’autorisation de découvert a été résiliée en septembre 2020, que contrairement à ce que M. [T] soutient, au 18 du mois, son compte n’était pas suffisamment provisionné pour être débité de la mensualité du prêt, et que la démonstration de l’appelant relative aux échéances d’avril à septembre 2021 est inopérante car elle ne prend pas en compte le décalage dans le paiement des échéances depuis 2019. Elle approuve la motivation du jugement. Elle s’oppose à la demande de dommages-intérêts, dont l’appelant ne précise pas le fondement juridique, ajoutant qu’elle a toujours répondu à ses demandes d’éclaircissement, qu’il n’a jamais voulu entendre qu’il n’était jamais parvenu à régulariser les retards de paiement, et n’a pas procédé au moindre paiement depuis le prononcé de la déchéance du terme le 22 septembre 2021.
Régulièrement citée à étude, Mme [N] n’a pas constitué avocat devant la cour. Elle a adressé un courrier à la cour indiquant ne pas avoir les moyens de prendre un avocat et ne pas pouvoir venir à l’audience, attestant ainsi qu’elle a été touchée par l’assignation.
Sur l’existence d’une créance liquide et exigible
Aux termes de l’article L.311-2 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière.
L’appelant ne conteste pas l’existence du titre exécutoire (acte notarié de prêt en date du 21 mars 2008), mais invoque l’absence de créance certaine, liquide et exigible.
Il est constant que les échéances du prêt (1.482,01 euros chacune) devaient être remboursées par prélèvement sur le compte bancaire de M. [T] le 18 de chaque mois, ce qui implique que ce compte devait à cette date être suffisamment provisionné pour permettre le prélèvement. En outre, il n’est pas contesté que M. [T] a bénéficié d’une autorisation de découvert sur son compte à hauteur de 1.000 euros, et ce jusqu’en septembre 2020.
L’appelant justifie de ce que les échéances ont été prélevées par la banque de façon fractionnée à compter de mai 2019, que les prélèvements n’étaient pas toujours effectués le 18 du mois mais à diverses autres dates, parfois même lorsque le compte était suffisamment créditeur au 18 du mois (par exemple le 18 février 2021 et le 18 mars 2021).
Toutefois, l’examen attentif du compte permet de constater que :
– dès le 18 mai 2019, le solde du compte de M. [T] ne présentait pas une provision suffisante pour permettre le prélèvement du montant total de l’échéance ;
– la banque n’a prélevé, le 18 mai 2019, que la somme de 1.184,53 euros de manière à rendre le solde du compte débiteur de 1.000 euros, montant du découvert maximum autorisé ; après un versement de 221,55 euros sur le compte le 5 juin, elle a prélevé encore 220 euros le jour même ; à la suite d’un versement de 81 euros le 7 juin, elle a prélevé le solde de l’échéance, soit 78,66 euros, le 8 juin 2019 ;
– elle a procédé de même pour la mensualité du 18 juin 2019, qui n’a pu être soldée que le 18 juillet 2019 par un quatrième prélèvement de 277,74 euros ;
– elle a procédé de même pour l’échéance du 18 juillet 2019, puis celle du 18 août 2019 ;
– la mensualité du 18 septembre 2019 a été prélevée en totalité le 19 septembre 1019 à la suite du réapprovisionnement du compte par M. [T] intervenu la veille ;
– l’échéance du 18 octobre 2019 a été prélevée en plusieurs fois entre le 18 octobre et le 20 novembre, car le 18 octobre, le solde du compte ne présentait pas de provision suffisante, même en tenant compte du découvert autorisé, de sorte que la banque a limité son prélèvement de manière à rendre le solde du compte débiteur de 1.000 euros et a ensuite effectué des prélèvements en fonction des réapprovisionnements de compte ;
– au 18 novembre 2019, l’échéance précédente n’était pas encore soldée, de sorte que la banque n’a pas pu prélever la nouvelle ; la Caisse d’Epargne n’a pu commencer à prélever une partie de l’échéance (toujours dans la limite du montant du découvert autorisé) que le 20 novembre, après réapprovisionnement du compte la veille ; le solde de l’échéance a pu être prélevé le 6 décembre, après un virement sur le compte du 5 décembre ;
– la mensualité du 18 décembre 2019 a été prélevée en plusieurs fois, entre le 19 décembre (suite à un virement du 18 décembre, et dans la limite du montant du découvert autorisé) et le 11 mars 2020 (à la suite de divers versements trop peu nombreux sur le compte) ;
– compte tenu des difficultés pour prélever l’échéance du 18 décembre 2019, celle du 18 janvier 2020 n’a pu commencer à être prélevée que le 11 mars 2020 et a été soldée le 19 mars ;
– de même, l’échéance du 18 février 2020 n’a pu être prélevée qu’en plusieurs fois qu’à partir du 19 mars 2020.
Dès lors, c’est à tort que M. [T] conteste l’existence d’un décalage dans le paiement des échéances depuis décembre 2019. Il ne peut en toute bonne foi soutenir que la Caisse d’Epargne a fractionné le prélèvement de l’échéance pour des raisons inexpliquées et que le solde débiteur de son compte n’a jamais dépassé le montant du découvert autorisé. Si le découvert autorisé de 1.000 euros n’a jamais été dépassé, c’est justement parce que la banque a effectué des prélèvements fractionnés de manière à ne pas rendre le compte débiteur de plus de 1.000 euros, car les approvisionnements du compte par M. [T] n’étaient jamais suffisants.
Ce décalage a perduré et s’est même aggravé dans le temps en raison de l’insuffisance des versements sur le compte. Les échéances de mars à juillet 2020 ne sont pas les seules à avoir posé problème comme le soutient l’appelant puisque les retards de paiement étaient antérieurs. En outre, c’est en vain que M. [T] affirme que ces échéances de mars à juillet 2020 ont été régularisées en août et septembre 2020, les versements effectués sur son compte restant insuffisants pour apurer le retard accumulé depuis janvier 2020. L’examen du compte montre que, compte tenu du décalage existant, les différents prélèvements d’août et septembre 2020 ont permis de régulariser les échéances de mars, avril, mai et juin 2020 (la dernière étant soldée en octobre), mais pas de payer celles de juillet, août et septembre 2020, lesquelles n’ont été régularisées qu’entre novembre 2020 et mars 2021. L’échéance d’octobre 2020 a également été payée en mars 2021 ; celle du 18 novembre 2020 a été régularisée en mars et avril 2021 ; et celle du 18 décembre 2020 en avril et mai 2021.
Ainsi, c’est à juste titre que la Caisse d’Epargne a adressé aux débiteurs une mise en demeure le 21 mai 2021 pour les échéances impayées de janvier à mai 2021, puis une nouvelle mise en demeure le 22 juillet 2021 pour les échéances impayées de mars à juillet 2021, après régularisation des échéances de janvier et février en juin et juillet 2021, puis a prononcé la déchéance du terme par courrier recommandé du 24 septembre 2021 pour des échéances impayées d’avril à septembre 2021, après régularisation de l’échéance de mars en août 2021. M. [T] ne saurait invoquer l’absence d’impayés sur la période d’avril à septembre 2021, alors qu’il n’a jamais réussi à régulariser l’ensemble des échéances impayées et n’a cessé d’accumuler des retards de paiement, et qu’au moment du prononcé de la déchéance du terme, la dernière mensualité régularisée était celle de mars 2021.
Contrairement à ce que l’appelant soutient, le décalage dans le paiement des échéances ne provient pas d’un manque de loyauté de la Caisse d’Epargne dans l’exécution du contrat, mais bien de la défaillance des emprunteurs dans le remboursement des échéances, en l’absence de provisions suffisantes sur le compte. Dès lors, le créancier poursuivant justifie bien d’une créance liquide et exigible à l’égard de M. [T] et Mme [N].
C’est donc par une exacte appréciation du dossier que le juge de l’exécution a rejeté les contestations et demandes de M. [T]. Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les demandes accessoires
M. [T], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel, étant précisé qu’il n’y a pas lieu de les inclure dans les frais taxés. Il sera fait droit à la demande de distraction au profit de l’avocat de la Caisse d’Epargne, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité justifie que chaque partie garde la charge de ses frais irrépétibles d’appel.
La Cour,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 janvier 2024 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Melun,
Y ajoutant,
REJETTE les demandes respectives des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [G] [T] aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Elise Baraniack, avocat membre de la SCP Wuilque Bosqué Taouil Baraniack Dewinne, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,