Madame [D] [M] était présidente de la société par actions simplifiée [5], liquidée judiciairement le 20 juin 2022. Elle a obtenu des droits à l’allocation retour à l’emploi de POLE EMPLOI, percevant un total de 8 248,95 euros entre le 8 septembre et le 31 décembre 2022. Suite à un contrôle, POLE EMPLOI a notifié un trop-perçu de ce montant, arguant que Madame [M] ne remplissait pas les conditions d’attribution des allocations chômage. Après un refus d’effacement de dette et une mise en demeure, une contrainte a été signifiée le 6 juin 2023, à laquelle Madame [M] a formé opposition le 20 juin 2023. La loi n°2023-1196 a créé FRANCE TRAVAIL, remplaçant POLE EMPLOI depuis le 1er janvier 2024. Lors de l’audience du 22 janvier 2024, renvoyée au 27 mai 2024, FRANCE TRAVAIL a demandé la restitution du trop-perçu, des intérêts et des dépens, soutenant que Madame [M] n’était pas salariée de la société. Madame [M] a demandé le rejet des demandes et un report de la dette, affirmant qu’elle ne pouvait pas rembourser en raison de sa situation financière. L’affaire a été mise en délibéré au 26 août 2024.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
de LILLE
[Localité 4]
☎ :[XXXXXXXX01]
N° RG 23/06059 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XKUX
N° de Minute : L 24/00474
JUGEMENT
DU : 26 Août 2024
Etablissement National Public FRANCE TRAVAIL, anciennement dénommé POLE EMPLOI, pris en son Etablissement Régional FRANCE TRAVAIL HAUTS DE FRANCE
C/
[D] [R] [H] [M]
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUGEMENT DU 26 Août 2024
DANS LE LITIGE ENTRE :
DEMANDEUR
Etablissement National Public FRANCE TRAVAIL, anciennement dénommé POLE EMPLOI, pris en son Etablissement Régional FRANCE TRAVAIL HAUTS DE FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représenté par Maître Marc-Antoine ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE
ET :
DÉFENDEUR
Madame [D] [R] [H] [M], demeurant [Adresse 3]
représentée par Maître Bruno WECXSTEEN, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 27 Mai 2024
Eléonora ONGARO, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ
Par mise à disposition au Greffe le 26 Août 2024, date indiquée à l’issue des débats par Eléonora ONGARO, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier
RG n°6059/23 – Page KB
Madame [D] [M] était présidente de la société par actions simplifiée [5], qui a été placée en liquidation judiciaire simplifiée par le tribunal de commerce de Lille le 20 juin 2022.
Après avoir adressé à POLE EMPLOI les documents relatifs au règlement des loyers et des charges des salariés de la société, Madame [M] s’est vue ouvrir des droits à l’allocation retour à l’emploi à un taux net journalier de 71,73 euros et pour une durée maximum de 201 jours.
Madame [M] a donc perçu plusieurs virements pour un montant total de 8 248,95 euros pour la période du 8 septembre 2022 au 31 décembre 2022.
A la suite d’un contrôle du service fraude de POLE EMPLOI, l’établissement a adressé à Madame [M] le 2 janvier 2023, une notification de trop-perçu d’un montant de 8 248,95 euros pour la période du 8 septembre 2022 au 31 décembre 2022 au motif que son admission avait été prononcée alors qu’elle ne remplissait pas les conditions d’attribution des allocations chômage.
Après un refus d’effacement de dette le 15 février 2023 et l’envoi d’une mise en demeure le 7 mars 2023, POLE EMPLOI a signifié une contrainte le 6 juin 2023 contre laquelle Madame [M] formait opposition le 20 juin 2023.
La loi n°2023-1196 du 18 décembre 2023 a créé FRANCE TRAVAIL, qui remplace depuis le 1er janvier 2024 l’établissement public administratif POLE EMPLOI.
L’affaire était appelée à l’audience du 22 janvier 2024 et renvoyée jusqu’à l’audience du 27 mai 2024 à la demande des parties.
A cette audience, FRANCE TRAVAIL, anciennement nommée POLE EMPLOI, est représentée par son conseil.
Elle sollicite la condamnation de Madame [M] à lui verser
– la somme de 8 254,24 euros à titre de restitution du trop-perçu, outre intérêts à compter du 7 mars 2023, date de la mise en demeure ;
– la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens ;
Elle fait valoir, aux visas des dispositions de l’article L.5422-13 du code du travail et de l’article 1302-1 du code civil, que Madame [M] n’a jamais eu la qualité de salariée de la société [5], dont elle était présidente et associée, qu’elle n’a jamais perçu de salaires de la part de cette société et que par conséquent, elle ne pouvait prétendre aux versements des allocations de retour à l’emploi, réservés aux salariés privés de leur contrat de travail.
Madame [M], également représentée par son conseil, sollicite le rejet des demandes de FRANCE TRAVAIL. A titre subsidiaire, elle sollicite le report de la dette pendant un délai de deux ans par application de l’article 1343-5 du code civil.
Elle ne conteste pas ne pas avoir droit aux sommes versées au titre de l’allocation de retour à l’emploi, mais estime que FRANCE TRAVAIL ne peut rétroactivement annuler la notification de l’allocation de retour à l’emploi. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu’elle perçoit le revenu de solidarité active et se trouve dans l’impossibilité d’effectuer le moindre versement en remboursement des sommes réclamées par FRANCE TRAVAIL.
L’affaire a été mise en délibéré au 26 août 2024.
– Sur la recevabilité de l’opposition :
L’artic1e R.5426-22 du code du travail dispose que le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification. L’opposition est motivée. Une copie de la contrainte contestée y est jointe.
Cette opposition suspend la mise en œuvre de la contrainte.
En l’espèce, l’opposition formée par Madame [M] à la contrainte qui lui a été signifiée le 6 juin 2023 a été enregistrée au greffe du tribunal judiciaire de Lille le 20 juin 2023.
Cette opposition est donc recevable.
– Sur le bien-fondé de l’opposition :
Le règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l’assurance chômage, prévoit en son article 1er que « Le régime d’assurance chômage assure un revenu de remplacement dénommé « allocation d’aide au retour à l’emploi », pendant une durée déterminée, aux salariés involontairement privés d’emploi qui remplissent des conditions d’activité désignées durée d’affiliation, ainsi que des conditions d’âge, d’aptitude physique, de chômage, d’inscription comme demandeur d’emploi, de recherche d’emploi. ».
L’article 3 §1er du même règlement précise « Les salariés privés d’emploi doivent justifier d’une durée d’affiliation correspondant à des périodes d’emploi accomplies dans une ou plusieurs entreprises entrant dans le champ d’application du régime d’assurance chômage. »
Il résulte de ces dispositions, que celui qui entend prétendre au bénéfice des allocations d’Aide au Retour à l’Emploi, doit justifier de l’existence d’un emploi salarié d’une certaine durée.
Par ailleurs, l’article L.5426-8-2 du code du travail modifié par la loi n°2016-1918 du 29 décembre 2016 dispose que pour le remboursement des allocations, aides, ainsi que de toute autre prestation indûment versées par Pôle emploi pour son propre compte, pour le compte de l’organisme chargé de la gestion du régime d’assurance chômage mentionné a 1’article L5427-1, pour le compte de l’Etat ou des employeurs mentionnés à l’article I. 5424-1, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu’il désigne en son sein peut, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d’opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d’un jugement et confère le bénéfice de 1’hypothèque judiciaire.
Enfin, selon l’article L.1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes a compétence exclusive pour statuer sur les litiges qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient.
Ainsi le conseil de prud’hommes ne peut connaître du différend entre un employeur ou un salarié et certains organismes, comme les caisses de congés payés, l’organisme de gestion d’un régime de retraite complémentaire ou encore FRANCE TRAVAIL qui relèvent de la juridiction de droit commun.
Il en résulte que la juridiction de droit commun saisie d’un litige entre FRANCE TRAVAIL et un salarié relativement à la réalité d’un contrat de travail, en l’absence de saisine par le salarié de la juridiction prud’homale, doit statuer sur la réalité du contrat de travail en se fondant sur les pièces qui lui sont soumises par les parties.
En l’espèce, Madame [M] ne prétend pas avoir été salariée par la société [5] dont elle était présidente et associée. Elle expose uniquement que le versement par FRANCE TRAVAIL de l’allocation de retour à l’emploi résulte d’une erreur d’interprétation de l’attestation qu’elle avait transmise à FRANCE TRAVAIL pour le compte du liquidateur judiciaire.
Par conséquent, il n’est pas contesté que les sommes versées au titre de l’allocation de retour à l’emploi pour la période du 8 septembre 2022 au 31 décembre 2022 l’ont été indument, Madame [M] n’ayant pas été salariée par la société [5] et ne pouvant donc prétendre à l’allocation retour à l’emploi.
Contrairement à ce qu’avance Madame [M], FRANCE TRAVAIL peut, conformément à l’article L.5426-8-2 du code de travail, délivrer, après mise en demeure, une contrainte pour le remboursement des allocations indument versées.
Il convient donc de valider la contrainte établie par FRANCE TRAVAIL le 2 mai 2023 à l’encontre de Madame [M] et condamner cette dernière à verser à FRANCE TRAVAIL la somme de 8 254,24 euros avec intérêt au taux légal à compter du 7 mars 2023, date de la mise en demeure.
– Sur les délais de paiement :
L’article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes, correspondant aux échéances reportées, porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
Madame [M] produit une attestation de la Caisse des allocations familiales dont il ressort qu’elle perçoit le revenu de solidarité active depuis le mois d’avril 2023, pour un montant mensuel de 534,82 euros. Néanmoins, elle ne justifie d’aucun élément objectif indiquant que sa situation serait amenée à changer prochainement. Il convient par conséquent de rejeter la demande de report de Madame [M].
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Madame [M] succombant, elle sera condamnée aux dépens.
L’équité commandant de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de FRANCE TRAVAIL, il convient de lui allouer de ce chef la somme de 700 euros.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort :
VALIDE la contrainte établie par FRANCE TRAVAIL le 2 mai 2023 à l’encontre de Madame [D] [M] ;
CONDAMNE Madame [D] [M] à payer à FRANCE TRAVAIL la somme de 8 254,24 euros avec intérêt au taux légal à compter du 7 mars 2023, date de la mise en demeure ;
REJETTE la demande de délais de paiement de Madame [D] [M] ;
CONDAMNE Madame [D] [M] à payer à FRANCE TRAVAIL la somme 700 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Madame [D] [M] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE