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Une réglementation nationale soumettant à autorisation la location, de manière répétée, d’un local destiné à l’habitation pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile est conforme au droit de l’Union. Selon la CJUE, la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée constitue une raison impérieuse d’intérêt général justifiant une telle réglementation.
Cali Apartments SCI et HX sont, chacun, propriétaires d’un studio situé à Paris (France). Ces studios, qui avaient été proposés à la location sur un site Internet, ont fait l’objet, sans autorisation préalable des autorités locales et de manière répétée, de locations de courte durée à l’usage d’une clientèle de passage. Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris puis, par la suite, la cour d’appel de Paris ont, sur le fondement du code de la construction et de l’habitation français, condamné les deux propriétaires au paiement d’une amende et ordonné le retour des biens en cause à leur usage d’habitation.
En effet, ce code prévoit notamment que, dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles de trois départements limitrophes de Paris, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable et que le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un tel changement d’usage. Ce code prévoit également que cette autorisation, délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l’immeuble, peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.
Toujours selon le code précité, une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements.
S’estimant lésés dans la jouissance de leur droit de propriété, les propriétaires ont saisi la CJUE.
Par son arrêt du 22 septembre 2020, la CJUE a jugé, en premier lieu, que la directive 2006/123 dites « services » s’applique à une réglementation d’un État membre relative à des activités de location contre rémunération de locaux meublés destinés à l’habitation à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, effectuées de manière répétée et pour de courtes durées, à titre professionnel comme non professionnel.
En deuxième lieu, une réglementation nationale qui soumet à autorisation préalable l’exercice de certaines activités de location de locaux destinés à l’habitation relève de la notion de « régime d’autorisation », au sens de la directive 2006/123, et non de celle d’« exigence ». En effet, un « régime d’autorisation » se distingue d’une « exigence » en ce qu’il implique une démarche de la part du prestataire de service ainsi qu’un acte formel par lequel les autorités compétentes autorisent l’activité de ce prestataire, ce qui est le cas de la réglementation en cause.
S’agissant des conditions, le régime d’autorisation doit être justifié par une raison impérieuse d’intérêt général et l’objectif poursuivi par ce régime ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante (critère de proportionnalité). La réglementation en cause vise à établir un dispositif de lutte contre la pénurie de logements destinés à la location de longue durée, avec pour objectif de répondre à la dégradation des conditions d’accès au logement et à l’exacerbation des tensions sur les marchés immobiliers, ce qui constitue une raison impérieuse d’intérêt général.
D’autre part, la réglementation nationale concernée est proportionnée à l’objectif poursuivi. En effet, elle est matériellement circonscrite à une activité spécifique de location, elle exclut de son champ d’application les logements qui constituent la résidence principale du loueur et le régime d’autorisation qu’elle établit est de portée géographique restreinte. En outre, l’objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori, par exemple, par le biais d’un système déclaratif assorti de sanctions, ne permettrait pas de freiner immédiatement et efficacement la poursuite du mouvement de transformation rapide qui crée une pénurie de logements destinés à la location de longue durée.
S’agissant de l’exigence de proportionnalité desdits critères, la réglementation nationale concernée prévoit la faculté d’assortir l’octroi de l’autorisation sollicitée d’une obligation de compensation sous la forme d’une transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, dont le quantum est défini par le conseil municipal des communes concernées au regard de l’objectif de mixité sociale et en fonction, notamment, des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Si une telle faculté constitue, en principe, un instrument adéquat de poursuite de ces objectifs dès lors qu’elle laisse aux autorités locales le choix de prévoir effectivement une obligation de compensation ainsi que de déterminer, le cas échéant, le quantum de celle-ci, il appartient toutefois à la juridiction nationale de vérifier, tout d’abord, si cette faculté répond effectivement à une pénurie de logements destinés à la location de longue durée, constatée sur le territoire de ces communes.
Ensuite, la juridiction nationale doit s’assurer que cette même faculté s’avère adaptée à la situation du marché locatif local mais également compatible avec l’exercice de l’activité de location en cause. À cette dernière fin, elle doit prendre en considération la sur-rentabilité généralement constatée de cette activité par rapport à la location de locaux destinés à l’habitation résidentielle ainsi que les modalités pratiques permettant de satisfaire à l’obligation de compensation dans la localité concernée, en s’assurant que cette obligation est susceptible d’être satisfaite par une pluralité de mécanismes de compensation qui répondent à des conditions de marché raisonnables, transparentes et accessibles
En ce qui concerne, troisièmement, les exigences de clarté, de non-ambiguïté et d’objectivité, le fait que la réglementation en cause ne définisse pas, notamment par des seuils chiffrés, la notion de « location d’un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » ne constitue pas, en soi, un élément de nature à démontrer une méconnaissance de ces exigences, pour autant que les autorités locales concernées précisent les termes correspondant à cette notion d’une manière claire, non ambiguë et objective. Télécharger la décision