Un nouveau rapport sénatorial fait le point sur les nouvelles pistes de réforme en matière d’aides à la presse. Alors que le montant du soutien public à la presse écrite atteint environ 400 millions d’euros par an, l’examen approfondi du régime des aides fait apparaître un ensemble disparate de dispositifs, dont certains semblent dépassés ou trop faiblement dotés pour être réellement efficaces.
L’intervention de l’État reste également éclatée au sein de plusieurs programmes, affaiblissant la lisibilité de son action. Hors dépenses fiscales, les aides à la presse représentaient, avant la mise en place de nouveaux dispositifs dans le cadre du Plan de relance, 21,4% du chiffre d’affaires du secteur.
Les auteurs du Rapport s’interrogent tant sur le risque qu’une telle dépendance aux fonds publics peut faire peser sur l’indépendance de la presse que sur la pertinence des dispositifs mis en place. Ceux-ci permettent, en effet, de maintenir sous perfusion un secteur sans l’inciter réellement à mener à bien les choix industriels nécessaires en vue de s’adapter aux nouvelles habitudes de lecture. Un changement de méthode apparaît indispensable, la crise sanitaire ayant manifestement accéléré une mutation du lectorat.
C’est à l’aune de ce constat, établi à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » en loi de finances et en loi de règlement et dans un contexte marqué par la faillite de la société de distribution Presstalis, que le rapporteur spécial a souhaité effectuer une mission de contrôle budgétaire sur ce sujet, afin de cibler les faiblesses du régime actuel et de tracer des perspectives pour sa modernisation, en vue de mieux prendre en compte la mutation des habitudes de lecture, exacerbée par la crise sanitaire.
Le Rapport formule les 10 recommandations suivantes :
1. La conditionnalité des aides doit être renforcée et aboutir à une véritable contractualisation entre l’État et les groupes de presse concernés par les aides, prenant notamment en compte la taille de ceux-ci pour éviter les effets d’aubaine.
2. L’évolution des habitudes de lecture de la presse écrite doit coïncider avec un soutien plus affirmé aux services de presse en ligne, le régime actuel des aides à la presse pouvant être assimilé à un régime de soutien, à fonds perdus, de la filière papier.
3. La réforme de l’aide à la distribution (révision de la grille tarifaire du transport postal, soutien au portage et régulation de cette activité) proposée par la mission Giannesini doit, en dépit de son coût lors des premiers exercices et d’une interrogation sur la réelle ouverture des réseaux de portage, être rapidement mise en œuvre si elle permet un désengagement progressif de l’État dans le soutien au transport postal et au postage au profit d’un appui à la modernisation du secteur.
4. L’inscription du soutien au transport postal de la presse au sein du programme 134 de la mission « Économie » ne permet pas de disposer d’une vision globale des aides au secteur. Il apparaît indispensable de produire un document budgétaire unique visant à évaluer l’ensemble des transferts réalisés au bénéfice du secteur de la presse écrite.
5. Procéder d’ici à 2026 à une révision profonde du régime des aides à la presse écrite en vue de la mise en place d’une aide unique au titre, évolutive en fonction de son niveau de son accessibilité en ligne, de sa participation à la connaissance et au savoir et de son degré d’indépendance. Son versement donnerait lieu à la publication d’un document détaillant, par titre et par groupe, le montant de l’aide accordée.
6. Supprimer les aides à l’exportation qui peuvent apparaître obsolètes eu égard au soutien accordé par ailleurs à la transition numérique des titres.
7. Élargir la catégorie IPG aux publications de la connaissance et du savoir. Cet élargissement s’effectuerait à coût constant pour l’État, dans le cadre de la vaste révision du régime des aides prévue par ailleurs.
8. Clarifier le rôle du fonds à la transition écologique afin d’éviter les doublons avec les structures déjà existantes, à l’image du FSDP, et le risque concomitant d’effet d’aubaine.
9. Cibler l’aide à la digitalisation en tenant compte des stratégies déjà menées par les titres et en favorisant les publications ne disposant pas encore des infrastructures ou des revenus publicitaires nécessaires.
10. Favoriser la transition numérique en dépassant la simple logique budgétaire via la mise en place d’autres instruments juridiques destinés à améliorer les ressources des titres (kiosques numériques, publicité numériques, droits voisins).