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République française
Au nom du peuple français
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
ORDONNANCE DU CONSEILLER DE LA MISE EN ETAT
du 12 Janvier 2023
N° RG 22/01775 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HDHE
Appelant
M. [B] [K], demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Gaussem SELMANE, avocat au barreau d’ANNECY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/001932 du 05/09/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de [Localité 4])
contre
Intimé
M. [I] [C], demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Bérangère HOUMANI, avocat au barreau de CHAMBERY
*********
Nous, Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la mise en état de la 2ème Chambre de la Cour d’appel de Chambéry, assistée de Sylvie DURAND, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante le 12 Janvier 2023 après examen de l’affaire à notre audience du 8 décembre 2022 et mise en délibéré :
Par jugement réputé contradictoire rendu le 24 mai 2022, le tribunal judiciaire d’Annecy, saisi par M. [I] [C] aux fins de condamnation M. [B] [K] au paiement de diverses sommes en remboursement d’un prêt et de dommages et intérêts, a:
condamné M. [K] à payer à M. [C] la somme de 49.680,00 euros outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2021,
débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts,
condamné M. [K] à payer à M. [C] 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
rejeté toutes les autres demandes et demandes plus amples et contraires,
condamné M. [K] aux dépens avec distraction au profit de Me Houmani en application de l’article 699 du code de procédure civile,
rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit.
Ce jugement a été signifié à M. [K] par acte délivré à sa personne le 16 juin 2022.
Par déclaration du 1er juillet 2022 (R.G. 22/01227), M. [K] a fait appel à l’encontre d’un «jugement rendu le 24 mai 2022 (RG n° 21/01999) par le président du TGI de [Localité 3]», appel dirigé contre M. [C]. La déclaration d’appel ne contient aucun rappel des chefs de jugement critiqués.
Parallèlement, M. [K] a déposé le 1er juillet 2022 une demande d’aide juridictionnelle. Celle-ci lui a été accordée partiellement par décision du 5 septembre 2022.
Par une deuxième déclaration en date du 5 juillet 2022 (R.G. 22/01253), M. [K] a formé un deuxième appel à l’encontre d’un «jugement rendu le 24 mai 2022 (RG n° 21/01999) par le président du TJ de [Localité 3]», accompagné d’une annexe précisant les chefs de jugement critiqués.
Enfin, par une troisième déclaration en date du 14 octobre 2022, M. [K] a formé un troisième appel contre la même décision (R.G. 22/01775, la présente affaire).
M. [K] a notifié ses conclusions d’appelant le 16 octobre 2022 dans chacun des deux premiers appels et le 17 octobre 2022 dans le troisième, et a sollicité leur jonction.
La caducité des deux premiers appels a été soulevée d’office par le conseiller de la mise en état en raison du dépôt tardif des conclusions de l’appelant. Les trois dossiers ont été appelés en audience d’incident pour qu’il soit également statué sur la jonction demandée et la recevabilité du troisième appel.
Dans l’affaire enrôlée sous le n° R.G. 22/01775 (la présente procédure), par conclusions récapitulatives d’incident notifiées le 6 décembre 2022, M. [C] demande au conseiller de la mise en état de :
Vu les articles 122, 526, 538 et 546 du code de procédure civile,
Vu l’article 43 du décret n° 202-1717 du 28 décembre 2020,
déclarer irrecevable pour cause de prescription et pour cause de défaut d’intérêt à agir la déclaration d’appel n° 22/01803, enregistrée sous le n° de RG 22/01775, régularisée par M. [K] le 14 octobre 2022 à l’encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Annecy le 24 mai 2022,
condamner M. [K] à payer à M. [C] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner M. [K] aux entiers dépens de l’appel,
Subsidiairement,
ordonner la radiation de l’instance 22/01775 pour défaut d’exécution du jugement déféré,
En tous cas,
rejeter l’intégralité des demandes formées par M. [K].
A cet effet, M. [C] soutient que :
– la demande d’aide juridictionnelle déposée par M. [K] le 1er juillet 2022 n’est valable que pour la première déclaration d’appel, une décision d’aide juridictionnelle n’étant prononcée que pour une seule instance, de sorte qu’il ne pourrait s’en prévaloir comme ayant suspendu le délai d’appel, et que l’appel est en conséquence irrecevable comme tardif,
– M. [K] ayant d’ores et déjà fait un appel régulier de la même décision, il n’a aucun intérêt à faire cette troisième déclaration d’appel, de sorte qu’il est encore irrecevable en cet appel,
– enfin, M. [K] n’a pas exécuté la décision dont appel sans démontrer que cette exécution entraînerait pour lui des conséquences manifestement excessives, ni l’impossibilité dans laquelle il serait de l’exécuter. M. [C] sollicite en conséquence la radiation de l’affaire sur le fondement de l’article 526 du code de procédure civile.
Par conclusions d’incident notifiées le 5 décembre 2022, M. [K] demande au conseiller de la mise en état de :
Vu l’article 908 du code de procédure civile,
Vu l’article 115 du code de procédure civile,
Vu l’article 43 du décret du 28 décembre 2020,
Vu l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
déclarer irrecevable la caducité soulevée d’office du dépôt de conclusions d’appelant tardif,
joindre les procédures d’appel n° RG 22/01227 et 22/01253,
En conséquence,
à titre principal, recevoir les conclusions de l’appelant remises au greffe le 16 octobre 2022,
à titre subsidiaire, si la caducité des appels RG 22/01227 et 22/01253 devait être prononcée pour des conclusions d’appelant tardif, recevoir la déclaration d’appel n° RG 22/01775 remise au greffe le 16 octobre 2022,
en tout état de cause, condamner M. [C] à payer à M. [K] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A cet effet, M. [K] fait valoir que le troisième appel a été fait par précaution, dans le délai d’appel suspendu par le dépôt de la demande d’aide juridictionnelle, de sorte qu’il est recevable. Il soutient avoir été condamné à tort par le tribunal et s’oppose encore à la radiation de l’affaire, en indiquant qu’il est sans emploi et insolvable du fait de la liquidation récente de sa société (laquelle est la véritable débitrice).
MOTIFS ET DÉCISION
Sur la tardiveté de l’appel :
En application de l’article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d’un mois.
Ce délai court à compter de la signification du jugement.
L’article 43 du décret n° 202-1717 du 28 décembre 2020 dispose que :
«Sans préjudice de l’application de l’article 9-4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et du II de l’article 44 du présent décret, lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter:
1° De la notification de la décision d’admission provisoire;
2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande;
3° De la date à laquelle le demandeur de l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée;
4° Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
Lorsque la demande d’aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la
propriété
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intellectuelle
, ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° à 4° du présent article.
Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d’aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente.»
En l’espèce, M. [K] a déposé une demande d’aide juridictionnelle le 1er juillet 2022 en visant expressément la procédure d’appel du jugement du tribunal judiciaire d’Annecy du 24 mai 2022.
S’il est exact que la décision d’aide juridictionnelle ne vaut que pour une seule instance, pour autant il ne peut être considéré que les trois appels successifs formés par M. [K] à l’encontre de la même décision ils constitueraient des instances différentes, puisque, à supposer qu’ils puissent être maintenus, seraient alors nécessairement joints et ainsi réunis dans une seule et même instance.
La décision d’aide juridictionnelle partielle ayant été rendue le 5 septembre 2022, elle était susceptible de recours dans un délai de quinze jours, soit jusqu’au 20 septembre 2022, de sorte que le délai d’appel a commencé à courir à cette dernière date pour se terminer le 20 octobre 2022.
En conséquence, l’appel interjeté par M. [K] le 14 octobre 2022 n’est pas tardif et ce moyen d’irrecevabilité ne peut prospérer.
Sur l’intérêt à faire appel :
En application de l’article 546 du code de procédure civile, le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé.
L’intérêt à faire appel s’apprécie au jour de la déclaration d’appel.
Ainsi, lorsque la cour d’appel est régulièrement saisie par une première déclaration d’appel dont la caducité n’a pas été constatée, est irrecevable le second appel, faute d’intérêt pour son auteur à interjeter un appel dirigé contre le même jugement entre les mêmes parties.
En l’espèce, si le premier appel en date du 1er juillet 2022 était manifestement irrégulier pour ne pas contenir les chefs du jugement critiqués, le deuxième appel en date du 5 juillet 2022 a régulièrement saisi la cour de l’appel contre le jugement déféré.
Ces deux premiers appels sont déclarés caducs par décisions distinctes de ce jour, faute pour l’appelant d’avoir conclu dans le délai de l’article 908 du code de procédure civile. Toutefois, au jour de la troisième déclaration d’appel, soit le 14 octobre 2022, la cour était déjà saisie d’un appel régulier contre la même décision, de sorte que M. [K] n’avait, à cette date, pas d’intérêt à faire à nouveau appel du même jugement.
M. [K] soutient que déclarer son troisième appel irrecevable, alors que les deux premiers sont déclarés caducs, porterait une atteinte injustifiée et disproportionnée à la substance même du droit de faire appel, et invoque à cet effet les dispositions de l’article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Toutefois, l’interdiction faite à une partie, qui a régulièrement relevé appel, et dont la caducité de la première déclaration d’appel n’a pas encore été constatée, de former une nouvelle déclaration d’appel, ne restreint pas l’accès au juge d’appel d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même.
En effet, cette interdiction, qui résulte de l’article 546 du code de procédure civile précité, poursuit, d’une part, le but légitime d’une bonne administration de la justice, l’appelant ne pouvant multiplier les déclarations d’appel successives alors que la cour est déjà valablement saisie, et, d’autre part, elle n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi, puisque l’appelant a pu exercer son droit d’appel et que seule sa négligence est à l’origine de la caducité de ses deux premiers appels.
En conséquence, l’appel interjeté par M. [K] le 14 octobre 2022 est irrecevable.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [C] la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [K] supportera les entiers dépens de l’appel.
PAR CES MOTIFS
Nous, Conseillère de la mise en état, statuant publiquement et contradictoirement,
Déclarons irrecevable l’appel interjeté par M. [B] [K] le 14 octobre 2022,
Disons en conséquence que la cour est dessaisie de l’affaire enrôlée sous le n° R.G. 22/01775,
Condamnons M. [B] [K] à payer à M. [I] [C] la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamnons M. [B] [K] aux entiers dépens de l’appel.
Ainsi prononcé le 12 Janvier 2023 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signée par Alyette FOUCHARD, Conseillère chargée de la Mise en Etat et Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Conseillère de la Mise en Etat