Agir en contrefaçon contre une société radiée d’office

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Agir en contrefaçon contre une société radiée d’office
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Poursuivre en contrefaçon de marque une société radiée est possible.

La radiation d’office d’une société du registre du commerce et des sociétés n’a pas pour effet la perte de sa personnalité morale, ni de mettre fin aux fonctions de son représentant légal (en ce sens Cour de casation, chambre commerciale, 20 février 2001, n° 98-16.842).

En application de l’article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :Le défaut de capacité d’ester en justice ;

Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

Selon l’article 118 du même code, les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Selon l’article R.123-136 du code de commerce, lorsque le greffier a porté au registre une mention de cessation d’activité en application de l’article R.123-125, il radie d’office la personne qui n’a pas régularisé sa situation, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de l’inscription de cette mention.

Au cas présent, la seule pièce versée aux débats relative à la situation de la société Ky Beauty 2 est un extrait de la base de données du registre national des entreprises de l’INPI au 16 juin 2024, mentionnant que cette société a été radiée le 19 mars 2024. Elle dispose, de ce fait, toujours, de sa personnalité morale.

Dès lors, l’exception de nullité de l’assignation délivrée à la société KyBeauty2 a été écartée.

Résumé de l’affaire : La société brésilienne 2K Cosmeticos, spécialisée dans les produits cosmétiques, détient la marque “O Minoa Professional” enregistrée au Brésil. Mme [L], gérante de la société Ky Beauty 2, a enregistré en France les marques “Minoa Gloss & Collagen” et “Minoa Professional”. 2K Cosmeticos a contesté l’enregistrement de cette dernière, arguant qu’il était frauduleux, mais son opposition a été rejetée. Un juge a également rejeté les demandes de Mme [L] et de Ky Beauty 2 visant à interdire l’usage du signe “Minoa” par un distributeur. 2K Cosmeticos a ensuite engagé une action en diffamation contre Mme [L], qui a été déclarée irrecevable. La société a également déposé une plainte pour diffamation raciale. En mars 2024, 2K Cosmeticos a assigné Mme [L] et Ky Beauty 2 pour revendiquer la marque “Minoa Professional” et demander des indemnités. Les deux parties ont formulé des demandes contradictoires, incluant des demandes d’interdiction d’usage de la marque et de dommages-intérêts.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
24/06035
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Copie exécutoire délivrée à :
– Maître Hayrant-Gwinner, vestiaire E613
Copie certifiée conforme délivrée à :
– Maître Messaoudi Abtroun, vestiaire C2145

3ème chambre
3ème section

N° RG 24/06035 –
N° Portalis 352J-W-B7I-C42ET

N° MINUTE :

Assignation du :
15 mars 2024

jour fixe

JUGEMENT
rendu le 25 septembre 2024
DEMANDERESSE

S.A.R.L. 2K COSMETICOS
[Adresse 5]
[Adresse 5] (BRESIL)

représentée par Maitre Sophie HAYRANT-GWINNER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0613

DÉFENDERESSES

Madame [V] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]

S.A.S.U. KY BEAUTY 2
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentées par Maitre Farida MESSAOUDI ABTROUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2145

Décision du 25 Septembre 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 24/06035 – N° Portalis 352J-W-B7I-C42ET

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
Linda BOUDOUR, juge
Malik CHAPUIS, juge

assistés de Lorine MILLE, greffière

DEBATS

A l’audience du 04 juillet 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 25 septembre 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société de droit brésilien 2K Cosmeticos se présente comme ayant pour activité la recherche, l’innovation, le développement et la fabrication de produits cosmétiques. Elle indique être titulaire de la marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” enregistrée le 17 septembre 2019 sous le n° 916379590 auprès de l’office brésilien de propriété intellectuelle (INPI Brésil) pour divers produits en lien avec les cosmétiques :
Mme [V] [L] se présente comme commerçante et comme gérante et associée de la société Ky Beauty 2, laquelle a cessé toute activité et sollicité sa radiation du registre du commerce et des sociétés (RCS).
Mme [L] a déposé les marques françaises suivantes :- la marque verbale “Minoa Gloss & Collagen” n° 4754300 enregistrée le 13 avril 2021 pour désigner en classe 3 les cosmétiques
– la marque semi-figurative “Minoa Professional” n° 4844474 enregistrée le 16 février 2022 pour désigner en classe 3 les cosmétiques :

Estimant que Mme [L] a déposé la marque semi-figurative française “Minoa Professional” n° 4844474 auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) en fraude de ses droits, la société 2K Cosmeticos a introduit une opposition à cet enregistrement qui a été rejetée par décision du directeur de l’INPI du 5 septembre 2022.
Saisi par Mme [L] et la société Ky Beauty 2, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, par ordonnance du 8 août 2023, a rejeté leurs demandes d’interdiction d’usage du signe “Minoa” dirigées à l’encontre d’une société tierce, présentée comme distributrice d’une marque brésilienne “Minoa Professional” déposée le 5 décembre 2019 à l’INPI brésilien.
Par acte de commissaire de justice du 12 juillet 2022, la société 2K Cosmeticos a saisi le tribunal judiciaire de Paris d’une action en diffamation à l’encontre de Mme [L] qui a été déclarée irrecevable par jugement du 7 novembre 2022 faute de consignation dans le délai imposé. La société 2K Cosmeticos a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Bobigny pour diffamation à caractère racial dont l’avis de consignation a été délivré le 6 juillet 2023.
Après y avoir été autorisée par ordonnance du 14 mars 2024, la société 2K Cosmeticos a, par acte de commissaire de justice du 15 mars 2024, fait assigner la société Ky Beauty 2 et Mme [L] à jour fixe à l’audience du 6 juin 2024 de ce tribunal, principalement, en revendication de la marque semi-figurative française “Minoa Professional” n° 4844474 et en indemnisation.
À l’audience du 6 juin 2024, l’affaire a été renvoyée à la demande des défenderesses au 4 juillet 2024.
La société Ky Beauty 2 a constitué avocat, mais aucunes conclusions n’ont été notifiées en son nom.
PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 24 juin 2024, la société 2K Cosmeticos demande au tribunal de :- à titre liminaire, lui réserver l’action civile prévue à l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881
– avant toute défense au fond
> dire qu’elle a qualité et intérêt pour agir
> dire son action en revendication de la marque française n° 4844474 et de toutes autres marques dérivées, ainsi que son action subsidiaire en nullité de la marque française n° 4844474 et de toutes autres marques dérivées, recevables tant à l’égard de Mme [L] que de la société Ky Beauty 2
– à titre principal, ordonner le transfert à son bénéfice des droits de propriété intellectuelle enregistrés en France attachés à la marque “Minoa Professional” n° 4844474 et toutes autres marques dérivées
– à titre subsidiaire, annuler l’enregistrement de la marque “Minoa Professional” n° 4844474 et toutes autres marques dérivées
– en toute hypothèse
> ordonner l’interdiction à l’égard de Mme [L] et de la société Ky Beauty 2 :
* d’utiliser la dénomination “Minoa Professional” et de toute autre dénomination dérivée dans le cadre de ses activités commerciales, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
* de vendre sur quel que support que ce soit et par quel que biais que ce soit les produits “Minoa Professional” et tous autres produits dérivés de la marque sur tout le territoire français et européen, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
> ordonner la saisie des marchandises et produits dérivés de la marque “Minoa Professional” vendus par Mme [L] et la société Ky Beauty 2 notamment ceux qui se trouvent à son domicile personnel et professionnel ainsi que ceux qui se trouvent chez ses clients et revendeurs afin d’empêcher leur introduction ou leur commercialisation dans les circuits commerciaux
> ordonner le retrait immédiat des marchandises suscitées, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
> ordonner à l’encontre de Mme [L] et la société Ky Beauty 2 l’interdiction et à défaut la suspension :
* de toutes ventes en ligne directe ou indirecte via une société de distribution de e-commerce ainsi que celles réalisées via les réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram, TikTok, Pinterest, Snapchat, des produits de la marque “Minoa Professional” et tous autres produits dérivés notamment “Minoa Gloss & Collagen” sur tout le territoire français, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
* de toute publicité à travers ces mêmes réseaux sociaux de la marque “Minoa Professional” ou de tous autres produits dérivés sur tout le territoire français, sous astreinte de 500 euros par jour pris pour le retrait des publicités sous quel que forme et à travers tous supports que ce soit et notamment vidéos, photos des produits contrefaits
> condamner in solidum Mme [L] et la société Ky Beauty 2 au paiement de :
* 500 000 euros compte tenu de la perte financière engendrée par l’utilisation frauduleuse de la marque litigieuse
* 150 000 euros en réparation du préjudice d’image qu’elle a subi
* 50 000 euros en réparation du préjudice moral qu’elle a subi
> ordonner le blocage des comptes bancaires de Mme [L] et de la société Ky Beauty 2
> faire sommation à Mme [L] et la société Ky Beauty 2 de produire leurs documents bancaires
> ordonner la publication de la décision à intervenir intégralement ou par extrait dans cinq journaux ou magazines de son choix, le coût total de ces insertions ne pouvant excéder 10 000 euros à la charge de Mme [L] et de la société Ky Beauty 2
– en tout état de cause, condamner in solidum Mme [L] et la société Ky Beauty 2 à lui payer 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, dont distraction au profit de son avocat.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er juillet 2024, Mme [L] demande au tribunal de :- avant toute défense au fond
> déclarer nulle l’assignation délivrée à l’encontre de la société Ky Beauty 2
> déclarer la demande de revendication irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société 2K Cosmeticos Eireli
– au fond, débouter la société 2K Cosmeticos Eireli de ses demandes de revendication et de contrefaçon de la marque “Minoa Professional”
– condamner la société 2K Cosmeticos Eireli à payer une amende civile de 10 000 euros pour procédure abusive
– interdire à la société 2K Cosmeticos Eireli :
> l’usage de la dénomination “Minoa Professional”
> l’usage de toute autre dénomination dérivée dans le cadre de ses activités commerciales, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
> de vendre sur quel que support que ce soit et par quelque biais que ce soit les produits “Minoa Professional” et tous autres produits dérivés de sa marque sur tout le territoire français, sous astreinte de cinq cents euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
– ordonner la saisie à titre conservatoire de toutes les marchandises et produits dérivés de la marque “Minoa Professional” vendus par société 2K Cosmeticos Eireli qui se trouvent chez ses clients et revendeurs afin d’empêcher leur introduction ou leur commercialisation dans les circuits commerciaux
– ordonner le retrait immédiat des marchandises sus-citées, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir
– ordonner à l’encontre de société 2K Cosmeticos Eireli l’interdiction et à défaut la suspension :
> de toutes ventes en ligne directe ou indirecte via une société de distribution de e-commerce ainsi que celles réalisées via les réseaux sociaux tels que Facebook, Instagram, Tik Tok, Pinterest, Snapchat, des produits de la marque “Minoa Professional” et tous autres produits dérivés notamment “Minoa Gloss & Collagen”, sur tout le territoire français,
> de toute publicité à travers ces mêmes réseaux sociaux de la marque “Minoa Professional” et de tous autres produits dérivés sur tout le territoire français
> sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ou par jour pris pour le retrait des publicités sous quelque forme et à travers tous les supports que ce soit et notamment vidéos, photos des produits contrefaits
– condamner la société 2K Cosmeticos Eireli à lui payer 500 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices financier et moral qu’elle subi depuis mars 2022
– ordonner la publication intégrale de la décision à intervenir dans cinq journaux ou magazines de son choix le coût total de ces insertions ne pouvant excéder le montant de 10 000 euros à la charge la société 2K Cosmeticos Eireli
– condamner la société 2K Cosmeticos Eireli à lui payer 8000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

MOTIVATION

À titre liminaire, il sera rappelé que le tribunal ne peut statuer que sur des demandes non dépourvues de toute portée juridique. La demande de la société 2K Cosmeticos tendant à “lui réserver l’action civile prévue à l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881” étant dépourvue de toute portée juridictionnelle, la juridiction n’a pas à y répondre (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 16 juin 2016, n° 15-16.469).
1 – Sur la demande en nullité de l’assignation

Moyens des parties

Mme [L] soutient que l’assignation délivrée à la société Ky Beauty 2 est nulle compte tenu que cette société a cessé son activité depuis le 20 septembre 2023 et qu’elle a été radiée du RCS le 19 mars 2024.
La société 2K Cosmeticos répond que l’assignation a été délivrée le 15 mars 2024, soit avant la radiation de l’une des défenderesses du RCS, cette société pouvant conserver sa personnalité morale après clôture de la liquidation pour le règlement de ses dettes.
Réponse du tribunal

En application de l’article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :Le défaut de capacité d’ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

Selon l’article 118 du même code, les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Selon l’article R.123-136 du code de commerce, lorsque le greffier a porté au registre une mention de cessation d’activité en application de l’article R.123-125, il radie d’office la personne qui n’a pas régularisé sa situation, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de l’inscription de cette mention.
La radiation d’office d’une société du registre du commerce et des sociétés n’a pas pour effet la perte de sa personnalité morale, ni de mettre fin aux fonctions de son représentant légal (en ce sens Cour de casation, chambre commerciale, 20 février 2001, n° 98-16.842).
Au cas présent, la seule pièce versée aux débats relative à la situation de la société Ky Beauty 2 est un extrait de la base de données du registre national des entreprises de l’INPI au 16 juin 2024, mentionnant que cette société a été radiée le 19 mars 2024 (pièce Mme [L] n° 1). Elle dispose, de ce fait, toujours, de sa personnalité morale.
Dès lors, l’exception de nullité de l’assignation délivrée à la société KyBeauty2 doit être écartée.
2 – Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société 2K Cosmeticos

Moyens des parties

Mme [L] fait valoir que la société demanderesse, créée le 21 août 2019, n’est pas issue de la fusion avec la société K Scalco Cosmeticos, seule titulaire de la marque antérieure invoquée en demande, que l’objet social de cette dernière et celui de la défenderesse sont différents, et que cette autre société poursuit son activité postérieurement au changement de dénomination sociale argué en demande, en sorte qu’elles constituent deux personnes juridiques distinctes. Elle estime que la demanderesse ne démontre pas être titulaire de la marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” n° 916379590, dont seule la société K Scalco Cosmeticos est titulaire, ni de la marque brésilienne “Minoa Professional”, dont le dépôt enregistré le 26 octobre 2021 sous le n° 924710306 ne fait l’objet d’aucun certificat de propriété. Selon elle, à tout le moins, la modification de la forme juridique de la demanderesse lui est inopposable dans la mesure où le changement de titulaire n’a pas été enregistré au registre national des marques. Elle déduit de l’ensemble que la demanderesse est dépourvue de qualité et d’intérêt à agir.

La société 2K Cosmeticos oppose qu’elle n’est pas issue d’une fusion avec la société K Scalco Cosmeticos, mais d’un changement de dénomination sociale de cette dernière, sa personne juridique étant unique, de même que son numéro d’identification. Elle ajoute que les pièces qu’elle produit établissent qu’elle est la titulaire de la marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” n° 916379590 enregistrée le 17 septembre 2019 qu’elle invoque comme étant antérieure à la marque française semi-figurative “Minoa Professional” n° 4844474 et que l’absence d’actualisation du nom du titulaire n’est pas, selon elle, une condition de l’action en revendication, de sorte que son action est recevable.

Réponse du tribunal

L’article 31 du code de procédure civile dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

L’article 122 du même code prévoit que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

En l’espèce, la société 2K Cosmeticos verse également aux débats :- la traduction assermentée d’un acte du 21 août 2019 intitulé “constitution pour la transformation d’un entrepreneur en société inviduelle à responsabilité limitée”, mentionnant que “le nom de la société passera de K Scalco Cosmeticos à 2K Cosmeticos Eireli” et que “l’entreprise opère sous le nom 2K Cosmeticos Eireli” (sa pièce n° 1)
– la traduction assermentée d’un certificat d’enregistrement de la marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” n° 916379590 au nom de la société K Scalco Cosmeticos (sa pièce n° 2)
– la traduction assermentée de cinq décisions de justice brésilienne des 8 septembre 2022, 21 septembre 2023, 18 et 22 janvier et 13 mai 2024 reconnaissant la société 2K Cosmeticos comme titulaire de la marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” n° 916379590 (ses pièces n° 14, 20 et 21).

Ces pièces suffisent à établir que la société 2K Cosmeticos et la société K Scalco Cosmeticos forme la même personne juridique et que, de ce fait, elle est titulaire de la marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” n° 916379590 à compter de son dépôt. Il en résulte que la société 2K Cosmeticos justifie de sa qualité et d’un intérêt à agir en revendication de la marque française litigieuse.
La fin de non-recevoir opposée par Mme [L] sera, en conséquence rejetée.
3 – Sur la demande principale en revendication de marque

Moyens des parties

La société 2K Cosmeticos avance que le dépôt, le 16 février 2022, de la marque française semi-figurative “Minoa Professional” n° 4844474 par Mme [L], a été opéré en fraude de ses droits, en particulier du fait qu’elle détient des droits antérieurs sur ce signe pour être propriétaire de la marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” n° 916379590 enregistrée le 17 septembre 2019, ce que la défenderesse n’ignorait pas, non plus que son intention de développer son activité en France. Elle conteste que la défenderesse ait pris une part quelconque dans le développement de ses produits, ayant seulement opéré des commandes à compter de novembre 2020 en vue de commercialiser en France les produits qu’elle a conçus et fait fabriquer sous ses marques.
Mme [L] assure qu’elle a participé à de nombreux échanges avec un représentant de la société demanderesse pour aboutir à la conception des produits, de leur nom, du packaging, de leur forme, de la couleur, des prix et des conditions de mise sur le marché français, de sorte que le dépôt des deux marques françaises qu’elle a opéré et que la demanderesse n’ignorait pas, n’est que la concrétisation de leur partenariat. Elle ajoute que ce partenariat a pris fin en raison de la déloyauté de la demanderesse qui a démarché ses clients à son insu et qu’elle n’a fini par proposer le transfert de la marque française semi-figurative “Minoa Professional” n° 4844474 qu’à la suite des menaces de mort que la demanderesse a proféré à son encontre.
Réponse du tribunal

Selon l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

Aux termes de l’article L.712-6-1 du même code, si une marque protégée dans un Etat partie à la convention de Paris pour la protection industrielle a été enregistrée en France au nom de l’agent ou du représentant du titulaire de cette marque sans l’autorisation de son titulaire, ce dernier peut :1° S’opposer à l’usage de la marque par son agent ou représentant ;
2° Demander la cession de la marque à son profit.
Les dispositions qui précèdent ne s’appliquent pas si l’agent ou le représentant justifie sa démarche.
À moins que l’agent ou le représentant ne soit de mauvaise foi, l’action du titulaire se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.

L’article 6septies de la convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle prévoit que :1) Si l’agent ou le représentant de celui qui est titulaire d’une marque dans un des pays de l’Union demande, sans l’autorisation de ce titulaire, l’enregistrement de cette marque en son propre nom, dans un ou plusieurs de ces pays, le titulaire aura le droit de s’opposer à l’enregistrement demandé ou de réclamer la radiation ou, si la loi du pays le permet, le transfert à son profit dudit enregistrement, à moins que cet agent ou représentant ne justifie de ses agissements.
2) Le titulaire de la marque aura, sous les réserves de l’alinéa 1) ci-dessus, le droit de s’opposer à l’utilisation de sa marque par son agent ou représentant, s’il n’a pas autorisé cette utilisation.
3) Les législations nationales ont la faculté de prévoir un délai équitable dans lequel le titulaire d’une marque devra faire valoir les droits prévus au présent article.

La République fédérative du Brésil a adhéré à l’ensemble des dispositions de la convention de Paris du 20 mars 1883, modifiée en dernier lieu le 28 septembre 1979, pour la protection de la propriété industrielle et, en particulier, à ses articles 1 à 12 à compter du 24 novembre 1992.
L’action en revendication prévue par les dispositions précitées ne suppose pas la justification d’une utilisation publique antérieure du signe litigieux par la partie plaignante, mais la preuve de l’existence d’intérêts sciemment méconnus par le déposant (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 14 février 2012, n° 10-30.872).
Au soutien de sa demande en revendication de la marque française semi-figurative “Minoa Professional” n° 4844474, la société 2K Cosmeticos produit aux débats :- quatre attestations de personnes se présentant comme ses partenaires commerciaux et distribuant les produits de la marque “Minoa Professional” depuis juin 2020 en Irak, avril 2021 en Libye, décembre 2021 au Chili, mai 2021 à Oman (sa pièce n° 4)
– la traduction assermentée d’échanges de messages en portugais via l’application WhatsApp entre Mme [L] et un représentant de la société demanderesse des 23, 24 mars, 4, 12, 14 et 15 avril 2022 dont il ressort essentiellement que le dépôt de la marque litigieuse a été opéré à l’insu de la demanderesse et après que Mme [L] a découvert le démarcharge de ses clients par celle-ci (ses pièces n° 6 et 9)
– la traduction libre d’échanges de messages du même type du 27 novembre 2020 présentés comme les premiers contacts entre cette société et Mme [L], faisant ressortir que cette dernière est interessée par les produits commercialisés par la demanderesse, mais qu’elle souhaite des envois par petits colis afin d’éviter les contrôles douaniers (sa pièce n° 7)
– la traduction assermentée de ses factures du 14 mars 2022 portant mention de l’expédition de divers produits de la marque “Minoa Professional” à la société Ky Beauty 2 (sa pièce n° 10)
– plusieurs factures à son en-tête, d’août à octobre 2020, montrant l’exportation en France, à destination de différents ditributeurs, de produits de la marque “Minoa Professional” (sa pièce n° 17)
– sa facture du 8 novembre 2020 de produits de cette marque au nom de Mme [L] (sa pièce n° 18)
– un courrier d’invitation du 6 février 2021 qu’elle a adressé à Mme [L], la qualifiant de “ditributeur officiel en Europe de la marque Minoa” (sa pièce n° 29).

En vue de démontrer la légitimité de son dépôt de la marque semi-figurative française litigieuse, Mme [L] produit aux débats :- un constat de commissaire de justice du 14 novembre 2023 d’échanges de messages via WhatsApp entre elle et un représentant de la société 2K Cosmeticos du 11 février 2023 établissant la réalité des insultes reçues par Mme [L] (sa pièce n° 5)
– un constat de commissaire de justice du 13 juin 2024 d’échanges de messages via WhatsApp entre elle et un représentant de la société 2K Cosmeticos du 26 janvier au 9 février 2022 montrant que Mme [L] lui a proposé un nouveau packaging de contenant, qu’elle indique avoir payé la conception d’un site , qu’elle a proposé un changement des couleurs du packaging, ainsi qu’un désaccord sur le démarcharge de clients français directement par la société 2K Cosmeticos, suivi d’un désaccord sur la titularité du signe “Minoa Professional” après son annonce du dépôt de la marque litigieuse (sa pièce n° 6)
– un constat de commissaire de justice du 11 avril 2024 établissant que la société 2K Cosmeticos invite sur internet ses clients potentiels à créer leur marque pour commercialiser les produits qu’elle fabrique (sa pièce n° 17)
– deux factures à son en-tête des 22 mai et 30 juillet 2020 de vente de produits “Minoa Professional” à ses clientes (ses pièces n° 18 et 19)
– trois attestations rapportant le dénigrement et les menaces subis par elle courant 2022 de la part de la société 2K Cosmeticos sur les réseaux sociaux (sa pièce n° 24).

Il résulte de l’ensemble que Mme [L] a pris contact avec un représentant de la société 2K Cosmeticos le 27 novembre 2020 afin de revendre en France des produits de cette société commercialisés sous le signe “Minoa Professional”, puis qu’elle a développé une clientèle en France que la société 2K Cosmeticos a tenté de détourner à son profit, ce dont Mme [L] s’est rendue compte début février 2022. Les quelques propositions de stratégie commerciale de Mme [L] du début de l’année 2022 n’établissent pas qu’elle soit à l’origine du signe déposé au titre de la marque litigieuse.
Ainsi, le 16 février 2022, Mme [L] avait connaissance tant des droits de la société 2K Cosmeticos sur le signe “Minoa Professional”, que des intérêts commerciaux de cette société à la commercialisation de ses produits sous ce signe, à tout le moins en France. Son intention de porter atteinte aux intérêts commerciaux de la société 2K Cosmeticos en France est, de ce fait, établie.
Dès lors, la demanderesse est bien fondée à revendiquer la propriété de la marque française semi-figurative “Minoa Professional” n° 4844474 dont le transfert sera ordonné dans les termes du dispositif.
Par ailleurs, le tribunal relève que la société 2K Cosmeticos demande “le transfert à son bénéfice des droits de propriété intellectuelle enregistrés en France attachés à la marque “Minoa Professional” n° 4844474 et toutes autres marques dérivées” et fait référence dans ses autres demandes à ce concept de “marques dérivées” ou “dénominations dérivées”.
Toutefois, force est de constater qu’elle ne développe aucun moyen en fait et en droit au soutien de cette prétention qui, au demeurant, est indéterminée dès lors que les droits de propriété intellectuelle, marques dérivées ou dénominations dérivées dont s’agit ne sont identifiés ni dans la partie discussion, ni dans le dispositif de ses dernières conclusions, en sorte que celle-ci ne peut qu’être rejetée.
La société 2K Cosmeticos sera, en conséquence, déboutée du surplus de ses demandes en revendication de marques.
Enfin, étant fait droit à la demande principale en revendication de la société 2K Cosmeticos, sa demande subsidiaire en nullité de la marque litigieuse est sans objet.

4 – Sur la demande principale en contrefaçon de marque

Moyens des parties

La société 2K Cosmeticos estime que Mme [L] a commis une contrefaçon de sa marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” n° 916379590 par le dépôt de la marque française semi-figurative “Minoa Professional” n° 4844474, laquelle est de nature à tromper le public sur la provenance géographique des produits, alors qu’elle jouit d’une antériorité et d’un droit de priorité sur sa marque n° 916379590 au Brésil, que cette marque est notoire en Europe et que la défenderesse continue de vendre lesdits produits, notamment sur les réseaux sociaux, malgré la sommation de cesser qui lui a été adressée.
Mme [L] conteste toute contrefaçon, la demanderesse ayant, selon elle, détourné sa clientèle et n’étant pas titulaire de la marque française litigieuse, la marque brésilienne “O Minoa Professional” n° 916379590 qui lui est opposée appartenant à une société tierce et n’ayant aucun effet en France.
Réponse du tribunal

L’article 6bis de la convention de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété industrielle prévoit que :1) Les pays de l’Union s’engagent, soit d’office si la législation du pays le permet, soit à la requête de l’intéressé, à refuser ou à invalider l’enregistrement et à interdire l’usage d’une marque de fabrique ou de commerce qui constitue la reproduction, l’imitation ou la traduction, susceptibles de créer une confusion, d’une marque que l’autorité compétente du pays de l’enregistrement ou de l’usage estimera y être notoirement connue comme étant déjà la marque d’une personne admise à bénéficier de la présente Convention et utilisée pour des produits identiques ou similaires. Il en sera de même lorsque la partie essentielle de la marque constitue la reproduction d’une telle marque notoirement connue ou une imitation susceptible de créer une confusion avec celle-ci.
2) Un délai minimum de cinq années à compter de la date de l’enregistrement devra être accordé pour réclamer la radiation d’une telle marque. Les pays de l’Union ont la faculté de prévoir un délai dans lequel l’interdiction d’usage devra être réclamée.
3) Il ne sera pas fixé de délai pour réclamer la radiation ou l’interdiction d’usage des marques enregistrées ou utilisées de mauvaise foi.

L’article 6septies de la même convention dispose que :1) Si l’agent ou le représentant de celui qui est titulaire d’une marque dans un des pays de l’Union demande, sans l’autorisation de ce titulaire, l’enregistrement de cette marque en son propre nom, dans un ou plusieurs de ces pays, le titulaire aura le droit de s’opposer à l’enregistrement demandé ou de réclamer la radiation ou, si la loi du pays le permet, le transfert à son profit dudit enregistrement, à moins que cet agent ou représentant ne justifie de ses agissements.
2) Le titulaire de la marque aura, sous les réserves de l’alinéa 1) ci-dessus, le droit de s’opposer à l’utilisation de sa marque par son agent ou représentant, s’il n’a pas autorisé cette utilisation.
Décision du 25 Septembre 2024
3ème chambre 3ème section
N° RG 24/06035 – N° Portalis 352J-W-B7I-C42ET

3) Les législations nationales ont la faculté de prévoir un délai équitable dans lequel le titulaire d’une marque devra faire valoir les droits prévus au présent article.

La République fédérative du Brésil a adhéré à l’ensemble des dispositions de la convention de Paris du 20 mars 1883, modifiée en dernier lieu le 28 septembre 1979, pour la protection de la propriété industrielle et, en particulier, à ses articles 1 à 12 à compter du 24 novembre 1992.
L’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose que ne constitue pas une contrefaçon mais engage la responsabilité civile de son auteur l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, non autorisé par le titulaire d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle :1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ;
3° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la notoriété de la marque, ou leur porte préjudice.

Au cas présent, le transfert de la marque française semi-figurative “Minoa Professional” n° 4844474 a pour effet de rendre la société 2K Cosmeticos titulaire de cette marque à compter de son dépôt.
Par ailleurs, au soutien de la notoriété de sa marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” n° 916379590, la société 2K Cosmeticos verse aux débats quatre attestations de personnes se présentant comme ses partenaires commerciaux et distribuant les produits de la marque “Minoa Professional” depuis juin 2020 en Irak, avril 2021 en Libye, décembre 2021 au Chili, mai 2021 à Oman (sa pièce n° 4) outre les pièces analysées ci-avant au titre des relations commerciales entre les parties.
Ces pièces sont insuffisantes à démontrer la notoriété invoquée et, en conséquence, la société 2K Cosmeticos sera déboutée de ses demandes au titre de la responsabilité de Mme [L] pour l’usage, dans la vie des affaires de la marque brésilienne n° 916379590.
5 – Sur la demande principale en concurrence déloyale et en dénigrement

Moyens des parties

La société 2K Cosmeticos reproche à Mme [L] la mise en ligne d’un site , la commercialisation de produits identiques à ceux vendus sous sa marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional”n° 916379590 via les réseaux sociaux Facebook, Instagram et Tiktok et le discrédit qu’elle opère auprès des autorités douanières, des clients et des professionnels. Elle en déduit que Mme [L] tire indûment profit de la renommée de sa marque et porte atteinte à ses activités commerciales. Mme [L] réfute toute concurrence déloyale, assurant être légitime titulaire de la marque française semi-figurative “Minoa Professional” n° 4844474 et commercialisant des produits distincts de ceux de la demanderesse depuis la rupture de leurs relations commerciales.
Réponse du tribunal

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’article 1241 du même code énonce que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Selon à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit dans l’esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 10 juillet 2018, n° 16-23.694).
L’action en concurrence déloyale peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif, et il n’importe pas que les faits incriminés soient matériellement les mêmes que ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif, s’il en résulte une faute (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 juin 2008, n° 07-15.050).
Aux termes de l’article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.
Conformément à l’article 53 de la même loi, la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite.Si la citation est à la requête du plaignant, elle contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu’au ministère public.
Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite.

Par ailleurs, les atteintes à la réputation d’une personne, relevant de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, sont à distinguer de la mise en cause des produits et services d’une entreprise, relevant de la responsabilité délictuelle (en ce sens Cour de cassation assemblée plénière, 12 juillet 2000, n° 98-10.160 et 98-11.155). Les atteintes alléguées à l’image ou à la réputation d’une personne, constitutifs de diffamation, ne peuvent être poursuivis que sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, n° 18-18.939 et 18-18.944).
Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2019, n° 17-18.350).
Au cas particulier, le signalement abusif des produits de la société 2K Cosmeticos prétendument opéré par Mme [L] aux services des douanes est mentionné dans une publication du 13 avril 2022 sur un compte intitulé du réseau social Facebook (pièce 2K Cosmeticos n° 11). Toutefois, cette seule allégation est insuffisante à établir la réalité de ce signalement.
S’agissant du dénigrement dont elle fait état sur les réseaux sociaux, le constat précité du 6 juillet 2022 permet de relier le compte intitulé <[V] [Y]> à Mme [L], laquelle publie le 13 avril 2022 : “quel culot! La marque est déposer à l’INPI à mon nom, je l’ai signaler au douanes pour contrefaçon qui provient de 2K (…) ne leur faites pas confiance (…)” ; le 16 avril 2022 “(…) 2k vends du rêve encore (…) n’allez pas perdre votre argent pour rien 2k ne le vous rendra pas, ne vous faites pas avoir surtout!”, le 30 avril “Merci à tte les filles svp de signaler la page minoa professional France pr usurpation de la page [V] [Y]”, le 18 mai 2022 “(…) nous avons décidé de bannir le minoa à cause des brésiliens qui force (…) merci de bannir minoa vous aussi pour nous aidez face ses racoleurs qui forcent (…)” (même pièce).
Ces écrits attribués à Mme [L] ne sont pas constitutifs d’un dénigrement dans la mesure où ils ne visent pas les produits commercialisés par la société 2K Cosmeticos, mais sa personne elle-même ou des agissements qu’elle lui impute. Ils ne peuvent, dès lors, qu’être poursuivis sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, le tribunal n’en étant pas valablement saisi, à tout le moins, faute de produire la preuve d’une citation au ministère public.
Par ailleurs, la société 2K Cosmeticos ne produit aucune pièce démontrant la mise en ligne d’un site .
À l’inverse, la société 2K Cosmeticos verse aux débats un constat de commissaire de justice sur internet du 6 juillet 2022, mentionnant la commercialisation par Mme [L] de produits portant le signe “Minoa Professional” postérieurement à la rupture de leurs relations commerciales (sa pièce n° 11), dont cette dernière admet publiquement avoir pris connaissance par un message du 7 mars 2022 (pièce Mme [L] n° 17, pages 7 et 8).
La commercialisation, à compter du 7 mars 2022, par Mme [L] de produits cosmétiques portant le signe “Minoa Professional”, identique à ceux commercialisés en France par la société 2K Cosmeticos sous sa marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” n° 916379590 créé un risque de confusion au détriment de cette dernière.
En conséquence, Mme [L] a engagé sa responsabilité à l’égard de la société 2K Cosmeticos.
6 – Sur les mesures réparatrices

Moyens des parties

La société 2K Cosmeticos demande l’indemnisation du préjudice financier résultant de la diminution de son chiffre d’affaires en conséquence de l’impossibilité dans laquelle elle s’est trouvée de poursuivre la commercialisation de ses produits en France, celle du préjudice d’image résultant des propos diffamants de Mme [L] ou des injures provenant de toutes parts sous l’influence de cette dernière et celle de son préjudice moral subis du fait des investissements humains et financiers destinés à créer et maintenir son image de sa marque.
Mme [L] considère que la demanderesse n’a subi aucun préjudice compte tenu de la légitimité de sa titularité de la marque française litigieuse.
Réponse du tribunal

Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L’article 1241 du même code énonce que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Selon à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Un préjudice hypothétique ne donne pas lieu à indemnisation et le principe de la réparation intégrale implique une indemnisation du préjudice sans perte ni profit (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 28 juin 2012, n° 11-19.265 ; également, chambre commerciale, 12 février 2020, n° 17-31.614).
Il s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyale un trouble commercial constitutif de préjudice, fût-il seulement moral (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 3 mars 2021, n° 18-24.373).
Au soutien de sa demande d’indemnisation la société 2K Cosmeticos verse aux débats :- une traduction assermentée de ses exercices comptables de janvier à décembre 2022 montrant une volatilité du chiffres d’affaires entre chaque mois, sans tendance à la baisse, les mois les plus importants étant juin avec 592 939,80 reals, soit environ 95 275,22 euros, et décembre 2022 avec 337 016, 32 reals, soit environ 15 309,08 euros (sa pièce n° 32)
– le bilan comptable au 31 décembre 2021 de la société Ky Beauty 2 montrant qu’elle a réalisé sur l’année un chiffre d’affaires de 46 301 euros et une perte nette de 7031,62 euros (sa pièce n° 30).

Ces pièces ne permettent, toutefois, pas de démontrer le préjudice économique allégué, résultant de la concurrence déloyale en France à compter du 7 mars 2022, tant dans son principe que dans son étendue.
Néanmoins, la société 2K Cosmeticos a subi un préjudice moral résultant d’un trouble commercial, qui sera réparé par l’allocation de 5000 euros de dommages et intérêts que Mme [L] et la société Ky Beauty 2 seront condamnées à payer in solidum, le surplus des demandes indemnitaires étant rejeté.
Par ailleurs, du fait du transfert de la marque française n° 4844474 à la société 2K Cosmeticos, il sera également fait droit aux demandes d’interdiction d’usage en France du signe “Minoa Professional” par Mme [L] ou la société Ky Beauty 2, ainsi qu’aux demandes de retrait des marchandises ou produits commercialisés sous ce signe, en France, l’ensemble sous astreinte dans les termes du dispositif.
La marque n° 4844474 transférée étant un titre national, le surplus des demandes de la société 2K Cosmeticos visant les autres territoires européens sera rejeté.
Le surplus des demandes en blocage des comptes bancaires, en publication et en communication de documents bancaires des défenderesses sera rejeté, le préjudice étant intégralement réparé par les dommages et intérêts et les mesures ordonnées.
Enfin, si la société 2K Cosmeticos réclame “l’interdiction et à défaut la suspension de toutes ventes en ligne directe ou indirecte (…) de tous autres produits dérivés notamment minoa gloss & collagen (…)”, force est de constater qu’elle n’articule aucun moyen spécifique à ce signe dans ses conclusions. Sa demande à ce titre sera, en conséquence, rejetée.
7 – Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive

Moyen des parties

Mme [L] fait valoir que la demanderesse a usé de mauvaise foi de son droit d’agir, qu’elle a produit aux débats des attestations de complaisance, qu’elle a publié sur les réseaux sociaux la décision de rejet du juge des référés du 8 août 2023, qu’elle subit un harcèlement de la part de celle-ci sur les réseaux sociaux, ainsi qu’un dénigrement qui a conduit à la faillite de sa société Ky Beauty 2 et que la demanderesse usurpe la qualité de propriétaire de la marque litigieuse qu’elle a créée.
La société 2K Cosmeticos conclut à l’absence de tout abus, compte tenu du bien fondé de son action, tandis qu’au contraire elle est elle-même la victime du dénigrement de la défenderesse sur les réseaux sociaux.
Réponse du tribunal

En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
L’amende civile étant recouvrée au profit de l’État, les parties ne peuvent avoir aucun intérêt à son prononcé à l’encontre de l’adversaire et la demande de Mme [L] à ce titre est, en conséquence, irrecevable.
8 – Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

8-1 – S’agissant des frais du procès

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Mme [L] et la société Ky Beauty 2, parties perdantes, seront condamnées aux dépens, dont distraction au profit de l’avocat de la société 2K Cosmeticos.
Parties tenues aux dépens, elles seront condamnées in solidum à payer 10 000 euros à la société 2K Cosmeticos.

8.2 – S’agissant de l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’exécution provisoire de droit n’a pas à être écartée en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Écarte l’exception de nullité de l’assignation délivrée le 15 mars 2024 à la société Ky Beauty 2 soulevée par Mme [L] et la société Ky Beauty 2 ;

Écarte la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la 2K Cosmeticos soulevée par Mme [L] et la société Ky Beauty 2 ;

Ordonne la transfert de la propriété de la marque française semi-figurative “Minoa Professional” n° 4844474 à la société 2K Cosmeticos ;

Dit que la décision, une fois définitive, sera transmise à l’Institut national de la propriété industrielle par la partie la plus diligente aux fins d’inscription au registre national des marques ;

Interdit à Mme [L] et à la société Ky Beauty 2 tout usage en France du signe “Minoa Professional” de quelque manière que ce soit dans le délai de trente jours suivant la signification de la présente décision puis sous astreinte de 200 euros par jour pendant cent quatre-vingts jours ;

Ordonne à Mme [L] et à la société Ky Beauty 2, à leurs frais, le retrait des circuits commerciaux, en France, de tout produit ou service portant le signe “Minoa Professional” dans le délai de trente jours suivant la signification de la présente décision, puis sous astreinte de 200 euros par jour pendant cent quatre-vingts jours ;

Se réserve la liquidation de l’astreinte ;

Déboute la société 2K Cosmeticos de ses demandes sur le fondement de la contrefaçon de sa marque brésilienne semi-figurative “O Minoa Professional” n° 916379590 ;

Condamne Mme [L] à payer 5000 euros à la société 2K Cosmeticos à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ;

Déboute la société 2K Cosmeticos du surplus de ses demandes en indemnisation, en transfert de marques, en contrefaçon et en dénigrement ;

Déclare irrecevable la demande de Mme [L] en condamnation de la société 2K Cosmeticos à une amende civile ;

Condamne in solidum Mme [L] et la société Ky Beauty 2 aux dépens, avec droit pour Maître Sophie Hayrant-Gwinner, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont elle a fait l’avance sans recevoir provision ;

Condamne in solidum Mme [L] et la société Ky Beauty 2 à payer 10 000 euros à la société 2K Cosmeticos en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 25 septembre 2024

La greffière Le président
Lorine Mille Jean-Christophe Gayet


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