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Agent de sécurité : 11 octobre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 20/02317

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Agent de sécurité : 11 octobre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 20/02317

Arrêt n° 22/00646

11 Octobre 2022

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N° RG 20/02317 – N° Portalis DBVS-V-B7E-FMUG

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

25 Novembre 2020

19/00189

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

onze octobre deux mille vingt deux

APPELANTE :

Mme [AI] [L]

[Adresse 1]

Représentée par Me Emmanuelle SABATINI-GOEURIOT, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.A.S. MARIANNE INTERNATIONAL Prise en la personne de son représentant légal.

Immatriculée au RCS de Paris.

[Adresse 2]

Représentée par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

Mme [AI] [L] née en août 1990 a été embauchée le 5 mai 2016 par la société Marianne International en exécution d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel annualisé sur une moyenne de 32 heures hebdomadaires (138,66 heures mensuelles) en qualité de médiateur polyvalent, statut employé niveau 2, coefficient E 160 avec application de la convention collective des prestataires de service dans le secteur tertiaire du 13 août 1999.

Elle a occupé ses fonctions au sein du centre Georges [4] à [Localité 3].

Au mois de janvier 2017, Mme [AI] [L] a subi une intervention chirurgicale consistant en la pose d’un « by-pass » intestinal. Elle a été placée en arrêt de travail jusqu’au 9 mai 2017.

Plusieurs visites auprès de la médecine du travail ont été organisées les 9 mai 2017, 26 juin 2017, 12 septembre 2017, 11 décembre 2017, et 9 février 2018. Dans le cadre de ces visites, le médecin du travail a préconisé diverses mesures d’aménagement du poste de travail de Mme [L], pour lui permettre notamment des prises alimentaires régulières.

Par lettre du 6 avril 2018 Mme [AI] [L] a été convoquée à un entretien préalable à licenciement disciplinaire fixé au 16 avril 2018, puis a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre en date du 28 avril 2018 pour faute simple pour avoir le 1er avril 2018 à 10 heures tenu des propos agressifs et déplacés envers M. [G] [B], agent de sécurité au sein du centre [4] [Localité 3], en présence du public et d’autres médiateurs. Mme [L] a été dispensée de l’exécution de son préavis.

Mme [AI] [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz par requête enregistrée le 14 mai 2019, en réclamant les sommes de 10 920,24 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, 3 746,88 euros de rappel de salaire outre 374,68 euros de congés payés afférents au titre de la requalification du temps partiel annualisé en temps plein, 10 920,24 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail, et 10 920,24 euros au titre du préjudice moral.

Le conseil de prud’hommes de Metz a, par jugement en date du 25 novembre 2020, statué comme suit :

‘Dit que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [L] [AI] est bien confirmé.

Ne requalifie pas le contrat de travail à temps partiel en temps plein.

Condamne la SAS Marianne International, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [L] [AI] les sommes suivantes :

– 320,65 € au titre du rappel d’heures complémentaires pour l’année 2016.

– 32,06€ au titre des congés payés afférents.

N’ordonne pas l’exécution provisoire sur l’intégralité de la condamnation du présent jugement, hormis les dépens, conformément aux dispositions de l’article 515 du Code de Procédure Civile.

Déboute Mme [L] [AI] du surplus.

Déboute la SAS Marianne International de ses demandes reconventionnelles.

Dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens.”

Mme [AI] [L] a régulièrement interjeté appel, par déclaration électronique du 21 décembre 2020, des dispositions de cette décision.

Dans des conclusions récapitulatives et responsives n° 1 datées du 6 septembre 2021, Mme [AI] [L] sollicite l’infirmation du jugement déféré et demande à la cour de statuer comme suit :

‘Infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société Marianne International de ses demandes reconventionnelles, en ce qu’il a :

« Dit que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [L] [AI] est bien confirmé.

Ne requalifie pas le contrat de travail à temps partiel en temps plein.

Condamne la SAS Marianne International, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [L] [AI] les sommes suivantes :

– 320,65€ au titre du rappel d’heures complémentaires pour l’année 2016.

– 32,06 € au titre des congés payés afférents.

N’ordonne pas l’exécution provisoire sur l’intégralité de la condamnation du présent jugement, hormis les dépens, conformément aux dispositions de l’article 515 du code de procédure civile.

Déboute Mme [L] [AI] du surplus.

Déboute la Sas Marianne International de ses demandes reconventionnelles.

Dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens. »

Statuant à nouveau

Requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Requalifier le contrat de travail à temps partiel annualisé en temps plein.

Dire et juger que l’employeur a manqué à son obligation de loyauté dans l’exécution du contrat de travail.

Dire et juger que Mme [L] [AI] a été victime de harcèlement moral.

En conséquence,

Condamner Marianne International à verser à Mme [L] [AI] la somme de 10 920,24 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner Marianne International à verser à Mme [L] [AI] la somme de 3 746,88 € à titre de rappel de salaire au titre de la requalification du temps partiel annualisé en temps plein, ainsi que 374,68 € de congés payés y afférents.

Condamner Marianne International à verser à Mme [L] [AI] la somme de 10 920,24 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail.

Condamner Marianne International à verser à Mme [L] [AI] la somme de 10 920,24 € au titre du préjudice moral.

Condamner Marianne International à verser à Mme [L] [AI] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure Civile, ainsi qu’aux entiers frais et dépens d’instance”.

Mme [L] soutient que la rupture de son contrat n’a été précédée d’aucune sanction disciplinaire. La salariée conteste le caractère fautif de son comportement à l’égard de l’agent de sécurité M. [B] ; elle pointe une incohérence quant à la date des faits, et elle réfute la pertinence des éléments auxquels se rapporte l’employeur, qui consistent notamment en des témoignages de salariés placés sous la subordination de l’employeur.

Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, Mme [L] observe que son contrat ne fait nullement mention de la répartition des horaires de travail sur la semaine ou sur le mois, et que lors de son embauche il n’existait aucun accord collectif relatif à l’aménagement du temps de travail ; elle conteste la pertinence des éléments produits par l’employeur au soutien de la communication des plannings de travail à l’avance.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail, Mme [L] [AI] soutient qu’elle a subi de nombreux désagréments qui lui ont porté préjudice.

Sur le harcèlement moral, Mme [L] [AI] soutient qu’elle a été victime d’une mise à l’écart, et qu’elle a été régulièrement la cible de ses collègues de travail ; des rumeurs négatives ont circulé en permanence à son sujet, et elle s’est sentie particulièrement dévalorisée.

Mme [L] conteste la pertinence des attestations produites par l’employeur, les témoins étant sous sa subordination de sorte que leur récit perd toute crédibilité.

Mme [L] observe qu’une plainte préalable n’est pas une condition de recevabilité d’une demande de réparation pour harcèlement moral ; l’employeur produit un accord collectif portant sur la mise en place d’un dispositif d’alerte professionnelle, qui a été signé le 2 avril 2018 et qui devait entrer en vigueur le lendemain des formalités de dépôt et pour une durée de 3 ans. Mme [L] considère que les preuves du dépôt de l’accord ne sont pas produites aux débats, de sorte qu’il est impossible aux juges du fond de s’assurer de l’entrée en vigueur effective de l’accord ; de la même manière, les modalités de diffusion auprès des salariés des clauses de l’accord ne sont pas connues, et Mme [L] rappelle qu’elle a été licenciée le 27 avril 2018.

La société Marianne International a déposé des conclusions d’appel partiel incident datées du 11 juin 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de statuer comme suit :

‘Dire et juger Mme [L] mal fondée en toutes ses demandes, moyens, fins et conclusions ;

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Metz le 25 novembre 2020 en ce qu’il :

« Dit que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [L] [AI] est bien confirmé,

Ne requalifie pas le contrat de travail à temps partiel en temps plein,

Déboute Mme [L] [AI] du surplus ».

Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Metz le 25 novembre 2020 pour le surplus,

En conséquence,

Débouter Mme [L] de l’intégralité de ses demandes”.

Sur le caractère réel et sérieux du licenciement, la société Marianne International observe que si la lettre de licenciement comporte une erreur matérielle, la datation dans la lettre de licenciement des faits invoqués à l’encontre du salarié n’est pas impérative dès lors que la notification énonce des griefs précis et matériellement vérifiables. Elle considère que les éléments produits par elle, soit le compte rendu de l’incident du 1er avril 2018 rédigé par M. [G] [B] ainsi que les témoignages des collègues également médiatrices polyvalentes, soit [V] [E] et [N] [Y], démontrent la réalité du comportement agressif et totalement inacceptable de Mme [L], qui a pourtant bénéficié en novembre 2016 d’une formation sur la gestion apaisée des conflits.

La société Marianne International soutient que Mme [L] avait déjà reçu un avertissement daté du 23 janvier 2017 pour le non-respect de ses obligations contractuelles, et que le comportement de Mme [L] n’est pas un fait isolé, comme l’indiquent ses collègues Mmes [E] et [Y] ainsi que des salariés de la société Sécurite CPM.

La société intimée se prévaut des témoignages de :

– Mme [M] [CH], qui indique : « Elle (Mme [L]) se montrait volontiers inutilement caustique, agressive, donneuse de leçons et globalement n’était pas d’une compagnie agréable à tel point que les médiateurs finissaient par l’éviter (par exemple lors des pauses déjeuner). Tout était prétexte à se plaindre et à ne pas s’inscrire dans un fonctionnement soudé qui était globalement celui du reste de l’équipe » (sa pièce n° 21).

– Mme [N] [Y], qui précise : « Le ton employé pouvait se montrer méprisant ou agressif, que ce soit avec l’équipe ou les visiteurs. [AI] ne se dérangeait pas également d’effectuer des critiques sur les visites réalisées par l’ensemble de ses collègues. [AI] se positionnait toujours en victime, quelle que soit la situation » ( sa pièce n° 27)

– Mme [H] [U] qui fait référence aux : « Sautes d’humeur ou propos parfois agressifs à l’égard de ses collègues » (sa pièce n° 20).

S’agissant de la demande de Mme [L] de rappel de salaire au titre de la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, la société Marianne International indique que l’aménagement du temps de travail en son sein est organisé par un accord d’entreprise affiché dans l’entreprise sur les panneaux de communication prévus à cet effet et se trouvant dans le bureau Marianne International, auquel tous les salariés de la société ont accès ; cet accord a été signé le 9 mai 2017, et prévoit en son article 4.1 son application rétroactive à compter du 1er janvier 2017 pour une durée indéterminée.

La société Marianne International fait valoir que Mme [L] a été régulièrement destinataire de plannings de travail, qu’elle se vantait d’ailleurs régulièrement auprès de ses collègues de travail d’avoir des plannings « sur mesure » et « à la carte », et qu’elle était donc en mesure de prévoir son emploi du temps.

La société intimée ajoute que le quantum de la demande de rappel de salaire formulée par Mme [L] est erroné puisqu’elle fait notamment fi des périodes de congés payés dont elle a bénéficié et de ses nombreux arrêts de travail.

Subsidiairement, la société Marianne International observe concernant la période de mai à décembre 2016 (antérieure à l’application de l’accord d’entreprise sur l’aménagement du temps de travail) et au vu des plannings de travail de Mme [L], cette dernière a effectué 26 heures 30 complémentaires soit une somme de 320,65 euros que la société Marianne International a été condamnée par les juges de première instance à payer à la salariée, outre les congés payés afférents de 32,06 €. Concernant les années 2017 et 2018, la société Marianne International observe que pour déclencher des heures complémentaires Mme [L] aurait dû effectuer (en prenant en compte ses périodes d’arrêt et de mi-temps thérapeutique) pour 2017 608 heures (alors qu’elle n’en a travaillé que 398,95) et pour 2018 416 heures (alors qu’elle n’en a travaillé que 378).

Concernant les dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat, la société Marianne International évoque chaque illustration mentionnée par la salariée et soutient que de manière générale, Mme [L] ne démontre pas l’existence d’un comportement volontairement nuisible de son employeur à son égard, ni l’existence d’un quelconque préjudice en résultant.

S’agissant des dommages intérêts pour le préjudice moral subi du fait d’un harcèlement moral, la société Marianne International considère que Mme [L] se limite à des affirmations.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

SUR CE, LA COUR

Sur le bien fondé du licenciement de Mme [AI] [L]

Il est constant que Mme [AI] [L] a été embauchée par la société Marianne International en qualité de médiatrice polyvalente statut employé niveau II coefficient E160 au centre [4] à [Localité 3] avec une rémunération mensuelle brute lissée sur l’année correspondant à un horaire hebdomadaire de 32 heures pour un salaire mensuel brut de 1 664 €, et avec application de la convention collective des prestataires de services.

Mme [AI] [L] a été convoquée par courrier daté du 6 avril 2018 à un entretien préalable à licenciement fixé au 16 avril 2018 auquel Mme [L] s’est présentée en étant assistée d’un membre de la délégation unique du personnel.

Par un courrier en date du 27 avril 2018 de six pages, qui expose les griefs mais également les vicissitudes du déroulement de la relation contractuelle, Mme [AI] [L] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :

«’.Notre entretien (entretien préalable) a duré de 12h30 à 14h05.

Nous avons évoqué les faits qui nous ont conduits à organiser cette convocation et notamment les problèmes comportementaux que nous avons à déplorer tant spécifiquement en date du 31 mars 2018 que de façon générale comme il est détaillé infra.

Chaque matin, les galeries sont ouvertes par les agents de sécurité du prestataire SGP qui officient tout comme nous au centre et avec lequel nous entretenons une bonne relation, partageant un même objectif de qualité d’accueil des publics au service d’un même client.

Cette procédure d’ouverture, connue de tous, est usuelle et n’appelle pas de difficulté particulière.

Or le dimanche 31 mars à 10h, l’agent de sécurité en fonction ce jour-là ([G] [B]) éprouve une difficulté technique à ouvrir les portes de la grande nef. Il y parvient finalement mais fait l’objet de propos agressifs et déplacés de votre part, et en présence du public et d’autres médiateurs.

Ce comportement est pour l’intéressé suffisamment blessant pour qu’il en informe sa hiérarchie et notre chef d’équipe en fonction ce jour-là qui nous relate l’incident par mail :

« Bonjour monsieur Chalon, 

Ce dimanche 31/03 à 10h (ouverture de la GN), [AI] s’est heurtée verbalement avec un agent de sécurité [G]. Elle lui a mal parlé et s’est adressée à lui de manière incorrecte. Le responsable sécurité est venu me voir rapidement pour en discuter. Il a bien insisté sur le fait que cela ne pouvait plus durer car ce n’est pas la première fois que cela arrive. Son comportement envers les agents de sécurité est inacceptable, eux-mêmes ne supportent plus la manière dont elle leur parle.

N’hésitez pas à revenir vers moi pour plus d’informations. Bien à vous, [H].( » ).

Dans les 48 heures qui suivent, [I] [K], directrice des publics du centre, nous interpelle également sur le sujet à travers un mail :

« Bonjour [S],

Je vous remercie pour votre message

Vous trouverez en pièce jointe l’attestation de l’équipe de sécurité.

Effectivement, l’attitude semble clairement déplacée.

Pouvez-vous nous informer des suites à donner à cet incident ‘

Le responsable de la sécurité, monsieur [P] est également en copie de ce message.

Je vous en remercie ».

Nous avons donc établi le 4 avril 2018 un contact téléphonique avec Mr [P] qui s’est lui aussi plaint de votre comportement et a indiqué que les agents n’avaient aucun souci relationnel avec l’équipe de médiation sauf avec vous et que vous concernant, les plaintes ou signalements des agents (propos méprisants et ton déplacé) étaient récurrents.

Vous vous êtes étonnée de ce retour et nous avez indiqué entretenir avec les agents de sécurité de très bonnes relations et avez indiqué que le témoignage de Mr [B] n’avait aucune valeur car il entretenait une relation personnelle avec l’une des médiatrices de l’équipe (Mlle [N] [Y]). Or quelle que soit la véracité de cette déclaration, nous ne voyons pas en quoi ceci invalide le témoignage de monsieur [B], celui-ci étant de surcroit convergent avec les témoignages établis à cette occasion par ses collègues, tous pointant votre agressivité à l’occasion des contacts ou échanges que vous avez avec eux en galeries :

Témoignage de Mr [FF] [D]

Témoignage de Mr [C] [LE]

Témoignage de Mr [O] [T]

Témoignage de Mr [O] [W]

Cette attitude est à nos yeux parfaitement inconvenante surtout dans les fonctions qui sont les vôtres ; je rappelle à cet égard que la médiation culturelle est un métier « face public » et qu’à ce titre il vous appartient d’avoir un comportement courtois avec l’ensemble de vos interlocuteurs qu’il s’agisse de visiteurs ou de collaborateurs du centre ou des prestataires du centre. C’est la raison pour laquelle parmi les modules de formation dispensés lors de l’ouverture du marché, figurait un module de « gestion apaisée des conflits » dont je rapporte ici un court extrait :

Eviter d’entrer dans l’escalade verbale : Dédramatiser la situation – Ecouter son interlocuteur -Etre empathique (comprendre les raisons de l’autre) – S’expliquer, se renseigner – S’exprimer calmement – Eviter les mots négatifs ou agressifs – Avoir des gestes ouverts – S’excuser si part de responsabilité et rassurer – Ne pas « en rajouter ».

Or votre comportement ne respecte en rien ces quelques règles de bon sens, et ce non pas de façon isolée (ce qui en soi n’aurait pas un caractère de gravité) mais de façon réitérée.

[‘] Compte tenu de l’ensemble des faits qui vous sont reprochés, nous vous notifions votre licenciement pour faute simple’».

Mme [AI] [L] a été dispensée de l’exécution de son préavis qui lui a été rémunéré.

En vertu de l’article L 1235-1 du code du travail, le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur est apprécié par le juge au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Mme [AI] [L] conteste tant la teneur que le caractère fautif du comportement qui lui a été reproché par la société Marianne International à l’encontre de l’agent de sécurité M. [G] [B].

Mme [L] note à titre préliminaire que la lettre de licenciement comporte une erreur quant à la date des faits ; en effet le courrier de rupture fait état d’une altercation survenue le 31 mars 2018 à 10 heures, alors que celle-ci s’est produite le dimanche 1er avril 2018, ce que confirme la société intimée. Il importe toutefois que les faits invoqués par l’employeur à l’encontre du salarié dans la lettre le licenciement soient matériellement vérifiables, et en l’espèce Mme [L] corrige elle-même la date de l’incident.

Mme [L] considère que l’incident du 1er avril 2018 ne s’est pas déroulé devant les visiteurs, alors que le courrier de licenciement mentionne la « présence du public » et l’employeur ne démontre pas la réalité de sa présence lors de la formation censée éviter des situations conflictuelles.

Au soutien des manquements imputables à la salariée, la société Marianne International rappelle que les faits du 1er avril 2018 reprochés à Mme [L] se sont produits au moment de l’ouverture des portes au public, et l’intimée verse aux débats :

– le compte-rendu de l’agent de sécurité M. [B] qui relate que « Lors de la ronde d’ouverture aux publics le dimanche 1er avril 2018 à 10h00, l’ASI [B] procédant à l’ouverture des galeries est pris à partie par une médiatrice de la société Marianne International ([L] V) qui lui reproche de ne pas réussir à ouvrir la porte de la grande nef.

« Théo lui a réussi ! Tu ne sais pas faire ton travail ! » bien entendu ceci a été dit à haute voix, devant les employés de la société Marianne international et de plusieurs visiteurs sur un ton insolent.

L’ASI [B] n’a pas rétorqué et décide de prévenir le PCS pour l’avertir de la situation (voir rapport d’incident numéro 152).

En concertation avec le chef de poste, celui-ci décide de faire le tour par le coté support pour pouvoir ouvrir la porte.

A l’ouverture de la porte, la médiatrice [L] V se voit bousculée par la porte, en effet celle-ci se trouvait derrière la porte. C’est à ce moment que la médiatrice s’en reprend a l’ASI en lui signalant violemment « de faire attention et que celui-ci ne sait pas faire son travail » en présence du public et des médiateurs toujours présents.

Suite à cette altercation l’ASI [B] prévient son chef de poste Carlisi J, qui prévient immédiatement la chef d’équipe de la société Marianne International. » ;

– le témoignage d’une collègue de travail (médiatrice polyvalente), Mme [V] [E], qui atteste : « J’ai été recruté par Marianne en mai 2016 pour occuper des fonctions de médiatrice polyvalente. Conformément à mon planning, j’étais présente au centre le dimanche 1er avril 2018 et ai assisté à l’altercation entre [AI] [L] et [G] [B], l’agent de sécurité en charge de l’ouverture des salles ce jour-là. S’il est vrai qu’il a ouvert une porte derrière laquelle [AI] se trouvait, d’une part il ne l’a pas blessée, d’autre part elle s’est adressée à lui de manière agressive (voix forte et ton méprisant) que ce seul incident ne justifiait nullement ; l’agent de sécurité s’acquittait juste des tâches quotidiennes qui sont les siennes pour remplir les procédures d’ouverture du musée au public, et s’est trouvé agressé assez injustement à mes yeux car il n’y avait pas matière à créer un problème pour cela »

– le témoignage d’une collègue de travail ayant également des fonctions de médiatrice polyvalente, Mme [N] [Y] qui a également été recrutée en mai 2016 et qui relate que « Comme me l’indiquait mon planning, j’étais présente le dimanche 1er avril 2018 et ai assisté à l’altercation entre [AI] [L] et [G] [B] (actuel conjoint). En tant qu’agent de sécurité, M. [B] a, comme ses consignes le lui indiquent, ouvert les galeries ce dimanche matin. La porte étant bloquée de l’extérieur, nous patientions tous (les médiateurs), attendant l’ouverture de la salle. Lorsque M. [B] ouvrit la porte, il percuta Mlle [L] qui stationnait derrière celle-ci tout en sachant que la porte posait problème et serait ouverte dans les minutes qui suivaient. [AI] s’est alors emportée de manière virulente et injustifiée. M. [B] s’est excusé et a demandé pourquoi stationnait-elle justement derrière cette porte à ce moment précis. Mlle [L] a alors continué de s’en prendre à lui ».

Au soutien de l’importance du caractère fautif du comportement de Mme [L], la société Marianne International rappelle la nature des obligations contractuelles de l’intéressée, qui sont notamment de « développer et maintenir une attitude positive en cherchant en permanence à rendre un service de meilleure qualité à la clientèle », et pour lesquelles Mme [L] a bénéficié d’une formation sur la gestion apaisée des conflits (novembre 2016). La cour retient que si l’appelante met en doute sa participation à cette formation, son ancienne collègue de travail Mme [U] atteste qu’elle en a bien bénéficié.

La société Marianne International fait également valoir que Mme [L] a déjà reçu un avertissement daté du 23 janvier 2017 pour le non-respect de ses obligations contractuelles (usage de son téléphone portable pendant son temps de travail), et que lors de la notification de cette sanction il lui a été expressément demandé « d’adopter rapidement une attitude plus positive et de respecter les consignes ».

La société Marianne International souligne encore que Mme [L] avait déjà par le passé adopté un comportement inadapté à l’égard des membres de la société Sécurité CPM, dont le responsable de sécurité M. [P], dès lors qu’il a été informé de l’incident du 1er avril 2018 par son agent M. [B], en a fait part à la chef d’équipe de Mme [L], en évoquant des difficultés relationnelles résurgentes entre les membres de son équipe et Mme [L].

L’employeur produit en ce sens les écrits rédigés par trois membres de la société de sécurité. Ainsi M. [O] [W], référent site de la société Securite Cpm, mentionne dans un courriel que « Mme [L] a manqué de respect à plusieurs reprises à certains agents de sécurité incendie et cela semble empirer avec le temps. Je veux également vous signaler que [AI] m’a déjà fait des réflexions désobligeantes lors de la ronde fermeture site, en se plaignant de notre arrivée ‘trop tardive’ pour fermer la salle d’exposition. En tant que référent sécurité site, je répète constamment à mon équipe qu’ils n’ont aucune autorité sur le travail des employés «Marianne International » et je leur explique que cela fonctionne dans les deux sens. J’espère que cela ne se reproduira plus, pour que l’entente et la collaboration entre les deux entités perdurent dans le temps ». M. [O] [T] relate que « Suite au mauvais comportement de Mme [L] envers mon collègue M. [B] survenu le 01 avril 2018 j’ai l’honneur de vous rendre compte que cette même personne a eu un comportement similaire avec moi il y a plus d’un an. En effet ce jour-là, nous avions eu un problème d’ouverture de porte et Mme [L] était à l’intérieur de la galerie lorsque la porte refusa de s’ouvrir, elle demanda à l’agent de sécurité de la galerie de l’ouvrir mais en vain celui-ci nous contacta. Je me suis rendu sur place afin de voir le problème c’est à ce moment que j’ai vu Mme [L] en train de forcer la porte pour pouvoir l’ouvrir. Je lui ai dit par mesure de sécurité que « c’était à moi d’ouvrir afin d’éviter qu’elle se blesse ou que la porte soit dégradée ». A ce moment-là Mme [L] me répondit sèchement « c’est bon je sais ouvrir une porte ». Je n’ai pas répondu à cette remarque et je suis parti au PC Sécurité afin de rendre compte à mon chef de poste ». M. [LE] évoque également que « Lors de mon arrivée au sein du centre, Mme [L] [AI] a critiqué plusieurs fois ma personne pendant mon poste en galerie. Des réflexions répétées qui ont duré un certain temps ». M. [FF] [D] relève le « ton hautain » de Mme [L].

L’employeur se prévaut encore des témoignages des deux collègues de Mme [L]. Mme [E] précise que Mme [L] « était assez coutumière de propos clivants ou agressifs », et Mme [Y] indique que « [AI] faisait preuve d’impulsivité, de méchanceté et propos déplacés envers les membres de l’équipe. Elle se vantait régulièrement des « privilèges » dus à sa situation particulière, déformait de nombreux propos selon l’interlocuteur et faisait preuve d’un fort égocentrisme. [‘] Le ton employé pouvait se montrer méprisant ou agressif, que ce soit avec l’équipe ou les visiteurs. [AI] ne se dérangeait pas également d’effectuer des critiques sur les visites réalisées par l’ensemble de ses collègues. [AI] se positionnait toujours en victime, quelle que soit la situation ».

Il ressort de ces éléments versés aux débats par la société Marianne International que la réalité du comportement fautif de Mme [L] le 1er avril 2018 est démontrée. La cour relève au titre de l’appréciation de sa gravité que les faits à l’origine de la procédure disciplinaire initiée par la société Marianne Internationnal sont la suite d’attitudes inadaptées résurgentes de la salariée à l’encontre des agents de sécurité d’une autre société intervenante sur le site du Centre [4], et qui ont été à ce point perturbatrices que le responsable de site de la société Sécurité CPM a sollicité l’intervention de la hiérarchie de Mme [L] pour remédier à cette situation.

Aussi les seules contestations émises par l’intéressée quant au contenu des éléments rapportés tant par les salariés de la société de sécurité que par ses propres collègues sont vaines, et ne tiennent qu’à son appréciation subjective de son propre comportement, qu’elle estime exempt de tout reproche.

En conséquence la rupture des relations contractuelles imputable au comportement fautif de la salariée est justifiée, et le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu que le licenciement disciplinaire de l’intéressée est fondé.

Les prétentions de Mme [AI] [L] au titre de la rupture de son contrat de travail seront également rejetées à hauteur de cour.

Sur la requalification du contrat de travail à temps plein

Mme [AI] [L] soutient que son contrat de travail ne mentionne pas la répartition des horaires de travail sur la semaine ou sur le mois, qu’il ne fait pas état des motifs justifiant une modification de la répartition des horaires de travail, et que le temps partiel annualisé n’est possible que dans le cadre d’un accord collectif.

Il est constant que Mme [L] a été employée à temps partiel pour une durée hebdomadaire moyenne de 32 heures avec un temps de travail défini à l’article 5 de son contrat de travail comme suit :

« Les missions confiées à l’activité de la société requièrent une grande amplitude de travail et une souplesse d’organisation. Le salarié, en s’engageant auprès de la société, en a connaissance et en accepte les conséquences.

Dans le cadre de cette organisation du travail, le salarié bénéficiera d’une rémunération brute mensuelle lissée sur l’ensemble de l’année correspondant à un horaire hebdomadaire moyen de 32 heures. Si le salarié devait entrer et/ou sortir de la société au cours de la période annuelle de référence, la durée moyenne hebdomadaire sera calculée et régularisée sur la période travaillée.

Le salarié est donc soumis à l’aménagement du temps de travail mis en place dans l’entreprise qui consiste qui à calculer son temps de travail sur l’année avec des semaines de haute et de basse activité selon un planning variable qui lui sera communiqué en avance et qui sera susceptible de modification. Cette modification sera notifiée au salarié dans un délai de 7 jours ouvrés réduit à 3 jours en cas de circonstances exceptionnelles.

Si ce délai de prévenance est respecté, le salarié ne pourra refuser le changement de planning sans commettre une faute.

Un document de suivi des horaires du salarié lui sera remis en fin d’année, ce document servant de base pour régulariser les éventuelles heures supplémentaires.

En raison de la spécificité des taches visées au présent contrat, le salarié s’engage à assurer la continuité du service en cas de retard ou d’absence inopinée de l’un de ses collègues. ».

Selon l’article L. 3123-14 1° du Code du travail, dans sa version applicable au présent litige, « Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2°Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies les heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.».

Le contrat écrit du salarié à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, la durée mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

En vertu des dispositions de l’article L 3123-25 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par un avenant au contrat de travail, d’augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat. Par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 3123-17, les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l’avenant donnent lieu à une majoration de salaire qui ne peut être inférieure à 25 %. ». Cette convention ou accord détermine :

– les catégories de salariés concernées ;

– les modalités selon lesquelles la durée du travail est décomptée ;

– la durée minimale de travail pendant les jours travaillés, seule une convention ou un accord collectif de branche étendu peut prévoir plus d’une interruption supérieure à deux heures ;

– les limites à l’intérieur desquelles les horaires de travail peuvent varier, l’écart entre chacune de ces limites et la durée stipulée au contrat de travail ne pouvant excéder le tiers de cette durée ;

– les modalités selon lesquelles le programme indicatif de la répartition de la durée du travail est communiqué par écrit au salarié ;

– les conditions et les délais dans lesquels les horaires de travail sont notifiés au salarié ;

– les modalités et les délais selon lesquels ces horaires peuvent être modifiés, cette modification ne pouvant intervenir moins de sept jours après la date à laquelle le salarié a été informé ; ce délai peut être réduit à trois jours par convention ou accord collectif de branche étendu.

Le texte conventionnel peut prévoir que la rémunération mensuelle des salariés est indépendante de l’horaire réel et est calculée dans les conditions prévues par la convention ou l’accord.

Il en résulte que le contrat de travail à temps partiel annualisé conclu malgré l’absence d’une telle convention ou d’un tel accord collectif est illicite, et qu’il doit être requalifié en contrat de travail à temps complet. Aussi l’employeur ne peut, pour éviter la requalification, rapporter la preuve que le salarié ne se trouvait pas à sa disposition constante ; en d’autres termes, en cas d’absence d’accord collectif le contrat n’est pas présumé de manière simple à temps complet, mais il est automatiquement requalifié en contrat de travail à temps complet.

La société Marianne International se prévaut des dispositions de l’article L 3123-1 du code du travail telles que modifiées par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, et se prévaut de l’application d’un accord d’entreprise signé le 9 mai 2017 portant sur l’aménagement du temps de travail et qui prévoit en son article 4.1. l’application rétroactive de ses dispositions à compter du 1er janvier 2017.

Il convient cependant de relever que le contrat de travail de Mme [AI] [L] a pris effet le 5 mai 2016, soit avant l’application des dispositions légales précitées et avant l’accord d’entreprise du 9 mai 2017 auquel se rapporte l’employeur, et qu’à la date de sa conclusion les dispositions légales applicables étaient celles tirées de l’article L 3123-25 du code du travail.

Aussi en l’absence d’une convention ou d’un accord de branche étendu, et étant observé que le contrat de travail à temps partiel annualisé revêt un caractère dérogatoire et défavorable au salarié et que les dispositions régissant ce type de contrat doivent être appréciées restrictivement, l’illicéité du contrat de travail à temps partiel annualisé de Mme [L] impose pour l’employeur l’obligation de supporter les conséquences financières en résultant, soit la requalification du contrat de travail ainsi conclu en contrat de travail à temps complet.

Les dispositions autres du jugement, qui a rejeté la demande de requalification de Mme [L] de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, et qui ne lui a accordé des montants qu’au titre de rappel d’heures complémentaires à hauteur de 320,65 euros augmentés des congés payés afférents pour la seule période de l’année 2016, seront infirmées.

Si la société Marianne International considère que les montants sollicités par Mme [L] au titre de la requalification de son contrat de travail à temps plein doivent tenir compte des périodes de congés payés et d’arrêts de travail, ces critiques quant aux bases de calcul durant lesdites périodes, qui impliquent un maintien du niveau de rémunération de la salariée, sont inopérantes.

En conséquence il sera fait droit purement et simplement à cette demande de Mme [AI] [L] de rappel de salaire à hauteur de 3 746,88 euros, et des congés payés y afférents à hauteur de 374,68 euros.

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

L’article L 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Mme [AI] [L] soutient que la société Marianne International a manqué à cette obligation au titre de ses horaires de travail par leur modification au jour le jour, mais également en matière de santé et de sécurité au travail en n’ayant pas aménagé son poste de travail conformément aux préconisations médicales, au titre de la transmission de ses bulletins de paie en temps et en heure, au titre des difficultés rencontrées pour le maintien de salaire, au titre et de la transmission de l’attestation de salaire auprès de la CPAM, et enfin au titre du remboursement de ses frais de transport.

La société Marianne International justifie que les différents chefs d’équipe en charge de l’élaboration des plannings ont veillé au respect des recommandations du médecin du travail pour aménager le poste de travail de la salariée, en tenant également compte des desideratas de Mme [L]. La cour constate en ce sens que Mme [L] ne se rapporte à aucun constat du médecin du travail quant à la non-conformité des conditions de travail de la salariée à son état de santé, notamment à l’occasion des visites de reprises.

La société Marianne International s’explique par ailleurs en détail sur les difficultés ponctuelles survenues à l’occasion de l’édition de deux bulletins de paie seulement de juillet 2016 et août 2016, ainsi que sur des difficultés ponctuelles rencontrées pour le maintien du salaire et la transmission d’attestations de salaire pour les mois de septembre et d’octobre 2017 aux organismes sociaux.

Le détail des échanges entre Mme [AI] [L] et la société Marianne International est d’ailleurs repris avec minutie dans le courrier de licenciement, qui rappelle qu’à l’occasion d’un incident survenu dans le paiement des indemnités journalières à Mme [L], son président M. [S] Chalon a pris contact avec la salariée pour évoquer sa situation, et qu’il lui a demandé d’estimer le montant des IJSS qu’elle pensait percevoir afin d’assurer le versement du montant correspondant.

La société Marianne International produit des explications tout aussi convaincantes concernant les autres manquements allégués par l’appelante, et notamment les remboursements des frais de transport qui ont été réclamés le 12 février 2018 par Mme [L] alors qu’elle n’avait fourni les justificatifs pour les mois d’octobre, novembre, décembre jusqu’au 21 janvier 2018 qu’à cette dernière date.

Ainsi seul le manquement de l’employeur relatif à l’illicéité du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel annualisé est établi.

Il appartient Mme [AI] [L] de justifier l’existence d’un préjudice et de justifier du quantum qu’elle sollicite à hauteur de six mois de salaire.

Etant observé que l’appelante bénéficie d’un rappel de salaires couvrant sa période d’embauche au titre de la requalification de son contrat de travail à temps plein, Mme [AI] [L] ne démontre que la réalité d’un préjudice moral. Il lui sera alloué la somme de 1 000 euros à ce titre. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur le harcèlement moral

En vertu de l’article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l’article L 1154-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié qui se prétend victime d’un harcèlement moral, doit présenter des éléments de faits laissant présumer l’existence d’un harcèlement.

Il incombe ensuite à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dès lors que les pièces produites par le salarié font présumer l’existence d’un harcèlement moral, il appartient à l’employeur de prouver que le harcèlement n’est pas constitué.

A l’appui de sa demande, Mme [L] indique dans ses écritures qu’elle a été « victime d’une mise à l’écart » et « qu’elle a été régulièrement la cible de ses collègues de travail, que des rumeurs négatives ont circulé en permanence à son sujet, qu’elle s’est sentie particulièrement dévalorisée » (sic).

Mme [L] indique encore dans ses conclusions que contrairement à d’autres situations de harcèlement au sein de l’entreprise, lors desquelles le directeur est intervenu immédiatement sur place avec mise à pied du harceleur, « le directeur ne s’est nullement déplacé et aucune mesure n’a été prise pour faire cesser les comportements désobligeants » dont elle a été « victime » (sci).

La cour relève que Mme [L] n’évoque aucune situation concrète, aucun fait ou évènement, aucun propos ou comportement de nature à laisser présumer l’existence du harcèlement dont elle prétend avoir été victime.

Si la salariée évoque l’absence d’intervention du directeur en sa faveur, pour selon ses propos « faire cesser les comportements désobligeants » dont la teneur n’est même pas précisée, ces reproches tenant à la passivité de la direction sont d’autant moins fondés qu’il ressort des données constantes du débat que le directeur a traité lui-même certaines difficultés rencontrées dans le cadre de l’exécution du contrat de travail de Mme [L].

La cour relève également que Mme [L] ne fait que contester la pertinence des éléments produits par l’employeur, notamment des témoignages qui qualifient son comportement de désagréable, déplacé, négatif, polémique, et qui mentionnent les répercussions sur ses relations avec les autres salariés ainsi qu’avec les autres interlocuteurs du site et notamment les agents de sécurité.

La cour note que la société Marianne International produit le témoignage de M. [A] [X], représentant du personnel, qui mentionne : « Concernant les accusations de [AI] [L] sur son encadrement et notamment [Z] [J], je les trouve injustifiées. Sachant que suite aux déclarations de [AI] [L], elle allait recevoir la visite d’un représentant du personnel [Z] [J] m’a reçu normalement, avec amabilité et simplicité. Je n’ai perçu chez elle aucune animosité de me voir “débarquer” sur son site ou volonté de me “dérouler le tapis rouge” pour bien se montrer. J’y ai vu de la sincérité qui a été conforté dès nos premiers échanges. Quand je l’interroge sur son management et que d’emblée elle me parle de bon sens pour savoir gérer de l’humain, d’écoute et de fermeté ou de souplesse quand nécessaire, c’est ce que en tant qu’agent j’attends d’un chef d’équipe ainsi qu’en tant que représentant du personnel à l’époque des faits. Quand [H] [U] nous rejoint et que toutes deux m’expliquent à quel point elles ont été choquées d’être accusées de harcèlement par [AI] [L] alors que dans leurs échanges, elles n’ont jamais eu d’altercations avec elle, qu’elles ont toujours essayé de bien faire et qu’en même temps elles se remettent en question sur ce qui a pu se produire… Quand autour d’un café, nous retrouvons 3 membres de l’équipe : – [V] [E] et [R] [F], disent qu’ils se désolidarisent de ce que [AI] a pu dire ou avancer et qu’ils soutiennent leur encadrement. – [M] [CH] me dit se sentir soulagée du départ du [AI]. Certes ils le disent devant [Z] [J] et [H] [IG] et je n’ai pas le retour des autres membres de l’équipes…Avec le recul et la réflexion, mis bout à bout mon sentiment, mon ressenti extérieur va en faveur de [Z] [J]. ».

La cour retient que Mme [L] ne produit aucun élément de nature à laisser présumer une situation de harcèlement moral, ni aucun élément relatif à l’existence d’un préjudice.

En conséquence les prétentions de Mme [L] seront rejetées.

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens seront infirmées.

Il est contraire à l’équité de laisser à la charge de Mme [AI] [L] ses frais irrépétibles ; il lui sera alloué une somme de 2 000 euros à ce titre.

La société Marianne International qui succombe assumera ses frais irrépétibles et sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 25 novembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Metz, sauf en ce qu’il a rejeté les prétentions de Mme [AI] [L] relatives à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, sauf en ce qu’il a condamné la société Marianne International à payer à Mme [AI] [L] 320,65 euros au titre de rappel d’heures complémentaires pour l’année 2016 et 32,06 euros au titre des congés payés afférents, sauf en ce qu’il a rejeté les prétentions de Mme [AI] [L] à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, et sauf en ce qui concerne les dépens ;

Statuant à nouveau sur ces points :

Prononce la requalification du contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel annualisé conclu entre les parties le 5 mai 2016 en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, avec effet à compter de sa conclusion ;

Condamne la société Marianne International à payer à Mme [AI] [L] la somme de 3 746,88 euros à titre de rappel de salaire, outre celle de 374,68 euros au titre des congés payés y afférents ;

Condamne la société Marianne International à payer Mme [AI] [L] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Condamne la société Marianne International à payer Mme [AI] [L] la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés à hauteur d’appel,

Rejette les prétentions de la société Marianne International au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Marianne International aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, La Présidente de chambre,

 


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