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9 mai 2023
Cour d’appel de Riom
RG n°
20/01878
09 MAI 2023
Arrêt n°
CHR/SB/NS
Dossier N° RG 20/01878 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FQGC
Caisse RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE
/
[R]
[H]
jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de moulins, décision attaquée en date du 07 décembre 2020, enregistrée sous le n° 19/00045
Arrêt rendu ce NEUF MAI DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
Caisse RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE agissant en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Valérie BARDIN-FOURNAIRON de la SAS HDV AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND et par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
Mme [R] [H]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS
INTIMEE
Monsieur RUIN, Président et Mme NOIR, Conseiller après avoir entendu Mr RUIN Président en son rapport à l’audience publique du 13 mars 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré aprés avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [R] [H], née le 6 juillet 1978, a été embauchée par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE (ci après dénommée le CACF ou CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE) le 1er septembre 2009, selon contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, en qualité de ‘assistant commercial’ (position 3 niveau C classe 1 de la convention collective / fonction repère ‘vente et assistance’) sur le secteur de [Localité 7] (03), affectée à l’agence de [Localité 6]. La convention collective nationale applicable à la relation contractuelle est celle du CRÉDIT AGRICOLE.
À compter du 8 février 2011 (courrier de l’employeur daté du 21 janvier 2011),Madame [R] [H] a été promue ‘assistant recouvrement’ (position 4 niveau C classe 1 de la convention collective / fonction repère ‘assistance’ / rémunération mensuelle de 1.572,90 euros) au sein de l’unité risques recouvrement contentieux, poste basé à [Localité 8] (03).
À compter du 1er septembre 2013 (courrier de l’employeur daté du 24 septembre 2013), Madame [R] [H] a été promue ‘assistant recouvrement’ (position 5 niveau D classe 2 de la convention collective / fonction repère ‘assistance et conseils techniques’ / rémunération mensuelle de 1.823,23 euros) au sein de l’unité risques recouvrement contentieux de la cellule règlement commercial centralisé, poste basé à [Localité 8] (03).
Par courrier daté du 15 octobre 2013 adressé à la salariée, l’employeur a pris acte de l’état de grossesse de Madame [R] [H], avec un terme prévu au 6 avril 2014, ainsi que du fait que la salariée envisageait ensuite un congé parental d’éducation à temps complet puis à temps partiel. Le CACF indiquait à la salariée qu’en principe son congé de maternité serait effectif du 23 février 2014 au 22 juin 2014.
Madame [R] [H] a donné naissance à son enfant le 5 avril 2014.
Par courrier daté du 12 mai 2014 adressé à la salariée, l’employeur a pris acte que Madame [R] [H] sollicitait un congé parental d’éducation à temps complet du 23 juin 2014 au 22 juin 2015 et lui a donné son accord en ce sens.
Par courrier daté du 18 juin 2015 adressé à la salariée, l’employeur a pris acte que Madame [R] [H] souhaitait proroger son congé parental d’éducation à temps complet jusqu’au 22 juin 2016 et lui a donné son accord en ce sens.
A la date du 23 juin 2016, Madame [H] a été à nouveau enceinte et a bénéficié d’un congé maternité.
Par courrier daté du 19 octobre 2016 adressé à la salariée, l’employeur a pris acte que Madame [R] [H] sollicitait, à l’issue de son congé de maternité, un congé parental d’éducation à temps complet du 4 novembre 2016 au 3 novembre 2017 et lui a donné son accord en ce sens.
Par courrier daté du 30 octobre 2017 adressé à la salariée, l’employeur a pris acte que Madame [R] [H] souhaitait proroger son congé parental d’éducation à temps complet jusqu’au 31 mai 2018 et lui a donné son accord en ce sens.
Par courrier recommandé daté du 15 mai 2018 adressé à la salariée, l’employeur a pris acte que Madame [R] [H] souhaitait reprendre son poste à compter du 1er juin 2018, soit à l’issue du congé parental d’éducation à temps complet. Le CACF indiquait dans ce courrier à la salariée que, dans ce cadre, il était en mesure de lui proposer un poste de ‘attaché commercial’ (position 5 niveau D classe 2 / fonction repère ‘assistance et conseillers commerciaux’ / rémunération mensuelle de 2.119,08 euros) à l’agence de [Localité 5] (03), avec une activité à temps complet (du mardi au samedi matin inclus).
Par courrier recommandé daté du 30 mai 2018, Madame [R] [H] notifiait à son employeur qu’elle refusait une reprise d’activité sur un poste d’attachée commerciale puisque celui-ci est différent en termes de fonctions de celui d’assistante recouvrement qu’elle occupait avant son congé de maternité et son congé parental d’éducation.
Par courrier recommandé daté du 7 juin 2018, le CACF proposait à Madame [R] [H] un poste de ‘assistant contentieux'(position 5 niveau D classe 2 de la convention collective / fonction repère ‘assistance et conseils techniques’ / rémunération mensuelle de 2.119,08 euros) au sein de l’unité recouvrement contentieux, poste basé à [Localité 8] (03).
Par courrier recommandé daté du 13 juin 2018, Madame [R] [H] notifiait à son employeur qu’elle prenait acte de sa proposition mais souhaitait avoir communication des fiches de postes correspondantes alors que le poste d’assistant contentieux lui apparaissait différent en termes de fonctions de celui d’assistante recouvrement qu’elle occupait avant son congé de maternité et son congé parental d’éducation.
Par courrier recommandé daté du 22 juin 2018, le CACF répondait à Madame [R] [H] que le poste d’assistant contentieux proposé était similaire à celui qu’elle occupait antérieurement à son départ en congé maternité, lui communiquant le descriptif des postes d’assistant contentieux et d’assistant recouvrement.
Par courrier recommandé daté du 5 juillet 2018, Madame [R] [H] notifiait à son employeur qu’elle refusait une reprise sur un poste d’assistant contentieux qui impliquait selon elle des fonctions nouvelles et missions différentes par rapport au poste d’assistant recouvrement qu’elle occupait auparavant.
Par courrier recommandé daté du 11 juillet 2018, le CACF répondait à nouveau à Madame [R] [H] que le poste d’assistant contentieux proposé était similaire à celui qu’elle occupait antérieurement à son départ en congé maternité, lui communiquant le descriptif des postes d’assistant contentieux et d’assistant recouvrement.
Par courrier recommandé daté du 16 juillet 2018, le CACF notifiait à Madame [R] [H] que sa reprise de travail était attendue sur le poste d’assistant contentieux au sein de l’unité recouvrement contentieux située à [Localité 8] (03), affirmant que ce poste est similaire et de qualification équivalente à celui précédemment occupé par la salariée.
Par courrier recommandé daté du 10 août 2018 adressé à son employeur, Madame [R] [H] réitérait son refus de reprendre le travail sur le poste d’assistant contentieux au sein de l’unité recouvrement contentieux située à [Localité 8], relevant qu’elle n’acceptait pas une telle modification de son contrat de travail.
Par courrier recommandé daté du 26 septembre 2018, Madame [R] [H] enjoignait à son employeur de lui verser son salaire à compter du 1er juin 2018, considérant qu’elle était dans l’impossibilité de reprendre le travail sur le poste qu’elle occupait antérieurement.
Par courrier recommandé daté du 9 octobre 2018, le CACF notifiait à Madame [R] [H] qu’elle était toujours attendue sur le poste d’assistant contentieux au sein de l’unité recouvrement contentieux située à [Localité 8], relevant que le refus de la salariée de reprendre le travail et de fournir sa prestation contractuelle était injustifié et qu’en conséquence l’employeur n’était pas tenu de lui verser un salaire.
Par courrier recommandé daté du 24 octobre 2018, Madame [R] [H] réitérait son refus de reprendre le travail sur un poste différent de celui antérieurement occupé et enjoignait à son employeur de lui verser son salaire à compter du 1er juin 2018, sous peine de saisir le conseil de prud’hommes pour faire valoir ses droits.
Par courrier recommandé daté du 2 novembre 2018, le CACF répondait à nouveau à Madame [R] [H] qu’elle était toujours attendue sur le poste d’assistant contentieux au sein de l’unité recouvrement contentieux située à [Localité 8], que son refus de reprendre le travail et de fournir sa prestation contractuelle était injustifié et qu’en conséquence l’employeur n’était pas tenu de verser un salaire.
Par courrier recommandé daté du 6 mars 2019, Madame [R] [H] notifiait au CACF qu’elle démissionnait de son emploi en raison des manquements graves de l’employeur qui a refusé de la réintégrer à l’issue de son congé maternité et de son congé parental d’éducation sur son poste d’assistant recouvrement, a voulu lui imposer une modification du contrat de travail malgré ses refus réitérés et ne lui verse plus son salaire depuis plusieurs mois.
Par courrier recommandé daté du 15 mars 2019, l’employeur répondait à Madame [R] [H] qu’il contestait les griefs formulés par la salariée et lui demandait de confirmer sa démission, de manière claire et non équivoque, par un nouveau courrier.
Par courrier recommandé daté du 17 septembre 2019, le CACF adressait à Madame [R] [H] les documents de fin de contrat de travail mentionnant un emploi de la salariée du 4 février 2009 au 6 mars 2019 (agent commercial temporaire du 4 février au 31 août 2009 ; assistant commercial du 1er septembre 2009 au 7 février 2011 ; assistant recouvrement à compter du 8 février 2011).
Le 4 juin 2019, Madame [R] [H] a saisi le conseil de prud’hommes de MOULINS aux fins notamment de voir jugement que le CACF a manqué à son obligation de réintégration en voulant lui imposer une modification du contrat de travail, de requalifier en conséquence sa démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail et dire que celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire et de rappel de salaires.
L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 9 septembre 2019 (convocation de l’employeur défendeur en date du 7 juin 2019) et, comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement contradictoire rendu le 7 décembre 2020 (audience du 5 octobre 2020), le conseil de prud’hommes de MOULINS a:
– dit que le CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE avait obligation de réintégrer Madame [H] à son poste initial d’assistante recouvrement à [Localité 8] ;
– requalifié la démission de Madame [H] en date du 6 Mars 2019 en prise d’acte de la rupture du contrat de travail ;
– dit que cette rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
– condamné le CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE à porter et payer à Madame [H] les sommes suivantes :
* 5.134,39 euros net au titre d’indemnité légale de licenciement,
* 4.212,84 euros brut au titre d’indemnités de préavis, outre 412,28 euros brut au titre de congés payés sur préavis,
* 10.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément au barème MACRON,
* 18.957,78 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 1er Juin 2018 au 6 Mars 2019, outre 1.895,78 euros brut de congés payés afférents,
* 5.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de réintégration,
* 2.000 euros net au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit que des sommes en brut citées ci-dessus devront éventuellement être déduites les charges sociales salariales précomptées et reversées aux organismes sociaux par l’employeur ;
– dit que les sommes nettes s’entendent – net – de toutes cotisations sociales ;
– condamné le CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE à remettre à Madame [H] les bulletins de paie de juin 2018 à mars 2019, un certificat de travail et l’attestation pôle emploi conformes aux dispositions de la présente décision, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le conseil se réservant le droit de liquider la dite astreinte en tant que de besoin ;
– fixé à 2.106,42 euros brut la moyenne des trois derniers mois de salaire de Madame [H] pour application de l’article R. 1454-28 du code du travail et dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire pour les condamnations qui n’en seraient pas assorties de plein droit ;
– dit qu’à défaut de paiement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu’en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire devront être supportées par l’établissement défendeur ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– condamné le CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE aux dépens de la présente instance.
Le 18 décembre 2020, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE a interjeté appel de ce jugement notifié à sa personne morale le 9 décembre2020.
Vu les dernières écritures notifiées le 8 juin 2021 par Madame [R] [H],
Vu les dernières écritures notifiées le 23 août 2021 par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 14 novembre 2022
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE FRANCE demande à la cour de:
S’agissant de la demande dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de réintégration :
– infirmer le jugement et débouter Madame [H] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de réintégration ;
– subsidiairement, débouter Madame [H] de sa demande de dommages et intérêts faute de rapporter la preuve du préjudice subi à hauteur de 5.000 euros ;
– infiniment subsidiairement, diminuer les dommages et intérêts sollicités dans de plus justes proportions.
S’agissant de la démission de Madame [H] :
– infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié la démission de Madame [H] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la débouter de ses demandes au titre de l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés correspondants et dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– subsidiairement, si la cour confirme le jugement, prendre acte des sommes demandées au titre de l’indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés y afférents. S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement sera confirmé en ce qu’il a appliqué le barème MACRON en allouant à Madame [H] la somme de 10.000 euros au titre des dommages et intérêts ;
S’agissant de la demande au titre d’un licenciement nul:
– écarter la demande de nullité ;
– subsidiairement si la cour infirme le jugement et considère que le licenciement de Madame [H] est nul, limiter les dommages et intérêts à hauteur de 6 mois de salaire, Madame [H] n’étayant pas sa demande à hauteur de 25.000 euros ;
En tout état de cause :
– écarter la demande au titre de la remise des documents de rupture sollicités en première instance sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé 8 jours suivant notification de
l’arrêt à intervenir ;
– condamner Madame [H] à verser la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile compte tenu de l’infirmation du jugement ;
– subsidiairement, diminuer le montant sollicité par Madame [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile; la condamner aux entiers dépens.
Le CACF conteste toute faute s’agissant de l’absence de réintégration de la salariée à son ancien poste de travail à son retour de congé parental dès lors que ledit poste d’assistant recouvrement a été supprimé durant cette période. L’employeur précise avoir proposé deux postes, l’un d’attachée commerciale et l’autre d’assistante de contentieux, ce dernier étant selon elle similaire à celui qu’occupait antérieurement la salariée. L’appelante considère ainsi parfaitement injustifiés les refus opposés par la salariée et que cette dernière a démissionné de ses fonctions de manière parfaitement libre et éclairée.
Dans ses dernières écritures, Madame [H] demande à la cour de :
– dire et juger recevable mais mal fondé l’appel principal du CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE ;
– dire et juger recevable et bien fondé son appel incident ;
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à l’infirmer sur le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement et en ce qu’il a fixé les dommages et intérêts à 10.000 euros ;
– infirmant sur ce point, statuant à nouveau et y ajoutant, condamner le CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE à lui payer et porter la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse au visa des dispositions combinées des articles L 1225-55, L 1225-71 et L 1235-3-1 du code du travail ;
– dire que ces sommes porteront intérêts de droit au taux légal à compter : – de la convocation de l’employeur à comparaître devant le bureau de conciliation pour les sommes allouées à caractère salarial ; – du jugement dont appel pour les sommes allouées à caractère indemnitaire ; – de l’arrêt à intervenir pour les sommes supplémentaires allouées ;
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
– s’agissant des frais irrépétibles, confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE à payer et porter à Madame [H] la somme de 2.000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance ;
Y ajoutant, condamner le CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE à lui payer et porter la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel ainsi qu’en tous les dépens.
Madame [H] fait tout d’abord valoir qu’à son retour de congé maternité et de congé parental elle aurait dû reprendre son poste d’assistante recouvrement dès lors que son contrat de travail a simplement été suspendu durant cette période. Elle considère de la sorte parfaitement légitimes les refus opposés à l’employeur s’agissant des offres de poste proposées, étant souligné en outre qu’elles emportaient, en cas d’acceptation, une modification des conditions d’emploi qu’elle n’était pas tenue d’accepter. Elle excipe ainsi d’une tentative de modification unilatérale par l’employeur de son contrat de travail et soutient que celui-ci a de la sorte contrevenu à son obligation de la réintégrer à son ancien poste de travail.
Elle fait ensuite valoir que sa démission a été motivée par les manquements de son employeur précités, dont elle souligne la gravité manifeste, et considère qu’elle est de la sorte équivoque et doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
– Sur la reprise d’activité après congé parental d’éducation –
Selon l’article L. 1225-47 du code du travail en ses dispositions applicables à l’époque considérée, pendant la période qui suit l’expiration du congé de maternité ou d’adoption, tout salarié justifiant d’une ancienneté minimale d’une année à la date de naissance de son enfant, adopté ou confié en vue de son adoption, ou de l’arrivée au foyer d’un enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de la fin de l’obligation scolaire a le droit : 1° Soit au bénéfice d’un congé parental d’éducation durant lequel le contrat de travail est suspendu ; 2° Soit à la réduction de sa durée de travail, sans que cette activité à temps partiel puisse être inférieure à seize heures hebdomadaires.
Selon l’article L. 1225-48 du code du travail en ses dispositions applicables à l’époque considérée, le congé parental d’éducation et la période d’activité à temps partiel ont une durée initiale d’un an au plus. Ils peuvent être prolongés deux fois pour prendre fin au plus tard au troisième anniversaire de l’enfant.
Selon l’article L. 1225-50 du code du travail en ses dispositions applicables à l’époque considérée, le salarié informe son employeur du point de départ et de la durée de la période pendant laquelle il entend bénéficier soit d’un congé parental d’éducation, soit d’une réduction de sa durée du travail. Lorsque cette période suit immédiatement le congé de maternité ou le congé d’adoption, le salarié informe l’employeur au moins un mois avant le terme de ce congé. Dans le cas contraire, l’information est donnée à l’employeur deux mois au moins avant le début du congé parental d’éducation ou de l’activité à temps partiel.
Selon l’article L. 1225-51 du code du travail en ses dispositions applicables à l’époque considérée, lorsque le salarié entend prolonger ou modifier son congé parental d’éducation ou sa période d’activité à temps partiel, il en avertit l’employeur au moins un mois avant le terme initialement prévu et l’informe de son intention soit de transformer le congé parental en activité à temps partiel, soit de transformer l’activité à temps partiel en congé parental.
Selon l’article L. 1225-54 du code du travail en ses dispositions applicables à l’époque considérée, la durée du congé parental d’éducation est prise en compte pour moitié pour la détermination des droits que le salarié tient de son l’ancienneté.
Selon l’article R. 1225-13 du code du travail, les informations et demandes motivées prévues aux articles L. 1225-50 à L. 1225-52 du code du travail sont adressées à l’employeur par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.
Le bénéfice du congé parental d’éducation est soumis à l’information préalable de l’employeur mais ne requiert pas son autorisation pour sa validation. L’employeur et le salarié peuvent convenir de la prolongation de la durée du congé parental d’éducation au-delà de la troisième année de l’enfant.
Selon l’article 21 de la convention collective nationale du CRÉDIT AGRICOLE, un congé de quatre mois avec salaire entier est accordé aux salariées titulaires en état de grossesse, avec obligation d’arrêter le travail six semaines avant la date prévue pour l’accouchement. À l’expiration de son congé de maternité, la salariée a la faculté de demander, en cas d’allaitement, un congé de trois mois à demi-salaire. Par ailleurs, un congé parental d’éducation peut être accordé dans les conditions prévues par le Code du travail.
Selon l’article L. 1225-55 du code du travail en ses dispositions applicables à l’époque considérée, à l’issue du congé parental d’éducation, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.
Comme le congé de maternité dont il est le prolongement, le congé parental d’éducation ne fait que suspendre le contrat de travail, sans évidemment le rompre.
En application des dispositions de l’article L. 1225-55 du code du travail, à l’issue du congé parental d’éducation, le salarié retrouve son précédent emploi ou, à défaut, un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente. Ces dispositions sont rédigées de la même façon que celles existantes en matière de congé maternité. Communément appelé droit à la ‘réintégration’, il ne s’agit pas en réalité d’une réintégration puisque le contrat de travail n’a pas été rompu mais suspendu pendant la période de congé parental d’éducation ; il s’agit simplement d’une reprise d’activité du salarié.
La reprise d’activité du salarié doit se faire en priorité dans l’emploi précédemment occupé, soit le poste occupé juste avant la période de suspension du contrat de travail. La jurisprudence considère que dès lors qu’un salarié a vocation à retrouver son poste, l’employeur ne peut en conséquence lui proposer un poste similaire que lorsque l’emploi précédemment occupé est indisponible. Si l’emploi précédemment occupé par le salarié est disponible au retour de son congé parental d’éducation, il doit retrouver ce poste, peu important la stipulation d’une clause de mobilité dans le contrat de travail. Le poste est considéré comme disponible même s’il est occupé par un stagiaire intérimaire ou par un salarié embauché sous contrat de travail à durée déterminée.
Si l’employeur peut proposer d’autres postes similaires au salarié, c’est sous réserve que le poste précédemment occupé (avant la période de suspension du contrat de travail) ne soit pas disponible lors de la reprise d’activité. Le caractère similaire de l’emploi proposé s’apprécie notamment au regard des tâches réellement exercées par le salarié.
Dans le cadre d’une réintégration sur un poste similaire, l’employeur ne peut imposer au salarié un poste emportant pour ce dernier une modification de son contrat de travail, qu’il s’agisse notamment des fonctions exercées ou des modalités d’exercice de ces fonctions. Plus particulièrement en ce qui concerne l’appréciation d’une modification des fonctions, celle-ci doit s’apprécier en fonctions de celles réellement exercées par le salarié avant la période de suspension du contrat de travail. Cette notion d’emploi similaire n’est pas propre au congé parental mais concerne d’autres cas de suspension du contrat de travail qui mettent en oeuvre les mêmes mécanismes (reprise du travail après un accident ou une maladie professionnelle, congé sabbatique, etc…).
L’employeur qui manque à son obligation de ‘réintégration’ s’expose à devoir verser des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Par ailleurs, le salarié peut en conséquence prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur. En effet, lorsque l’employeur n’a pas satisfait à l’obligation de réintégration qui lui est faite par l’article L. 1225-55 du code du travail de permettre au salarié en congé parental d’éducation de reprendre le poste qu’il occupait avant son départ en congé ou d’occuper un emploi similaire, ce manquement de l’employeur à son obligation légale justifie la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié, laquelle produit alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À l’inverse, l’employeur ne commet aucune faute ou manquement à ses obligations lorsque l’emploi précédemment occupé n’est plus disponible et qu’il propose au salarié de retour de congé parental d’éducation un emploi similaire sans modification du contrat de travail. Dans ce cas, le refus injustifié du salarié de reprendre son activité peut même constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Selon l’article L. 1225-70 du code du travail en ses dispositions applicables à l’époque considérée, toute convention contraire aux articles L. 1225-1 à L. 1225-28 et L. 1225-35 à L. 1225-59 relatifs à la maternité, la paternité, l’adoption et l’éducation des enfants est nulle.
Selon l’article L. 1225-71 du code du travail en ses dispositions applicables à l’époque considérée, l’inobservation par l’employeur des dispositions des articles L. 1225-1 à L. 1225-28 et L. 1225-35 à L. 1225-59 peut donner lieu, au profit du salarié, à l’attribution d’une indemnité déterminée conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1.
En l’espèce, à l’issue du période de congé parental d’éducation à temps complet, Madame [R] [H] s’est mise à la disposition de son employeur pour reprendre l’emploi qu’elle occupait précédemment à compter du 1er juin 2018.
Avant la période de suspension du contrat de travail, Madame [R] [H] occupait un poste d’assistant recouvrement (position 5 niveau D classe 2 de la convention collective / fonction repère ‘assistance et conseils techniques’), basé à [Localité 8] (03), au sein de l’unité risques recouvrement contentieux de la cellule règlement commercial centralisé. L’emploi d’assistant recouvrement (affectation : ‘REGL. COMMERCIAL CT’) est expressément mentionné sur les bulletins de paie de Madame [R] [H] produits à compter de mars 2013.
Pour répondre à la demande de reprise d’activité de Madame [R] [H], le CACF a d’abord proposé à la salariée, à compter du 1er juin 2018,un poste d’attaché commercial (position 5 niveau D classe 2 / fonction repère ‘assistance et conseillers commerciaux’ / rémunération mensuelle de 2.119,08 euros) à l’agence de [Localité 5] (03), avec une activité à temps complet (du mardi au samedi matin inclus), puis, à compter du 7 juin 2018, un poste d’assistant contentieux (position 5 niveau D classe 2 de la convention collective / fonction repère ‘assistance et conseils techniques’ / rémunération mensuelle de 2.119,08 euros) au sein de l’unité recouvrement contentieux, poste basé à [Localité 8] (03).
Il échet de constater que l’employeur n’a jamais proposé à Madame [R] [H] une reprise d’activité sur un poste d’assistant recouvrement.
À la lecture des profils de poste produits par les parties, il apparaît que les postes d’assistant recouvrement et d’assistant contentieux sont identiques en leurs caractéristiques et profil, mais pas en leurs missions.
Les missions du poste d’assistant recouvrement sont définies comme suit : ‘- prendre en charge le règlement commercial de premier niveau dans le respect des règles et des procédures (décision de paiement ou rejet ; suivi des débiteurs et retards prêts ; passage des dossiers au deuxième niveau du précontentieux) ; – contacter les clients pour complément d’information et/ou de décision ; – assurer l’information et la relation avec les agences et marchés pour décision ; – participer à l’activité globale de l’unité.’
Les missions du poste d’assistant contentieux sont définies comme suit : ‘- traiter les opérations rejetables des dossiers en gestion recouvrement amiable ; – assurer le suivi quotidien des entrées automatiques des dossiers recouvrement amiable ; – transférer les dossiers en recouvrement externe ; – participer à l’activité globale de l’unité.’
Il apparaît qu’au sein du service ‘recouvrement contentieux’ du CACF, l’assistant recouvrement intervient (premier niveau) dans une première phase de tentative de règlement commercial amiable des incidents ou événements avec les clients, alors que l’assistant contentieux intervient dans un second temps (deuxième niveau), celui du précontentieux.
Il appartient donc d’abord au CACF de démontrer que l’emploi d’assistant recouvrement occupé par Madame [R] [H] avant la période de suspension du contrat de travail n’était pas disponible lors de la reprise d’activité prévue en juin 2018.
Pour affirmer satisfaire à cette obligation, le CACF renvoie la cour à la seule lecture des pages 16 et 17 d’un document (pièce 27) intitulé ‘dossier de consultation du comité d’entreprise sur des projets d’évolution de l’organisation de certaines activités de la caisse régionale. Réunion du comité d’entreprise du 15 avril 2016′. Il s’agit d’un document de 36 pages qui n’est ni daté ni signé, et correspondrait à une note d’information destinée aux représentants du personnel pour la réunion du comité d’entreprise en date du 15 avril 2016.
À la lecture de ce document, il apparaît que le CACF avait, en avril 2016, le projet de réorganiser certaines de ses activités, avec notamment pour conséquence, s’agissant de l’équipe du service règlement commercial centralisé basé à [Localité 8] (5 assistants recouvrement et 7 techniciens référent recouvrement en position d’emplois, 7 assistants recouvrement et 1 technicien référent recouvrement en effectif réel), une suppression de la structure ‘règlement commercial centralisé’ et ce, après la mise en oeuvre finale du projet visant à affecter aux agences le traitement des opérations rejetables. Dans ce cadre, il est prévu un renforcement de deux postes de ‘chargés de recouvrement’ (position d’emploi 7), pour sa partie ‘recouvrement amiable’, de l’activité ‘recouvrement contentieux particuliers’ basée à [Localité 8]. Il est indiqué que le cas des six autres salariés de l’équipe du service règlement commercial centralisé basé à [Localité 8] sera géré sur le plan social de façon individuelle mais nécessitera d’envisager une mobilité professionnelle sur le même site géographique d’affectation.
Force est de constater que si le CACF justifie d’un projet de réorganisation en avril 2016, avec affectation aux agences locales du traitement des opérations rejetables, suppression du service structure ‘règlement commercial centralisé’ basé à [Localité 8] et renforcement du service ‘recouvrement contentieux particuliers’ basé sur le même site, l’employeur ne justifie en rien, à la date prévue pour la reprise d’activité, de la suppression effective de l’emploi d’assistant recouvrement occupé précédemment par Madame [R] [H].
Le CACF était pourtant en mesure d’effectuer une telle démonstration, notamment en produisant le registre du personnel comme le lui avait demandé le conseil de prud’hommes, ou en justifiant de façon objective du sort ou devenir des collègues ‘assistants recouvrement’ de Madame [R] [H] au sein du service règlement commercial centralisé de [Localité 8].
L’employeur ne justifiant pas que le poste précédemment occupé par Madame [R] [H] n’était pas disponible lorsque la salariée s’est mise à sa disposition pour reprendre son activité à compter de juin 2018, il échet de constater que le CACF a manqué vis-à-vis de Madame [R] [H] à l’obligation mise à sa charge par l’article L. 1225-55 du code du travail. Le CACF ne pouvant s’exonérer d’un tel manquement en faisant valoir qu’il a proposé un poste similaire à la salariée, il ne sera pas développé outre sur le poste d’assistant contentieux proposé à Madame [R] [H] pour sa reprise d’activité en juin 2018.
Le CACF a également exécuté de façon déloyale le contrat de travail en cessant, de façon illégitime, de verser la rémunération contractuelle à Madame [R] [H] à compter du 1er juin 2018, alors que la salariée s’était mise à la disposition de l’employeur à compter de cette date pour reprendre son activité.
Le jugement déféré sera confirmé sur ces points.
– Sur la rupture du contrat de travail –
La démission est motivée, ou circonstanciée, lorsque le salarié assortit sa lettre de démission de l’énonciation de griefs à l’encontre de l’employeur. Dès lors que le salarié fait état de un ou plusieurs manquements de l’employeur à ses obligations au moment de sa démission, les juges ne peuvent considérer qu’il y a manifestation claire et non équivoque de démissionner, quand bien même les griefs invoqués par le salarié ne seraient pas fondés. La démission est nécessairement équivoque lorsque le salarié énonce, dans la lettre de rupture, les faits qu’il reproche à l’employeur.
Pour que la démission puise être requalifiée en prise d’acte, il faut qu’il existe un différend entre l’employeur et le salarié au moment de la démission ; ce qui la rend équivoque. Pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou d’un licenciement nul), il faut que l’employeur ait commis des fautes ou des manquements suffisamment graves lors de l’exécution du contrat de travail. Les relations contractuelles doivent être rendues impossibles.
Le salarié qui reproche à son employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail. La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu’il impute à son employeur. La prise d’acte est une modalité de rupture du contrat de travail réservée au seul salarié.
La prise d’acte de la rupture entraîne immédiatement la cessation du contrat de travail, de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis.
La rupture du contrat de travail par prise d’acte du salarié n’est justifiée qu’en cas de manquements suffisamment graves de l’employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail, ce qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Les juges du fond doivent examiner l’ensemble des manquements de l’employeur invoqués par le salarié, sans se limiter aux seuls griefs mentionnés dans la lettre de rupture. Toutefois, le salarié ne peut pas invoquer un fait qu’il ignorait au moment de la rupture.
En l’espèce, par courrier recommandé daté du 6 mars 2019, Madame [R] [H] a effectué une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur en notifiant au CACF qu’elle démissionnait de son emploi en raison des manquements graves de l’employeur qui a refusé de la réintégrer à l’issue de son congé maternité et de son congé parental d’éducation sur son poste d’assistant recouvrement, a voulu lui imposer une modification du contrat de travail malgré ses refus réitérés et ne lui verse plus son salaire depuis plusieurs mois.
Il est établi (cf supra) que concernant Madame [R] [H], le CACF a manqué à l’obligation mise à sa charge par l’article L. 1225-55 du code du travail ainsi qu’à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail. Ce manquement était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur par la salariée.
Est nulle la rupture du contrat de travail intervenue du fait d’une violation d’une liberté fondamentale ou de la méconnaissance des dispositions relatives à la grossesse, la maternité, la paternité, l’adoption et l’éducation des enfants. Vu les dispositions combinées des articles L. 1225-70, L. 1225-71 et L. 1235-3-1 du code du travail, la prise d’acte de rupture du contrat de travail produit en l’espèce les effets d’un licenciement nul intervenu à la date du 6 mars 2019. Le jugement sera réformé sur ce point.
En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul, le salarié a droit à l’indemnité de licenciement, à l’indemnité compensatrice de préavis avec congés payés afférents, à une indemnité pour licenciement nul qui, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, mais pas à l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ou licenciement irrégulier.
Les indemnités dues au salarié se calculent en fonction de son ancienneté à la date de la notification de la rupture, soit en l’espèce au 6 mars 2019.
La rémunération mensuelle brute de référence retenue comme les calculs effectués par le premier juge n’étant pas sérieusement contestés, le jugement entrepris sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a condamné le CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE à payer à Madame [H] les sommes de 5.134,39 euros net au titre d’indemnité légale de licenciement, de 4.212,84 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 412,28 euros brut au titre des congés payés y afférents, 18.957,78 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 1er Juin 2018 au 6 Mars 2019, outre 1.895,78 euros brut de congés payés afférents.
Vu notamment l’ancienneté (10 années), l’âge (40 ans) et la situation de famille de la salariée au moment de la rupture du contrat de travail, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE sera condamnée à payer à Madame [R] [H] une somme de 15.000 euros (brut), à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé par une perte d’emploi liée à une rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul. Le jugement déféré sera réformé de ce chef.
– Sur l’indemnisation d’un préjudice distinct –
Les dommages-intérêts alloués au titre du licenciement nul incluent le préjudice de perte d’emploi consécutif à la violation par l’employeur de l’obligation mise à sa charge par l’article L. 1225-55 du code du travail et ne peuvent dès lors faire l’objet d’une indemnisation distincte.
Toutefois, en l’espèce, de par son exécution déloyale du contrat de travail, le CACF a causé à Madame [R] [H] un préjudice distinct en ce que la salariée, pour la période du 1er juin 2018 au 6 mars 2019, s’est trouvée dans une situation d’incertitude sur le plan professionnel, particulièrement difficile à vivre, et n’a pas perçu de salaire.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes a condamné le CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE à payer à Madame [H] une somme de 5.000 euros net, à titre de dommages et intérêts, pour manquement de l’employeur à l’obligation de ‘réintégration’.
– Sur les intérêts –
En application des dispositions des articles 1231-6 du code civil (ancien article 1153) et R. 1452-5 du code du travail, les sommes allouées, dont le principe et le montant résultent de la loi, d’un accord collectif ou du contrat portent intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de l’employeur ou du défendeur devant le bureau de conciliation et d’orientation et, lorsqu’il est directement saisi, devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, valant citation et mise en demeure, ce qui est applicable en l’espèce aux condamnations pour rappel de salaire, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents qui produisent intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2019.
Les sommes fixées judiciairement (dommages-intérêts pour licenciement nul et pour manquement à l’obligation de réintégration) produisent intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement déféré en cas de confirmation, ou de la date de prononcé du présent arrêt en cas de réformation, soit en l’espèce, pour les dommages-intérêts alloués à hauteur de 15.000 euros à compter du 7 décembre 2020, à compter du 9 mai 2023 pour le surplus (5.000 euros).
En l’espèce, il échet de dire que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
– Sur les dépens et frais irrépétibles –
Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irréptibles de première instance.
Y ajoutant, la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE sera condamnée aux entiers dépens d’appel ainsi qu’ à payer à Madame [R] [H] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Réformant, dit que la prise d’acte de rupture du contrat de travail par Madame [R] [H] produit les effets d’un licenciement nul intervenu à la date du 6 mars 2019 ;
– Infirme le jugement en ce que la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE a été condamnée à payer à Madame [H] une somme de 10.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément au barème MACRON, et, statuant à nouveau de ce chef, condamne la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE à payer à Madame [R] [H] une somme de 15.000 euros (brut), à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé par une perte d’emploi liée à une rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement nul ;
– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires ;
Y ajoutant,
– Dit que les condamnations pour rappel de salaire, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, produisent intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2019 ;
– Dit que les dommages-intérêts accordés pour licenciement nul et pour manquement à l’obligation de réintégration produisent intérêts au taux légal à hauteur de 15.000 euros à compter du 7 décembre 2020, à compter du 9 mai 2023 pour le surplus ;
– Dit que les intérêts seront eux-mêmes capitalisés en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
– Condamne la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE à payer à Madame [R] [H] une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;
– Condamne la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE CENTRE FRANCE aux dépens d’appel ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY C. RUIN