Agent commercial : décision du 6 avril 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/00011

·

·

Agent commercial : décision du 6 avril 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/00011
Ce point juridique est utile ?

6 avril 2023
Cour d’appel de Rouen
RG n°
22/00011

N° RG 22/00011 – N° Portalis DBV2-V-B7G-I7AR

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 6 AVRIL 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2020003223

TRIBUNAL DE COMMERCE DE ROUEN du 3 décembre 2021

APPELANTE :

S.A.S. GB IMMOBILIER

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN et assistée de Me Thomas DUBREIL de la SELARL DPR AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN, plaidant

INTIMEES :

S.A.S. [N] MAISONS INDIVIDUELLES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

S.A.S. ENTREPRISE [C] [N] ET FILS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentées par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN

et assistées de Me Widad CHATRAOUI de la SELAS FIDAL, avocat au barreau du HAVRE, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 13 Décembre 2022 sans opposition des avocats devant Madame FOUCHER-GROS, Présidente, rapporteur, en présence de M. URBANO, Conseiller,

Mme Foucher-Gros a été entendu en son rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

Mme TILLIEZ, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 13 décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 9 mars 2023, puis prorogée au 23 mars 2023, puis prorogée au 30 mars 2023, puis prorogée au 6 avril 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 6 avril 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Riffault, Greffière lors de la mise à disposition

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

La société Entreprise [C] [N] et Fils et la société [N] Maisons Individuelles font partie du Groupe Geudry. Ce groupe accompagne les particuliers et les professionnels dans leurs projets immobiliers. En avril 2019, la société [N] Maisons Individuelles a repris l’activité de constructions de maisons individuelles de la société Entreprise [C] [N] et Fils.

Afin d’assurer une présence commerciale dans quatre départements de Normandie, la société Entreprise [C] [N] et Fils a contracté avec des partenaires chargés de prospecter de nouveaux clients et de les accompagner dans leur projet de construction de maisons individuelles.

La société GB Immobilier a pour activité la construction de maisons individuelles.

Le 15 octobre 2012, la société Entreprise [C] [N] et Fils et la société GB Immobilier ont conclu un contrat intitulé « Contrat de mandat », par lequel cette dernière a eu pour mission de prospecter de nouveaux clients sur le département de l’Eure pour la construction de maisons individuelles. Un nouveau contrat aux mêmes fins à été conclu le 29 octobre 2015.

La société GB Immobilier a exercé son activité au sein de deux agences, l’une à [Localité 4] et l’autre à [Localité 3]. Pour l’aider dans son activité, elle a eu recours à des tiers intervenant pour son compte :

– Monsieur [X] [Y] situé à [Localité 4],

– Monsieur [E] [U] situé à [Localité 3].

Le 10 juin 2019, Monsieur [Y] a créé la société Constructions Seine Eure. Le 1er août 2019, la société Constructions Seine Eure et la société [N] Maisons Individuelles ont conclu un contrat de mandat.

Le 27 janvier 2020, par courrier recommandé de son conseil, la société GB Immobilier s’est étonnée de la conclusion du contrat entre la société [N] Maisons Individuelles et la société Constructions Seine Eure à son détriment. Elle a considéré qu’i1 s’agissait d’une modification unilatérale de son secteur de représentation, susceptible de générer une résiliation du contrat aux torts de la société 2Gueudy Maisons Individuelles.

Par courrier du 13 février 2020, la société Entreprise [C] [N] et Fils a estimé que le contrat qui la lie à la société GB Immobilier ne contient aucune clause d’exclusivité géographique et se poursuit donc sans faute de sa part, elle a précisé que la société GB Immobilier continuerait à être commissionnée sur les bases du contrat qui lie les parties.

Par acte du 14 mais 2020, la société GB Immobilier a fait assigner les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et 2Gueudy Maisons Individuelles devant le tribunal de commerce de Rouen aux fins de voir, à titre principal ordonner la résolution du contrat conclu avec les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles aux torts exclusifs des mandantes, et les voir condamner solidiairement à indemniser son préjudice.

Par jugement du 3 décembre 2021, le tribunal a’:

– dit que le contrat liant les parties est un contrat d’apporteur d’affaires’;

– débouté la société GB Immobilier de sa demande de résolution du contrat’aux torts exclusifs des sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles ;

– débouté la société GB Immobilier de ses demandes au titres du préjudice financier du fait de la rupture’; au titre des commissions manquées sur les contrats signés avec son sous-traitant’;

– débouté les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles aux torts exclusifs de la société GB Immobilier’;

– débouté les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et 2[N] Maisons Individuelles de leur demande de dommages et intérêts du fait de la fermeture de l’établissement de [Localité 3]’;

– ordonné aux sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles de justifier de l’ouverture du chantier de M. et Mme [Z] dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement’;

– débouté la société GB Immobilier de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive’;

– débouté les société Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles de leur demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive’;

– condamné la société GB Immobilier à payer la somme de 2 500 € à la société Entreprise [C] [N] et Fils ainsi que la somme de 2 500 € à la société [N] Maisons Individuelles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamné la société GB Immobilier aux entiers dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 95,66 €.

La société GB Immobilier a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 3 janvier 2022.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS DES PARTIES’:

Vu les conclusions du 2 août 2022 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et des prétentions de la société GB Immobilier qui demande à la cour de’:

– confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Rouen du 3 décembre 2021 (RG 2020003223) en ce qu’il a :

* débouté les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles de leur demande de résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société GB Immobilier ;

* débouté les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et 2[N] Maisons Individuelles de leur demande au titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la fermeture de l’établissement de [Localité 3] ;

* débouté les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles de leur demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive ;

* débouter en conséquence les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles de leur appel incident ;

Sur l’appel principal :

– réformer le jugement du Tribunal de Commerce de Rouen du 3 décembre 2021 (RG 2020003223) en ce qu’il a :

* dit que le contrat liant les parties est un contrat d’apporteur d’affaires,

* débouté la société GB Immobilier de sa demande de résolution du contrat la liant aux sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles, aux torts exclusifs de ces dernières,

* débouté la société GB Immobilier de ses demandes au titre du préjudice financier du fait de la rupture,

* débouté la société GB Immobilier de sa demande au titre des commission manquées sur les contrats signées avec son sous-traitant,

* débouté la société GB Immobilier de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

* condamné la société GB Immobilier à payer la somme de 2.500 euros à la société Entreprise [C] [N] et Fils ainsi qu’à la somme de 2.500 euros à la société [N] Maisons Individuelles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société GB Immobilier aux entiers dépens, dont frais de greffe liquidés à la somme de 95,66 euros.

Et statuant de nouveau :

– ordonner la résolution du contrat de mandat à durée indéterminé liant la société GB Immobilier aux sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles, aux torts exclusifs des mandantes ;

– condamner en conséquence solidairement les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles à payer à la société GB Immobilier :

-756.784,00 € au titre du préjudice financier subi du fait de la rupture ;

-112.558,00 € au titre des commissions manquées sur les contrats signés avec son sous-mandataire, à parfaire ;

– condamner les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles à payer à la société GB Immobilier la somme de 5.000,00 € à raison du caractère manifestement abusif de la résistance opposée à ses prétentions ;

– condamner les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles à payer à la société GB Immobilier la somme de 8.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Vu les conclusions du 19 mai 2022 auxquelles il est renvoyé pour exposé des moyens et prétentions des sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles qui demandent à la cour de’:

– confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rouen en ce qu’il a :

* dit que le contrat liant les parties est un contrat d’apporteur d’affaires

* débouté la société GB Immobilier de toutes ses demandes, fins et conclusions

* condamné la société GB Immobilier à verser à la société [N] Maisons Individuelles et à la société Entreprise [C] [N] et Fils la somme de 2500€ chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Rouen en ce qu’il a :

* débouté la société Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles de leur demande de résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société GB Immobilier

* débouté la société Entreprise [C] [N] et Fils et 2[N] Maisons Individuelles de leur demande au titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la fermeture de l’établissement de [Localité 3]

* débouté la société Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles de leur demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive.

Statuant à nouveau,

– prononcer la résiliation du contrat d’apporteur d’affaires aux torts exclusifs de la société GB Immobilier

Par conséquent,

– condamner la société GB Immobilier à verser à la société [N] Maisons Individuelles la somme de 341 276,32€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la fermeture brutale de l’établissement à [Localité 3];

– condamner la société GB Immobilier à verser à la société Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles la somme de 5 000€ chacune à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

– condamner la société GB Immobilier à verser à la société Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles la somme de 6 000€ chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION’:

Sur la qualification du contrat’:

Moyens des parties’:

La société GB Immobilier soutient que’:

* quelle que soit la qualification donnée au contrat, les sociétés du Groupe [N] ne l’ont pas exécuté de bonne foi’;

* les contrats des 15 octobre 2012 et 29 octobre 2015 sont des contrats de mandats qui répondent à la définition de l’article 1984 du code civil’; le terme de mandat est celui choisi par les sociétés du Groupe [N] rédactrices des contrats ; ce terme est repris dans le courrier du 13 février 2020 de leur conseil’;

* la société GB Immobilier participait au développement du chiffres d’affaires de son mandant, ce qui lui assurait l’augmentation de ses commissions’; ses rapports avec les sociétés du Groupe [N] ne se limitaient pas à l’apport d’affaires

Les sociétés du Groupe [N] répondent que’:

* bien que le contrat soit intitulé «’mandat’» la société GB Immobilier n’a aucun pouvoir de représentation’; son rôle se limite à assurer de la prospection commerciale’; elle n’est pas habilitée à signer au nom et pour le compte de la société Entreprise [C] [N] et Fils l’offre définitive donnée au client’;

Réponse de la cour’:

Il ressort du contrat du 29 octobre 2015, conclu entre les société Entreprise [C] [N] et Fils et GB Immobilier, intitulé «’contrat de mandat’» que «’le mandant confie au mandataire, qui l’accepte, la mission de promouvoir sur le territoire du département de l’Eure (‘) au nom et pour le compte du mandant, l’enseigne, les produits et l’offre de service de ce dernier, en suscitant auprès d’une clientèle de particuliers la conclusion de contrats de construction de maisons individuelles proposés par le mandant’».

Dans une lettre du 13 février 2020, le conseil des sociétés du Groupe [N] a écrit «’si la société GB Immobilier souhaite mettre un terme au contrat de mandat qui la lie à ma cliente, je vous remercie de bien vouloir (…)’».

En premier lieu, la qualification donnée à toute relation juridique ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leurs conventions mais des seules conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée. Il y a ainsi lieu de s’attacher à la réalité concrète de l’activité exercée dans le cadre du contrat.

En second lieu, la lettre du 13 février 2020 antérieure à l’acte introductif d’instance n’est pas un acte de procédure. Elle ne fait pas obstacle à ce que les sociétés du Groupe [N] soutiennent dans le cadre de l’instance judiciaire que le contrat n’était pas un contrat de mandat.

Dans le cadre défini au contrat la mission de la société GB Immobilier consistait à’:

* assurer la prospection de nouveaux clients’;

* promouvoir les produits de la société Entreprise [C] [N] et Fils’;

* susciter des demandes de réalisation de devis pour la construction de maisons individuelles ;

* élaborer un avant projet sommaire afin de permettre au mandant d’effectuer un devis personalisé’;

* assurer l’interface entre la société Entreprise [C] [N] et Fils et les prospects pour permettre au mandant de réaliser le montage technique du dossier’;

* remettre aux clients l’offre définitive de contrat de construction émise par le mandant sur la base des éléments préalablement fournis par le mandataire et recueillir la signature des clients’;

* accompagner le client dans le cadre de la procédure de dépôt en mairie de la demande de permis de construire relative au projet.

Le contrat précise en outre que’:

* dans le cadre de l’exécution du contrat, le mandataire ne dispose pas du pouvoir de négocier le prix des contrats, il pourra relayer auprès du mandant toute demande de remise commerciale sollicitée par un prospect, le mandant restant libre de l’accepter ou non. Il est interdit au mandataire d’engager le mandant sur quelque remise que ce soit, sans l’accord préalable du mandant.

* toute commande collectée par le mandataire devra être transmise au mandant pour agrément. En l’absence de signature par le mandant du bon de commande dans le délai de 10 jours à compter de sa réception, la commande devra être considérée comme refusée par le mandant.

* le mandataire n’est pas habilité à signer au nom et pour le compte du mandant l’offre définitive remise au client.

Pour rapporter la preuve qu’elle déterminait le prix final proposé au client, la société GB Immobilier produit des récapitulatifs de prix de vente comportant une remise. Elle soutient que le montant de cette remise était librement déterminé par ses soins puisque déduite de sa commission. Il ressort des termes du contrat que cette remise devait recevoir l’accord de la société [N] Maisons Individuelles avant que le contrat soit soumis au client. La société GB immobilier ne démontre pas qu’elle a engagé les sociétés du groupe [N] sur une remise qu’elle avait librement décidée. Il ressort des pièces produites sur le suivi des dossiers clients que la société GB Immobilier discutait du projet et de son chiffrage avec la société [N] mais n’avait qu’un pouvoir de proposition sans pouvoir de déterminer le prix de la construction.

Il résulte de ce qui précède que la société GB Immobilier n’exécutait que des actes matériels pour le compte du groupe [N] sans accomplir aucun acte juridique pour le compte de son cocontractant qui conservait le choix de s’engager ou non vis-à-vis des personnes intéressées pour faire construire une maison. Par ailleurs, le maître d’ouvrage d’une construction de maison individuelle ne développe pas de relation récurrente avec le constructeur et ne saurait, dès lors, être considéré comme un client au sens d’une personne avec laquelle pouvait se trouver établi un courant d’affaires. Même si la société GB Immobilier participait à des «’rencontre-habitat’» au siège du groupe [N], au cours desquels elle présentait les offres du groupe à des propspects en dehors de sa zone d’activité, en l’absence des deux attributs inhérents au mandat d’intérêt commun que constituent la création d’une clientèle commune ainsi que la conclusions de contrats au nom et pour le compte du mandant, les parties ont conclu un contrat d’apporteur d’affaires.

Sur l’exécution du contrat par les sociétés du Groupe [N]’:

La société GB Immobilier soutient que’:

* la signature par la société [N] Maisons Individuelles du contrat du 1er août 2019 avec la société Constructions Seine Eure constitue une violation de l’exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat, exigence imposée par les dispositions de 1104 du code civil, en ce que le contrat a été signé avec l’un des sous mandataires de la société GB Immobilier en «’débauchant’» celui-ci.

* les sociétés du Groupe [N] lui ont unilatéralement imposé une modification de ses conditions de rémunération en appliquant à son taux de commission un système de boni/mali en fonction de l’évolution ultérieure des coûts de la construction.

* les sociétés du Goupe [N] lui ont imposé unilatéralement un zonage de son secteur géographique, suivant lequel le prix des constructions diffère’;

* les sociétés du Groupe [N] ont détourné ses prospects’; elles n’ont plus assuré le suivi des clients et prospects adressés par GB Immobilier.

Les sociétés du Groupe [N] répondent que’:

* la conclusion du mandat avec la société Constructions Seine Eure n’est pas fautive dès lors que les sociétés GB Immobilier et Entreprise [C] [N] et Fils n’était pas un contrat de mandat, ce contrat ne prévoyait aucune clause d’exclusivité territoriale au profit de la société GB Immobilier, le contrats entre les sociétés [N] Maisons Individuelles et Constructions Seine Eure s’est fait avec l’accord de la société GB Immobilier’;

* en l’absence préalable d’une mise en demeure, la société GB Immobilier ne peut utilement soutenir que l’instauration du système de «’boni’/mali’» serait constitutif d’un manquement grave justifiant la résolution du contrat’; ce système n’est pas inéquitable de sorte que son instauration ne constitue pas une faute de nature à justifier la résolution du contrat’;

Réponse de la cour’:

Les contrats des 15 octobre 2012 et 29 octobre 2015 étaient conclus pour une durée de trois ans. Le contrat du 29 octobre 2015 a continué d’être exécuté après son terme intervenu le 29 octobre 2018 . Il en résulte qu’à compter de cette date les parties ont entendu le renouveler aux mêmes conditions et pour une durée indéterminée. Le contrat qui a pris naissance est soumis aux dispositions du code civil dans leurs versions postérieures à l’ordonnance du 10 février 2016′.

Aux termes de l’article 10 du contrat «’Tout manquement grave et/ou répété de l’une des parties à l’une quelconque de ses obligations contractuelles essentielles autorisera l’autre partie à rompre le présent contrat de plein droit, sans intervention judiciaire, un mois après mise en demeure adressée à la partie défaillante (‘), non suivie d’exécution, et ce sans préjudice des dommages et intérêts que la partie non-défaillante pourrait réclamer à la partie défaillante du fait du non-respect de ses obligations contractuelles’»

Par lettre du 5 mai 2020, la société GB Immobilier a dénoncé les fautes suivantes des sociétés du Groupe [N]’:

* la signature du contrat avec M. [Y], sous-mandataire de la société GB Immobilier’;

* la modification unilatérale des conditions contractuelles en imposant des boni-mali et des plus values de zonage’;

* le détournement des prospects de la société GM Immobilier pour les faire signer directement avec ses propres commerciaux.

La société GB Immobilier ne s’est pas prévalue de l’application de la clause résolutoire constractuelle mais des articles 1217 et suivants du code civil, estimant que les faits dénoncés justifiaient la résolution du contrat aux torts exclusifs des sociétés du Groupe [N]. Elle a anoncé son intention de demander en justice «’le constat des fautes de ses mandantes et l’indemnisation des préjudices qui en découlent’». Le 14 mai 2020, elle a, par assignation, saisi le tribunal au fin de voir ordonner la résolution du contrat aux torts exclusif des sociétés du groupe [N].

Sur la signature par la société [N] Maisons Individuelles du contrat du 1er août 2019 avec la société Constructions Seine Eure’:

Il résulte des dispositions de l’article 1104 du code civil que les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

Dans une attestation du 18 février 2020, M. [Y] explique qu’il était convenu avec la société GB Immobilier qu’il reprenne son activité, par transition progressive entre le mois d’octobre 2018 et le mois d’octobre 2020′; que finalement, M. [S] (gérant de la société GB Immobilier) a renoncé à la formalisation de cet accord pour le laisser reprendre la suite de son mandat avec les société du Groupe [N], via sa propre société Constructions Seine Eure.

Le 19 juin 2019, M. [Y] a transmis à la société [N] l’extrait Kbis de la société Constructions Seine Eure accompagné de ce message «’Je te communique mon extrait K-bis de la société crée qui se substitue à GBI, je te laisse me faire retour du contrat de mandataire’»

Le 1er août 2019, la société 2[N] Maison Individuelles a conclu avec la société Constructions Seine Eure un contrat «’de mandat’» similaire à celui qui la liait à la société GB Immobilier et sur le même département (Eure).

Le 27 janvier 2020, le conseil de la société GB Immobilier a écrit à la SAS [N] «’la direction opérationnelle et générale du groupe [N] a fait savoir de façon informelle qu’elle souhaitait réorganiser son activité de prospection et mettre fin aux relations avec la société GB Immobilier’:

-par la construction en interne d’une agence du groupe [N] dans l’Eure

-par la mise en place d’un contrat de mandat direct de mandataire avec M. [X] [Y] commercial de GB Immobilier.

Il s’avère que depuis le 1er août 2019, la signature d’un contrat de mandat direct entre votre société et M. [X] [Y] est désormais effective’»

Dans une attestation du 17 mai 2021, M. [U] ancien agent commercial de la société GB Immobilier déclare que le 12 décembre 2018, il a été invité par M. [T] (Groupe [N]) à une réunion de travail’; étaient également présents à cette réunion, M. [S] (GB Immobilier) et M. [Y]. Monsieur [U] relate que «’Mr [T] nous a anoncé que GB Immobilier resterait mandataire sur les 2 agences de [Localité 3] et [Localité 4] jusque cette fin d’année 2020, et qu’ensuite le mandat de commercialisation s’arrêterait.

A compter de cette date, Mr [Y], s’il le souhaitait pourrait reprendre l’activité commerciale sur le secteur de [Localité 4]. Quant au secteur de [Localité 3], la société [N] s’en chargerait directement.

M. [S], gérant de GB Immobilier a aussitôt marqué son désaccord à cette perspective et déclaré qu’il n’avait nullement l’intention de stopper son activité dans ces conditions (‘…)’»

Après le contrat conclu entre les sociétés [N] Maisons Individuelles et Constructions Seine Eure, la société GB Immobilier, locataire des locaux situé à [Localité 4] a autorisé la société Constructions Seine Eure a y exercer une activité (2 janvier 2020) et lui a facturé une indemnité d’occupation précaire à compter du 1er octobre 2019 ( 6 mai 2020), a demandé auprès du prestataire de service Orange la cession du contrat d’abonnement au bénéfice de la société Constructions Seine Eure. Le 8 février 2020, la société GB Immobilier «’sans reconnaissance de sa part du bien fondé de la situation ainsi créée’» a autorisé M. [Y] a continuer d’occuper à titre précaire les locaux commerciaux de GB Immobilier à [Localité 4].

Il ressort de l’ensemble de ses éléments que la société GB Immobilier avait été avisée du projet de contrat entre les sociétés du Groupe [N] et M. [Y] antérieurement à la conclusion de ce contrat, mais contrairement à ce que déclare M. [Y] dans son attestation, il ressort des déclarations de M [U] et de l’autorisation du 8 février 2020 qu’elle n’y avait aucunement donné son accord, ce n’est que mise devant le fait accompli qu’elle a autorisé la société Construction Seine Eure à exercer dans ses locaux de [Localité 4] et lui a cédé son contrat d’abonnement auprès de la société Orange.

Mais dès lors que ce projet entre le Groupe [N] et l’agent commercial de GB Immobilier ne lui avait pas été dissimulé, et qu’il est spécifié au contrat que «’le mandataire ne bénéficie d’aucune exclusivité sut le Territoire qui lui est confié. Le mandant demeure en conséquence parfaitement libre de confier la réalisation des mêmes prestations que celles-ci-avant énumérées sur le Territoire en dehors à toute autre personne de son choix ainsi que d’assurer elle-même la réalisation de ces prestations, pendanr toute la durée du présent contrat’», c’est sans mauvaise foi à l’égard de la société GB Immobilier que ce contrat a été conclu. Il ne constitue pas un manquement des sociétés du groupe [N] dans l’exécution du contrat avec la société GB Immobilier de nature à justifier la rupture du contrat aux torts des sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles.

Sur le détournement des prospects de la société GB Immobilier’:

La société GB Immobilier justifie du parainage de Mme [R] par l’un de ses clients. Mais le couriel de M. [U] est à lui seul insuffisant à démontrer qu’une fois intégrés à la base de données des sociétés du Groupe [N], les prospects ont été contactés par un représentant de ce Groupe qui a suivi leur dossier jusqu’à la conclusion du contrat de construction. Il ressort du courriel du 5 mars 2020 de M. [U] que les prospects de la zone de [Localité 3] ont contacté directement le siège des sociétés du groupe après avoir relevé le numéro de téléphone mentionné sur les panneaux de permis de construire.

La société GB Immobilier ne produit pas d’éléments suffisants pour démontrer la réalité de la faute qu’elle allègue.

Sur l’absence de suivi des dossiers’:

La société GB Immobilier rapporte la preuve de ce qu’elle n’a reçu que le 18 juin 2021, la commission correspondant à un dossier qu’elle avait suivi jusqu’à la signature du contrat par les clients, le 30 juillet 2020. Ce retard dans un dossier n’est pas de nature à justifier la résolution du contrat aux torts des sociétés du Groupe [N].

Sur les plus values de zonage’:

Les sociétés du Groupe [N] exposent qu’elles ont mis en corrélation les coûts de construction avec l’éloignement du chantier’; que cela ne défavorise aucunement la commission de la société GB Immobilier qui est calculée sur le prix de vente.

En premier lieu la société GB Immobilier qui allègue que ces plus values introduisent une distortion de concurrence entre les différents intermédiaires ne rapporte pas la preuve qui lui incombe, de la réalité des faits qu’elle allègue.

En second lieu, les sociétés du Groupe [N] produisent aux débats plusieurs devis dont il ressort que cette plus value est incluse dans le prix de vente. Il en résulte qu’elle ne vient pas réduire le montant de la commission.

Par voie de conséquence, c’est sans commettre de faute contractuelle que les sociétés du Groupe [N] ont instauré cette plus value.

Sur l’application d’un système de boni-mali’:

Il est constant entre les parties que les sociétés [N] Maisons Individuelles et Entreprise [C] [N] et Fils ont décidé d’appliquer un système de boni-mali à compter de la fin de l’année 2018.

Aux termes de l’article 1225 du code civil’: «’La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat.

La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire’»

Aux termes de l’article 1227 du même code’: «’La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.’»

La clause résolutoire prévue au contrat et rappelée plus haut prévoit la formalité substantielle de la mise en demeure préalable. Mais en toute état de cause, la société GB Immobilier ne s’est pas prévalue de l’application de la clause résolutoire contractuelle mais a demandé la résolution en justice. Il en résulte que le moyen tiré de l’absence préalable de mise en demeure de faire cesser le système des boni-mali est inopérant.

L’article 2 du contrat souscrit par la société GB Immobilier traite des obligations des parties. Le paragraphe 2-1 est consacré aux obligations du madant. Il y est inséré les deux sous paragraphe suivant «’Le mandant est libre de modifier à tout moment son offre de services, ses conditions générales d’intervention et ses tarifs. Il s’engage à prévenir le mandataire de toute modification de ces éléments et à lui communiquer les modifications correspondantes au moins trente (30) jours frans avant leur date d’entrée en vigueur.

Toute modification de l’offre de service, des conditions générales et des tarifs ne saurait engager la responsabilité du mandant à l’égard du mandataire, lequel ne pourra prétendre à aucune indemnité à quelque titre que ce soit’»

En cause d’appel, les sociétés du Groupe [N] ne reprennent pas à leur compte la motivation du jugement qui a retenu que cette clause concernait la rémunération du mandataire. Surabondamment, parmi les obligations de la société [C] [N] se trouve celle de fournir à la société GB Immobilier le contrat type de construction à présenter au client. Il ressort des contrats type versés aux débats qu’ils comprennent des conditions générales, ce qui n’est pas le cas du contrat passé entre les sociétés du groupe [N] et la société GB Immobilier. Il en résulte ainsi sans équivoque que la liberté de modifier les tarifs prévue au paragraphe cité ci-dessus ne se rapporte pas à la rémunération du mandataire, mais aux tarifs pratiqués pour les contrats de constructions.

Les conditions de rémunération de l’activité de la société GB Immobilier sont prévues à l’article 3 du contrat . Il y est précisé que la société GB Immobilier perçoit une commission sur tout contrat de construction conclu par la société Entreprise [C] [N] et Fils, avec un client suivi par la société GB Immobilier, qu’elle soit à l’origine du contact client ou que le contact lui ait été confié par la société Entreprise [C] [N] et Fils pour prospection. Le taux de cette commission est de 8’% HT du prix total de chaque contrat de construction conclu. Ce taux de commission est appliqué «’à un montant hors taxes représentant quatre vingt quinze pour cent (95%) du prix total hors taxes de construction de la maison individuelle, indiqué sur le cntrat de construction signé entre le mandant les le client.

Le taux du mandataire restera identique pendant toute la durée d’exécution du présent contrat.

Par ailleurs, dans l’hypothèse où le mandataire entendrait transmettre au mandant une demande de remise sollicitée par un prospect pour la conclusion d’un contrat de construcrtion, le montant de ladite remise (qui ne pourra en aucun cas dépasser deux pour cent (2%) du prix hors taxe du contrat de construction), si cette dernière est finalement accordée par le mandant, viendra en déduction du montant de la commission due au mandataire au titre du contrat de construcrtion ainsi vendu’»

Les sociétés du Groupe [N] expliquent dans leurs conclusions que le système des boni-mali a pour objectif de prendre en compte dans le calcul de la commission les modifications demandées par le client’; qu’il s’agit d’un système équitable qui n’a pour but que d’inciter l’intermédaire à respecter les consignes de prix fixées par le Groupe [N], et valoriser sa commission le cas échéant.

Elles présentent l’exemple suivant’: «’ si le client demande à l’intermédiaire de chiffrer une terrasse et que ce dernier la chiffre à 5 000€, alors que le coût de la terrasse est de 6 000€, la différence de prix constitue un malus qui viendra en déduction de la commission de l’intermédiaire. En revanche, si le coût de cette terrasse est de 4 000€ alors qu’elle a été chiffrée à 5 000€, la différence de prix constitue un bonus qui s’ajoutera à la commission de l’intermédiaire.’»

Il ressort des dispositions contractuelles que l’intermédiaire bénéficie pendant toute la durée d’éxécution du contrat d’un mode de rémunération prévu à l’avance et dont la variabilité résultant d’une remise ne peut excéder 2’% du prix hors taxe du contrat de construction. L’introduction du système de boni-mali vient y augmenter la part variable avec pour effet, en cas de mali de diminuer la rémunération perçue par rapport à celle à laquelle l’agent pouvait s’attendre au regard de la seule application du taux. De plus, cette variabilité dépend du contexte du marché ce qui a amoindrit encore la prévisibilité de la rémunération. Bien que l’article 6 du contrat précise que le mandataire est libre de ses méthodes de travail, le système de boni-mali tend à modifier les techniques de vente en incitant l’intermédiaire à chiffrer systématiquement les coûts au dessus du prix initialement fixé par les sociétés «’mandantes’». A défaut, s’il veut sécuriser la vente par un prix attractif, il en supportera la conséquence sur sa rémunération. Les sociétés du Groupe [N] qui ont seules le pouvoir de conclure le contrat de construction sont assurées par ce système de percevoir de ce contrat le montant qu’elles avaient initialement déterminé, l’intermédiaire supportant seul la conséquence d’un contrat conclu à un moindre prix. Même si des boni peuvent venir compenser des mali, le système ainsi instauré n’est pas un système équitable.

Il en résulte qu’en instaurant un système de boni-mali les sociétés du Groupe [N] ont modifié l’économie du contrat. Cette modification unilatérale constitue un manquement des sociétés du Goupe [N] à leur obligation d’exécuter le contrat de bonne foi. Ce manquement qui affecte le montant des commissions constitue une cause grave qui justifie la résolution du contrat.

Sur l’absence de poursuite du contrat par la société GB Immobilier’:

Les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles soutiennent que’:

* la société GB Immobilier a cessé d’exécuter le contrat depuis le 1er octobre 2019. Elle présente néanmois une demande indemnitaire ce qui est un comportement déloyal, justifiant que la résolution soit prononcée à ses torts exclusifs.

La société GB Immobilier répond que’:

* le contrat prévoit qu’elle organise la conduite de la mission qui lui est confiée en toute indépendance et qu’elle n’est pas tenue de disposer d’une agence permanente à [Localité 3]’;

Réponse de la cour’:

Le contrat prévoit que l’intermédaire organise la conduite de la mission qui lui est confiée en toute indépendance’; qu’il en supporte tous les frais et s’acquitte personnellement des charges sociales et fiscales correspondantes.

Le 31 décembre 2019, les statuts de la SAS «’Propose’» dont M. [S] était associé ont été déposés au greffe du tribunal de commerce d’Evreux. Il ressort de ces statuts que M. [S] ne possèdait que 50 actions sur un total de 500, et qu’il n’ a pas été désigné en qualité de président. Les sociétés du Groupe [N] ne démontrent pas que la société GB Immobilier a cessé son activité en raison des nouvelles ambitions de son gérant.

Dans un courriel du 6 juillet 2020, le conseil de la société GB Immobilier a écrit à celui des sociétés du Groupe [N] que la société GB immobilier «’continuera jusqu’au jugement à suivre ses prospects et n’a en aucun cas cessé toutes ses activités’». Elle a réitéré cette intention par l’intermédaire de son conseil les 22 septembre et 12 novembre 2020.

Le 8 juillet 2020, Me [I], hussier de justice a constaté à la demande de la société Entreprise [C] [N] et Fils que le local commercial de [Localité 3] était vide, l’enseigne déposée, une affiche «’A louer’» étant fixée sur la porte. La société GB Immobilier justifie qu’elle a continué son activité jusqu’au 30 juillet 2020, date à laquelle elle a recueilli la signature des consorts [Z] [F]. Elle ne justifie pas d’avoir, au-delà de cette date continué de prospecter ou de suivre des dossiers pour le compte des sociétés du Groupe [N].

En premier lieu, le contrat n’impose pas à la société GB Immobilier d’exercer au sein d’une agence. Il ressort de l’attestation de M. [U] que lors du rendez-vous avec M. [T] le 12 décembre 2018, M. [S] a déclaré que le bail de neuf ans de l’agence de [Localité 3] venait à échéance le 30 juin 2020. Il a déclaré qu’il était prêt à signer un nouveau bail et a demandé si M. [N] était prêt à reprendre le bail. M. [U] déclare «Là encore, la réponse fut négative et la notion de modernisation des agences mises en avant’». Il ressort de cette attestation précise, et très circonstanciée que les sociétés du Groupe [N] savaient dès l’année 2018 que l’agence de [Localité 3] risquait d’être fermée à l’échéance du bail en l’absence de repreneur. Elles ne peuvent alléguer utilement que cette agence a été fermée brutalement.

En second lieu, à compter du 1er août 2019, la société Constructions Seine Eure représentée par M. [Y] qui était anciennement l’ agent de la société GB Immobilier, a contracté avec la société [N] Maisons Individuelles pour la même activité sur le même territoire que la société GB Immobilier. Au cours de l’année 2020, les sociétés du Groupe [N] ont ouvert une nouvelle agence à [Localité 5] qui se trouve à une quinzaine de kilomètres de [Localité 3]. La société GM Immobilier, confrontée ainsi sur son territoire de prospection à la concurrence directe de son «’mandant’» et de la société Constructions Seine Eure, a dénoncé la situation par lettre du 27 janvier 2020. Les parties n’ont pas trouvé de solution amiable à leur litige et la société GB Immobilier a assigné son cocontractant en justice le 14 mai 2020. Dans contexte de concurrence et de conflit, la société GB Immobilier ne pouvait manifestement pas continuer l’activité dont elle supportait toutes les charge, et c’est sans commettre de faute qu’elle a cessé de l’exercer avant que le jugement du 3 décembre 2021 soit rendu.

Sur le développement d’une activité concurrente’:

Le contrat entre les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et GB Immobilier prévoit que le mandataire s’interdit’:

– pendant la durée du contrat et sur l’ensemble du territoire français, d’assurer la promotion et/ou la représentation de services de construction de maisons individuelles pour son compte ou celle d’une société concurrente de celle du mandant, et ce en qualité de mandataire ou de salarié.

– pendant une durée de un an après la cessation de contrat, sur les départements 14, 27′, 50, 61 et 76 (Normandie), d’assurer la promotion et/ou la représentation de services de construction de maisons individuelles pour son compte ou celle d’une société concurrente de celle du mandant, et ce en qualité de mandataire ou de salarié.

– pendant une durée de un an après la cessation de contrat, de détenir une participation, même minoritaire, dans toute société exerçant une activité directement ou indirectement concurrente de celle du mandant, soit la construction de maisons individuelles.

Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, M. [S] est entré au capital de la société Propose dont les statut ont été déposés le 31 décembre 2019. M. [S] était actionnaire minoritaire et n’avait pas de pouvoir de gestion de cette société. Il ressort des statuts de la société que son objet est l’installation et la pose de cuisines, dressings, agencements d’intérieurs, opérations qui se rapportent à l’une de ces activités. Le 29 janvier 2020, la société Propose a signé un contrat de sous-traitance avec la société Darty Grand Ouest pour la pose des éléments vendus par la société Darty. A compter du 31 mars 2021, la société Propose a signé un contrat avec la société Maison Léa, spécialisée dans la construction de maisons individuelles. Le contrat avait pour objet de confier à la société Propose la prospection et la promotion auprès des prospects, des produits et services de la société Maison Léa, sur le territoire des régions Normandie, Oise et Parisienne. Il est stipulé au contrat que cette activité s’exercera dans les locaux [Adresse 1]. La société GB Immobilier précise qu’elle y avait conservé une boîte aux lettres, et soutient dans être contredite sur ce point, que M. [Y] y avait résilié son bail. Le 1er avril 2021, M. [S] a cédé la totalité de ses actions à Mme [D] qui est devenue l’associée unique de la société Propose.

Il ressort de la chronologie rappelée ci-dessus que M. [S] ne détenait plus de participation dans la société Propose à compter du jour où celle-ci a débuté son activité pour le compte d’un constructeur de maisons individuelles. Les sociétés du Groupe [N] ne produisent aucun élément de nature à rapporter la preuve que M. [S] participe en fait ou en droit à l’activité de la société Propose. Par voie de conséquence, même si M. [S] était actionnaire de la société Propose lors de sa création, la preuve d’une violation de la clause de non concurrence n’est pas rapportée.

Il résulte de tout ce qui précède que c’est sans être déloyale, que la société GB Immobilier maintient sa demande indemnitaire alors qu’elle a cessé son activité pour les sociétés du Groupe [N]. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la société GB Immobilier de sa demande de résolution du contrat’aux torts exclusifs des sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles. La résolution du contrat sera prononcée aux torts exclusif de ces dernières. Par voie de conséquence le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles de leur demande de résolution du contrat aux torts exclusifs de la société GB Immobilier’.

Sur les demandes indemnitaires’:

Sur les demandes de la société GB Immobilier’:

En l’absence de mandat, la société GB Immobilier ne peut prétendre percevoir une indemnité de résiliation. Elle ne peut percevoir que l’indemnisation du préjudice résultant de la faute des sociétés du Groupe [N]. Il lui appartient de rapporter la preuve de l’existence de son préjudice.

Par ailleurs, si le contrat Entreprise [C] [N] et Fils’/GB Immobilier avait perduré, l’activité de la société Construction Seine Eure, comme celle de la nouvelle agence ouverte à [Localité 5], aurait réduit le montant annuel de ses commissions. La résiliation du contrat a eu pour effet de faire perdre à la société GB Immobilier les commissions auxquelles elle aurait pu prétendre dans un contexte de concurrence accrue. Le contrat signé entre la société Entreprise [C] [N] et Fils et la société Constructions Seine Eure ne présentant pas de caractère fautif, la société GB Immobilier ne peut prétendre à aucun préjudice de ce fait, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté la société GB Immobilier de sa demande au titre des commissions manquées sur les contrats signés avec son sous-traitant.

La société GB Immobilier produit aux débats le relevé des commissions qu’elle a perçues pour les années 2017, 2018 et 2019/2020. Les résultats qui y apparaîssent sont supérieurs à ceux dont elle fait état dans ses conclusions et c’est sans être contredite qu’elle soutient avoir perçu des commission à hauteur d’une somme totale de 351 196 € en 2017, de celle de 323 134 € en 2018′ et de celle de 460 846 € en 2019′; soit une moyenne de 378 392 € HT sur les trois années.

Compte tenu de la concurrence directe de la société Constructions Seine Eure et de la nouvelle agence [N], les commissions dont la société GB Immobilier a été privée du fait de la rupture fautive du contrat ne peuvent excéder un quart de la moyenne des commissions perçues pour les années 2017 à 2019. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté la société GB Immobilier de ses demandes au titre du préjudice financier du fait de la rupture. Les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles seront in solidum condamnée à lui payer la somme de 94 598 € (378 392 €/ 4).

Sur la demande au titre de la résistance abusive’:

Les sociétés du Groupe [N] avaient toute latitude pour imposer une concurrence à la société GB Immobilier. C’est sans mauvaise foi qu’elles ont contesté les fautes qui leur étaient reprochées. La société GB Immobilier ne démontre pas que leur droit de se défendre en justice a dégénéré en abus. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il l’a déboutée de sa demande présentée au titre de la résistance abusive.

Sur les demandes des sociétés du Goupe [N]’:

Ainsi qu’il a été exposé plus haut l’agence de [Localité 3] n’a pas été fermée brutalement par la société GB Immobilier. Les sociétés du Groupe [N] seront déboutées de leur demande indemnitaire présentée à ce titre.

Dès lors que les demandes de la société GB Immobilier prospèrent partiellement, la procédure qu’elle a diligentée ne présente pas de caractère abusif. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et 2 [N] Maisons Individuelles de leurs demandes indemnitaires présentées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS’:

La cour, statuant par arrêt contradictoire’ et dans les limites de l’appel;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a’:

– débouté la société GB Immobilier de sa demande de résolution du contrat’aux torts exclusifs des sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles ;

– débouté la société GB Immobilier de ses demandes au titre du préjudice financier du fait de la rupture’;

– condamné la société GB Immobilier à payer la somme de 2 500 € à la société Entreprise [C] [N] et Fils ainsi que la somme de 2 500 € à la société [N] Maisons Individuelles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamné la société GB Immobilier aux entiers dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 95,66 €.

Stuatuant à nouveau’:

Prononce la résolution du contrat aux torts exclusifs des sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles ;

Condamne in solidum les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles à payer à la société GB Immobilier la somme de 94 598 € au titre du préjudice financier du fait de la rupture’;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions’;

Y ajoutant’;

Condamne les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles aux dépens de première instance et d’appel’;

Condamne les sociétés Entreprise [C] [N] et Fils et [N] Maisons Individuelles à payer à la société GB Immobilier la somme de 6 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

La greffière, La présidente,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x