Agent commercial : décision du 4 mai 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 18/06456

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Agent commercial : décision du 4 mai 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 18/06456

4 mai 2022
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
18/06456

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 04 MAI 2022

PRUD’HOMMES

N° RG 18/06456 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KYCF

SAS FONCIA TRANSACTION FRANCE

c/

Monsieur [Y] [Z]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 novembre 2018 (R.G. n°F 16/00153) par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 04 décembre 2018,

APPELANTE :

SAS Foncia Transaction France venant aux droits de la SAS Foncia Transaction Location (FTL) Bordeaux Est, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 503 698 664

représentée par Me Florence WIART de la SELARL MILANI – WIART, avocat au barreau de BORDEAUX,

assistée de Me Matthieu ROBERT de la SELARL LAFITTE ET ASSOCIES, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMÉ :

Monsieur [Y] [Z]

né le 20 Juillet 1984 à LYON (69000) de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

assisté de Me Christophe BEHEULIERE, avocat au barreau de PARIS,

représenté par Me Cécile RIDE, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 février 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d’instruire l’affaire, et Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Z] [Y], né en 1984, a été engagé par la SAS Foncia Transaction Location Bordeaux Est (FTL) par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 8 avril 2013 en qualité de manager transaction, statut cadre, niveau C2 de convention collective nationale de l’immobilier.

Le contrat prévoyait à titre informatif, qu’il soit affecté à [Localité 4], puis, à compter du 1er juillet 2013, sur le site de [Localité 5], [Localité 3].

Il précisait aussi dans l’article 8 relatif à l’ancienneté, que le salarié bénéficiera de l’article 36 de la convention collective relatif à la prime d’ancienneté.

La rémunération prévue était constituée d’une partie fixe (3.076,92 euros bruts) ainsi que d’une rémunération variable à objectifs atteints de 20.000 euros par an outre un treizième mois.

Par lettre datée du 27 février 2014, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 mars 2014.

Par lettre datée du 20 mars 2014, M. [Z] a été licencié pour insuffisances professionnelles.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [Z] a saisi le 14 janvier 2016 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu en formation de départage le 5 novembre 2018, a:

– dit le licenciement de M. [Z] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société FTL Bordeaux à payer à M. [Y] [Z] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société FTL Bordeaux à payer à M. [Z] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

– dit que les intérêts courront à compter du jugement avec capitalisation,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– condamné la société FTL Bordeaux à payer M. [Y] [Z] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

– rejeté les autres demandes.

Par déclaration du 4 décembre 2018, la société FTL a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 janvier 2022, la société Foncia Transaction France, venant aux droits de la société FTL, ci-après dénommée société Foncia, demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a requalifié le licenciement de M. [Z] en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de :

– juger le licenciement de M. [Z] fondé sur une cause réelle et sérieuse et exempt de tout caractère vexatoire et brutal,

– rejeter toutes les demandes de M. [Z],

– ordonner le remboursement par M. [Z] de la somme de 36.500 euros bruts en paiement des indemnités de rupture versées par la société Foncia Transaction France venant aux droits de la société FTL dans le cadre de l’exécution provisoire,

– condamner M. [Z] à verser à la société Foncia Transaction France venant aux droits de la société FTL la somme de 5.000 euros nets sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [Z] aux dépens de l’instance et aux frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la décision à intervenir,

– dire et juger qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, et en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire devront être supportées par M. [Z] en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 janvier 2022, M. [Z] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes,

– confirmer que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et qu’il présente un caractère vexatoire et brutal, compte tenu de l’absence de reproche antérieurement et de son ancienneté au sein du groupe Foncia auquel appartient FTL Bordeaux,

– dire que FTL Bordeaux a manqué à son obligation de loyauté ;

Statuant à nouveau sur les seuls points suivants et confirmant le reste, il est demandé à la cour de condamner la société Foncia Transaction France venant aux droits de FTL Bordeaux :

* à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

– 55.080 euros à titre de dommages et intérêts nets de CSG, CRDS et de cotisations sociales pour licenciement abusif,

– 27.540 euros à titre de dommages et intérêts nets de CSG, CRDS et de cotisations sociales en réparation du préjudice moral subi,

– 4.200 euros TTC au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel dont 2.800 euros HT au titre des diligences de Maître [W] et 700 euros HT au titre des frais et honoraires de postulation,

– le tout assorti des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et avec anatocisme,

* aux dépens comprenant en outre la totalité des frais d’exécution de la décision à intervenir dont les frais d’huissier.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

L’insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié d’exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir patronal, l’insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l’employeur.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

La lettre de licenciement adressée à M. [Z] comporte quatre séries de griefs ;

– la mise en oeuvre de méthodes de management en totale inadéquation avec 1’esprit et l’éthique de la société Foncia ayant eu pour effet de créer un climat social délétère au sein de l’entreprise et provoquant la désorientation de ses collaborateurs,

– l’absence d’encadrement de ses collaborateurs se traduisant notamment par l’absence de réunions hebdomadaires, l’absence d’information et d’organisation de l’opération commerciale ticket 20%, l’absence de suivi régulier des prescripteurs et partenaires ayant eu pour effet de réaliser un taux de transformation des demandes de financement de seulement 10,01% au lieu des 20% à réaliser,

– des méthodes de ventes ‘déplacées’ dénoncées par les clients ou prescripteurs,

– l’acquisition à titre personnel d’un bien pour lequel l’agence Foncia Tourny, dont M. [Z] était le responsable, avait reçu mandat de location.

Sur la mise en oeuvre de méthodes de management en totale inadéquation en totale inadéquation avec 1’esprit et l’éthique de la société Foncia

Ce premier motif est ainsi développé :

« (‘) les collaborateurs que vous êtes censé encadrer, se plaignent régulièrement de vos méthodes de management en totale inadéquation avec l’esprit et l’éthique de la société FONCIA.

Alors qu’il vous appartient de les intégrer et de les faire monter en compétences, et pour ce faire, de les assister et de les conseiller, vous les malmenez en les inondant de mails quelle que soit l’heure, vous lez rappelez de manière incessante 4 à 5 fois par jour en les oppressant.

La majorité d’entre eux se plaignent de vos méthodes d’encadrement brusques et de la pression perpétuelle que vous leur mettez inutilement.

Certains d’entre eux, jeunes et inexpérimentés, paniquent ; d’autres, bien plus âgés et forts d’une expérience certaine à leur poste, vivent naturellement très mal votre attitude constamment oppressante à leur égard.

Vos maladresses à l’encontre de vos collaborateurs sont aujourd’hui de plus en plus mal vécues d’autant qu’il en résulte une dégradation sensible du climat social et une perte de sérénité dans vos rapports professionnels. »

Au soutien de ce grief, la société Foncia verse aux débats les attestations suivantes :

– Mme [R], consultante immobilière, qui fait état du comportement désagréable et autoritaire de M. [Z] à leur égard, sans plus de précisions, du fait que celui-ci ‘passait son temps à nous envoyer des mails et nous passait des coups de téléphone pour nous demander l’avancement des dossiers’ alors dit-elle, qu’elle lui avait déjà apporté les réponses et que le logiciel était renseigné, ajoutant : ‘c’était du harcèlement’ Il fallait se justifier tout le temps’ et ‘eu égard à mon âge et mon expérience, cela ne me convenait pas’ ;

– Mme [X], également consultante immobilière, qui, elle aussi, impute la perte d’acquéreurs potentiels d’un bien au comportement très agressif de M. [Z] à leur égard au cours d’une seconde visite, ne donnant pas de précisions sur des faits dont elle aurait été elle-même victime sauf à indiquer que M. [Z] ne donnait pas les conseils d’usage et ne répondait pas à ses interrogations techniques ;

– Mme [N], consultante immobilière, qui se plaint de ce que M. [Z] avait ‘un comportement excessif’ et qu’il oubliait des informations déjà transmises qu’il fallait lui répéter (elle cite deux dossiers) ainsi que de remontées d’informations pas faites auprès de la hiérarchie (sans plus de précision) ;

– M. [F], consultant immobilier, qui évoque lui aussi avoir été harcelé par téléphone, mails et textos, citant ses congés de Noël 2013, évoque une réunion organisée par la direction avec M. [Z], restée sans effet, ainsi que le fait qu’après son licenciement, M. [Z] l’avait contacté ‘ pour obtenir des informations pouvant nuire à l’entreprise’ (sans plus de précision) ;

– M. [B] qui fait état de ‘pressions morales’, par téléphone, mail ou verbalement subies de la part de M. [Z] pour des sujets identiques sur lesquels il avait déjà répondu et évoque lui-aussi une réunion avec la direction restée sans effet ;

– M. [C], consultant immobilier, parti en décembre 2013, qui se plaint d’avoir été inondé de mails et d’appels ‘ayant la plupart du temps les même sujets’ et de ne pas avoir eu ‘l’assistance souhaitée’.

Ainsi que le relève M. [Z], la cour observe d’une part, qu’aucun mail n’est produit pas plus qu’un relevé des appels téléphoniques évoqués, la société Foncia répondant ne plus les avoir en sa possession alors, qu’ayant licencié le salarié notamment pour ces motifs, elle aurait dû en préserver les preuves.

D’autre part, les témoins ne précisent pas l’objet des demandes de M. [Z] en sorte que leur caractère injustifié ne peut être apprécié.

Enfin, quant au fait que M. [Z] sollicitait de manière réitérée les mêmes informations, il sera souligné que celui-ci avait pour mission de diriger une équipe de 17 personnes réparties dans 4 agences situées dans [Localité 5], ce qui peut contribuer à expliquer qu’il pouvait oublier certaines informations.

Par ailleurs, M. [Z] produit quant à lui plusieurs attestations dont le contenu est en totale contradiction avec le grief qui lui est fait et notamment :

– M. [P], agent commercial parle d’un ‘management motivant avec une réelle volonté de nous apporter le soutien adapté en fonction de nos problématiques et de nos besoins’, ‘de proximité, paternel’ ; il ajoute : ‘je savais que je pouvais compter sur lui pour venir me soutenir ou avoir des conseils’ ; M. [P] fait aussi d’une pression forte de la direction en raison de la situation économique que M. [Z] temporisait ;

– M. [S], conseiller immobilier, qui déclare : ‘ j’ai travaillé avec M. [Z] qui était mon manager et m’a accompagné de façon pédagogique, c’est une personne à l’écoute et disponible pour aider ses équipes (…) Il était toujours de bonne humeur et donnait envie d’aller de l’avant’ ;

– Mme [I] dont la sincérité des déclarations ne saurait résulter du seul fait qu’elle a été elle aussi licenciée pour insuffisances professionnelles, qui décrit M. [Z], comme ‘quelqu’un de calme, posé et fédérateur (…) très accessible et dans le partage et l’échange’.

Enfin, il verse aussi aux débats le témoignage de M. [V], qui était son supérieur hiérarchique et qui a établi deux attestations dont les contradictions relevées par la société quant au nombre de salariés encadrés par M. [Z] ne remettent pas en cause les déclarations ; M. [Z] est décrit par son supérieur comme ‘quelqu’un d’investi, d’appliqué et de consciencieux et d’intègre’ ayant ‘un management de coopération basé sur la présence et l’aide permanente’, retenant la pression du résultat et ayant pris des initiatives pour souder les équipes ; il ajoute que c’était ‘un médiateur reconnu’ que ses équipes appelaient pour dénouer les situations difficiles, mais que son intégration à [Localité 5], avait créé des jalousies, en particulier de la part de certaines personnes qui étaient en difficultés commerciales.

Ce grief a donc été à juste titre écarté par les premiers juges.

Sur l’absence d’encadrement de ses collaborateurs

Ce grief est décliné comme suit dans la lettre de licenciement :

« (‘) Les choses auraient pu peut-être s’améliorer si vous aviez tenu de manière hebdomadaire les réunions que vous aviez l’obligation de faire toutes les semaines au sein de chaque agence, afin de faire le point sur leur travail, leurs préoccupations, leurs attentes, etc’

Malheureusement, lesdites réunions n’ont pas été organisées alors que vous en aviez la responsabilité et ce de manière hebdomadaire.

Les collaborateurs des différentes agences se sont donc sentis livrés à eux-mêmes puisque vous ne les assistiez pas et ne les conseillez pas comme cela vous incombait.

A titre d’exemples, et concernant exclusivement les faits les plus significatifs :

Aucune information ni organisation concernant l’opération commerciale ticket 20%.

Les informations sur les dossiers en cours avec nos prescripteurs et nos partenaires ne fonctionnent pas puisqu’il n’y a pas de suivi régulier de votre part desdites informations.

Pour preuve, notre taux de transformation des demandes de financement n’est que de 10.91% en 2013, sur les agences dont vous avez la charge, contre un objectif fixé à 20%. (‘) ».

Au soutien du grief relatif à l’absence de réunion et de soutien de ses collaborateurs, la société verse aux débats l’attestation de Mme [D] qui déclare ‘avoir été très surprise que pendant près d’une année de collaboration, M. [Z] ne lui ait fait établir qu’à de très rares reprises des comptes rendus de réunion alors que ces dernières doivent se dérouler toutes les semaines’.

La cour observe d’une part que le fait que M. [Z] n’ait pas demandé à Mme [D] de rédiger des comptes-rendus ne signifient pas que les réunions n’avaient pas lieu.

D’autre part, il n’est justifié d’aucune demande de la direction au sujet de la transmission de ces comptes-rendus.

D’ailleurs, dans l’entretien annuel d’évaluation de M. [Z] du 14 janvier 2014, soit un peu plus d’un mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, il n’est non seulement pas fait état d’une difficulté à ce sujet mais, au contraire, relevé un niveau de maîtrise pour l’accompagnement de son équipe et notamment des conseillers juniors, pour l’animation des réunions commerciales des sites et pour les capacités à motiver, encourager et coacher son équipe.

Deux des collaborateurs attestent de réunions régulières, outre que M. [V] déclare qu’il avait validé avec M. [Z] une diminution du nombre de réunions au profit de plus de proximité, ce qui avait été également validé par la direction.

Ce grief ne peut donc être retenu.

S’agissant de l’opération commerciale ‘Ticket 20%’, consistant à appliquer une réduction de 20% sur le prix total d’un bien immobilier pendant une ou plusieurs périodes de l’année, la société affirme que M. [Z] n’aurait effectué aucune information ni organisation de l’offre prévue entre le 17 mars et le 26 avril 2014.

L’attestation de Mme [N] produite au soutien de ce grief ne fait pas référence à cette opération.

M. [Z] produit un document Power Point contenant 8 diapositives sur cette opération ainsi qu’un compte rendu de réunion du 3 septembre 2013 au cours de laquelle avait été évoquée l’opération précédente (du 16 septembre au 26 octobre 2013).

***

Les documents versés aux débats par M. [Z] sont certes critiqués par la société au motif que M. [Z] n’en serait pas à l’origine.

Cependant, il ne peut qu’être relevé qu’elle ne produit aucun élément qui en réfuterait la paternité et la cour, observe à nouveau, que l’entretien annuel d’évaluation du salarié du 14 janvier 2014 ne fait état d’aucune difficulté à ce titre.

S’agissant enfin de l’absence de suivi régulier des prescripteurs et partenaires ayant entraîné un taux de transformation des demandes de financement de 10.91% en 2013, sur les agences dont M. [Z] avait la charge, contre un objectif fixé à 20%, ce grief contesté par le salarié ne repose en effet que sur la seule affirmation de la société Foncia à propos de CAFPI, société de conseil à l’accession et au financement des prêts immobiliers.

Or, d’une part, le caractère réalisable de l’objectif fixé n’est étayé par aucun élément de comparaison avec d’autres agences.

D’autre part, dans le mail cité par l’appelante dans ses écritures page 36 (pièce 30 salarié), les propos de l’interlocutrice de M. [Z], animatrice commerciale Sud-Ouest CAFPI permettent de retenir que des réunions avaient lieu, que le partenariat commençait à se dynamiser l’animatrice lui demandant des dates pour les prochaines réunions.

Enfin, la cour relève aussi que dans l’entretien annuel d’évaluation, il était mentionné que l’item ‘développement d’un réseau relationnel’ était acquis.

Par ailleurs, si la société fait aussi état dans ses écritures d’un manque de professionnalisme et de défaillance dans la gestion des dossiers, les deux seuls mails produits, datés du 7 et 25 février (ce dernier émanant d’une autre agence et ayant été retransmis par Mme [G]), soit respectivement de 20 et deux jours avant l’engagement de la procédure de licenciement n’en sont pas la démonstration :

Dans le premier de ces mails, M. [K] se plaint d’une gestion ‘légère’ du dossier d’un client dont celui-ci s’est plaint mais sans qu’aucun élément précis ne soit donné sur les doléances de ce client.

Dans le second, le manque de remontée des informations concerne un certain ‘[E]’ (M. [E] [R]), consultant immobilier et financier d’une des agences que supervisait M. [Z] mais non celui-ci directement et il n’est ni prétendu ni démontré que

M. [Z] n’a pas donné suite à cette alerte.

La cour relève en outre que lors de l’entretien annuel d’évaluation de celui-ci, il était mentionné, s’agissant du reporting, à l’item ‘remonter toutes les informations pertinentes pour la vision groupe concernant son secteur géographique et tenir à jour les tableaux de bord sur le portefeuille de son équipe’, que le niveau était celui de ‘maîtrise’.

Le second motif du licenciement a donc été à juste titre considéré comme non établi par les premiers juges.

Sur les méthodes de ventes ‘déplacées’ dénoncées par les clients ou prescripteurs

Ce troisième motif est ainsi motivé dans la lettre de licenciement :

« (‘) Dans le même état d’esprit, nous avons eu à déplorer des réflexions de clients voire de prescripteurs déplorant vos méthodes de ventes à leur goût « un peu insistant, un peu trop vendeur » voire totalement déplacées.

Vous comprendrez là encore que ces manquements, bien évidemment non délibérés de votre part, sont en inadéquation avec l’esprit, l’éthique, et la politique de notre structure. (…) ».

Au soutien de ce grief, sont versés aux débats :

– un mail adressé le 31 décembre 2013 par une cliente, non satisfaite de ses échanges avec M. [Z] au sujet d’un compromis qu’il voulait lui faire signer dans des conditions précipitées, relayé par le négociateur, M. [F],

– le mail adressé le 7 février 2014 par M. [K], déjà cité.

Si ces pièces témoignent du mécontentement de deux clients, qui ont néanmoins maintenu leur mandat de vente auprès de la société, le comportement critiqué ne peut être généralisé à l’ensemble de la clientèle ; M. [Z] produit d’ailleurs l’attestation d’un client manifestement satisfait de ses prestations (M. [A]) ainsi que d’un témoin l’ayant rencontré au cours de réunions organisées avec les commerçants, qui fait également son éloge.

Ce grief a donc également été écarté par les premiers juges, étant rappelé que le doute doit profiter au salarié.

Sur l’acquisition d’un bien à titre personnel par détournement de ses fonctions

Ce grief est motivé ainsi qu’il suit dans la lettre de licenciement :

« (‘)

Enfin, nous avons été récemment informés par l’un de nos collaborateurs de ce que vous aviez pris l’initiative, sans nous en informer et sans notre autorisation, de profiter de vos fonctions au sein de notre société pour acquérir un bien avant que ce dernier ne rentre en mandat au sein de notre agence.

Il est clair que là encore, nous ne pouvons cautionner de telles pratiques d’autant que vous êtes cadre au sein de notre structure.

(‘) ».

Le bien litigieux était un appartement dont la location était, avant la vente, gérée par l’agence l’agence Foncia Tourny en vertu d’un mandat consenti par ses propriétaires.

Il a été acquis par M. [Z] début mai 2013.

L’article 5.2 de la charte déontologique de la société prohibe la réalisation d’un achat à titre personnel par un collaborateur d’un bien immobilier dont le cabinet auquel il appartient a reçu mandat de gérer.

Le manquement allégué ne peut être retenu au motif d’une part, que M. [Z], qui gérait 4 agences, n’appartenait pas spécialement à l’agence Tourny.

D’autre part, la vente s’est réalisée à la suite d’une parution à l’initiative des propriétaires d’une annonce sur le ‘Bon Coin’ faite le 4 mai 2013.

Or, à cette date, les propriétaires avaient demandé à l’agence concernée d’enlever le bien de son fichier locations, par mail du 8 avril 2013.

Il n’est ainsi pas démontré que M. [Z], qui le conteste, avait connaissance d’une gestion de cet appartement dans le cadre d’un mandat de location, sinon résilié mais en tout cas suspendu par les mandants, d’autant que M. [Z] était en charge des ventes et non des locations.

Ce grief a donc également été à juste titre écarté par les premiers juges.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [Z] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnisation des préjudices résultant de la rupture

M. [Z] sollicite la somme de 55.080 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au vu des bulletins de paie de M. [Z], la moyenne mensuelle de salaire retenue est fixée à 4.598 euros bruts.

M. [Z] justifie de ses recherches d’emploi suite à la rupture, ayant été pris en charge par Pôle Emploi à compter du 20 septembre 2014 et jusqu’en décembre 2015, percevant l’allocation de retour à l’emploi d’un montant de l’ordre de 1.950 euros par mois.

Il indique avoir retrouvé un emploi mais avoir dû déménager à [Localité 6] alors qu’il venait d’acheter un appartement à [Localité 5] et avoir rencontré des difficultés financières et de santé.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [Z], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, c’est à juste titre que les premiers juges ont évalué à 30.000 euros la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par M. [Z] à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ce chef ainsi qu’en ce qu’il a ordonné le remboursement par l’employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d’indemnités, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.

***

M. [Z] sollicite également la somme de 27.450 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant du caractère vexatoire de son licenciement et du comportement déloyal de son employeur.

C’est par des motifs pertinents en droit et en fait que les premiers juges ont d’une part, estimé que l’employeur avait eu un comportement fautif, étant ajouté que plusieurs des témoignages produits par M. [Z] attestent de leur étonnement et surprise lorsqu’ils ont appris la brutale éviction du salarié, dispensé de l’exécution de son préavis, et, d’autre part, justement apprécié le préjudice subi en lui allouant la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

Les sommes allouées seront soumises aux cotisations sociales et contributions fiscales prévues par les dipositions légales et réglementaires applicables.

La demande de remboursement présentée par la société Foncia des sommes versées au titre de l’exécution provisoire sera rejetée, compte tenu de la confirmation du jugement déféré.

La société Foncia, partie perdante à l’instance et en son recours, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à payer à M. [Z] la somme de 4.200 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

 


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