Agent commercial : décision du 3 mai 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 19/04317

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Agent commercial : décision du 3 mai 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 19/04317

3 mai 2022
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
19/04317

C4

N° RG 19/04317

N° Portalis DBVM-V-B7D-KGUV

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Didier DESNOYER

la AARPI CAP CONSEIL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU LUNDI 03 MAI 2022

Appel d’une décision (N° RG F19/00088)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE

en date du 01 octobre 2019

suivant déclaration d’appel du 24 Octobre 2019

APPELANT :

Monsieur [D] [V]

né le 10 Avril 1984 à PARIS 16ème (75016)

de nationalité Française

5, Avenue du Lieutenant Cheynis

26160 LA BATIE ROLLAND

représenté par Me Didier DESNOYER, avocat au barreau de VALENCE,

INTIMEE :

SASU MAISON LODEAN, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

157, Avenue de Lyon

26500 BOURG LES VALENCE

représentée par Me Anne Marie VIELJEUF de l’AARPI CAP CONSEIL, avocat au barreau de VALENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Février 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, et Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Valérie RENOUF, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 03 Mai 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 03 Mai 2022.

Exposé du litige :

La SASU MAISON LODEAN exerce une activité de commercialisation et de construction de maisons individuelles à ossature boit de la marque NATILIA du groupe de la société AST GROUPE.

Le 11 juin 2018, un contrat d’agent commercial a été signé entre la SASU MAISON LODEAN et la SAS FACTORYPROM prise en la personne de son représentant légal, M. [V].

M. [V] a mis fin au contrat par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 19 février 2019 et contesté la qualification d’agent commercial au bénéfice de celle de salarié.

M. [V] a saisi le conseil des prud’hommes de Valence en date du 11 mars 2019 aux fins de requalification de son contrat d’agent commercial en contrat de travail, dire que la rupture de ce contrat devra produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 1er octobre 2019, le conseil des prud’hommes de Valence, a :

Dit qu’il n’existait pas de lien de subordination entre M. [V] et la SASU MAISON LODEAN mais que les relations entre M. [V] en sa qualité de représentant légal de la société FACTORYPROM SAS et la SASU MAISON LODEAN étaient régies par les dispositions du contrat d’agent commercial signé le 11 juin 2018 entre les parties

Dit qu’il n’existait pas de contrat de travail entre les parties

Débouté M. [V] de l’ensemble de ses demandes

Condamné M. [V] à payer à la SASU MAISON LODEAN la somme de 1500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Débouté la SASU MAISON LODEAN de sa demande reconventionnelle au titre de l’indemnité de préavis

Condamné M. [V] aux entiers dépens de l’instance.

La décision a été notifiée aux parties et M. [V] en a interjeté appel le 24 octobre 2019.

Par conclusions du 12 janvier 2021, M. [V] demande à la cour d’appel de :

Constater que M. [V] n’était pas soumis à un contrat d’agent commercial, mais bien à un contrat de travail, et que dès lors, il est en droit d’obtenir la requalification de son pseudo contrat d’agent commercial, en contrat de travail salarié.

Dès lors, il est demandé à la Cour de bien vouloir :

Reformer dans sa totalité le jugement rendu par le Conseil des prud’hommes de Valence en date du 1er octobre 2019.

Constater qu’il a été contraint de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur, et que dès lors, il est demandé sa requalification en un licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenue à la date du 19 février 2019.

Dès lors :

Reformer le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes de Valence en date du 1er octobre 2019 dans toutes ses dispositions.

Bien plus, au vu de ces deux requalifications, la MAISON LODEAN sera condamnée à lui régler les indemnités suivantes, à titre d’indemnisation liée à la cessation des relations contractuelles de travail :

1°) Au titre des salaires dus et frais dus :

– salaires du 11 juin 2018 au 19 février 2019 : 20.910 € brut

– congés payés y afférent : 2.091 € brut

– remboursement d’indemnités kilométriques à hauteur de 5.000 km : 2.975 € net

2°) Au titre des indemnisations liées à la cessation des relations contractuelles :

– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 2.500 € net

– indemnité légale de licenciement : 417 € net

– indemnité compensatrice de préavis : 2.500 € brut

– congés payés y afférent : 250 € brut

– dommages et intérêts au titre de la requalification du contrat d’agent commercial en CDI : 7.500 € net le tout avec intérêts au taux légal,

Condamner également la MAISON LODEAN à :

– la nullité de la clause de non concurrence,

– la remise des documents sociaux (attestation pôle emploi, certificat de travail, bulletins de paye du 11 juin 2018 au 19 février 2019) sous astreinte journalière de 50 € par document, que le Conseil se réservera le droit de liquider,

Condamner la MAISON LODEAN au paiement de la somme de 2.800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner en outre la MAISON LODEAN au paiement de la même somme de 2.800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant la Cour de céans,

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

Ordonner la capitalisation des intérêts dus par application des dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil.

Déclarer nulle la clause de non concurrence en ce qu’elle ne prévoit aucune contrepartie financière.

Par conclusions en réponse du 13 mars 2020, SASU MAISON LODEAN demande à la cour d’appel de :

Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de VALENCE le 1er octobre 2019 ;

Dire et juger que le contrat qui liait la société FACTORYPROM à la société MAISON

LODEAN est un contrat d’agent commercial ;

En conséquence, débouter M. [V] es qualités de Président de la société FACTORYPROM, de l’intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire

Réduire les demandes au titre du statut de salarié de Monsieur [D] [V] à de plus justes proportions ;

Dire et juger que les griefs reprochés à la société MAISON LODEAN dans la lettre de prise d’acte de rupture ne sont pas fondés ;

En conséquence, requalifier la lettre de prise d’acte de rupture en démission ;

Débouter M. [V] de ses demandes consécutives ;

Condamner M. [V] à payer à la société MAISON LODEAN la somme de 1 521,25 € à titre d’indemnité de préavis ;

En toute hypothèse

Confirmer le jugement déféré sur le principe de la condamnation de M. [V] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; mais modifiant le quantum, condamner Monsieur [V] à payer à la société MAISON LODEAN la somme de 3 000,00 € sur ce fondement, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur la demande de rejet de pièces :

La SASU MAISON LODEAN sollicite le rejet de la pièce n° 59 des débats comme ayant été ajouté le 4 févier 2022 postérieurement à l’ordonnance de clôture et 3 jours avant l’audience de plaidoirie.

M. [V] ne conteste pas avoir transmis cette pièce tardivement mais indique qu’elle est en réalité l’avis d’imposition sur les revenus 2020 de M. [V] permettant d’actualiser sa situation personnelle.

Sur ce,

Conformément à l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

Par ailleurs, l’article 802 du même code dispose que, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Faute pour M. [V] d’avoir communiqué la pièce n°59 en temps utile, il convient d’ordonner son rejet des débats.

Sur l’existence d’un contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [V] soutient qu’en réalité il n’était pas lié par un contrat d’agent commercial mais par un contrat de travail de prospecteur foncier.

Il explique que son contrat d’agent commercial signé le 11 juin 2018 ne consistait pas à rechercher de terrain mais uniquement à négocier et vendre des contrats de construction de maisons individuelles ; or dans les faits il devait exclusivement chercher des terrains sans que ces recherches ne soient liées à la vente d’une maison, la prospection foncière étant un métier à part entière. Le but était d’offrir un choix de terrain au prospect, terrains qui étaient promus sur le site Internet de NATILIA – VALENCE inaccessible pour M. [V] ; il devait également à la demande de M. [I], rechercher des terrains en vente ou non auprès de particuliers.

Les instructions qui lui étaient données l’empêchaient de travailler dans le cadre de son contrat d’agent commercial et le soumettaient à la stratégie personnelle du gérant de l’agence NATILIA Valence (SASU MAISON LODEAN). À aucun moment il n’a pu, comme prévu dans son contrat d’agent commercial, utiliser la charte graphique de NATILIA pour diffuser les produits NATILIA alors qu’il aurait dû diffuser les produits et non des terrains.

Il fait valoir que le lien de subordination existait bien entre lui et la SASU MAISON LODEAN, qu’il ne disposait d’aucune exclusivité territoriale comme prévue à son contrat d’agent commercial, ne pouvait avoir recours à des sous-agents, était tenu de suivre strictement les instructions du mandant en ce qui concerne les modalités de vente de produits et les conditions tarifaires.

Sa carte de visite a été réalisée par l’employeur et est au nom de la société NATILIA et il y apparaît, non la société FACTORYPROM, comme chargé de projet et non agent commercial.

Il était contraint de tenir à jour un tableau de suivi des prospections de terrain qu’il devait remettre chaque semaine ou tous les 15 jours à la SASU MAISON LODEAN. Il était sous le contrôle direct de Monsieur [I] qui lui indiquait les relances à faire et ne pouvait rédiger lui-même les annonces au risque de doublons. Il était convié aux rendez-vous d’équipe.

La SASU MAISON LODEAN conteste la demande de requalification du contrat d’agent commercial en contrat de travail.

Elle fait valoir que l’attribution d’un territoire de représentation exclusive n’est pas une condition de l’existence d’un mandat d’agent commercial et en tout état de cause M. [V] ne démontre pas avoir été, sur le terrain, effectivement concurrencé sur son secteur par un autre agent commercial ou un salarié de la SASU MAISON LODEAN.

S’agissant des modalités de vente et des conditions tarifaires, la SASU MAISON LODEAN a fait un choix dans son catalogue parmi l’offre de la marque NATILIA ; M. [V] était censé prospecter sur la base du catalogue, support de la politique commerciale de la société, afin de lui faciliter la tâche, un choix trop important de maisons constituant nécessairement une entrave à la démarche commerciale. Pour autant, rien ne l’empêchait, s’il le souhaitait, de proposer d’autres modèles de maisons du catalogue, à charge pour lui de se renseigner sur le prix applicable au sein du réseau.

S’agissant de la carte de visite, son contrat d’agent commercial rappelle qu’il s’engageait à appliquer le savoir-faire dont dispose le mandant pour commercialiser la vente de contrat de construction de maisons individuelles afin d’exécuter sa mission selon la qualité et l’image de la marque. Il s’agissait donc d’être simplement facilitatrice à travers cette présentation formelle de l’appartenance au réseau NATILIA. Si M. [V] avait mis en avant sa structure FACTORYPROM dans sa documentation commerciale et dans le cadre de ses échanges avec les clients, il aurait eu quelques difficultés à vendre des maisons du réseau NATILIA .

La SASU MAISON LODEAN conteste l’obligation alléguée de tenir un tableau de suivi de prospection. M. [I] s’est contenté de le féliciter sur la qualité de ce tableau qui facilitait la communication entre eux sur l’avancée de recherche de terrains et de prospects. M. [V] n’était jamais présent dans l’entreprise en sa qualité d’agent commercial indépendant, ne disposait pas d’un bureau au sein de l’agence. Il était donc demandeur d’échanges réguliers, ce qui l’a amené à faire la proposition du tableau de suivi.

Sur les mises en contact, M. [V] ne saurait tirer du processus automatique inhérent à l’appartenance au réseau NATILIA, l’existence d’un lien de subordination, le fait de bénéficier d’un support marketing ne saurait caractériser l’existence de ce lien de subordination.

La SASU MAISON LODEAN estime que M. [V] ne justifie pas avoir reçu de consignes spécifiques et M. [V] a exercé sa mission d’agent commercial en toute indépendance de manière parfaitement autonome. Il ne s’est jamais présenté au siège de la société ainsi qu’en attestent des salariés, ne disposait pas de bureau et n’a jamais assisté à une réunion hebdomadaire. Il n’était donc soumis à aucune obligation de présence, ce qui rendait les échanges par mails nécessaires pour pouvoir simplement communiquer au minimum. Il adressait l’ensemble de ces mails avec la signature suivante : « président FACTORYPTOM SAS », cette structure étant préexistante à la signature de son contrat d’agent commercial. Il ne disposait pas d’une adresse mail NATALIA comme l’ensemble des salariés du réseau national. Il n’était pas lié par une clause d’exclusivité, ce qui lui permettait de signer d’autres contrats d’agent commercial. Il déterminait librement ses horaires, la durée ses activités et de ses déplacements il n’a jamais eu d’entretien annuel avec Monsieur [I] contrairement aux salariés de la société.

Sur ce,

Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leurs conventions, mais se caractérise par les conditions de faits dans lesquelles s’exerce l’activité professionnelle.

Il résulte des dispositions de l’article L. 8221-6 code du travail que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription notamment, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

En l’espèce, il est constant que M. [V] a constitué la SAS FACTORYPROM en avril 2016 et M. [I], la SASU MAISON LODEAN en novembre 2017, et qu’un contrat d’agent commercial a été conclu entre la SAS FACTORYPROM et la SASU MAISON LODEAN le 11 juin 2018.

Aux termes de ce contrat la SAS FACTORYPROM prise en la personne de son représentant légal, M. [V], est qualifiée d’agent commercial.

Il est également précisé que M. [V] est « en cours d’immatriculation » au registre des Agents commerciaux.

La SASU MAISON LODEAN a pour activité la commercialisation et la construction de maisons individuelles de la marque NATALIA et aux termes du contrat précité « souhaite recourir à un agent commercial pour promouvoir la vente des contrats de construction de maisons individuelles ». « La SASU MAISON LODEAN confie à l’agent commercial de la négociation, la vente, au nom et pour le compte du mandant, de contrat de construction de maisons individuelles avec fourniture de plans, telles que décrites à l’annexe 1, auprès de prospects, maître d’ouvrage, désireux de se faire construire une maison. »

Ledit contrat d’agent commercial précise qu’aucune exclusivité territoriale n’est garantie à l’agent commercial et qu’il est rémunéré sous forme de commissions. Le calcul de la commission s’effectue selon une base de calcul qui comprend la signature des contrats de construction de maisons individuelles ainsi que la signature de tous les avenants y afférents.

Il appartient par conséquent à M. [V], qui bénéficie d’une présomption de non salariat en sa qualité d’agent commercial, et allègue l’existence d’une relation de travail, de la démontrer.

M. [V] qui conclut d’abord avoir répondu à une offre d’emploi publiée par le site Pôle emploi en qualité de personne physique ne le démontre pas. Il ne justifie pas non plus que M. [I] l’aurait dissuadé de s’inscrire en tant qu’agent commercial au registre du commerce.

Il n’est pas contesté que M. [V] en sa qualité de représentant légal de la SAS FACTORYPROM a exécuté une prestation de travail au bénéfice de La SASU MAISON LODEAN et a été rémunéré pour ce faire.

M. [V] soutient que la SASU MAISON LODEAN n’a pas respecté l’objet du contrat d’agent commercial et qu’il a en réalité été utilisé uniquement à la recherche de terrains et à la négociation et la vente de contrats de construction de maisons individuelles.

Il ressort du contrat signé que l’activité de M. [V] consiste à « promouvoir la vente de contrats de construction de maisons individuelles » et qu’il lui ainsi confié par la SASU MAISON LODEAN, « la négociation, la vente » de ces contrats « avec fourniture de plans auprès de prospects, Maîtres d’ouvrages, désireux de se faire construire une maison ».

Il est précisé que la SASU MAISON LODEAN bénéficie d’un « savoir-faire » qui s’applique notamment à la recherche de terrains, de financements, à l’accompagnement de clients dans les démarches’ » et que l’agent commercial, M. [V], « s’oblige pour l’exercice de son activité à l’appliquer afin d’exécuter sa mission selon la qualité et l’image de la marque » NATALIA.

Il ressort des échanges de mails entre M. [V] et M. [I], versés aux débats par M. [V], qu’il fournissait à la SASU MAISON LODEAN des adresses de terrains dont il avait démarché les propriétaires pour les annonces de la SASU MAISON LODEAN, qu’il y apposait des panneaux et donnait toutes les informations à M. [I]. Dans un mail du 3 janvier 2019, M. [I] indique ainsi à M. [V] « qu’il était prévu que tu fasses un gros mois de décembre de prospection foncière » et lui reproche d’être moins efficace qu’une collègue de 18 ans, reconnaissant ainsi que M. [V] effectuait en réalité de la prospection foncière et avait des objectifs à remplir pour ce faire à l’égard de la SASU MAISON LODEAN.

Il n’apparaît toutefois pas que cette activité ait été contraire à l’activité d’agent commercial prévue puisque que cette recherche pouvait permettre ensuite la vente et la construction de maisons et qu’il était tenu aux termes de son contrat de respecter le savoir-faire de la SASU MAISON LODEAN dans ce cadre afin de ne pas porter atteinte à l’image de la marque. M. [V] ne démontre pas par ailleurs que les instructions qui lui étaient données par la SASU MAISON LODEAN en vue de cette recherche de terrains, comme conclu, le soumettait à la stratégie personnelle du gérant et l’empêchait de travailler dans le cadre de son contrat d’agent commercial.

M. [V] bénéficiait aux termes de son contrat d’agent commercial d’un territoire défini mais d’aucune exclusivité territoriale. Cette absence d’exclusivité n’exclut pas à elle seule la qualification d’agent commercial au bénéfice de celle de salarié. Par ailleurs M. [V] ne démontre pas avoir été dans l’impossibilité d’exercer son activité sur son secteur du fait de la SASU MAISON LODEAN et du défaut d’exclusivité.

Aux termes de son contrat, M. [V] ne pouvait avoir recours à des sous-agents et était tenu de suivre strictement les instructions du mandant en ce qui concerne les modalités de vente de produits et les conditions tarifaires, les prix et conditions de vente de produits étant fixés par le mandant qui se réserve le droit de les modifier à son gré communiqué à l’agent commercial qui s’engage à en faire l’application.

Il n’est pas contesté par la SASU MAISON LODEAN que M. [V] prospectait sur la base d’un catalogue constituant une sélection de types de maisons à construire de marque NATILIA avec des conditions tarifaires, mais M. [V] ne démontre pas qu’il n’avait pas la possibilité de proposer un type de construction NATILIA non prévue par le catalogue en sollicitant le mandant sur les conditions tarifaires à appliquer.

Le simple mail de réponse du 7 juillet 2018 dans lequel M. [I] indique à M. [V] qui lui demande « si le format de la fiche lui convient », que « la fiche synthèse lui convient très bien », ne démontre pas que la SASU MAISON LODEAN lui imposait de tenir un tableau de suivi de prospection précis. La communication entre l’agent commercial et son mandant sur l’état d’avancée de la prospection apparaissant nécessaire et M. [V] ne justifiant pas de l’existence de consignes précises qu’il devait respecter à l’instar d’un salarié et de « comptes rendus précis » qu’il devait rendre à une fréquence déterminée par avance.

La SASU MAISON LODEAN ne conteste pas que la mise en contact de M. [V] avec les clients potentiels se faisait par le biais de la rédaction sur le site NATILIA d’un formulaire qui était réaffecté à M. [V] (adresse la SAS FACTORYPROM ) en sa qualité d’agent commercial sur le secteur pour prise de contact, par mail automatique par M. [I], M. [V] fixant ensuite un rendez-vous avec le client qui était communiqué automatiquement à la SASU MAISON LODEAN qui lui renvoyait un mail automatique « d’invitation à un premier rendez-vous ».

Ainsi si M. [V] recevait des mails de M. [I] transmettant les coordonnées de potentiels acquéreurs avec les mentions « A contacter dès que possible », ou « A toi de jouer » voire des courriels vides, il n’en ressort pas qu’il recevait des ordres de la part de la SASU MAISON LODEAN de contacter à des échéances précises les clients, mais bien qu’il était uniquement informé de potentiels contacts et qu’une fois le rendez-vous pris par ses soins, celui-ci lui était rappelé par un processus automatique « « veuillez trouver un événement à ajouter à votre agenda vous permettant de vous rappeler de votre rendez-vous pris le’ » avec le rappel des coordonnées du contact, censé à la fois faciliter sa tâche et informer le mandant des contacts en cours pris en charge par l’agent commercial sans que cela caractérise l’existence de consignes de la part d’un potentiel employeur.

Le mail du 7 novembre 2018 versé aux débats dans lequel M. [V] indique fournir à M. [I] « un nouveau tableau de suivi des clients » ne démontre pas, comme conclu, qu’il était soumis à l’obligation de rendre des comptes à M. [I] de son activité, mais que les parties se tenaient mutuellement informées dans le cadre de la relation commerciale, M. [I] lui répondant d’ailleurs en l’informant également de la suite des offres qu’il a remises.

De la même façon, le fait, le 7 novembre 2018, pour M. [I] de demander à M. [V] un compte-rendu après la porte ouverte sur les contacts « afin de déterminer la qualité des contacts générés », ou le 5 décembre 2018 de lui demander « si tu peux faire un petit coup de relance à tous ceux que tu n’as pas eu rendez-vous (mis à part celle qui t’a raccroché au nez ”) « ne constituent pas des directives démontrant l’existence d’un lien de subordination, mais des échanges courtois et mesurés sur la manière de faire avancer les dossiers et les méthodes commerciales (utilité des salons).

Si la SASU MAISON LODEAN ne conteste pas avoir sollicité M. [V] pour qu’il soit présent au salon « Portes ouvertes sur la maison » de Montélimar les 26 et 27 octobre 2018, il ressort du contrat d’agent commercial en son article 3 qu’il est prévu que M. [V] participe à des salons et foires auxquels le mandant déciderait de participer, M. [V] pouvant par ailleurs y renoncer. En outre, M. [I] précise dans le mail du 24 septembre 2018 qu’il compte sur sa présence mais que M. [V] ne doit pas, hésiter à lui dire s’il y a un empêchement sur un des deux jours pour qu’ils puissent s’organiser, laissant à M. [V] la possibilité de refuser de s’y rendre, ne caractérisant pas une relation de travail entre un employeur et un salarié.

Le fait qu’il soit convié aux repas d’équipe le 17 juillet 2018 (et non aux rendez-vous d’équipe comme conclu) et qu’il soit intégré ainsi aux moments de convivialité et d’échanges n’a pas pour effet de l’intégrer aux effectifs salariés de l’entreprise, d’autant que ces événements ne lui étaient pas imposés.

Ainsi trois salariés de l’entreprise attestent qu’il ne participait jamais aux réunions hebdomadaires des points techniques sur les dossiers et qu’ils l’ont vu une seule fois à l’agence. Mme [R], assistante administrative, indique qu’elle ne disposait d’aucun contact ni moyen de communication avec lui, ni E-mail, ni N° de téléphone. Mme [M], dessinatrice, témoigne qu’il était qualifié d’agent commercial indépendant au sein de l’agence et présenté comme tel, et ne travaillait pas au sein des locaux de Bourg Les Valence. Il ne disposait pas d’adresse mail NATILIA au même titre que les salariés.

S’il est constant que M. [V] disposait d’une carte de visite réalisée par la SASU MAISON LODEAN qui le présentait comme « chargé de projet » de NATALIA et non la SAS FACTORYPROM et la qualité d’agent commercial, et mentionnait l’adresse mail [email protected], la cour constate qu’il ressort des mails de M. [V] adressés à la SASU MAISON LODEAN et versés aux débats qu’il signait ses courriels par « [D] [V]-Président FACTORYPROM SAS » et précisait l’adresse mail de la SAS FACTORYPROM avec le logo de cette société, démontrant que M. [V] se considérait bien comme un agent commercial vis à vis de la SASU MAISON LODEAN et non comme un salarié et que la carte de visite n’avait comme objet que d’assurer sa visibilité commerciale par les clients comme distribuant les produits NATILIA.

M. [V] ne démontre enfin pas en quoi, il était dans l’impossibilité de développer une autre relation commerciale avec une autre entreprise, ni qu’il était soumis à des horaires de travail, à une fréquence de déplacements et qu’il a été l’objet d’un contrôle de la part de la SASU MAISON LODEAN et de sanctions.

Le seul mail du 3 janvier 2019, dans lequel M. [I] indique à M. [V] « qu’il était prévu que tu fasses un gros mois de décembre de prospection foncière » et lui indique qu’il est moins efficace qu’une collègue de 18 ans, ne constituant pas un rappel à l’ordre mais s’inscrit dans le cadre du différend d’ores et déjà existant entre les parties.

Faute pour M. [V] de démontrer l’existence d’un lien de subordination entre lui et la SASU MAISON LODEAN, il convient, par voie de confirmation du jugement déféré de dire que la relation des parties était constituée d’un contrat d’agent commercial et qu’il n’existait pas de contrat de travail et de débouter M. [V] de ses demandes à ce titre.

Sur les demandes accessoires :

Il convient de confirmer la condamnation de M. [V] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance.

M. [V], partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devra payer à la SASU MAISON LODEAN la somme de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE M. [V] recevable en son appel,

ORDONNE le rejet des débats de la pièce n° 59,

CONFIRME le jugement déféré dans son intégralité,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [V] à payer la somme de 2 000 € à la SASU MAISON LODEAN sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

CONDAMNE M. [V] aux dépens d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Présidente,

 


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