Agent commercial : décision du 28 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00042

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Agent commercial : décision du 28 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00042
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28 mars 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
21/00042

28/03/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/00042

N° Portalis DBVI-V-B7F-N455

J.C G / RC

Décision déférée du 11 Juin 2019

Tribunal de Grande Instance d’ALBI

(16/02005)

MME [Y]

[L] [M]

C/

[X] [P]

Société CHAUSSON MATERIAUX

S.A. MAAF ASSURANCES

S.A.S.U. SIKA FRANCE

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [L] [M]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représenté par Me Luc PERROUIN de la SCP PAMPONNEAU TERRIE PERROUIN BELLEN-ROTGER, avocat au barreau D’ALBI

INTIMES

Monsieur [X] [P]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Katharina WILL de la SCP REMIGI WILL LEVAN, avocat au barreau de CASTRES

CHAUSSON MATERIAUX SAS

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Toulouse sous le numéro B 352 009 534, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Gare de Saint-Jory Triage

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 2]

Représentée par Me Karine GROS de la SCP MAIGNIAL GROS DELHEURE MARTINET-GAMBAROTTO, avocat au barreau D’ALBI

S.A. MAAF ASSURANCES

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Niort sous le numéro 542 073 580, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

‘[Localité 9]’

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel GIL de la SCP SCPI BONNECARRERE SERVIERES GIL, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A.S.U. SIKA FRANCE

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro B 572 232 411, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentée par Me Nadège MARTY-DAVIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant J.C GARRIGUES, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. DEFIX, président

J.C. GARRIGUES, conseiller

A.M ROBERT, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DEFIX, président, et par N. DIABY, greffier de chambre

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FAITS ‘ PROCÉDURE ‘ PRÉTENTIONS

M. [L] [M] a fait construire une maison d’habitation située [Adresse 4] (81). Il s’est réservé la réalisation de certains travaux dont l’étanchéité du sous-sol.

Il a commandé auprès de la société Chausson Matériaux l’ensemble des matériaux nécessaires à la construction de l’immeuble, notamment l’enduit d’étanchéité qu’il a lui-même appliqué sur la maçonnerie extérieure du sous-sol.

M. [P] est intervenu pour les travaux de terrassement.

Au mois d’août 2013, M. [M] a constaté une inondation en sous-sol de sa maison et que l’enduit « noir pâteux » appliqué se décollait. M. [P] est intervenu pour réaliser un crépissage hydrofuge des murs du garage et la remise en place du drain.

Par ordonnance du 27 juin 2014, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à M.[U], au contradictoire des sociétés Chausson Matériaux et Sika France, fabricant de l’enduit.

Par ordonnance du 5 décembre 2014, les opérations d’expertise ont été étendues à M.[P].

Par actes d’huissier des 10, 15 et 16 novembre 2016, M. [L] [M] a fait assigner la Sa Chausson Matériaux, la Sa Sika France et M. [X] [P] devant le tribunal de grande instance d’Albi aux fins d’obtenir réparation de ses dommages.

M. [P] a appelé en la cause son assureur, la Maaf.

Par jugement contradictoire du 11 juin 2019, le tribunal de grande instance d’Albi a :

– dit n’y avoir de réception tacite du chantier et n’y avoir lieu à application de la garantie décennale ;

– mis hors de cause l’entreprise Sika France ;

– déclaré recevable l’appel en cause de la compagnie Maaf ;

– dit que les entreprises [X] [P] et Chausson Matériaux engagent leur responsabilité contractuelle envers M. [L] [M] à hauteur chacune de 35% ;

– dit que M. [L] [M] conserve une part de responsabilité à hauteur de 30% ;

– condamné la société Chausson Matériaux à payer à M. [M] la somme de 4 495,76 euros avec intérêt au taux légal à compter de la décision ;

– condamné M. [L] [M] à payer à M. [X] [P] la somme de 5 470,27 euros avec intérêt au taux légal à compter de la décision ;

– dit que la Maaf sera condamnée à relever et garantir l’entreprise [X] [P] à hauteur de sa part de responsabilité, soit la somme de 4 495,76 euros ;

– rejeté le surplus des demandes ;

– condamné M. [M], M. [P] et Chausson Matériaux in solidum aux entiers dépens;

– condamné M. [L] [M] à payer à l’entreprise Sika la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– rejeté toutes plus amples demandes.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que les conditions de la garantie décennale n’étaient pas remplies à défaut de réception des travaux réalisés par M. [P], l’expert ayant indiqué que l’on se trouvait dans le cadre d’une maison en cours de construction, inachevée et inhabitée et que l’intégralité des factures n’avait pas été payée.

Sur la responsabilité de la Sa Chausson Matériaux, le tribunal a constaté qu’un professionnel de cette entreprise s’était déplacé à plusieurs reprises sur le chantier , qu’il ne pouvait ignorer qu’il n’y avait pas d’enduit hydraulique sur les murs ni que la pose du ‘noir pâteux’ directement sur le béton ne rendait pas l’ouvrage étanche, et que le vendeur professionnel aurait dû à tout le moins se renseigner sur la volonté de son client et adapter ses conseils à ce dernier.

Il a estimé que les documents fournis par le fabricant Sika apparaissaient suffisants pour permettre la délivrance d’une information claire et précise sur l’utilisation du produit et a en conséquence mis cette société hors de cause.

Sur la responsabilité de M. [P], le tribunal a relevé, s’agissant de la première tranche des travaux, que l’expert avait établi clairement au titre des causes du sinistre le lien de causalité avec le caractère non étanche du réseau d’EP, la liaison entre le caniveau à grille et le drain. S’agissant de la seconde tranche des travaux, le tribunal a estimé que les malfaçons et non-conformités imputables à M. [P] n’étaient pas en lien avec les dommages.

Il a retenu une part de responsabilité de M. [M] qui a réalisé les travaux en qualité de maître d’oeuvre aux motifs que l’expert avait également retenu comme cause des dommages que la terrasse non couverte du plancher bas du rez-de-chaussée n’était pas achevée, qu’elle n’avait reçu aucun procédé d’étanchéité et que l’accumulation d’eau de pluie sur 45 m² avait inondé le plafond du sous-sol et s’était aussi écoulée le long des murs périphériques du sous-sol.

M. [M] a été débouté de sa demande au titre du remplacement du drain et des travaux de nouvelle reprise, à défaut de lien de causalité entre ces travaux et le dommage, ainsi que de sa demande en réparation d’un préjudice moral et de jouissance dès lors que les travaux de remédiation avaient eu lieu avant même que la maison ne soit habitée.

Enfin, le tribunal a retenu la garantie de la Maaf sur la base d’une attestation d’assurance mentionnant une couverture au titre de la responsabilité civile pour les dommages intervenus avant livraison ou réception.

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Par déclaration du 6 janvier 2021, M. [L] [M] a relevé appel de ce jugement en ce qu’il a :

– mis hors de cause l’entreprise Sika France,

– condamné M. [L] [M] à payer à M. [X] [P] la somme de 5 470,27 euros avec intérêt au taux légal à compter de la décision,

– jugé que M. [L] [M] conserve une part de responsabilité à hauteur de 30%,

– rejeté les demandes indemnitaires de M. [M] à l’égard des sociétés Sika, Chausson Matériaux, [P],

– condamné M. [L] [M] à payer à l’entreprise Sika la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à la société Sika ainsi qu’à une partie des dépens,

– rejeté les demandes de M. [M] au titre des préjudices financiers de jouissance.

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Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 17 mai 2022, M. [L] [M], appelant, demande à la cour, au visa des articles 1603, 1615, 1231-1 et 1792 du code civil, de :

– réformer le jugement entrepris, et débouter la société Chausson, M. [P] et la Maaf de l’ensemble de leurs demandes formées sur appel incident ;

Et en conséquence,

– dire que la Sas Chausson Matériaux, en qualité de vendeur, et la Sasu Sika France, en qualité de fabricant, sont responsables du sinistre à son égard, ayant manqué à leur obligation de délivrance et à leur obligation de renseignement sur les modalités de mise en ‘uvre du produit venu ;

– dire que M. [X] [P], entrepreneur, engage à son égard sa responsabilité décennale ou subsidiairement sa responsabilité civile contractuelle, au vu des défaillances de l’ouvrage constatées par l’expert judiciaire ;

En conséquence,

– condamner solidairement les sociétés Sika, Chausson Matériaux et [P] et son assureur la Maaf à lui payer la somme de 9 011,84 euros TTC à titre de dommages et intérêts, outre l’actualisation de cette somme à l’indice BT01 ;

– condamner en outre M. [X] [P] à lui payer les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts sur le fondement de sa garantie décennale et subsidiairement sur le fondement de sa responsabilité civile contractuelle :

* 3 833,20 euros TTC au titre du remplacement du drain,

* 7 800 euros TTC au titre des travaux de remédiation à terminer suite aux travaux défectueux de l’entrepreneur ;

– condamner solidairement la Sas Chausson Matériaux, la Sasu Sika France, M. [X] [P] et son assureur la Maaf à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et de jouissance ;

– juger que les indemnités qui lui seront allouées seront assorties des intérêts légaux à compter de la signification de la première assignation ;

– condamner solidairement la Sas Chausson Matériaux, la Sasu Sika France, M. [X] [P] et son assureur la Maaf à lui payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, outre 5 000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la Sas Chausson Matériaux, la Sasu Sika France, M. [X] [P], la Maaf, solidairement aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Scp Pamponneau Perrouin Bellen-Rotger sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

M. [M] soutient que le vendeur du produit litigieux a manqué à son obligation d’information et de conseil quant à l’usage d’un produit susceptible d’être appliqué par un consommateur non professionnel, ce qui était son cas, qu’il a pris contact avec la société Chausson Matériaux et son représentant commercial pour obtenir les conseils et informations utiles, et que le jugement doit être réformé en ce qui concerne la limitation de responsabilité de cette société.

Il estime que la société Sika engage sa responsabilité vis-à-vis de l’acquéreur en ce qui concerne le défaut d’information sur la fiche du produit et ses modalités d’application, la fiche de publicité du produit ‘noir pâteux’ mentionnant que ce produit a une bonne adhérence sur différents supports et n’indiquant pas qu’un enduit ciment doit être appliqué au préalable.

Il fait valoir que les divers manquements de M. [P] ont été relevés par l’expert.

Il sollicite sa mise hors de cause aux motifs qu’il n’est pas intervenu en qualité de professionnel acteur d’un chantier et débiteur d’une obligation de résultat et que sa faute n’est pas caractérisée.

Il invoque un préjudice moral et de jouissance aux motifs qu’il a été contraint d’exposer des frais très lourds pour assurer les réparations, que la procédure a retardé le chantier et exercé sur lui une pression morale et financière qui ne saurait objectivement être écartée.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 9 novembre 2021, M.[X] [P], intimé, demande à la cour, au visa des articles 1603, 1615, 1231-1 et 1792 du code civil, de :

A titre principal,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’il a engagé sa responsabilité contractuelle

En conséquence,

– le mettre hors de cause,

– débouter M. [M] de toute demande financière à son égard,

– confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

En conséquence,

– dire que M. [L] [M] conserve une part de responsabilité dans le sinistre objet du litige ;

– condamner M. [L] [M] ou tout succombant à lui payer la somme de 9 966.03 euros TTC correspondant au solde de sa facture euros avec intérêt au taux légal à compter du jugement dont appel ;

– débouter M. [L] [M] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 3 833,20 euros TTC au titre du remplacement du drain et de 7 800 euros TTC au titre des travaux de remédiation à terminer sur le fondement de la garantie décennale et sur le fondement de la responsabilité civile contractuelle ;

– débouter M. [L] [M] de sa demande de dommages et intérêts réparation de son préjudice moral et de jouissance ;

A titre subsidiaire,

– si par extraordinaire la Cour devait faire droit aux demandes de M. [M] ou confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a retenu une responsabilité à son égard à hauteur de 30 %, confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Maaf à le relever et garantir intégralement de toute condamnation mise à sa charge en ce compris les dépens dont le coût de l’expertise le cas échéant ;

En tout état de cause,

– condamner M. [M] ou tout succombant à lui payer la somme de 3 600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, outre 4 000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [M] ou tout succombant aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, dont distraction au profit de la Scp Remigi-Will-Levan sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

M. [P] souligne que M. [M] a confié les travaux de construction à plusieurs entreprises par lots séparés, qu’il n’a fait appel ni à une entreprise tous corps d’état qui aurait assuré dans sa prestation une mission de maîtrise d’oeuvre, ni à un maître d’oeuvre ou un conducteur de travaux et qu’il a dès lors assuré seul le rôle de maître d’oeuvre et doit en assumer les responsabilités alors qu’il n’était absolument pas formé et préparé à une telle mission.

Il expose que M. [M] a fait appel à lui pour la réalisation des travaux de terrassement et que ses factures émises au fur et à mesure de l’avancement des travaux ont été réglées, le maître de l’ouvrage étant entièrement satisfait des travaux réalisés. Il explique qu’après l’inondation du sous-sol, M. [M] l’a à nouveau sollicité pour découvrir les murs du garage afin de vérifier l’état du dispositif d’étanchéité et du drain et que c’est ainsi qu’il a découvert que le noir pâteux se décollait et partait en morceaux.

Il fournit des précisions quant aux travaux réalisés par les différents intervenants et soutient qu’il ressort du rapport d’expertise que les désordres liés aux inondations résultent de plusieurs éléments dont aucun ne lui incombe, à savoir :

– la terrasse qui n’a pas été achevée, étant précisé que la réalisation de cette terrasse a été effectuée par M. [M] ;

– la pose du produit ‘Noir pâteux’ fabriqué par Sika et distribué par Chausson Matériaux, qui a été posé directement sur les parpaings par M. [M], étant précisé que la pénétration d’eau par les murs extérieurs au travers de l’étanchéité réalisée par M. [M] ne constitue pas la cause principale de l’inondation.

Il conteste l’avis de l’expert en ce qui concerne la fixation du drain vertical Delta MS et le remblai par des terres directement sur le drainage vertical.

S’agissant de la deuxième tranche des travaux ( travaux de remédiation ), M. [P] expose que M. [M] lui a demandé d’intervenir en urgence pour remédier aux désordres, que les travaux de décaissement ont entraîné la destruction des drains, l’évacuation du géotextile et du gravier pollué, la dépose et le déblai du Delta MS pour contrôler l’étanchéité exécutée par le maître de l’ouvrage, qu’il a transmis à l’expert des photographies montrant des jours visibles depuis l’intérieur du garage à travers le mur de soubassement entre les joints verticaux des blocs creux et des défauts d’étanchéité du produit préconisé par Chausson Matériaux ; qu’à la suite de ces constats, il a réalisé des travaux conformément au DTU et avec des produits normalisés et conformes ; qu’il conteste les diverses non-conformités évoquées par l’expert (caniveau se rejetant dans un drain, absence de pose de drainage vertical contre le mur, réseau EP considéré comme non étanche, raccordement à l’exutoire du voisin, remplacement du drain jugé inutile par l’expert, prétendue absence d’explications de la part de l’entreprise [P] concernant la consistance exacte des travaux réalisés).

En définitive, il conteste sa responsabilité dans les désordres dont se plaignait M. [M] à l’origine puisque les inondations sont liées à l’inachèvement de la terrasse et à l’application d’un produit inadapté, et fait observer que les travaux de reprise supplémentaires préconisés par l’expert n’ont pas pour objectif de remédier aux désordres, c’est à dire à l’inondation du sous-sol, ce qu’a justement retenu le premier juge.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 24 juin 2021, la société Chausson Matériaux, intimée, demande à la cour de :

– « dire et juger » qu’elle n’a commis aucune faute au titre de son obligation de conseil ;

En conséquence,

– réformer la décision dont appel et rejeter toutes les demandes indemnitaires formées par M.[M] à son encontre ;

Subsidiairement,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

– débouter M. [M] de toutes demandes contraires ou plus amples ;

En toute hypothèse,

– débouter M. [M] de toute demande formée au titre de d’article 700 de la procédure d’appel et des dépens d’appel à son encontre.

La société Chausson Matériaux expose que le produit de marque Sika dénommé ‘noir pâteux’ est une émulsion aqueuse de bitume présentant une bonne adhérence sur divers matériaux, tels que le béton, les briques et les parpaings, dont l’objet est notamment l’imperméabilisation et la protection des fondations, de technique traditionnelle et non soumis à avis technique.

Elle explique que ce produit était tout à fait approprié mais qu’il n’avait pas vocation à rendre la paroi étanche et que la gestion de la réalisation de l’étanchéité devait être réalisée par M. [M] seul avec les conseils des constructeurs, en l’espèce le maçon qui a réalisé la maçonnerie et M. [P] qui a réalisé la mise en place d’un Delta MS et des drains périphériques. Elle estime qu’elle n’avait au titre de sa qualité de vendeur de produits, aucune mission de conseil ou de coordination des ouvrages. Elle fait valoir que les murs enterrés de catégorie 2 n’ont pas la nécessité absolue de recevoir un enduit hydraulique comme indiqué à tort par l’expert [U], qu’un tel enduit est obligatoire au sens des DTU lorsque les murs périphériques doivent être rendus étanches et qu’en l’espèce il n’est pas démontré que cela était l’objectif de M. [M]. Elle ajoute que la mise en oeuvre du ‘noir pâteux’ a été effectuée par M. [M] et que ce sont les manquements de ce dernier qui ont conduit au sinistre, le ‘noir pâteux’ n’ayant pas pour objet d’étanchéiser le sous-sol en l’état notamment d’une terrasse qui le couvrait mais qui était non étanche et d’une construction en blocs de béton non jointés verticalement par lesquels l’eau pouvait pénétrer.

Subsidiairement, elle estime que M. [M] doit supporter une part de responsabilité dans le dommage survenu.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 juillet 2021, la Sa Maaf Assurances, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1231-1 et 1792 du code civil et des articles 699 et 700 du code de procédure civile, de :

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il l’a condamnée à relever et garantir intégralement M. [X] [P], soit à hauteur de 4 495,76 euros ;

– la mettre hors de cause, sa garantie n’étant pas due ;

– condamner in solidum M. [L] [M] et M. [X] [P] à lui payer une indemnité de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum M. [L] [M], M. [X] [P] ou tout succombant aux entiers dépens.

La Sa Maaf Assurances estime que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a exclu une réception tacite de l’ouvrage.

Elle expose que M. [P] a souscrit auprès d’elle un contrat d’assurance multirisque professionnelle et que les conditions de mise en oeuvre de la garantie ne sont pas réunies, le contrat excluant la prise en charge des ‘dommages matériels ou immatériels résultant de l’inexécution de vos obligations de faire ou de ne pas faire’ et n’assurant pas les désordres ou non conformités affectant les travaux réalisés par l’assuré. Elle ajoute qu’au surplus l’inondation du sous-sol n’a créé aucune désordre à l’ouvrage.

Elle fait observer que le débat concernant sa garantie n’aura d’intérêt que si l’action de M.[M] prospère à l’encontre de M. [P], lequel conteste fermement sa responsabilité.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 2 juillet 2021, la Sasu Sika France, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1792 du code civil, de :

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il l’a exonérée de toute responsabilité ;

– « dire et juger » qu’aucun défaut et ou inadéquation à la destination ne sont démontrés sur le produit « noir pâteux » mis en ‘uvre par M. [M] qui n’a pas respecté les prescriptions de mise en ‘uvre ;

En conséquence,

– débouter M. [M] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées à son encontre ;

– débouter tout appel en garantie qui pourrait être diligenté à son encontre ;

– condamner M. [M] à lui régler la somme de 5 000 euros et ce par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [M] en tous les dépens.

Elle rappelle qu’elle n’est que fabricant et fournisseur de produits d’étanchéité pour le bâtiment et que sa responsabilité ne peut être engagée que si un vice caché du produit est démontré ou qu’il est établi qu’elle a failli à son obligation de renseignement.

Elle estime qu’il ne peut en l’espèce lui être reproché un quelconque manquement à quelque obligation que ce soit dès lors qu’elle n’a jamais fait la moindre préconisation dans le cadre du chantier, que ni les entreprises, ni le maître de l’ouvrage ne lui ont demandé un quelconque avis, conseil ou préconisation et qu’elle n’a eu que des relations de fabricant à distributeur de produits vis-à-vis de la société Chausson Matériaux.

Elle conteste l’avis de l’expert qui lui a imputé une responsabilité à hauteur de 25 % au motif qu’elle n’aurait pas communiqué les informations requises par ce dernier, alors qu’il a été communiqué l’ensemble des documents requis sur le noir pâteux, que les règles de protection des fondations sont régies par le DTU 20.1 et en particulier le paragraphe 7.4.2 ‘maçonnerie enterrée’, que les produits d’imperméabilisation ne sont pas soumis à avis technique en dépit de la position de l’expert [U] sur ce point, et que l’expert reconnaît lui-même que les précautions de mise en oeuvre du produit n’ont pas été respectées par M. [M].

MOTIFS

Le rapport d’expertise

L’expert [U] fournit dans son rapport les éléments d’appréciation suivants :

Il s’agit d’une maison d’habitation sur sous-sol partiellement enterré, suivant la pente naturelle du terrain.

La destination du sous-sol est à usage de garage et d’annexes d’habitation.

Les parois extérieures sont donc des murs de ‘catégorie 2″, elles bordent des locaux où des infiltrations peuvent être acceptées par le maître de l’ouvrage au sens de l’article 7.4.2 du DTU 20.1.

Nous sommes dans un terrain nécessitant :

– un drainage horizontal sur cunette

– un traitement des eaux de pluie par réseau étanche

– un traitement vertical des murs par un enduit hydraulique au sens du DTU 26.1, complété par deux couches EIF et drainage par une nappe à excroissances au sens de l’article 7.4.2.4.2.1 du DTU 20.1 puis remplissage de tranchée par pierrée

– des exutoires de drain, réseau EP et autres particulièrement soignés.

L’entreprise de terrassement [P] a réalisé :

– les fouilles en pleine masse pour implanter le sous-sol,

– les fouilles en rigole pour la réalisation des fondations,

– le drain périphérique, compris géotextile et gravier,

– la fourniture et la pose de la protection drainante verticale type Delta MS,

– le remblai par des terres,

– le réseau EP,

– l’exutoire du réseau EP, l’exutoire du drain, l’exutoire du caniveau à grille collecteur du chemin d’accès depuis le domaine public.

L’entreprise de maçonnerie [S] a réalisé le remplissage des fondations par béton et la maçonnerie en élévation des murs du sous-sol en blocs béton (BBM). M. [S] n’a fourni aucun matériaux, ces derniers étant achetés directement par M. [M].

M. [M] a réalisé l’application d’une émulsion de bitume en deux couches croisées avec temps de séchage entre les deux directement sur les blocs BBM.

Ces travaux ont été réalisés par M. [M] le premier et le second week-end de novembre 2012.

L’émulsion de bitume appliquée par M. [M] provient des établissements Chausson Matériaux.

Ce produit a été préconisé par M. [D] du service commercial des Ets Chausson Matériaux en visite sur le chantier, dans le cadre de son activité.

Le produit Sika ‘noir pâteux’ fourni par les Ets Chausson a été appliqué par M. [M] directement sur les murs en blocs BBM, suivant les conseils de M. [D], commercial Chausson, pour être intervenu maintes fois sur le chantier suivant les dires de la mère de M.[M]. Les interventions et visites de M. [D] sur le chantier sont également confirmées par M. [C], chef d’agence Chausson, et M. [R], chef de secteur Chausson, me précisant que ces interventions font partie du travail de M. [D].

M. [M] n’a pas respecté le DTU avant l’application d’un enduit d’imperméabilisation.

Le DTU 20.1.P1-1 précise :

7.4.2.4.1.1 Murs de catégorie 2

Les murs de catégorie 2 doivent être revêtus sur la face antérieure du mur d’un enduit d’imperméabilisation conforme aux spécifications de la norme NF DTU 26.1 relative aux murs en élévation ou en utilisant des mortiers réalisés avec des ciments résistants aux milieux agressifs choisis parmi ceux mentionnés dans la norme NF DTU 20.1 P1-2.

Ils reçoivent sur cette face deux couches d’un enduit d’imprégnation à froid (EIF) à base de bitume en émulsion ou en solution.

Ces revêtements ne sont pas conçus pour résister à une fissuration de leur support. Ils ne peuvent donc être efficaces que si toutes les dispositions ont été prises au niveau des fondations pour éviter des fissurations des murs sous l’action des tassements différentiels.

Les EIF sont susceptibles d’améliorer l’imperméabilisation de l’enduit mais ne peuvent pas se substituer à l’enduit.

Observations sur les faits et les désordres

Nous nous trouvons devant une situation complexe où des travaux d’étanchéité d’un sous-sol d’une maison neuve n’ont été réalisés que partiellement.

Suite à un violent orage survenu le 04/10/2013, le sous-sol de la maison a été inondé suite à des malfaçons ou non-conformités aux DTU.

Le maître de l’ouvrage a fait réaliser des travaux de remédiation, qui eux-mêmes ne sont pas en conformité au regard des DTU puis a saisi la justice.

Je constate :

– que la terrasse non couverte du plancher bas du rez-de-chaussée d’une surface de 45 m² n’est pas achevée et que cette dernière n’a reçu aucun produit d’étanchéité ;

– de toute évidence, un plancher hourdis n’est pas étanche, cette accumulation de pluie sur 45 m² a inondé le plafond du sous-sol ;

– il est à noter que l’accumulation d’eau de la terrasse s’est écoulée aussi le long des murs périphériques du sous-sol.

Sur les responsabilités

M. [M] recherche la responsabilité de la Sas Chausson Matériaux en qualité de vendeur, et de la Sasu Sika France en qualité de fabricant, pour avoir manqué à leur obligation de délivrance et à leur obligation de renseignement sur les modalités de mise en oeuvre du produit vendu.

S’agissant de M. [P], il recherche à titre principal sa responsabilité décennale, et à titre subsidiaire sa responsabilité civile contractuelle au vu des défaillances de l’ouvrage.

Sur la responsabilité décennale de M. [P]

Aux termes des dispositions de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.

La garantie décennale ne s’applique que s’il y a eu réception des travaux au sens de l’article 1792-6 du code civil.

Sur ce point, le premier juge a constaté qu’il n’y avait eu ni réception expresse des travaux, ni réception tacite de l’ouvrage, laquelle se déduit de la volonté non équivoque de prendre possession du bien, notamment par l’entrée dans les lieux ou le paiement de factures, dès lors qu’en l’espèce l’intégralité des factures n’a pas été payée, qu’au moment de l’expertise les travaux de construction de la maison n’étaient pas achevés, et que l’expert concluait que l’on se trouvait dans le cadre d’une maison en cours de construction, inachevée (non raccordée au réseau ERDF) et inhabitée.

Il a ainsi justement jugé que les conditions de la garantie décennale n’étaient pas remplies et que celle-ci ne saurait jouer à l’encontre de M. [P].

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la responsabilité contractuelle et la responsabilité personnelle de M. [M]

Aux termes de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable au litige, ‘Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts , soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part’.

1) Le vendeur ( Sa Chausson Matériaux)

Dans le cadre de la responsabilité contractuelle du vendeur envers un profane, le professionnel est tenu non seulement de délivrer un produit conforme mais est également débiteur d’une obligation de conseil et de renseignement. Il lui appartient de renseigner le client sur les avantages et inconvénients du produit, d’attirer son attention sur les précautions d’emploi et de le conseiller en fonction de ses besoins propres et de ses attentes.

Il appartient au vendeur professionnel de démontrer qu’il a satisfait à son obligation de conseil et de renseignement.

En l’espèce, il ressort des investigations de l’expert rappelées ci-dessus et non contestées par cette société, qu’un agent commercial de la société Chausson Matériaux s’est déplacé à plusieurs reprises sur le chantier dans le cadre de son travail.

Il en résulte que le vendeur du produit ne pouvait ignorer qu’il n’avait pas été apposé d’enduit hydraulique sur les murs et que la pose du ‘noir pâteux’ directement sur les blocs béton ne rendait pas l’ouvrage étanche. Il ne peut utilement soutenir que la volonté de M. [M] aurait été de ne pas rendre le sous-sol étanche alors que le produit avait été acquis à cet effet. Le vendeur professionnel aurait dû à tout le moins, en l’absence de maîtrise d’oeuvre sur le chantier, se renseigner sur la volonté de son client et adapter ses conseils.

Le défaut d’étanchéité de la terrasse non couverte, imputable à M. [M], est clairement à l’origine de l’inondation du sous-sol, mais cela est sans incidence sur le litige dès lors que les demandes de M. [M] ne portent pas sur les dommages qui auraient pu être subis par la maison à la suite de cette inondation, mais sur la prise en charge des travaux nécessaires à la détermination de l’origine du sinistre et à la suppression de ses causes.

Le premier juge a donc justement retenu que la société Chausson Matériaux avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l’égard de M. [M] en omettant de lui indiquer qu’un sous enduit béton devait être réalisé.

2) Le fabricant (Sa Sika France)

La responsabilité de la société Sika France en sa qualité de fabricant et fournisseur de produits ne peut être engagée à moins qu’un vice caché du produit ne soit démontré ou qu’elle ait failli à son obligation de renseignement.

L’expert judiciaire a proposé de mettre à la charge de la Sa Sika france 25 % de la somme de 9011,84 € TTC , montant du coût des travaux de réparation à ventiler entre les divers responsables, et ce ‘pour défaut de production de document’, en précisant que devant le peu d’informations de la Sa Sika France et son refus de répondre à ses demandes, le ‘noir pâteux’ ne semblait pas bénéficier d’un marquage CE de l’enduit vendu, de norme NF de l’enduit, de marques volontaires de l’enduit, de caractéristiques environnementales, de formules du dit produit, des conditions d’utilisation, d’avis technique ATEC et de documents techniques d’application DTA, et qu’aucun élément ne lui avait permis de savoir si ce produit était vraiment adapté à cette protection.

En l’absence d’éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en mettant la Sa Sika France hors de cause.

Il sera simplement ajouté que la Sa Chausson Matériaux, vendeur du produit et débitrice d’une obligation d’information et de conseil à l’égard de M. [M], ne soutient quant à elle pas que la Sa Sika France aurait pu manquer à son obligation d’information en ce qui concerne les propriétés et les modalités d’utilisation du produit litigieux.

La mise hors de cause de la Sa Sika France doit en conséquence être confirmée.

3) L’entreprise [P]

En application des dispositions de l’article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, l’entrepreneur est tenu d’une obligation de résultat vis-à-vis du maître de l’ouvrage. Il doit livrer à celui-ci un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles et exempt de vices.

S’agissant de la première tranche des travaux, réalisée avant le sinistre, M. [P] a effectué le terrassement et les fouilles pour les semelles filantes des fondations, puis, une fois les fondations faites, le mur de soubassement réalisé par l’entreprise [E] [S] et le ‘noir pâteux’ apposé par M. [M], M. [P] a fourni et posé le drain, fait les branchements des descentes d’EP, mis en place une paroi de protection contre les murs de soubassement, et remis la terre en place.

Sur ces travaux, l’expert indique, page 23 du rapport : ‘Devant cet enduit pâteux, il a été mis en place par l’entreprise [P] un drainage vertical type Delta MS. Ce drainage doit être maintenu en partie haute par des profilés. Des réunions d’expertise, l’expert n’a pu apporter la preuve ou pas de la pose de ces profilés. M. [P], entrepreneur, et M. [M] n’ont jamais daigné s’expliquer sur ce travail. L’entreprise [P] a réalisé le réseau EP. Les réunions d’expertise ont permis de voir que le réseau EP n’était pas étanche, donc non conforme au DTU. L’entreprise [P] a réalisé un caniveau à grille qui collecte les eaux de pluie du chemin privé de la route à l’habitation. Ce caniveau à grille est relié au drain, exécution non conforme au DTU. L’ensemble des exutoires drain EP, regard grille sont non conformes au DTU’.

Les conclusions de l’expert, non utilement contestées par M. [P] sauf en ce qui concerne la mise en oeuvre de profilés en partie haute du drainage sur laquelle le mystère demeure, établissent clairement au titre des causes du sinistre un lien de causalité entre ce sinistre et le caractère non étanche du réseau EP et la liaison entre le caniveau à grille.

S’agissant de la seconde tranche de travaux, réalisée après le sinistre du 4 octobre 2013, M.[P] a réalisé les travaux suivants sur la base d’un bon de commande du 5 octobre 2013 pour un montant de 10.740 € HT, soit 12.845,04 € TTC :

– travail de décaissement autour du bâtiment : 1950 € HT

– dépose du drain, géotextile et graviers autour du bâtiment : 525 € HT

– enlèvement manuel de la protection verticale, nettoyage des murs à haute pression : 1360 € HT

– projection d’un enduit hydrofuge tout autour du bâtiment : 1870 € HT

– mise en place d’un produit bitume sur l’enduit : 875 € HT

– mise en place d’un nouveau drain, géotextile et graviers : 3205 € HT

– remise en place des terres autour du bâtiment : 955 € HT.

Sur ces travaux de remédiation réalisés en raison du sinistre du 4 octobre 2013 et avant expertise, l’expert indique que :

– le remblai par des terres directement sur les murs sans mise en place de drainage vertical est non conforme au DTU ;

– la dépose et la repose d’un nouveau drain est d’un prix démesuré et l’exécution injustifiée sachant qu’une plus-value a été appliquée sur le décaissement des terres pour exécution manuelle;

– le réseau de collecte des eaux de pluie n’est pas étanche et est non conforme au DTU ;

– le maintien de l’exutoire du caniveau à grille dans le drain est non conforme au DTU ;

– le collecteur drain, caniveau à grille, réseau EP sur tuyau PVC diamètre 125 raccordé sur le réseau du voisin est sous-dimensionné, aucun regard de contrôle n’étant existant.

Il propose en conséquence de déduire de la facture de 12.845,04 € TTC le remplacement du drain qui incombe selon lui à M. [P] pour 3205 € HT (3833,20 € TTC), soit un solde de facture de 9011,84 € TTC à répartir entre les parties responsables.

Il ajoute qu’à défaut de devis réalisés par M. [M] ou M. [P] suite à ses différentes demandes, les travaux de remédiation à terminer sont estimés par lui à 7800 € TTC et doivent être ventilés à hauteur de 70 % pour M. [P] et 30 % pour M. [M].

4) La responsabilité de M. [M]

Le premier juge a estimé que M. [M] devait supporter une part de responsabilité dans le dommage survenu aux motifs que la terrasse non couverte du plancher bas du rez-de-chaussée n’avait reçu aucun procédé d’étanchéité, que l’accumulation d’eau de pluie sur cette terrasse avait inondé le plafond du sous-sol et s’était écoulée le long des murs périphériques du sous-sol, qu’il n’était pas contesté que ces travaux avaient été réalisés par M. [M] en qualité de maître d’oeuvre et que le fait qu’il ne soit pas un professionnel ne l’exonérait pas de sa propre responsabilité pour les travaux dont il avait souhaité conserver la charge.

Cette analyse est exacte en ce qui concerne les causes de l’inondation du sous-sol, le défaut d’étanchéité de la terrasse étant l’une de ces causes avec le défaut d’étanchéité des murs du sous-sol dû à la pose du ‘noir pâteux’ directement sur les blocs béton et les non-conformités imputables à M. [P]. Une part de responsabilité pourrait être retenue à l’égard de M.[M] si celui-ci réclamait la réparation de désordres causés par cette inondation. En revanche, les travaux de remédiation réalisés par M. [P] suivant facture d’un montant de 12.845,04 € TTC sont liés au défaut d’étanchéité des parois du sous-sol et aux non-conformités imputables à M. [P], mais n’ont pas de lien établi avec le défaut d’étanchéité de la terrasse. En d’autres termes, ils auraient dû être réalisés même si la terrasse avait été étanche, en raison du défaut d’étanchéité des murs enterrés. Par ailleurs, s’agissant de l’étanchéité de ces murs, et plus spécialement de la pose du ‘noir pâteux’ directement sur les blocs béton, aucune faute ne saurait être retenue à l’encontre de M. [M], même s’il a réalisé personnellement ces travaux, dès lors qu’il n’avait aucune compétence établie en la matière mais que cet ouvrage a été réalisé conformément aux préconisations de la Sa Chausson Matériaux, venderesse du produit litigieux et présente à plusieurs reprises sur le chantier.

Le jugement dont appel sera en conséquence réformé en ce qu’il a laissé à la charge de M.[M] 30 % de la somme de 12.845,04 € TTC.

Sur les condamnations et l’apurement des comptes entre les parties

1) La facture de 12.845,04 € TTC

Cette facture fait suite à un devis établi à la demande de M. [M] qui a sollicité l’intervention de M. [P] pour découvrir les murs du garage afin de vérifier l’état du dispositif d’étanchéité et du drain.

Contrairement à l’avis de l’expert, il n’y a pas lieu de déduire de cette facture le coût de la dépose du drain et de la pose d’un nouveau drain pour 3833,20 € TTC. M. [P] explique en effet que le montant de cette prestation, jugé démesuré par l’expert, est lié à la pénibilité et à la difficulté d’exécution des travaux manuellement en fond de fouilles en période hivernale, avec de surcroît la présence d’argile générant une boue extrêmement collante et lourde.

Cette facture doit donc être réglée en intégralité par M. [M] à M. [P].

M. [M] soutient que cette facture a été intégralement acquittée, mais il ne fournit aucun justificatif d’un tel règlement.

Il doit en conséquence être condamné à payer à M. [P] la somme de 9966,03 € TTC, montant de la somme réclamée par ce dernier qui indique que la facture a été réglée à hauteur de 2879,01 € par la mère de M. [M], outre intérêts au taux légal à compter de la date du jugement de première instance conformément à la demande de M. [P].

La Sa Chausson Matériaux et M. [P], dont les fautes ont concouru à la réalisation de l’entier dommage, doivent être condamnées in solidum à payer à M. [P] la somme de 12.845,04 € TTC à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la date du jugement de première instance en application de l’article 1231-7 du code civil.

Il n’y a pas lieu à actualisation de cette somme sur l’indice BT 01 dans la mesure où les travaux ont été réalisés et facturés en 2013.

S’agissant des rapports entre coobligés, la charge définitive de cette condamnation doit être supportée à hauteur de 70 % par la Sas Chausson Matériaux et de 30 % par M. [P]. Un tel partage apparaît en effet proportionnel à l’importance des fautes commises et à leur rôle causal respectif dans la survenance des dommages subis, au regard de l’étendue et de la nature de leur mission respective, dès lors que les travaux ont pour l’essentiel été justifiés par la nécessité de vérifier l’étanchéité des murs enterrés du sous-sol, désordre dont la Sa Chausson Matériaux est seule responsable.

2) La somme de 7800 € TTC relative aux travaux de remédiation à terminer

L’expert judiciaire avait reçu pour mission de décrire les désordres dénoncés par M. [M] et de chiffrer les travaux de remise en état de ces désordres.

Il est allé au-delà de cette mission puisqu’il a relevé des non-conformités aux DTU et règles de l’art concernant les travaux de remédiation et chiffré le montant des travaux à réaliser, alors même qu’il était constant qu’il n’y avait plus d’infiltrations dans le garage depuis la réalisation de ces travaux, que neuf ans après la réalisation des travaux il n’est pas justifié que des infiltrations d’eau subsisteraient, et que la volonté du maître de l’ouvrage de réaliser les travaux évoqués par l’expert n’est pas démontrée, les parties ayant apparemment décidé d’effectuer d’autres travaux (‘Suite aux inondations, il semblerait qu’un puisard soit réalisé pour pallier ces problèmes sans que M. [M] ou M. [P] ne s’en soient expliqués clairement à l’expert’ , page 14 du rapport d’expertise).

Le jugement dont appel doit en conséquence être confirmé en ce que la demande en paiement de la somme de 7800 € a été rejetée.

Sur le préjudice moral et de jouissance

Cette demande de M. [M] a été rejetée au motif qu’il ne démontrait pas la réalité de son préjudice, les travaux de remédiation ayant eu lieu avant même que la maison ne soit habitée.

M. [M] maintient cette demande et soutient à cet effet qu’il a été contraint d’exposer des frais très lourds pour assurer les réparations, que la procédure a retardé le chantier et exercé sur lui une pression morale et financière.

La cour constate que M. [M] ne justifie pas avoir réglé la facture des travaux de remédiation, seule une somme de 2879,01 € ayant été payée par sa mère à M. [P], que ces travaux ont été effectués dès l’apparition des désordres et ne sont donc pas la cause d’un retard du chantier, que M. [M] a déclaré à l’expert qu’il n’avait subi aucun préjudice et qu’il n’est pas justifié d’un quelconque préjudice moral ou de jouissance.

Le rejet de cette demande doit être confirmé.

Sur la garantie de la Maaf

Selon contrat en date du 23/10/2008, M. [P] a souscrit auprès de la Maaf un contrat d’assurance multirisque professionnelle n° 81054495 N 001 dont les conditions générales lui ont été remises avant signature (pièce n° 1 de la Maaf).

Au titre de cette garantie responsabilité civile professionnelle, la Maaf garantit ‘lors d’un sinistre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous encourez en raison des réclamations relatives à des dommages corporels, matériels ou immatériels consécutifs à des dommages corporels et matériels garantis, subis par un tiers tant pendant l’exercice de vos activités ou l’exploitation de votre entreprise, qu’après réception de vos travaux ou livraison de vos produits ‘ (page 22 des conditions générales).

En revanche, ne sont pas garantis (page 25 des conditions générales) :

9 – Les dommages matériels ou immatériels résultant de l’inexécution de vos obligations de faire ou de ne pas faire (article 1142 et suivants du code civil) ou de délivrance (article 1604 et suivants du code civil), y compris les pénalités de retard.

(…)

13- Les frais exposés pour le remplacement, la remise en état ou le remboursement des biens que vous avez fournis, et/ou pour la reprise des travaux exécutés par vos soins, ainsi que les frais de dépose et repose et les dommages immatériels qui en découlent.

En l’espèce, l’inondation du sous-sol résulte partiellement de l’exécution défaillante des travaux par M. [P] et des manquements de la Sa Chausson Matériaux, risque non garanti.

La condamnation prononcée à l’encontre de M. [P] porte sur la reprise des travaux effectués par ses soins.

Enfin, l’inondation du sous-sol n’a occasionné aucun dommage à l’ouvrage.

La Sa Maaf Assurance ne doit donc pas sa garantie à M. [P].

Le jugement dont appel doit être infirmé en ce que la Maaf a été condamnée à relever et garantir M. [P] à hauteur de sa part de responsabilité.

Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

La Sa Chausson Matériaux et M. [P], parties principalement perdantes, doivent être condamnés in solidum aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Ils se trouvent redevables in solidum d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, qui sera fixée à la somme de 4000 € au titre de la procédure de première instance et de la procédure d’appel.

Ils ne peuvent eux-mêmes prétendre à une indemnité sur ce fondement.

S’agissant des rapports entre coobligés, la charge définitive des condamnations aux dépens et au titre de l’article 700 du code de procédure civile doit être supportée dans les mêmes proportions que la condamnation principale.

M. [M] doit être condamné à payer à la sa Sika France une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, justement fixée par le premier juge à 1500 € au titre de la procédure de première instance et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d’appel.

M. [P], qui a appelé en cause la Sa Maaf Assurances, doit quant à lui être condamné à lui payer la somme de 1500 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance d’Albi en date du 11 juin 2019, sauf en ce qu’il a :

– dit n’y avoir de réception tacite du chantier et n’y avoir lieu à application de la garantie décennale ;

– mis hors de cause l’entreprise Sika France ;

– déclaré recevable l’appel en cause de la compagnie Maaf ;

– débouté M. [M] de sa demande en paiement de la somme de 7800 € ;

– débouté M. [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et de jouissance;

– condamné M. [M] à payer à la Sa Sika France la somme de 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne M. [M] à payer à M. [P] la somme de 9966,03 € TTC au titre du solde de la facture du 20 octobre 2013, outre intérêts au taux légal à compter de la date du jugement de première instance.

Déclare la Sa Chausson Matériaux et M. [P] responsables des désordres ayant nécessité la réalisation des travaux facturés le 20 octobre 2013.

Condamne la Sa Chausson Matériaux et M. [P], in solidum, à payer à M. [P] la somme de 12.845,04 € TTC à titre de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter de la date du jugement de première instance.

Dit n’y avoir lieu à actualisation de cette somme.

Dit que s’agissant des rapports entre coobligés, la charge définitive de cette condamnation doit être supportée à hauteur de 70 % par la Sas Chausson Matériaux et de 30 % par M. [P].

Condamne la Sa Chausson Matériaux et M. [P], in solidum, aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Condamne la Sa Chausson Matériaux et M. [P], in solidum, à payer à M. [M] la somme de 4000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de la procédure d’appel.

Dit que s’agissant des rapports entre coobligés, la charge définitive des condamnations aux dépens et au titre de l’article 700 du code de procédure civile doit être supportée à hauteur de 70 % par la Sas Chausson Matériaux et de 30 % par M. [P].

Condamne M. [M] à payer à la Sa Sika France la somme de 1500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

Condamne M. [P] à payer à la Sa Maaf Assurances la somme de 1500 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel.

Rejette toutes autres demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Accorde à la Scp Pamponneau Perrouin Bellen-Rotger, avocats, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY M. DEFIX

 


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