Agent commercial : décision du 28 mars 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00187

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Agent commercial : décision du 28 mars 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 21/00187
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28 mars 2023
Cour d’appel de Pau
RG n°
21/00187

JG/ND

Numéro 23/1109

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 28/03/2023

Dossier : N° RG 21/00187 – N° Portalis DBVV-V-B7F-HXZX

Nature affaire :

Demande présentée par un employeur liée à la rupture du contrat de travail ou à des créances salariales

Affaire :

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS CUADAL-[Z]

S.A.S. FOURNIPRO SUD OUEST

C/

S.A.R.L. ETABLISSEMENTS CUADAL [Z]

S.A.S. FOURNIPRO SUD OUEST

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 28 Mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 17 Janvier 2023, devant :

Madame Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,

Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTES et INTIMEES :

S.A.R.L. CUADAL-[Z]

immatriculée au RCS de Dax sous le n° 345 053 532, représentée par M. [P] [Z] en sa qualité de gérant

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Frédéric DUTIN de la SELARL DUTIN FREDERIC, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN

S.A.S. FOURNIPRO SUD OUEST

immatriculée au RCS de Dax sous le n° 820 591 097, représentée par M. [N] [R] en sa qualité de Président

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Sophie CREPIN de la SELARL LEXAVOUE PAU-TOULOUSE, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Peio TELLIER (SELARL THEMIS – V.GUADAGNINO ET ASSOCES), avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 08 DECEMBRE 2020

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX

Exposé des faits et du litige :

La SARL Cuadal-[Z], immatriculée au registre du commerce et des sociétés depuis le 13 juin 1988, a pour activité le commerce de fournitures et équipements industriels auprès d’une clientèle privée ou publique.

Elle a embauché :

– Monsieur [D] [V] le 1er février 2005, d’abord en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée en qualité de commercial – employé – niveau IV.

– Monsieur [N] [R], en contrat à durée indéterminée à compter du 10 septembre 2012 également en qualité de commercial – employé – niveau IV.

Leurs tâches étaient de prospecter la clientèle professionnelle privée ou publique en rapport avec la quincaillerie et la fourniture industrielle sur le secteur des [Localité 6] et des départements limitrophes.

Ces deux salariés ont quitté la société, le 18 avril 2016 pour [N] [R] par l’effet d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail et le 30 mai 2016 pour [D] [V] qui a démissionné de ses fonctions.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 avril 2016, la SARL Cuadal-[Z] a libéré [N] [R] de son obligation de non-concurrence.

Le 2 mai 2016, elle faisait de même pour [D] [V].

Le 2 juin 2016, [N] [R] a procédé à l’immatriculation de la SAS Fournipro Sud Ouest (ci-avant Fournipro) dont l’activité, débutée le 25 mai 2016, est le négoce de tout bien et notamment de matériels professionnels à destination des particuliers, des commerçants, des professionnels, des industriels, des artisans, des agriculteurs ou des collectivités publiques ; agent commercial, courtier et commissionnaire pour tout bien ou service et tout domaine.

[D] [V] a rejoint cette société le 7 juin 2016, en qualité de salarié puis, à compter du 8 novembre 2016, en qualité d’associé.

Par exploit d’huissier délivré le 16 septembre 2019, la société Cuadal-[Z] a assigné la société Fournipro devant le tribunal de commerce de Dax aux fins de l’entendre :

– être condamnée à lui payer une indemnité de 856.792,09 € correspondant au chiffre d’affaires perdu à ce jour sauf à parfaire,

– lui faire injonction de cesser toute activité dans un rayon de 100 km autour du siège de la société Cuadal-[Z] pendant une période de 5 ans, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir

– être condamnée à lui payer la somme de 20.000 € au titre du trouble commercial subi outre la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens et ce avec exécution provisoire.

Par jugement du 08 décembre 2020, le tribunal de commerce de Dax :

– s’est déclaré compétent pour connaître l’affaire au fond,

– a condamné la société Fournipro Sud Ouest à payer à la société Cuadal-[Z] la somme de 120.000 € à titre de dommages et intérêts pour actes déloyaux, tous préjudices confondus,

– a débouté la société Cuadal-[Z] de sa demande de cessation d’activité de la société Fournipro Sud Ouest dans son périmètre géographique comme étant tardive,

– a condamné la société Fournipro Sud Ouest à payer à la société Cuadal-[Z] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a déclaré la société Fournipro Sud Ouest mal fondée en sa demande reconventionnelle, l’en a déboutée,

– a ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,

– a condamné la société Fournipro Sud Ouest aux dépens de l’instance, en ce compris les frais du présent jugement liquidés à la somme de 73.22 € TTC.

Par déclaration du 20 janvier 2021, la SAS Fournipro Sud Ouest a relevé appel de cette décision.

Par déclaration du 10 février 2021, la SARL Cuadal-[Z] a également interjeté du jugement.

Par ordonnance du 7 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a joint les deux instances.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022, l’affaire étant fixée au 17 janvier 2023.

**

Par conclusions en date du 9 décembre 2022 , la SAS Fournipro Sud Ouest demande à la cour de :

Vu l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen,

Vu la décision du Conseil constitutionnel,

Vu les articles du code civil et du code pénal précités,

Vu la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation,

Vu la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation,

– Réformer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société Fournipro Sud Ouest dans la réalisation d’actes de concurrence déloyale à l’encontre de la SARL Cuadal-[Z],

Statuant à nouveau, dire et juger que la société Fournipro Sud Ouest n’a commis aucun acte de concurrence déloyale ;

En conséquence :

‘ débouter la société Cuadal-[Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

‘ la condamner au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

‘ la condamner à lui payer la somme de 20.000 euros au titre du préjudice commercial subi,

‘ la condamner à lui payer la somme de 65.000 euros au titre du préjudice moral subi,

‘ la condamner aux entiers dépens de l’instance qui comprendront le coût du jugement.

**

Par conclusions en date du 09 décembre 2022, la SARL Cuadal-[Z] demande à la cour de :

Vu l’article 1240 du code civil,

Vu la jurisprudence de la chambre commerciale de la Cour de cassation,

Vu les pièces et justificatifs versés aux débats,

– confirmer le jugement en ce qu’il a constaté la commission d’actes de concurrence déloyale de la part des gérants de la société SAS Fournipro Sud Ouest ;

– Infirmer le jugement pour le surplus

Rejugeant en fait et en droit,

– condamner la SAS Fournipro Sud Ouest à lui payer une indemnité égale au chiffre d’affaires perdu à ce jour sauf à parfaire, d’un montant de 1.342.930,13 € HT

– lui faire injonction d’avoir à cesser toute activité dans un rayon de 100 km autour du siège de sa société pendant une période de 5 ans, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du jugement à intervenir

– la condamner à lui payer la somme de 20.000 € au titre du trouble commercial subi

– la condamner au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– la condamner aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 décembre 2022, l’affaire étant fixée au 17 janvier 2023.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

MOTIVATION :

Sur la recevabilité des dernières conclusions et le rabat de l’ordonnance de clôture :

Par conclusions de procédure du 8 janvier 2023, la société Fournipro Sud Ouest demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions de procédure notifiées par la SARL Cuadal-[Z] le 13 décembre 2022 pour ne pas avoir été régularisées devant le conseiller de la mise en état et de déclarer recevables ses propres conclusions et pièces signifiées les 9 et 13 décembre 2022 soit antérieurement à l’ordonnance de clôture.

A défaut, elle demande un rabat de la date de clôture afin de permettre à la société Cuadal-[Z] de répliquer.

Par conclusions de procédure du 13 décembre 2022, la SARL Cuadal-[Z] demande à la cour, au visa des articles 802, 15, 16 et 135 du code de procédure civile, de déclarer irrecevables car tardives les conclusions et pièces signifiées par la SAS Fournipro le 9 décembre et le 13 décembre 2022, elle-même ayant cependant conclu au fond le 9 décembre 2022.

Aux termes des dispositions de l’article 15 du code de procédure civile les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 du code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Aux termes de l’article 802 du code de procédure civile, après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office. Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture. Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

Enfin, en application des dispositions de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.

Il en résulte que les conclusions postérieures à l’ordonnance de clôture, qui contestent la recevabilité des conclusions ou des productions tardives ou de dernière heure de pièces sont par nature recevables.

S’agissant des conclusions portant sur le fond du litige, le principe est qu’elles sont recevables dès lors qu’elles ont été déposées avant la date de la clôture mais, si elles sont produites trop tard pour être véritablement analysées par les autres parties et pour qu’elles disposent du temps nécessaire pour y répondre, elles doivent être écartées pour permettre le respect des droits de la défense et assurer la loyauté des débats.

En l’espèce, la société Fournipro a conclu au fond le 22 septembre 2021, le 9 octobre 2021, 11 janvier 2022 puis le 9 décembre et le 13 décembre 2022.

La société Cuadal-[Z] a, quant à elle, conclu au fond les 23 juin 2021, 11 octobre 2021, 4 novembre 2021, 5 janvier 2022 et le 9 décembre 2022.

Or, le bulletin de fixation a été délivré par le greffe le 9 mars 2022 et annonçait une ordonnance de clôture différée au 14 décembre 2022.

Il s’infère de ces rappels et de cette chronologie que les conclusions en date du 9 décembre 2022 de chacune des parties sont recevables.

En revanche, la demande de révocation de l’ordonnance de clôture soutenue par la seule SAS Fournipro Su Ouest sera rejetée, aucune cause ne la justifiant et la SARL Cuadal-[Z] s’y opposant.

Et, les conclusions du 13 décembre 2022 de la SAS Fournipro déposées la veille de la clôture ainsi que l’attestation n°27 nouvellement produite, pourtant datée du 12 janvier 2022, sont déclarées irrecevables, leur signification tardive à la partie adverse la veille de l’ordonnance de clôture ne lui ayant pas permis d’y répliquer dans le respect du principe du contradictoire.

Au fond :

À hauteur d’appel, les parties ne remettent plus en cause la décision du tribunal de commerce retenant sa compétence pour connaître du litige.

En revanche, la société Fournipro critique le jugement en ce qu’il l’a condamnée pour avoir réalisé des actes de concurrence déloyale à l’encontre de la SARL Cuadal-[Z] qui, elle, en demande réparation et qu’il soit fait injonction à la SAS Fournipro Sud Ouest d’avoir à cesser toute activité dans un rayon de 100 km autour du siège de sa société pendant une période de 5 ans, sous astreinte.

– Sur la concurrence déloyale :

En droit, le principe de liberté du commerce et de l’industrie issu de la loi du 17 mars 1791 implique une libre concurrence entre les acteurs économiques et seuls les procédés contraires aux usages loyaux du commerce peuvent donner lieu à indemnisation parmi lesquels figure la concurrence déloyale qui peut résulter de différents comportements tels le dénigrement, l’imitation ou la confusion, le parasitisme et la désorganisation économique.

En application des articles 1240 et 1241 du code civil, applicables à la cause, il appartient à celui qui invoque des faits de concurrence déloyale de rapporter la preuve d’une faute constitutive d’une déloyauté, du dommage subi et du lien de causalité entre ce dernier et le comportement économique critiqué.

En l’espèce, la SAS Fournipro Sud Ouest soutient que la SARL Cuadal-[Z] ne rapporte pas valablement la preuve d’actes de concurrence déloyale de sa part notamment car le début de son activité se situe après l’expiration de l’engagement contractuel d'[N] [R] et d'[D] [V] et qu’ils avaient alors retrouvé une entière liberté d’exercer toute activité.

De plus, elle lui reproche de produire un constat d’huissier et des pièces issues de la messagerie privée de Messieurs [R] et [V] obtenues par violation du secret des correspondances. Elle demande que ces pièces soient écartées du débat.

A l’inverse pour conclure à la confirmation du jugement, la SARL Cuadal-[Z] expose qu’elle avait libéré [N] [R] et [D] [V] de leur obligation de non-concurrence car l’un et l’autre lui avaient fait état de projets de reconversion professionnelle dans une autre région ou un autre domaine.

Pourtant, ils ont créé et développé la SAS Fournipro dont l’activité est directement concurrente à la sienne étant précisé qu’ils avaient effectué, avant même leur départ effectif de la société, des démarches pour créer leur entreprise.

En outre, ses deux anciens salariés, désormais gérants de la SAS Fournipro, ont utilisé le savoir-faire et les informations acquises dans le cadre de leur emploi par elle pour capter une grande partie de sa clientèle en détournant son fichier client et en entretenant une confusion sur la société pour le compte de laquelle ils agissaient.

Au soutien de ses dires, la SARL Cuadal-[Z] s’appuie sur la chronologie du départ de ses salariés et de la création de la société Fournipro Sud-Ouest.

Or, il n’est pas contesté qu'[N] [R] a été le salarié de la SARL Cuadal-[Z] du 10 septembre 2012 au 18 avril 2016 et qu’il a constitué la société Fournipro dont le début d’activité date du 25 mai 2016 et l’immatriculation du 2 juin 2016.

[D] [V] a, quant à lui, été salarié de la SARL Cuadal-[Z] du 1er février 2005 au 30 mai 2016. Et, à compter du 7 juin 2016, il est devenu salarié de la société Fournipro puis, au 8 novembre 2016, un de ses associés.

Il résulte ainsi de cette chronologie que, comme l’ont souligné les premiers juges, dès avant la rupture de son contrat de travail, [N] [R] avait effectué les démarches de création de la SAS, de recherche de local et de fournisseurs mais aussi de financement mais également qu’il entendait salarier [D] [V].

D’ailleurs, à hauteur d’appel, Monsieur [R] ne produit aucun renseignement contredisant ce point ne remettant au débat qu’une capture d’écran portant, selon les conclusions de la SAS Fournipro, un exemple d’une immatriculation au RCS et montrant qu’il existe des délais entre les différentes formalités à effectuer qui ne sont pas incompatibles avec des demandes postérieures à son départ de la SARL Cuadal-[Z].

S’agissant d'[D] [V], il résulte des pièces désormais communiquées que, dès le 7 juin 2016 soit une semaine après sa démission, la société Fournipro Sud Ouest a procédé à son embauche en qualité de commercial.

Or, il n’est pas contesté qu’au moment de son départ de la société Cuadal-[Z], il n’était pas tenu par une clause de non-concurrence, leur employeur l’ayant expressément libéré, comme il l’avait fait pour [N] [R], d’une telle obligation respectivement le 18 avril 2016 et le 2 mai 2016.

Mais il ne peut qu’être souligné que la correspondance formalisant cette décision prenait acte de son choix de changement de vie professionnelle et de quitter toute fonction de commercial.

Ainsi, alors même qu’un mois plus tard et une semaine après la fin de son contrat de travail, il devenait salarié de la SAS Fournipro Sud Ouest, la production de simples devis, en lien avec un projet immobilier, certes antérieurs mais également postérieurs à sa démission de son emploi auprès de la SARL Cuadal-[Z] et à son embauche par la société, ne permet pas de modifier l’appréciation de la situation qu’a faite le tribunal de commerce, quant à la caractérisation d’une attitude déloyale pour obtenir la libération de son obligation de non-concurrence.

Il en est de même pour [N] [R] qui, après plusieurs années de travail pour la société Cuadal-[Z], a obtenu sa libération de son engagement à la non-concurrence et a installé, dès e mois suivant, la SAS Fournipro Sud Ouest à proximité géographique de la SARL Cuadal-[Z] pour exercer une activité directement concurrente, peu important que isting de ses fournisseurs puissent être plus important que celui de la SARL Cuadal-[Z].

Par ailleurs, à l’appui de son argumentation, la SARL Cuadal-[Z] se prévaut d’un constat d’huissier établi par Maître [O] le 29 décembre 2021 qui a permis d’identifier des échanges qu’elle estime en lien avec les faits objets du litige.

Elle affirme qu’il ressort de la captation de courriels de Monsieur [V], provenant de la messagerie alexandrecommè[email protected], et d'[N] [R] à partir de la messagerie [Courriel 5] attestent d’actes déloyaux à son encontre, ceux-ci montrant qu’ils se sont accordés préalablement à leur départ de sa société pour créer une société concurrente et ayant démarché puis utilisé sa clientèle notamment en détournant ses fichiers auxquels ils avaient accès en qualité de salariés.

La société Fournipro Sud Ouest soutient que ce constat d’huissier et les conversations qui en ont été extraites doivent être écartés des débats pour avoir été obtenus de manière illicite s’agissant de messageries personnelles.

Or, la SARL Cuadal-[Z] affirme qu’il s’agit de messageries professionnelles mises à la disposition de ses salariés par elle et l’huissier mandaté a constaté que le service de messagerie utilisé par la société est la messagerie orange.

En outre, il résulte de devis produits par les parties et réalisés par [D] [V] pour le compte de la société Cuadal-[Z] qu’il y mentionnait en pied de page l’adresse de messagerie sus-visée.

De même, la teneur des messages mis en exergue par l’huissier est strictement professionnelle, Monsieur [V] comme Monsieur [R] n’établissant aucun usage non lié à leur relation de travail avec la SARL Cuadal-[Z], le premier ne produisant qu’un unique message à caractère privé transmis sur son adresse alexandrecommè[email protected] à la période de son engagement salarial.

De plus, ni Monsieur [V] et Monsieur [R] ne justifient avoir créé ces messageries avant leur intégration dans la SARL Causal-[Z] ou pour un autre usage.

Enfin, Monsieur [V] n’établit pas que l’accès à la messagerie composée de son nom aurait été limité à l’usage de son ordinateur et de ses codes personnels alors qu’il remet une facture d’achat d’un ordinateur Acer et que l’huissier a accédé aux conversations capturées par un ordinateur de marque Lenovo appartenant à la société Cuadal-[Z], lequel a permis également l’accès à la messagerie [Courriel 5] selon les mêmes modalités.

Il s’en déduit que les comptes alexandrecommè[email protected] et [Courriel 5] sont des comptes professionnels mis à leur disposition par leur employeur dans le cadre de leur contrat de travail, ce qui n’exclut pas que Monsieur [V] a pu avoir ponctuellement une ou des communications personnelles.

Il n’en reste pas moins que les captures d’écran produites en lien avec la société Fournipro Sud Ouest ne peuvent, au vu des contenus qu’ils illustrent, entrer dans ce cadre

En conséquence, la SARL Cuadal-[Z] était en droit d’ouvrir, hors la présence des intéressés, les messages qu’elle produit par le constat d’huissier, ceux-ci n’étant visiblement pas identifiés comme personnels.

En l’espèce, l’examen des messages extraits par huissier à partir des messageries sus-visées montre qu’elles ont servi à des communications relatives à la constitution de la société Fournipro et à son organisation matérielle alors même qu'[D] [V] exécutait son préavis de départ suite à sa démission.

En outre, en mai 2016 et postérieurement à la fin de son contrat de travail et de celui d'[N] [R], ces messageries ont été utilisées pour des contacts avec des clients de la société Cuadal-[Z] qui devenus des partenaires de la société Fournipro, l’un d’eux s’étant d’ailleurs questionné sur l’évolution de la situation des deux commerciaux et la SAS Fournipro Sud Ouest.

Il en résulte qu’ayant utilisé, dans le cadre de leurs activités pour la société Fournipro Sud Ouest , des messageries déjà utilisées pour le compte de la société Cuadal-[Z], il est démontré que la SAS a indûment tiré profit des efforts, savoir-faire et notoriété de cette dernière pour développer sa propre clientèle.

D’ailleurs, les échanges produits attestent de contacts pris avec les établissements [B] [T] sur la période du contrat de travail d'[D] [V] avec la société Cuadal-[Z] qui se sont ensuite concrétisés par des commandes passées avec la société Fournipro dès juillet 2016, commandes qui sont venues s’ajouter à d’autres commandes pour constituer, dès la fin de ce mois, un chiffre d’affaires pour la société Fournipro qui ne peut qu’être mis en relation avec une activité installée précédemment en concurrence de celle de leur ancien employeur.

En conséquence, l’existence d’agissements constitutifs d’actes de concurrence déloyale est caractérisée et le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur l’indemnisation du préjudice de la société Cuadal-[Z] :

S’agissant du préjudice de la SARL Cuadal-[Z], la société Fournipro Sud Ouest prétend que le lien de causalité entre les actes de concurrence déloyale qui lui sont reprochés et la baisse du chiffre d’affaires qu’elle invoque n’est pas établie.

Elle argue que la dégradation des résultats de la SARL s’explique par son absence de dynamisme et de recrutement de nouveaux commerciaux stables mais également par la concurrence résultant de la concentration de plusieurs enseignes concurrentes sur un périmètre restreint et les difficultés économiques engendrées par le contexte de la pandémie du covid 19.

A l’inverse, la SARL Cuadal-[Z] affirme que la baisse de son chiffre d’affaires entre 2016 et 2022 d’un montant de 1.342.930,13 € HT, résulte de la concurrence déloyale de la SAS Fournipro Sud Ouest.

Elle produit au soutien de sa demande notamment un tableau précisant la perte de son chiffre d’affaires afférente aux clients dont elle affirme qu’ils ont été détournés ainsi qu’une attestation portant sur l’ensemble du chiffre d’affaires perdu à compter de l’année 2014.

Mais, elle ne produit aucun renseignement sur l’organisation de sa société et le nombre de commerciaux qu’elle salariait avant le départ de Messieurs [V] et [R] et depuis.

De même, elle ne produit aucun document portant sur la perte d’exploitation et de valeur de son fonds de commerce.

Et l’attestation du 6 décembre 2018, rédigée par son expert comptable, indique une tendance baissière de son chiffre d’affaires dès l’année 2015 soit avant même le départ des deux salariés concernés par le litige.

Enfin, l’existence de plusieurs concurrents sur un secteur limité ne peut être éludée.

Ainsi, si le lien de causalité entre les actes de concurrence déloyale sus-décrits et le préjudice invoqué résultant d’une baisse du chiffre d’affaires de la SARL Cuadal-[Z] est établi, l’ampleur de celle-ci ne peut être mieux précisée par les données produites et la décision des premiers juges sera confirmée en ce qu’elle a fixé à la somme de 120.000 euros les dommages et intérêts dus par la société Fournipro Sud Ouest à la société Cuadal-[Z], le trouble commercial qu’elle a subi étant inclu dans ce montant.

Concernant, le préjudice moral de [F] [Z] et de [P] [Z], les certificats médicaux remis sont insuffisants à établir un ien de causalité avec les faits dénoncés et la demande fondée sur celui-ci sera rejetée.

– Sur l’injonction à la SAS Fournipro Sud Ouest d’avoir à cesser toute activité dans un rayon de 100 km autour du siège de la société Cuadal-[Z] pendant une période de 5 ans, sous astreinte :

Le tribunal de commerce a justement relevé que la SARL Cuadal-[Z] a agi en justice le 16 septembre 2019, soit trois ans après la création et début d’activité de la société Fournipro Sud Ouest, ceci alors même qu’elle disposait des données qu’elle produit à l’instance dès la fin de l’année 2016 ou du moins dès l’année 2017.

En outre, à cette date la SAS Fournipro Sud Ouest avait largement développé sa propre activité en lien avec ses fournisseurs, sa clientèle et son savoir-faire.

Enfin, si la SARL Cuadal-[Z] n’avait pas libéré ses salariés de leur clause de non-concurrence, celle-ci n’aurait plus été applicable à la date de l’assignation.

Le rejet de cette demande est confirmé.

– Sur la demande de la société Fournipro Sud Ouest au titre d’un préjudice commercial et moral résultant de l’action de la SARL Cuadal-[Z] à son encontre :

La SAS Fournipro Sud Ouest déplore subir de la part de la SARL Cuadal-[Z] une action et un dénigrement commercial et personnel peu propices à son développement et sollicite sur ce fondement une indemnité au titre du préjudice commercial qui en résulterait et au titre du préjudice moral ressenti.

Néanmoins, elle ne produit sur ces points qu’une attestation de son salarié et, compte tenu de la solution du litige, il ne peut être fait droit à sa demande conformément à la décision de première instance.

– Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement relatif aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

La société Fournipro Sud Ouest succombant en son appel, les dépens exposés devant la cour seront mis à sa charge et elle réglera à la société Cuadal-[Z] une somme de 2.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture ;

Déclare irrecevables les conclusions au fond du 13 décembre 2022 de la SAS Fournipro Sud Ouest et la pièce n°27 nouvellement produite ;

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Dax du 8 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Fournipro Sud Ouest aux dépens d’appel,

Condamne la SAS Fournipro Sud Ouest à payer à la SARL Cuadal-[Z] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière La Présidente

 


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