Agent commercial : décision du 23 mars 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-16.664

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Agent commercial : décision du 23 mars 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-16.664

23 mars 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-16.664

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 23 mars 2022

Rejet non spécialement motivé

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10200 F

Pourvoi n° B 20-16.664

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 MARS 2022

M. [H] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 20-16.664 contre l’arrêt rendu le 20 novembre 2019 par la cour d’appel de Nancy (5e chambre commerciale), dans le litige l’opposant à la société Bluntzer, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Boisselet, conseiller, les observations écrites de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. [G], de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Bluntzer, et l’avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 1er février 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Boisselet, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [G] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [G] et le condamne à payer à la société Bluntzer la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour M. [G].

LE POURVOI REPROCHE A L’ARRÊT ATTAQUÉ D’AVOIR débouté M. [H] [G] de ses demandes indemnitaires et autres dirigées contre la SNC BLUNTZER, au titre de la rupture de son contrat d’agent commercial ;

AUX MOTIFS PROPRES QU’il convient en premier lieu d’approuver les premiers juges, en ce qu’après avoir énoncé la teneur des dispositions de l’article L 134-1 du code de commerce, ils ont rappelé qu’en l’absence de contrat écrit fixant expressément les obligations respectives des parties, le statut de M. [G] doit être fixé au vu de l’activité effective que ce dernier a exercée naguère pour le compte de la société BLUNTZER, sans cependant s’arrêter, en l’absence d’éléments tangibles venant corroborer le commencement de preuve résultant de ces simples mentions littérales, à l’utilisation de l’expression « agent commercial » qui figure tant sur les factures émises par l’appelant, que sur les chèques destinés à assurer sa rémunération, ou encore sur certaines correspondances professionnelles ; à cet égard, ainsi que l’a relevé à juste titre le tribunal, il est constant que M. [G] ne rapporte pas la preuve ni même n’allègue qu’il ait été habilité à signer les contrats pour le compte de son cocontractant, la société BLUNTZER étant en effet directement la signataire des contrats conclus avec sa clientèle ; par ailleurs, force est de constater que l’appelant ne rapporte pas davantage la preuve que sa mission ne se limitait pas à étoffer un portefeuille de clientèle privée et à intervenir ponctuellement comme apporteur d’affaires, à titre indépendant, au bénéfice de la société BLUNTZER, la cour observant sur ce point que les huit attestations que M. [G] verse aux débats sont insusceptibles de rapporter la preuve certaine qu’il était en réalité habilité, et ce façon permanente, à mener une discussion de fond, concernant les termes des contrats devant être conclus ultérieurement entre la société BLUNTZER et ses clients ; en effet, si la teneur de l’attestation émanant de M. [J], ancien chef d’agence de la société HALLE à Vandoeuvre (54), laisse à penser que M. [G] pouvait disposer du pouvoir d’entrer en discussion avec la clientèle sur les conditions financières et/ou techniques des marchés et, partant, de créer un courant d’affaires entre le mandant et ladite clientèle, son auteur indiquant ainsi, notamment, que « M. [G] a mené les mises au point techniques avec la société BLUNTZER et les dernières négociations de cette affaire ont été conduites entre lui et moi », et aussi que postérieurement à l’enlèvement du marché par la société BLUNTZER, « M. [G] a par la suite pendant la réalisation du chantier participé aux négociations concernant les travaux modificatifs et supplémentaires liées aux prestations de ce marché », force est cependant de constater que cette attestation reste silencieuse sur la nature exacte des négociations dont elle fait pourtant état ; de la même manière, les autres attestations produites par l’appelant n’établissant pas de façon certaine ni la faculté supposée de ce dernier d’entrer en discussion, de manière permanente, avec la clientèle sur les conditions des marchés, ni les modalités précises utilisées à cette fin par M. [G], dans le dossier particulier dont elles font état, il convient de confirmer le jugement en ce qu’après avoir, dans ses motifs, jugé que M. [G] ne peut se prévaloir de la qualité d’agent commercial, il a débouté celui-ci, dans son dispositif, de sa demande d’indemnité de cessation de contrat ainsi que de sa demande d’indemnité de préavis (arrêt, pages 7 et 8) ;

ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QU’il est constant que le statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée ; dès lors, le fait que M. [G] fasse état d’une qualité d’agent commercial dans ses factures et que la société BLUNTZER SNC mentionne également cette qualité dans les chèques servant à rémunérer le demandeur ou dans des correspondances est sans emport sur le statut réel de M. [G], lequel doit être déterminé au vu de son activité effective ; il convient par ailleurs de noter que, contrairement à ce qu’affirme M. [G], les articles 1112 et suivants du code civil, dans leur version issue de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, lesquels précisent notamment que l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres et doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi, ne définissent pas le contenu des négociations et ne peuvent donc permettre d’interpréter le sens des dispositions de l’article L 134-1 du code de commerce ; M. [G] ne conteste pas le fait qu’il n’était pas habilité à conclure des contrats au nom et pour le compte de la société défenderesse ; afin de justifier de sa faculté de négocier pour le compte de la société BLUNTZER SNC, M. [G] verse aux débats huit attestations émanant de personnels d’entreprises indiquant avoir négocié avec lui ; toutefois, ces attestations ne sont nullement précises sur les actes qui sont qualifiés de négociations et ne permettent donc pas de déterminer précisément le rôle du demandeur dans ses rapports avec les entreprises ; il n’y est par ailleurs nullement fait mention de concessions qui auraient pu être concédées ou d’avantages qui auraient pu être octroyés par M. [G] pour le compte de la société BLUNTZER SNC ; en revanche, il ressort des correspondances versées par M. [G] aux débats que la détermination des offres et leur contenu étaient de la compétence exclusive de la société BLUNTZER SNC, laquelle, après intervention du demandeur, contactait ensuite directement les entreprises avec qui elle souhaitait contracter, sans que ce choix ne dépende de la volonté de M. [G], afin de déterminer les prestations techniques et financières devant figurer au contrat ; sans qu’il soit nécessaire de poser une question préjudicielle à cet égard à la Cour de Justice de l’Union Européenne, il est constant que le terme de négociation implique une possible discussion entre parties sur les conditions du contrat afin d’aboutir, éventuellement, aux termes de concessions réciproques, à un accord qui les satisfasse ; or, ainsi qu’il a déjà été relevé, M. [G] ne disposait d’aucun pouvoir pour modifier les conditions et clauses des conventions, il ne pouvait donc accorder une quelconque concession et, dans ces conditions, ne pouvait négocier les contrats pour le compte de la société BLUNTZER SNC ; dès lors, M. [G] ne pouvant se prévaloir de la qualité d’agent commercial de la société BLUNTZER SNC, ses demandes d’indemnités formulées à son encontre au titre de la rupture du contrat les liant seront rejetées (jugement, pages 3 et 4) ;

ALORS QU’aux termes de son arrêt TRENDSETTEUSE C/ DCA du 4 juin 2020 (affaire C-828/18), la Cour de Justice de l’Union Européenne a dit pour droit que « l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653/CEE du Conseil, du 18 décembre 1986, relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants, doit être interprété en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier le prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d’agent commercial, au sens de cette disposition », en précisant, dans les motifs de sa décision, d’une part que les tâches principales de l’agent commercial « consistent à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants » (décision, § 33), d’autre part que « l’accomplissement de ces tâches peut être assuré par l’agent commercial au moyen d’actions d’information et de conseil ainsi que de discussions, qui sont de nature à favoriser la conclusion de l’opération de vente des marchandises pour le compte du commettant, sans que l’agent commercial dispose de la faculté de modifier les prix desdites marchandises » (décision, § 34) ; Qu’en l’espèce, pour dire que M. [G] n’avait pas la qualité d’agent commercial de la société BLUNTZER SNC, la cour d’appel a énoncé, par motifs propres et adoptés des premiers juges, que l’intéressé n’était pas habilité à signer les contrats pour le compte de la société BLUNTZER, d’autre part qu’il ne démontre pas qu’il avait la faculté d’entrer en discussion avec la clientèle aux fins de modifier les conditions et clauses des conventions, enfin que M. [G] de démontre pas que sa mission ne se réduisait pas à étoffer un portefeuille de clientèle privée et à intervenir ponctuellement comme apporteur d’affaires indépendant au bénéfice de la société BLUNTZER ; Qu’en statuant ainsi, quand il résulte de ces énonciations que l’exposant développait à tout le moins des actions de discussions de nature à favoriser la conclusion de ventes entre les clients potentiels et la société BLUNTZER, ce qui permettait d’apporter à cette dernière de nouveaux clients et de développer des opérations nouvelles avec les clients existants, de sorte que, conformément à l’article L 134-1 du code de commerce, tel qu’interprété par la décision de la CJUE susvisée, M. [G] exerçait les tâches principales d’un agent commercial, peu important à cet égard qu’il ne fut pas mandaté pour signer lui-même les contrats litigieux, la cour d’appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé.

 


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