Agent commercial : décision du 16 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/16989

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Agent commercial : décision du 16 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/16989
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16 février 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
21/16989

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 16 FEVRIER 2023

N° 2023/111

Rôle N° RG 21/16989 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIPOR

[M] [B]

S.A.R.L. SELECTIMMO

C/

Syndic. de copro. LE MONTAIGNE

S.A. GAN ASSURANCES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Pascale MAZEL

Me Françoise BOULAN

Me Véronique DEMICHELIS

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 19 novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02777.

APPELANTS

Monsieur [M] [B]

né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 7]

S.A.R.L. SELECTIMMO

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 6]

représentés par Me Pascale MAZEL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Syndicat des copropriétaires LE MONTAIGNE sis [Adresse 5] représenté par son syndic en exercice, la SAS D’AGOSTINO PATRICK elle-même prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 2]

représenté par Me Françoise BOULAN substituée par Me CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

et assisté de Me Audrey BABIN de la SELARL AUDREY BABIN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

S.A. GAN ASSURANCES

agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 8]

représentée par Me Véronique DEMICHELIS de la SCP DRUJON D’ASTROS & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Manon CHAMPEAUX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 10 janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme NETO, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Angélique NETO, Conseillère rapporteur

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 février 2023,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société à responsabilité limitée (SARL) Selectimmo, gérée par M. [M] [B], loue, auprès de la société civile immobilière (SCI) 366 P, un local commercial situé [Adresse 6]) afin d’y exercer une activité d’agence immobilière sous la dénomination ERA Immobilier.

Ce local est surplombé par l’immeuble Le Montaigne situé au numéro 362 de la même avenue.

Le 16 juin 2019, le gardien de l’immeuble Le Montaigne alertait le syndic de la copropriété Le Montaigne, le cabinet d’Agostino, du décollement du revêtement du mur pignon de la façade Sud-Ouest de l’immeuble au niveau de l’arête se propageant entre le 5ème et le 7ème étage.

Le 17 juin 2019, M. [D] [T], architecte mandaté par le syndic de l’immeuble Le Montaigne, qui se rendait sur les lieux, constatait que le revêtement pouvait céder à tout moment, ce qui constituait un péril grave et imminent pour la sécurité des biens et des personnes, et notamment pour l’agence immobilière qu’il convenait d’évacuer en interdisant à la société Selectimmo l’accès à la maison, au jardin et au local donnant sur la rue qu’elle exploite.

Une déclaration de sinistre sera effectuée le même jour par le syndicat des copropriétaires de la copropriété Le Montaigne auprès de la société Gan assurances.

Le 18 juin 2019, un arrêté de péril sera pris par la mairie de [Localité 9] interdisant tout accès dans les lieux exploités par la société Selectimmo afin de protéger les biens et les personnes de chutes éventuelles de l’enduit provenant de la façade de l’immeuble Le Montaigne.

Le même jour, les marins pompiers de la ville de [Localité 9] seront requis afin de procéder à l’évacuation des personnes se trouvant dans l’agence immobilière exploitée par la société Selectimmo, à la mise en place un périmètre de sécurité et au dégarnissage de l’enduit sur une surface d’environ 50 m2.

A l’occasion de cette intervention, la toiture et le plafond du local commercial exploité par la société Selectimmo ont été endommagés.

Par arrêté en date du 25 juin 2019, la ville de [Localité 9] va autoriser la réintégration partielle de l’immeuble exploité par la société Selectimmo. Si les locaux situés coté rue peuvent être réintégrés, il n’en va pas de même de ceux situés côté cour qui restent interdits à toute occupation et utilisation jusqu’à ce qu’il soit mis fin au risque d’effondrement de la toiture et du plancher.

L’arrêté de péril a totalement été levé par la ville de [Localité 9] par arrêté du 3 juillet 2020.

La société Selectimmo ne réintégrera les lieux que le 13 novembre 2020.

Faisant valoir un certain nombre de préjudices, la société Selectimmo et M. [B] ont fait assigner, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille, le syndicat des copropriétaires Le Montaigne, représenté par son syndic en exercice, ainsi que la société anonyme (SA) Gan assurances, aux fins de les voir condamner à lui verser une provision à valoir sur l’indemnisation de leurs préjudices.

Par ordonnance de référé en date du 19 novembre 2021, ce magistrat a :

dit n’y avoir lieu à référé sur l’intégralité des demandes ;

dit n’y avoir lieu de faire droit à la demande formulée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une quelconque des parties ;

laissé à chacune des parties la charge des dépens.

Il a retenu plusieurs contestations sérieuses tenant notamment au fait que les dégâts occasionnés dans le local exploité font suite à l’intervention des marins pompiers, que le propriétaire bailleur de la société Selectimmo et son assureur ont tardé à effectuer les travaux de reprise, ce qui a empêché le preneur de réintégrer les lieux plus tôt et qu’il n’appartient pas au juge des référés d’interpréter le contrat d’assurance liant la copropriété à la société Gan assurances voire son comportement, en ce qu’elle a participé aux opérations d’expertise, afin de rechercher si les garanties souscrites sont mobilisables ou non.

La société Selectimmo et M. [B] ont, par déclaration transmise au greffe le 3 décembre 2021 interjeté appel de l’ordonnance susvisée en toutes ses dispositions.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 6 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, ils sollicitent de la cour qu’elle infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau qu’elle :

condamne solidairement et conjointement la société Gan assurances et le syndicat des copropriétaires Le Montaigne à verser à la société Selectimmo la somme provisionnelle de 192 404,09 euros à valoir sur les préjudices matériels subis ;

les condamne solidairement et conjointement à verser à la société Selectimmo la somme provisionnelle de 50’000 euros à titre de dommages et intérêts pour l’atteinte à son image de marque et désorganisation de son activité commerciale ;

les condamne solidairement et conjointement à verser à M. [B] la somme provisionnelle de 10’000 euros à titre de dommages et intérêts à valoir sur son préjudice moral et psychologique ;

les condamne solidairement et conjointement à verser à la société Selectimmo, en application de l’article 700 du code procédure civile, la somme de 5 000 euros pour les frais exposés en première instance et celle de 3 000 euros pour les frais exposés en appel ;

les condamne solidairement et conjointement aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Ils affirment que la responsabilité du syndicat des copropriétaires du fait des choses en application de l’article 1242 du code civil n’est pas sérieusement contestable dès lors que la partie du mur qui s’est effondrée sur les locaux loués, à savoir la partie du mur pignon situé du côté gauche en se plaçant face à l’immeuble au niveau des trois avant derniers étages, lui appartient. Ils exposent que cet effondrement fait suite à un important décollement de l’enduit. Ils indiquent que M. [T], architecte mandaté par le syndic de la copropriété, qui s’est rendu sur les lieux le 17 juin 2019, a immédiatement préconisé l’évacuation de l’agence immobilière compte tenu de la dangerosité des lieux pour la sécurité des biens et des personnes, le revêtement menaçant de céder à tout moment. Ils expliquent que, dès lors qu’aucune entreprise privée ne voulait prendre en charge les travaux, les marins pompiers ont dégarni l’enduit sur une surface d’environ 50 m2, ce qui a occasionné des dommages sur la toiture et le plafond de l’agence immobilière.

Ils relèvent que le syndic de la copropriété a reconnu, à plusieurs reprises, l’entière responsabilité du syndicat des copropriétaires, sans jamais se prévaloir de la responsabilité des marins pompiers ou de sa bailleresse. Ils soulignent que l’assureur de la copropriété reconnaissait lui-même que les dégâts occasionnés dans le local étaient dus au décollement de l’enduit de la façade de l’immeuble Le Montaigne surplombant le local en proposant de l’indemniser de la perte d’exploitation subie jusqu’au 25 juin 2019, outre des préjudices matériels. Ils insistent sur le fait que le décollement de l’enduit de la façade résultait d’un processus évolutif s’expliquant par son vieillissement et un manque d’entretien. Ils relèvent que, si les pompiers n’étaient pas intervenus pour décrouter la façade de l’immeuble, l’enduit de la façade serait tombé de façon inopinée avec des conséquences encore plus dramatiques pour les biens et les personnes se trouvant à proximité. Ils soutiennent que, dès lors que la chute du mur est la cause principale du sinistre, les intimés sont tenus de l’indemniser de l’intégralité de leurs préjudices et qu’il leur appartient de se retourner, s’ils le désirent, contre sa bailleresse.

Ils évaluent le préjudice matériel et financier de la société Selectimmo à 192 404,09 euros tenant au fait qu’elle a été contrainte de racheter du matériel et mobilier à la suite de la destruction de ses moyens de production, de réaliser des travaux pour réhabiliter le local, de racheter du matériel pour pouvoir travailler, de réaménager le jardin, de régler des abonnements téléphoniques, des factures d’électricité, des primes d’assurance et un contrat de leasing d’un photocopieur alors que les locaux n’ont pas été exploités jusqu’au 13 novembre 2020, d’engager des loyers et des frais pour la location d’un nouveau local, faisant observer qu’elle n’a pas eu d’autres choix que de s’engager pour une durée de trois ans, de recruter un salarié, un gestionnaire et des agents immobiliers, qui ont été formés, en raison de l’arrêt de travail de M. [B] et de financer une compagne publicitaire. Ils font également état d’une atteinte à l’image de marque de la société, aux préjudices subis résultant de sa désorganisation ainsi que d’un préjudice moral causé au gérant qui a été arrêté du 20 juin 2019 au 6 janvier 2021. Ils indiquent que les travaux ont nécessité la mise en place d’échafaudages et d’un platelage dans la cour de l’agence immobilière. Ils relèvent que, si les échafaudages destinés aux travaux de l’immeuble mitoyen ont été retirés le 2 septembre 2022, celui installé à l’entrée de l’agence immobilière a été maintenu, et ce, en réduisant considérablement le passage et l’accès à l’agence cachée derrière les installations.

Ils précisent ne pas avoir été indemnisés par leur propre assureur. Ils relèvent que la société Gan assurances doit garantir les conséquences pécuniaires des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne dès lors qu’ils proviennent de son bâtiment et des dépendances.

Dans ses dernières conclusions transmises le 20 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, le syndicat des copropriétaires Le Montaigne, représenté par son syndic en exercice, sollicite de la cour qu’elle :

confirme l’ordonnance entreprise ;

déboute la société Selectimmo et M. [B] de leurs demandes ;

à titre subsidiaire, réduise le montant des provisions sollicitées ;

condamne la société Gan assurances à le relever et garantir de toutes les condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;

condamne la société Selectimmo et M. [B] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, avec distraction au profit de Me Françoise Boulan, membre de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

Il expose avoir entrepris toutes les démarches nécessaires aux fins de remédier aux désordres en déclarant le sinistre du 17 juin 2019 auprès de son assureur, en sollicitant en urgence la mise en place d’un échafaudage aux fins de procéder à la purge des éléments d’enduit instables, en mandatant M. [T], architecte, aux fins de se rendre sur place pour assurer la sécurité de tous, en sécurisant les lieux, en appelant les marins pompiers de la ville de [Localité 9] qui ont décidé de procéder aux travaux de purge sur la façade et en mandatant la société ATA afin de procéder à un complément de purge. Il relève qu’alors même que la société ATA a réalisé les travaux le 21 août 2019, la société Selectimmo n’a pu réintégrer les lieux que le 13 novembre 2020 faute pour les travaux de remise en état de l’agence immobilière d’avoir été réalisés. II indique que ce retard s’explique uniquement par un manque de diligences de la bailleresse de la société Selectimmo, la société 366 P, et de son assureur qui n’ont pas donné suite aux courriers qui leur ont été adressés lors des expertises amiables qui ont été diligentées.

Il affirme que sa responsabilité se heurte à des contestations sérieuses dès lors que la cause, à l’origine du décollement d’une partie de l’enduit de la façade, est indéterminée, que le toit de l’immeuble loué à la société Selectimmo a été détruit par les pompiers de la ville de [Localité 9] suite à leur intervention et que le bailleur propriétaire de l’immeuble loué à la société Selectimmo et son assureur ont tardé à effectuer les travaux de reprise empêchant toute exploitation des lieux. En tout état de cause, il considère qu’il ne peut être tenu responsable des pertes et dépenses financières postérieures au 1er août 2019 et qu’il appartient à la société Selectimmo de se retourner contre son bailleur. Il estime que seule la juridiction du fond pourra déterminer les responsabilités de chacun, faisant observer qu’une procédure est pendante devant le tribunal judiciaire de Marseille à laquelle sont parties la société Selectimmo, M. [B], la société 366 P, la société Gan assurances et le syndicat des copropriétaires.

Il indique que le montant des provisions sollicitées se heurte également à des contestations sérieuses. Concernant les frais relatifs au matériel endommagé, il relève que la preuve n’est pas rapportée de la nécessité de remplacer des biens matériels, que la société Selectimmo n’a pas appliqué de taux de vétusté et que les devis et factures produits sont libellés au nom d’ERA. Concernant la location du local situe [Adresse 10] à compter du mois de novembre 2019 pour une durée de trois ans, il relève que le propriétaire du bien donné à bail n’est autre que M. [B] et que les appelants auraient très bien pu conclure un bail précaire ou une convention d’occupation précaire. Concernant l’obligation de salarier Mme [W], de confier la gestion à M. [G] et le départ d’agents immobiliers, il indique que la preuve d’un lien de causalité entre l’arrêt de travail de M. [B] et le sinistre n’est pas établie, de même qu’il n’est pas démontré de lien de causalité entre le départ d’agents immobiliers et le sinistre. Il souligne que le fait pour les mandats d’avoir baissé de 19 % entre 2018 et 2019 et de 56 % entre 2019 et 2020 peut parfaitement s’expliquer par la crise sanitaire, de même que la preuve n’est pas rapportée que le départ de M. [R], agent commercial de l’agence, au début de l’année 2021 s’explique par le sinistre survenu un an et demi avant. Il indique que les frais de formation constituent des frais courants relevant de la gestion de la société Selectimmo. Concernant les dépenses de compagne publicitaire, il indique que la preuve n’est pas rapportée que la société Selectimmo de l’absence de tels frais avant la survenance du sinistre. Concernant les demandes relatives aux préjudices immatériels et moral de M. [B], il souligne que les agents immobiliers ont démissionné pour des motifs n’ayant rien à voir avec le sinistre survenu en juin 2019 et que M. [B] ne démontre pas avoir été arrêté à la suite du sinistre. Il insiste sur le fait que l’échafaudage, qui a été installé, ne gêne en rien la visibilité de l’agence immobilière donnant sur la rue.

Dans le cas où il serait condamné, il demande à ce que la société Gan assurances le garantisse des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en se prévalant de la garantie responsabilité civile du fait de l’immeuble qui a été souscrite en application de l’article 13 des conditions générales du contrat dès lors que l’action exercée par les appelants, tiers au contrat, est fondée sur la responsabilité du fait des choses. Il indique que la société Gan assurances se fonde à tort sur la garantie des dommages matériels causés aux biens assurés pour contester sa garantie au motif que les dommages résulteraient d’un défaut d’entretien.

Dans ses dernières conclusions transmises le 19 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens soulevés, la société Gan Assurances sollicite de la cour qu’elle :

confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

déboute la société Selectimmo et M. [B] de toutes leurs demandes ;

les condamne solidairement à verser à la société Gan assurances la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle se prévaut de plusieurs contestations sérieuses faisant obstacle aux demandes de provisions sollicitées par les appelants. Elle expose que les dommages causés sur le bien loué par la société Selectimmo ont été exclusivement causés par l’intervention des marins pompiers de la ville [Localité 9] sur décision des services de la mairie, faisant observer que cette intervention n’a jamais été sollicitée par M. [T], architecte mandaté par le syndicat des copropriétaires, tel que cela résulte du compte rendu des marins pompiers. Elle indique que c’est bien le décrochage de la façade par les marins pompiers, sans aucune précaution, qui est à l’origine des dommages causés au local loué par la société Selectimmo. De plus, elle expose qu’alors même qu’elle a été mise en demeure de régler une provision de 15 000 euros en mars 2021, le montant des provisions sollicitées dans le cadre de la présente procédure est sans commune mesure avec ce qui avait été demandé, de même que le montant des préjudices évalué par l’expert comptable de la société Selectimmo à 298 138,12 euros. En outre, elle indique que, si la société Selectimmo n’a pu réintégrer les lieux qu’au mois de novembre 2020, cela s’explique par le retard pris sa bailleresse, la société 366 P, et l’assureur de cette dernière, la société Generali, dans la réalisation des travaux de réhabilitation des lieux. Elle relève que, dans le cadre de la procédure pendante devant la juridiction du fond, la société Selectimmo reconnaît que l’inertie de sa bailleresse explique le fait qu’elle n’a pu réintégrer les lieux qu’au mois de novembre 2020 et la plupart des préjudices subis. Elle indique enfin que ce retard s’explique également par la crise sanitaire liée à la Covid-19, cause extérieure aux parties. Elle estime que l’ensemble de ces éléments portant sur l’imputabilité de la cause du sinistre et l’obligation des intimés d’indemniser les préjudices en résultant pour les appelants constituent des contestations sérieuses faisant obstacle aux demandes de provisions sollicitées par les appelants.

Elle soutient n’avoir jamais reconnu la responsabilité de son assuré dans la survenance du sinistre et que sa seule participation aux opérations d’expertise ne vaut pas reconnaissance de garantie.

Elle discute la réalité des cinq postes principaux de préjudices dont se prévalent les appelants. S’agissant du matériel endommagé et des travaux de réhabilitation des locaux, elle souligne qu’il est demandé le remboursement de mobiliers et matériels informatiques au prix d’achat sans que la preuve ne soit rapportée qu’elle disposait de ces biens avant le sinistre, ni de leur réel état d’endommagement. Elle indique que les frais engagés dans le cadre des travaux de réhabilitation doivent être pris en charge par la bailleresse, de même que les préjudices résultant d’une jouissance non paisible des locaux loués, faisant observer que les appelants et la société 366 P ont accepté la mise en place de l’échafaudage. S’agissant du rachat de matériels, elle indique qu’elle n’a pas à prendre en charge du matériel qui a été racheté par la société Selectimmo dans le cadre de l’exploitation courante de son activité, pas plus que les abonnements téléphoniques, lesquels auraient pu être transférées dans les locaux temporairement occupés, et les factures d’électricité, dès lors que les locaux n’étaient pas exploités. S’agissant des frais résultant de la location d’un autre local pendant les travaux de réhabilitation, elle souligne que rien ne justifie la durée de 9 ans du contrat de bail souscrit dès lors que la société Selectimmo a réintégré les lieux le 13 novembre 2020, de même que les travaux d’aménagement qu’elle prétend avoir réalisés dans les nouveaux locaux. S’agissant des préjudices subis résultant de l’arrêt de M. [B] et du départ des agents immobiliers de l’agence, elle relève qu’aucun lien de causalité n’est établi entre ces préjudices et le sinistre survenu en juin 2019, faisant observer que les agents immobiliers expliquent leur démission par d’autres motifs, outre le fait que les frais de formation exposés pour les nouveaux agents immobiliers font partie de ses obligations. S’agissant de la compagne publicitaire qui a été menée en 2021, elle souligne l’absence de preuve de lien de causalité entre les frais exposés à ce titre et le sinistre survenu en juin 2019, sachant que la réalisation de telles campagnes publicitaires font partie des affaires courantes d’une agence immobilière. S’agissant de la désorganisation de l’entreprise, elle indique que la société Selectimmo ne démontre pas en quoi le départ de 4 agents immobiliers auraient désorganisé son entreprise, sachant que ces derniers ont démissionné pour des raisons n’ayant rien à voir avec le sinistre de juin 2019. S’agissant du préjudice moral subi par M. [B], elle relève que le preuve d’un lien de causalité entre ses arrêts de travail et le sinistre de juin 2019 n’est pas démontré.

Enfin, elle discute sa garantie au motif que le syndicat des copropriétaires a, le 17 juin 2019, déclaré un sinistre faisant suite à des épisodes pluvieux et grêleux survenus le 14 juin 2019 et des vents survenus le 16 juin 2019, évènements qui se rapportent, non pas à la garantie responsabilité civile du fait de l’immeuble de l’article 13 des conditions générales du contrat, mais à la garantie dommages matériels de l’article 9 des mêmes conditions générales. Elle se prévaut pour la garantie de l’article 9 d’une exclusion de garantie au motif que les dommages résultent d’un défaut d’entretien de l’immeuble en ce que l’enduit était vieillissant et fragile en partie haute de l’immeuble. Elle affirme que cette exclusion de garantie est opposable aux tiers conformément à l’article L 112-6 du code des assurances.

La clôture de l’affaire a été prononcée le 21 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes de provisions formées par la société Selectimmo

Par application de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d’établir l’existence de l’obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu’en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Enfin, c’est au moment où la cour statue qu’elle doit apprécier l’existence d’une contestation sérieuse, le litige n’étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l’articulation de ce moyen.

Sur la demande de provision formée à l’encontre du syndicat des copropriétaires

En l’espèce, l’examen des pièces de la procédure démontre que le cabinet d’Agostino, en tant que syndic de la copropriété Le Montaigne, va procéder, le 17 juin 2019, à une déclaration de sinistre auprès de la société Gan assurances portant sur le mur pignon de la façade Sud-Ouest de l’immeuble qui risque de s’effondrer sachant qu’une agence immobilière se trouve à l’aplomb de l’immeuble. Il indique avoir mandaté une société en urgence pour la mise en sécurité des lieux et la pose d’un échafaudage.

Cette déclaration de sinistre fait suite aux constatations de M. [T], architecte, qui après s’être rendu sur place à la demande du cabinet d’Agostino, va indiquer, dans un mail adressé le 17 juin 2019 vers 11 heures, que les cordistes lui ont fait savoir que le travail était trop dangereux pour qu’ils interviennent et que seule une société munie d’un échafaudage pouvait intervenir. Il expose avoir contacté en urgence la société SMDA Construction afin qu’elle établisse un devis, intégrant la location d’un échafaudage, le décroutage du mur pignon et sa réfection, tout en insistant sur le fait que la mise en sécurité de l’agence immobilière est une priorité, laquelle ne peut se faire sans échafaudage aux dires des sociétés rencontrées.

Or, dans un autre mail adressé le même jour vers 20 heures, M. [T] confirme que le phénomène de décollement du revêtement du mur pignon de la façade Sud-Ouest constitue un péril grave et imminent pour la sécurité des biens et des personnes, le revêtement menaçant de céder à tout instant. Il indique que, faute d’être en capacité de sécuriser les biens, il y a lieu de sécuriser les personnes en interdisant à l’agence immobilière de se rendre dans les locaux qu’elle exploite, et plus particulièrement le jardin, la maison et le local donnant sur la rue. Il précise que ces lieux sont directement exposés au risque de chute du revêtement de façade tant que la purge de sécurité n’aura pas été réalisée. Il termine son mail en apportant des précisions sur la manière dont les travaux, notamment de purge, devront être réalisés le lendemain, avec la mise en place d’un platelage étanche visant à protéger les toitures de la purge à intervenir.

Dans un procès-verbal de constat dressé le 17 juin 2019 à la demande du syndicat des copropriétaires Le Montaigne, l’huissier de justice constate, en se positionnant face à l’immeuble en étant dans l’avenue du Prado, un très important décollement d’enduit sur la hauteur approximative des trois avant-derniers étages, avec, sur une importante surface, un aspect bombé, au niveau de la jonction du mur pignon avec la façade avant de l’immeuble. Il relève qu’on lui précise que l’enduit menace de s’effondrer. Par ailleurs, il décrit l’immeuble mitoyen exploité par l’agence immobilière Selectimmo comme étant de type maison de ville avec jardin. Il fait état de fissures au niveau des façades du bâtiment et des toitures qui sont constituées d’un mélange de tuiles anciennes et récentes.

Par mail en date du 17 juin 2019, la société 366 P, par l’intermédiaire de son gestionnaire de bien, la société Citya, va mettre en demeure le cabinet d’Agostino de prendre toutes les mesures conservatoires pour mettre en sécurité l’immeuble et mettre en place un périmètre de sécurité, tout en indiquant avoir déclaré le sinistre auprès de son assurance, de même que son locataire qui a été contraint de fermer l’agence.

Le 18 juin 2019, un arrêté de péril sera pris par la mairie de [Localité 9] aux fins d’interdire, pour des raisons de sécurité, l’occupation et l’utilisation du bâtiment loué à la société Selectimmo.

Plusieurs comptes-rendus seront dressés le 18 juin 2019 par les marins pompiers de la ville de [Localité 9] dont l’intervention va être sollicitée à trois reprises, vers 11, 12 et 16 heures. Ils indiquent avoir été appelés, la première fois, par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne et M. [T], en raison du décollement d’un enduit d’environ 50 m2 de la façade de l’immeuble risquant de s’effondrer sur le bâtiment exploité par l’agence immobilière, et dont des morceaux se sont décrochés avant leur arrivée. Ils déclarent avoir procédé à l’évacuation des personnes qui se trouvaient dans l’agence et à la mise en place d’un périmètre de sécurité en attendant un ingénieur de la direction de gestion urbaine de proximité (DGUP) de la ville. Ils relèvent que l’ingénieur, après expertise, a indiqué ne plus avoir besoin de leurs engins et qu’il assurait la suite de l’intervention. Ils exposent avoir été sollicité, une deuxième fois, par les ingénieurs de la ville de [Localité 9] afin de consigner les rues entourant l’immeuble et d’avertir le voisinage de la menace de chutes de l’enduit en attendant l’arrivée de la police nationale. Ils expliquent que, la troisième fois, la DGUP leur a finalement demandé de monter dans les étages pour tester et purger le crépis qui menaçait de chuter, avec l’aide d’une gaffe, en leur indiquant que la situation avait évolué dans la journée, que le bâtiment était placé en péril imminent au regard du risque de chute de matériaux et que les entreprises privées étaient dans l’incapacité de purger la façade. Lorsqu’il leur a été demandé de procéder à la purge, ils déclarent avoir informé la DGUP des risques de dommages consécutifs à la chute de matériaux sur le bâtiment de l’agence immobilière, dès lors que le dégarnissage au moyen de la gaffe allait provoquer la chute de débris, mais que, compte tenu du risque pour les personnes et les biens, la DGUP a sollicité la purge immédiate de la façade à titre de mesure conservatoire. Ils relèvent que le dégarnissage de l’enduit a occasionné des dommages sur la toiture et le plafond de l’agence immobilière.

Les dégâts affectant l’immeuble loué à la société Selectimmo sont décrits dans un rapport d’expertise dressé à l’issue d’une première visite de constat en date du 27 juin 2019 par un expert mandaté par la société Generali, assureur de la société 366 P, propriétaire bailleresse, aux termes duquel il est relevé, à l’extérieur, la présence de nombreux gravats, et au 1er étage des locaux, la détérioration de la toiture, qui a été bâchée afin d’éviter des infiltrations, de nombreux gravats en provenance de la toiture qui jonchent le sol du 1er étage, qu’il convient de retirer en urgence pour éviter des dommages en rez-de-chaussée, ainsi qu’un ventre formé au niveau du plafond en raison de la présence de gravats se situant dans les combles. Il évalue les travaux de reprise à 70 000 euros hors taxes.

L’entreprise Artisan en Travaux Acrobatiques (ATA) a procédé, le 19 juin 2019, suite à l’intervention des marins pompiers, à un complément de purge de la périphérie de la place d’enduit sur le mur pignon Sud-Ouest de l’immeuble. Elle dressera également un devis le 9 juillet 2019 concernant des travaux de reprise de l’étanchéité des parties d’enduit résiduelles suite à la purge qui a été effectuée en fixant le délai d’exécution à 90 jours.

Par arrêté en date du 25 juin 2019, la ville de [Localité 9] va autoriser la réintégration partielle de l’immeuble exploité par la société Selectimmo, compte tenu des travaux de mise en sécurité de la façade réalisés par la société ATA qui permettent de mettre fin aux risques. Si les locaux situés coté rue peuvent être réintégrés, il n’en va pas de même de ceux situés côté cour qui restent interdits à toute occupation et utilisation jusqu’à la réception d’une attestation certifiant que les travaux, ont été réalisés dans les règles de l’art, supprimant le risque d’effondrement de la toiture et du plancher.

Par mail en date du 30 octobre 2019, l’expert mandaté par la société Generali, assureur de la société 366 P, propriétaire bailleresse des locaux donnés à bail à la société Selectimmo, va adresser à l’expert mandaté par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne, la société Gan Assurances, un devis portant sur la réfection de la toiture endommagée, lequel sera accepté par mail du 14 novembre 2019 en considérant que l’intervention de déblais prend en compte la récupération des décombres dans la pièce du 1er étage provenant de la toiture et de la façade, tout en étant surpris de voir que le devis date du 9 septembre 2019.

Il résulte de l’assignation du syndicat des copropriétaires de la copropriété Le Montaigne et de son assureur, la société Gan Assurances, par la société 366 P, devant le tribunal judiciaire de Marseille, en date du 17 juin 2021, que l’arrêté pris le 18 juin 2019 a totalement été levée par la ville de Marseille le 3 juillet 2020, à l’origine d’une perte de loyers commerciaux d’un montant de 25 746,60 euros et de travaux de remise en état de l’immeuble, et notamment des toitures, de 60 811,12 euros.

Il reste que les travaux s’étant poursuivis postérieurement au 3 juillet 2020, les locaux n’ont pu être restitués par la société 366 P à la société Selectimmo que le 13 novembre 2020, tel que cela résulte du constat d’huissier versé aux débats. Il est procédé à la description des lieux, pièce par pièce, comprenant une dépendance, un bâtiment principal équipé (placards, climatisation, radiateurs, éléments de cuisine, chaudière, baignoire, étagères…) avec, au rez-de-chaussée, un espace d’accueil, une salle d’eau, une salle d’archives, un couloir, des WC, une cage d’escalier, au ¿ palier, une pièce, des WC et une pièce d’eau, et, à l’étage, une pièce avec terrasse, des WC, une salle de bains, une pièce d’eau et une pièce côté avenue.

Ces éléments font ressortir que la société Selectimmo a été contrainte de fermer les locaux qu’elle exploite situés au [Adresse 6] du 18 juin 2019 au 13 novembre 2020 à la suite de désordres, affectant notamment la toiture et le plafond du bâtiment avec un risque d’effondrement, provenant de la chute de matériaux du mur pignon de la façade Sud-Ouest de l’immeuble voisin Le Montaigne.

La société Selectimmo et M. [B] fondent leurs demandes de provisions formées à l’encontre du syndicat des copropriétaire Le Montaigne sur les dispositions de l’article 1242 alinéa 1 du code civil qui énonce qu’on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.

La responsabilité quasi délictuelle du syndicat des copropriétaires en raison de dommages causés par l’immeuble qu’il a sous sa garde peut effectivement être recherchée à la condition pour la société Selectimmo et M. [B] d’établir qu’il occupait une position anormale ou qu’il était en mauvais état dès lors qu’une chose inerte ne peut être l’instrument d’un dommage.

S’agissant de l’anormalité du mur pignon de la façade Sud-Ouest de l’immeuble, cette dernière résulte incontestablement des constatations qui ont été faites, dès le 17 juin 2019, par l’ensemble des professionnels qui sont intervenus sur place, à la suite de quoi un arrêté de péril sera pris par la ville de [Localité 9] avec évacuation et interdiction pour les occupants des locaux exploités par la société Selectimmo d’y accéder et la DGUP de la ville de [Localité 9] va demander aux marins pompiers de procéder, dès le 18 juin 2019, à la purge de l’enduit de la partie du mur qui menaçait de s’effondrer à tout moment.

C’est à l’occasion de cette purge que la toiture et plafond du bâtiment exploité par la société Selectimmo vont être endommagés en raison de la chute de pierres, de sorte que preuve est rapportée que l’immeuble le Montaigne a été, de toute évidence, l’instrument des dommages revendiqués par la société Selectimmo et M. [B].

Il reste que le syndicat des copropriétaires Le Montaigne, qui conteste son obligation d’indemniser la société Selectimmo et M. [B], soutient, tout d’abord, que les dommages allégués ne lui sont pas imputables comme résultant exclusivement de l’intervention des marins pompiers, à la suite de quoi les matériaux ont chuté sur le bâtiment exploité.

Or, il résulte de ce qui précède que cette intervention n’a été requise que le 18 juin 2019, en fin de journée, par la DGUP compte tenu de l’état de l’enduit du mur pignon qui menaçait de s’effondrer à tout moment, à un tel point qu’aucune entreprise privée n’a voulu intervenir, que les locaux exploités par la société Selectimmo ont dû être évacués avant même l’intervention des marins pompiers et que la DGUP a demandé la purge immédiate de la partie du mur en cause, à l’aide d’une gaffe, en étant parfaitement informée des risques de chutes de matériaux sur le bâtiment de l’agence immobilière lors du dégarnissage de l’enduit, étant relevé que les marins pompiers indiquent que des matériaux avaient déjà chuté lorsqu’ils ont été appelés la première fois.

Bien plus, ce n’est que suite à l’intervention des marins pompiers le 18 juin 2019 et à celle de la société ATA qui a procédé, le 19 juin 2019, à un complément de purge de la périphérie de la place d’enduit sur le mur pignon Sud-Ouest de l’immeuble, que la mairie de [Localité 9] a, le 25 juin 2019, levé l’arrêté de péril résultant du risque d’effondrement d’une partie de la façade de l’immeuble Le Montaigne, tout en prononçant un arrêté de péril en raison du risque d’effondrement de la toiture et du plafond du bâtiment loué à la société Selectimmo.

Il apparaît donc, de toute évidence, que, même sans la purge réalisée par les marins pompiers, le décollement du mur pignon de la façade Sud-Ouest de l’immeuble Le Montaigne était tel que son revêtement aurait chuté avec un risque de dommages causés aux biens, voire aux personnes, bien plus grave.

Dans ces conditions, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne ne peut, pour s’exonérer de sa responsabilité, valablement se prévaloir d’une contestation sérieuse résultant de l’intervention des marins pompiers comme étant la cause exclusive des dommages revendiqués par la société Selectimmo et M. [B].

Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne se prévaut ensuite de l’absence de diligences de la société 366 P, propriétaire des locaux loués à la société Selectimmo, pour remettre en état les lieux.

S’il résulte de ce qui précède que l’arrêté de péril pris le 25 juin 2019 sur les lieux loués à la société Selectimmo, en raison du risque d’effondrement de la toiture et du plafond, n’a été levé que le 3 juillet 2020 et que la société Selectimmo n’a pu réintégrer les lieux que le 13 novembre 2020, le manque de diligences de la société 366 P n’est pas démontré avec l’évidence requise en référé, sachant que l’année 2020 a été impacté par la crise sanitaire liée à la covid-19, retardant d’autant la gestion du sinistre.

En tout état de cause, il est admis que le gardien de la chose qui a été l’instrument du dommage, en quelque manière que ce soit et ne fût-ce que pour partie, est tenu, dans ses rapports avec la victime, à réparation intégrale, sauf son recours éventuel contre le tiers qui aurait concouru à la production des dommages revendiqués.

Il s’ensuit que les prétendus manquements de la société 366 P, voire de son assureur, dans la gestion du sinistre ne constituent pas une cause exonératoire de la responsabilité du syndicat des copropriétaires Le Montaigne qui, même à supposer que ces tiers aient contribué à la réalisation des dommages revendiqués, est tenu, dans ses rapports avec la société Selectimmo et M. [B], à réparation intégrale.

Enfin, dès lors que l’évènement qui a causé les dommages revendiqués par la société Selectimmo et M. [B] est survenu le 18 juin 2019, le syndicat des copropriétaires Le Montaigne n’explique pas en quoi les décisions prises par les autorités publiques, au cours de l’année 2020, pour lutter contre la propagation du virus liée à la Covid-19, constituerait une cause de force majeure exonératoire de responsabilité.

S’il n’appartient pas au juge des référés, juge de l’évidence, de se prononcer sur la responsabilité du fait des choses d’un gardien, il entre dans ses pouvoirs d’allouer des provisions dès lors qu’il constate l’existence d’une obligation non sérieusement contestable.

En l’occurrence, étant donné que les circonstances dans lesquelles les dommages revendiqués par la société Selectimmo et M. [B] sont survenus caractérisent, avec l’évidence requise en référé, un manquement du syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne en raison d’une position anormale de l’immeuble qu’il a sous sa garde, son obligation de réparer les dommages subis par la société Selectimmo et M. [B] ne se heurte à aucune contestation sérieuse, et ce, quant bien même des tiers auraient concouru à leur survenance, dès lors que la preuve n’est pas rapportée d’une cause évidente exonératoire de responsabilité.

Dans ces conditions, les demandes de provisions formées par la société Selectimmo et M. [B] à l’encontre du syndicat des copropriétaires Le Montaigne sont fondées en leur principe.

Il reste que la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Il résulte des nombreuses pièces produites par la société Selectimmo que les préjudices non sérieusement contestables portent sur :

– la location d’autres locaux situés [Adresse 1] suivant un bail commercial consenti par M. [M] [B], qui n’est autre que le gérant de la société Selectimmo, à effet au 30 octobre 2019 moyennant un loyer mensuel de 2 400 euros toutes charges comprises, et ce, jusqu’au mois de novembre 2020, mois au cours duquel elle a pu réintégrer les locaux situés [Adresse 6], étant relevé que la caution qui a été versée a vocation à être restituée au locataire, sauf dégradations locatives commises qui ne peuvent être imputées au syndicat des copropriétaires ;

– les frais engagés pour s’installer dans ces locaux ainsi que le matériel acheté ;

– les abonnements téléphoniques portant sur les anciens locaux de juillet à octobre 2019 ;

– les factures d’électricité de février à novembre 2020 portant sur les nouveaux locaux.

En revanche, les autres préjudices matériels revendiqués par la société Selectimmo sont contestables, et notamment ceux portant sur :

– le remplacement des biens matériels et matériels informatiques équipant les locaux situés [Adresse 6] qui auraient été détruits ou détériorés lors du sinistre, dès lors que ces dommages ne résultent pas des pièces produites, et notamment du rapport d’expertise dressé à l’issue d’une visite en date du 27 juin 2019 par un expert mandaté par la société Generali, assureur de la société 366 P, propriétaire bailleresse, étant relevé qu’aucun rapport d’expertise n’émane de l’assureur de la société Selectimmo ;

– les travaux de remise en état de ces mêmes locaux, en ce compris le jardin, qui apparaissent avoir été pris en charge par la société 366 P, laquelle en sollicite le remboursement devant la juridiction du fond ;

– les cotisations d’assurance portant sur ces mêmes locaux qui auraient été réglées même sans la survenance du sinistre ;

– les factures d’électricité portant sur ces mêmes locaux alors même qu’ils n’étaient pas exploités ;

– les abonnements téléphoniques adressés au [Adresse 4] ;

– les prestations de Keyyo communications à compter du mois de juillet 2020 dont il n’est pas démontré qu’elles n’auraient pas été souscrites même sans la survenance du sinistre ;

– les propositions commerciales d’Artur’In et d’Immocall de février et mars 2021 dont le lien de causalité avec le sinistre du 18 juin 2019 n’est pas démontré ;

– les factures de Goldiprint et Vistaprintont dont le lien de causalité avec le sinistre du 18 juin 2019 n’est pas démontré ;

– les cotisations d’assurance portant sur les nouveaux locaux à compter du mois de novembre 2020, soit postérieurement à la réintégration dans les anciens locaux ;

– les factures portant sur le contrat de leasing du photocopieur dont il n’est pas démontré que les prestations n’ont pas été transférées dans les nouveaux locaux ;

– les factures dressées par la société d’expertise comptable à compter d’octobre 2019 dès lors que les prestations se sont poursuivies avec l’activité transférée dans les nouveaux locaux ;

– les abonnements téléphoniques à compter du mois de novembre 2019 dont il n’est pas démontré que les lignes n’ont pas été transférés dans les nouveaux locaux, la société Selectimmo n’établissant pas avoir réglé un autre abonnement à l’adresse des nouveaux locaux.

Il en va de même des préjudices ayant trait à la désorganisation de la société Selectimmo et à l’atteinte à son image de marque, et notamment ceux qui résulteraient, d’une part, de l’arrêt de travail du gérant du 20 juin 2018 au 21 février 2021 à l’origine du recrutement de Mme [W], à compter du mois d’octobre 2019, et à une gestion confiée à M. [G], avec une augmentation des charges salariales, d’autre part, de nombreuses démissions d’agents immobiliers, avec une baisse des ventes et une augmentation des frais de formation suite au recrutement de nouveaux agents immobiliers, et, enfin, de la nécessité de relancer l’activité par des campagnes publicitaires, aucun lien de causalité n’étant établi, avec l’évidence requise en référé, entre ces évènements et le sinistre survenu le 18 juin 2019, étant relevé que l’année 2020 a été marquée par la crise sanitaire liée à la Covid-19 et l’impact des mesures prises par les autorités sur toute l’activité économique.

De plus, si la société verse aux débats des constats d’huissier dressés les 1er juin et 2 septembre 2022, aux termes desquels l’huissier de justice constate l’installation d’échafaudages devant la porte de l’immeuble qui se situe dans la cour et à l’aplomb de la façade de l’immeuble Le Montaigne dont une partie des pieds de la structure est suspendue dans le vide au-dessus du bâtiment exploité par la société Selectimmo, cette dernière n’établit pas une impossibilité voire de difficultés d’exploiter normalement les locaux depuis leur réintégration le 13 novembre 2020 qui résulterait des travaux de ravalement de façade entrepris par le syndicat des copropriétaire nécessitant la mise en place d’échafaudages autour de l’immeuble, et notamment au niveau du bâtiment de la société Selectimmo situé du côté de la cour, avec l’accord de cette dernière, sachant que les pièces de la procédure démontrent que le bâtiment dispose d’une autre entrée située du côté de la rue sans que l’installation d’un échafaudage ne soit démontrée à cet endroit.

Ces éléments conduisent à considérer que la provision à valoir sur le préjudice matériel de la société Selectimmo ne peut être sérieusement contestée à hauteur de 35 000 euros.

Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté la société Selectimmo sur ce point.

En revanche, elle sera confirmée en ce qu’elle a débouté la société Selectimmo de sa demande de provision à valoir sur les préjudices subis du fait de la désorganisation de l’entreprise et de l’atteinte à son image de marque.

Enfin, en l’absence d’éléments médicaux, excepté les arrêts de travail de M. [B], la preuve d’un lien de causalité entre son arrêt de travail, qui a débuté le 18 juin 2019, soit au moment de la fermeture de l’agence à la suite d’un arrêté de péril pris par la ville de [Localité 9], pour se terminer le 21 février 2021, soit après la réintégration de la société Selectimmo dans les anciens locaux, et le sinistre survenu le 18 juin 2019, n’est pas démontré avec l’évidence requise en référé.

L’indemnisation revendiquée par M. [B] à valoir sur son préjudice moral se heurte donc à des contestations sérieuses.

L’ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté M. [B] de sa demande de provision à valoir sur son préjudice moral et psychologique.

Sur la demande de provision formée à l’encontre de la société Gan assurances

En l’espèce, il n’est pas contesté, qu’au moment du sinistre, le syndicat des copropriétaires avait souscrit, depuis le 30 septembre 2009, auprès de la société Gan une assurance responsabilité multirisque immeuble garantissant notamment les dommages matériels causés aux biens assurés à la suite d’une tempête ou de la grêle ainsi que la responsabilité civile du fait de l’immeuble, tel que cela résulte ces conditions particulières versées aux débats.

S’il apparaît que le sinistre survenu le 18 juin 2019 a été traité par la société Gan au titre de la garantie tempête et grêle, dès lors que le cabinet d’Agostino a fait état, lors de la déclaration du sinistre le 17 juin 2018 de pluie, de grêle et de vent survenus les 14 et 17 juin, ces garanties ne valent que pour les dommages matériels causés à l’immeuble.

Or, dès lors qu’il résulte de ce qui précède que la responsabilité du syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne à l’égard de la société Selectimmmo, du fait de la chose qu’il a sous sa garde, ne se heurte à aucune contestation sérieuse, de même que le montant d’une créance provisionnelle indemnitaire à hauteur de 35 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice matériel, la société Selectimmo dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de la société Gan, en tant qu’assureur garantissant la responsabilité civile du fait de l’immeuble Le Montaigne.

La société Gan, qui conteste sa garantie, se prévaut d’une exclusion de garantie prévue à l’article 9 des conditions générales du contrat d’assurance dans le cas où les dommages résultent d’un défaut de réparation et d’entretien des biens assurés.

Il reste que cette exclusion de garantie n’est applicable que pour les dommages matériels causés aux biens assurés à la suite d’une tempête ou de la grêle.

En effet, l’article 13 des mêmes conditions générales applicable pour les conséquences pécuniaires des dommages dont le syndicat des copropriétaires Le Montaigne pourrait être reconnu responsable consécutifs au bâtiment assuré et à ses dépendances ne prévoit aucune exclusion de garantie dans le cas où les dommages résultent d’un défaut de réparation ou d’entretien de l’immeuble.

Dans ces conditions, l’action directe exercée par la société Selectimmo à l’encontre de la société Gan assurances ne se heurtant à aucune contestation sérieuse, elle sera condamnée solidairement avec son assuré, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne, à verser le montant de la provision auquel il a été condamné.

Sur l’appel en garantie formé par le syndicat des copropriétaires Le Montaigne à l’encontre de la société Gan assurances

Dès lors que l’appel en garantie exercé par le syndicat des copropriétaires suppose un examen approfondi des clauses contractuelles liant les parties, et en particulier la limite du plafond des garanties, un tel examen excède les pouvoirs du juge des référés, juge de l’évidence.

Le syndicat des copropriétaires Le Montaigne sera donc débouté de sa demande de voir condamner la société Gan à le relever et garantir de toutes les condamnations pouvant être prononcées à son encontre.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

En l’état d’une provision allouée à la société Selectimmo, il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a laissé à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés et a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de condamner solidairement le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne et son assureur, la société Gan assurances, aux dépens de première instance et d’appel.

En outre, l’équité commande de les condamner solidairement à verser à la société Selectimmo la somme de 1 500 euros pour les frais exposés en première instance non compris dans les dépens et celle de 3 000 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens, soit la somme totale de 4 500 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En tant que parties perdantes, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne et la société Gan assurances seront déboutés de leurs demandes formulées sur le même fondement, de même que M. [B] qui n’a pas obtenu gain de cause concernant sa demande de provision.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a débouté la SARL Selectimmo de sa demande de provision à valoir sur les préjudices subis du fait de la désorganisation de l’entreprise et de l’atteinte à son image de marque ainsi que M. [M] [B] de sa demande de provision à valoir sur son préjudice moral et psychologique ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Condamne solidairement le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne, représenté par son syndic en exercice, et la SA Gan assurances à verser à la SARL Selectimmo la somme provisionnelle de 35 000 euros à titre d’indemnisation à valoir sur le préjudice matériel subi ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne, représenté par son syndic en exercice, de son appel en garantie formé à l’encontre de la SA Gan assurances ;

Condamne solidairement le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne, représenté par son syndic en exercice, et la SA Gan assurances à verser à la SARL Selectimmo la somme globale de 4 500 euros pour les frais exposés en première instance et en appel non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne, représenté par son syndic en exercice, la SA Gan assurances et M. [M] [B] de leurs demandes formulées sur le même fondement ;

Condamne solidairement le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Montaigne, représenté par son syndic en exercice, et la SA Gan assurances aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel.

La greffière Le président

 


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