Agent commercial : décision du 12 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01501

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Agent commercial : décision du 12 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01501
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12 avril 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/01501

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 AVRIL 2023

N° RG 21/01501

N° Portalis DBV3-V-B7F-UQP5

AFFAIRE :

[E] [G]

C/

Société AIRHYDRO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 mai 2021 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de CHARTRES

Section : C

N° RG : F 19/00361

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean Christophe LEDUC

Me Nathalie GAILLARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [E] [G]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Jean Christophe LEDUC, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000045

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/008205 du 19/11/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

Société AIRHYDRO

N° SIRET : 323 764 621

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Nathalie GAILLARD de la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) – AIDAT-ROUAULT ISABELLE – GAILLARD N ATHALIE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000001

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 9 février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [G] a été engagée en qualité de technicienne de surface par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 9 janvier 2012 par la société Airhydro.

Cette société est spécialisée dans la vente et l’installation de piscines. Son effectif était, au jour de la rupture, de moins de 10 salariés.

La salariée a mis fin à son contrat de travail par une démission du 28 février 2013.

Puis la salariée a de nouveau été engagée par la société Airhydro, à compter du 1er avril 2014, en qualité de technicienne de surface selon contrat à durée indéterminée à temps partiel de 5 heures par semaine sur la base du SMIC horaire de 9,53 euros.

L’attestation Pôle Emploi du 9 août 2019 indique, dans la rubrique ‘ autre motif’ de la rupture du contrat de travail : ‘ intervention aléatoire non prévisible en réponse de proposition d’offre de Pôle emploi.

Le 4 décembre 2019, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Chartres aux fins de requalification de la rupture de ce contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, en paiement de rappel de salaire et de diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 10 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Chartres (section commerce) a :

en la forme,

– reçu Mme [G] en ses demandes,

– reçu la société Airhydro en ses demandes reconventionnelles,

au fond,

– dit que la rupture du contrat de travail de Mme [G] est imputable à la société Airhydro, que cette rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– dit que le contrat de travail de Mme [G] est un contrat de travail à temps partiel par défaut à 5 heures par semaine convenu entre elle-même et la société Airhydro,

en conséquence,

– condamné la société Airhydro à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

. 266,94 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

. 26,69 euros au titre des congés payés y afférents,

. 177,98 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

. ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 09 décembre 2019,

. 667,35 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 133,47 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

. 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sous réserve de renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle,

. ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

– ordonné à la société Airhydro de remettre à Mme [G] tous les documents sociaux (notamment attestation pôle emploi, certificat de travail) rectifiés et conformes à la présente décision, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la notification du présent jugement,

– dit que le bureau de jugement se réserve le droit de liquider l’astreinte,

– débouté Mme [G] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Airhydro de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

– à défaut de renonciation à l’aide juridictionnelle, dit qu’après présentation d’un état de recouvrement, la société Airhydro devra rembourser au trésor public les frais avancés par l’état au titre de l’aide juridictionnelle dont bénéficie Mme [G],

– condamne la société Airhydro aux entiers dépens qui comprendront les frais d’exécution éventuels.

Par déclaration adressée au greffe le 19 mai 2021, Mme [G] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 24 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [G] demande à la cour de :

– la recevoir en son appel,

y faisant droit,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Chartres le 10 mai 2021 en ce qu’il a retenu le caractère abusif de la rupture,

– le réformer pour le surplus

et statuant à nouveau,

– condamner la société Airhydro à lui payer les sommes de :

. 43 948,98 euros à titre de rappel de salaire sur la base d’une activité à temps plein,

. 4 394,90 euros au titre des congés payés y afférents,

. 3 042,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 304,25 euros au titre des congés payés y afférents,

. 2 100,17 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– dire que ces sommes seront assorties des intérêts de droit au taux légal à compter de l’introduction de la demande et ordonner la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil,

– condamner en sus la société Airhydro à lui payer les sommes de :

. 1 521,25 euros à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

. 9 127,50 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– décerner injonction à la société Airhydro d’avoir à lui remettre, sous astreinte journalière de 100 euros qui courra passé un délai de huitaine suivant la signification de l’arrêt à intervenir :

. un bulletin de salaire conforme,

. une attestation destinée au Pôle emploi conforme,

. un certificat de travail conforme ,

– la condamner en sus à payer à Me Jean-Christophe Leduc, avocat, la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,

– débouter la société Airhydro de son appel incident et plus généralement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– la condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Airhydro demande à la cour de :

– déclarer Mme [G] mal fondée en son appel et rejeter ses demandes,

en conséquence,

– confirmer le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Chartres en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

– rejeter les demandes de Mme [G] tendant à l’obtention des rappels de salaire sur la base d’une activité à temps plein outre indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents calculés sur la base d’un temps plein et indemnité de licenciement,

– rejeter les demandes de Mme [G] tendant à l’obtention d’une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et d’une indemnité pour perte injustifiée d’emploi,

– dire & juger que la rupture du contrat de travail de Mme [G] s’analyse en une démission,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la rupture du contrat de travail de Mme [G] est imputable à la société Airhydro et en ce qu’il a condamné la société Airhydro au paiement des sommes suivantes,

. 266,94 euros au titre de l’indemnité de préavis,

. 26,69 euros au titre des congés payés y afférents,

. 177,98 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

. 667,35 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 133,47 euros au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

. 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [G] à lui restituer la somme de 441,95 euros qui lui a été réglée au titre du préavis des congés payés y afférents et de l’indemnité légale de licenciement et la somme de 800,82 euros correspondant à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

– condamner Mme [G] à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour désorganisation liée à son départ intempestif,

– condamner Mme [G] à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner Mme [G] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat à temps complet

La salariée expose que la relation de travail n’a jamais été formalisée par écrit de sorte qu’elle est présumée avoir été régularisée pour un horaire à temps complet. Elle ajoute que cette requalification est d’autant plus justifiée qu’elle était informée tardivement par son l’employeur de son temps de travail quotidien ou de son absence d’activité, sachant qu’elle exerçait indifférement au siège de l’entreprise ou au domicile de son dirigeant. Elle ajoute qu’en l’absence d’application d’un accord de branche contenant des dispositions dérogatoires, l’employeur ne lui a pas même octroyé un temps de travail hebdomadaire de 24 heures.

L’employeur fait valoir que la salarié a sollicité la reprise de son contrat de travail en févrrier 2014 alors qu’elle se trouvait sans emploi de sorte qu’il a accepté de la reprendre dans les mêmes conditions qu’auparavant, toujours avec la même souplesse compte tenu des charges de famille de la salariée, de sa situation précaire, du fait qu’elle souhaitait travailler à tout moment chez d’autres l’employeurs et assister à des formations ou travailler en intérim.

**

Aux termes de l’article L. 3123-14 du code du travail devenu article L.3123-6 depuis le 10 août 2016, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne notamment les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue ainsi que les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié.

Les exigences découlant de ce texte s’appliquent non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition.

L’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou, le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l’emploi est à temps complet, et l’employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, de ce que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur ( Soc., 21 novembre 2012, pourvoi n° 11-10.258, Bull. 2012, V, n° 304). Il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Le défaut d’information du salarié sur sa charge de travail peut avoir de lourdes conséquences pour l’employeur défaillant, exposé à des condamnations à titre rappel de salaire consécutif à la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet (Soc., 9 avril 2008, pourvoi n° 06-41.596, Bull. 2008, V, n° 84).

Au cas présent, la salariée forme une demande de rappel de salaire sur la base d’une rémunération à temps plein calculée sur le Smic horaire dans les limites de la prescription, soit à compter du mois de décembre 2016 au mois d’août 2019.

Mme [G], a été engagée par un premier contrat à durée indéterminée du 9 janvier 2012 qui prévoit que ‘ La durée de travail hebdomadaire est de cinq heures effectuées sur deux jours par semaine lundi et jeudi de préférence de 14h à 16h30. Toutefois ainsi que l’a souhaité, Mme [G], par le fait d’avoir trois enfants à charge nécessitant une certaine disponibilité éventuelle, il pourra lui être accordé la possiblité de modifier les jours d’interventions et heures à condition toutefois de prévenir 48 heures à l’avance. Le nombre d’heures prévues par semaine, soit 5 heures, peuvent éventuellement être réduites d’une heure maximum, selon le souhait émis par Mme [G], pour des besoins personnels et quant à des activités multiples ou autres engagements’.

La salariée a donné sa démission le 28 février 2013 puis a de nouveau été engagée par la société Airhydro, en qualité de technicienne de surface à compter du 1er avril 2014.

Si aucun contrat de travail écrit n’a été signé entre les parties, l’Urssaf a accusé réception de la déclaration préalable à l’embauche de l’employeur du 1er avril 2014, soit plus d’un an après la démission précitée.

Puis, par lettre du 21 mars 2014, la société Airhydro a attesté de l’embauche de Mme [G] à compter du 1er avril 2014 en qualité de technicienne de surface à ‘raison de 5 heures par semaine ou plus selon besoin sur la base du SMIC horaire de 9,53€’, et a adressé le 1er avril 2014 à l’Urssaf une déclaration préalable à l’embauche de la salariée, en contrat de travail à durée indéterminée.

Les 25 février 2016 et 14 septembre 2016, la société Airhydro a délivré à la salariée une attestation confirmant son emploi dans les conditions précisées par la société le 21 mars 2014 soit à ‘ raison de 5 heures par semaine ou plus selon besoin sur la base du SMIC horaire’.

Par certificat de travail du 09 août 2019, la société Airhydro a indiqué avoir employé Mme [G] en qualité de technicienne de surface du 1er avril 2014 au 09 août 2019. Le même jour, la société Airhydro a établi l’attestation destinée Pôle Emploi lors de la rupture du contrat de travail.

Sur toute la période concernée par la demande de rappel de salaires, un bulletin de paye a été émis chaque mois à la salariée pour un volume travaillé compris entre 5 et 18,25 heures.

Ces éléments établissent l’existence de la relation contractuelle sur la base de 5 heures maximales de travail hebdomadaires sans que l’employeur ne justifie toutefois de la répartition de ces heures.

Pour justifier la répartition des heures, l’employeur produit plusieurs attestations de salariés de la société :

– Mme [S], secrétaire-comptable, en charge notamment de l’établissement des fiches de paye des salariés de l’entreprise, relate que la salariée a sollicité ‘ sa réintégration’ en avril 2014 dans les mêmes conditions que le contrat à durée indéterminée signé précédemment pour un horaire d’environ 5 heurs par semaine.

Mme [S] explique que la salariée avait à effectuer 5 heures de travail par semaine sur deux journées mais qu’elle ‘ se limitait à 4h ou des fois moins par semaine suivant ses besoins’.

Elle expose ensuite que la salariée ‘ n’a jamais respecté cet horaire, se limitant à 4h ou des fois moins par semaine suivant ses besoins. En effet, ces variations d’horaire et de jours d’intervention que ma direction acceptait avait pour cause le fait que Mme [G] avait à répondre à des sollicitations de Pôle Emploi auprès de qui elle était toujours inscrite et cela afin de pouvoir participer à des cours de formation, sur des périodes plus ou moins longues (…) Il lui était aussi proposé des offres en intérim mais de courte durée dont les horaires lui permettaient d’intervenir après 17 heures ou le samedi étant donné qu’une permanence commerciale est effective ce jour-là.’. ( cf au sein de la société Airhydro).

Elle ajoute également que l’employeur ‘lui faisait confiance’ et que ‘la situation s’est subitement dégradée en mars 2019″ et la salariée a été souvent absente, le ‘nettoyage des locaux de l’enteprise étant alors effectué par des ouvriers’ ou elle-même.

– le fils de l’employeur, M. [F] [K], technicien de piscine, atteste que la salariée intervenait à sa convenance, aucune règle n’ayant été fixée relative aux horaires, temps et jours de travail et que lors de ses absences, il faisait procéder au nettoyage des locaux par les ouvriers du chantier.

– M. [P], aide-maçon, un ami de la salariée, atteste qu’il était prévu que la salariée travaille les lundi et jeudi à partir de ‘ 14 h environ’ pour terminer à 17 heures et qu’elle lui a demandé de la ramener ensuite chez elle. Le témoin explique que quand il n’était pas sur un chantier, il raccompagnait la salariée ‘ mais pas forcément un lundi ou un jeudi, Mme [G] modifiant les jours et les horaires’. Il explique également que la salariée a réduit en 2019 son temps de travail et qu’il a constaté qu’elle travaillait le matin à la place de l’après-midi et qu’elle était racompagnée par Mme [K] . Il indique avoir interrogé la salariée, qui rencontrait des difficultés financières, et comme elle avait réduit son volume d’heures de travail mais rencontrait des problèmes financiers, elle lui a répondu ‘ qu’elle avait d’autres choses à faire (…) Et que le patron le savait ‘.

– M. [H] [K], agent commercial, atteste également que la salariée travaillait les lundi et jeudi de 14h à 16h30 et avoir constaté qu’elle ne respectait pas les horaires ni le temps de travail et s’est trouvée à plusieurs reprises en absences prolongées.

En outre, aucun des témoins n’indique que la salariée travaillait également au domicile personnel de l’employeur, ce qu’elle n’établit d’ailleurs pas.

Enfin, l’employeur établit son implication pour soutenir la salariée dans sa vie personnelle, les témoins attestant de l’aide, apportée notamment sous forme de repas partagés ou de transports, ce qui ressort également de la lettre adressée le 19 octobre 2018 par le gérant de la société Airhydro au Crédit Agricole, dans laquelle il indique avoir tenté de contacter à plusieurs reprises l’organisme bancaire et demande des explications sur le découvert bancaire de la salariée.

Il ressort de l’ensemble de ces constatations qu’il n’existait pas de planning de travail permettant de déterminer l’organisation du travail de la salariée, non définie préalablement au contrat de travail ou par avenant.

Par ailleurs, la variation d’horaires de la salariée ressort des bulletins de paye de sorte que le temps de travail n’a jamais été identique d’un mois sur l’autre.

La salariée a ainsi organisé son temps de travail à sa convenance, avec l’accord de l’employeur, s’agissant des journées travaillées et du nombre d’heures effectuées.

Toutefois, doit être requalifié en temps complet le contrat de travail à temps partiel d’un salarié engagé sans contrat écrit en qualité d’employé de maison, qui ne travaillait que ponctuellement au service de l’employeur selon des modalités qui apparaissent consensuelles, tout en exerçant une activité chez un autre employeur (Soc., 9 avril 2008, pourvoi n° 06-41.596, Bull. 2008, V, n° 84).

Le contrat ne répond donc pas aux exigences formelles relatives à la durée du travail faute pour l’employeur d’établir la durée de travail exacte, mensuelle ou hebdomadaire du temps de travail convenu. Il s’ensuit que la salariée était dans l’impossibilité de prévoir le rythme de travail et qu’elle était dans l’obligation de se tenir en permanence à sa disposition.

Il convient donc, infirmant le jugement, de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet.

Sur la base du tableau réalisé par la salariée, non utilement contesté par l’employeur, il convient de faire droit à la demande de rappel de salaire calculée d’après le Smic horaire entre le mois de décembre 2016 et le début du mois d’août 2019.

Le jugement sera en conséquence infirmé et l’employeur condamné à verser à la salariée la somme de 43 948,98 euros, outre les congés payés afférents, au titre de la requalification du contrat de travail à temps complet.

Sur la rupture du contrat de travail

La salariée conteste toute démission tacite alors que l’employeur a mis fin à la relation de travail de manière brusque. Elle explique qu’elle était ‘corvéable à merci’, que ce soit au siège de l’entreprise ou au domicile du dirigeant et qu’elle a décidé de ne plus se présenter sur le lieu de travail.

L’employeur réplique que la salariée a déclaré à plusieurs reprises qu’elle ne reviendrait pas travailler, préférant bénéficier du RSA, ce qu’elle a déclaré de nouveau au début du mois d’août 2019. Il affirme que l’abandon de poste de la salariée le 25 août 2019 alors qu’elle ne s’est plus présentée à son poste de travail s’analyse donc en une démission.

**

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de manière claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Au cas présent, la relation de travail a pris fin le 9 août 2019 par la remise par l’employeur à la salariée d’un bulletin de paye comprenant une indemnité compensatrice ‘ en cas de départ’, d’un certificat de travail et de l’attestation destinée à Pôle Emploi.

Il s’ensuit que la rupture n’est pas intervenue à la reprise de l’activité de la société à l’issue des congés du mois d’août 2019 comme le soutient l’employeur puisque les documents de rupture ont été établis auparavant, ou bien ont été antidatés.

Les éléments au dossier conduisent la cour à retenir que les circonstances de la rupture ne sont pas clairement établies et que si la salariée a certes tenu des propos ambigus le 9 août 2019 en indiquant à la secrétaire-comptable ‘ qu’elle n’était pas sûre de revenir’ et qu’ils ‘ ont été étonnés de constater que le ménage n’avait pas été fait’ au retour des vacances, ces éléments ne confirment pas la volonté de la salariée de démissionner, quand bien même elle a refusé de signer son solde de tout compte présenté à son domicile par M. [P] en annonçant ‘ qu’elle avait ou devait demander le RSA’ et qu’elle ne voulait plus travailler.

Cette situation est d’ailleurs confirmée par les mentions portées par l’employeur dans l’ attestation Pôle Emploi dans la rubrique ‘ autre motif’ de la rupture du contrat de travail : ‘ intervention aléatoire non prévisible en réponse de proposition d’offre de pôle emploi, le motif ‘ démission’ n’ayant pas été coché.

En tout état de cause, l’employeur n’a renseigné les documents de fin de contrat qu’à compter du début du mois de septembre 2019, après avoir constaté l’absence de la salariée et lui a fait directement parvenir ces documents sans justifier lui avoir demandé une lettre de démission claire et non équivoque ni de reprendre son travail au 9 août 2019, date d’établissement de ces ces documents.

L’employeur n’établissant donc pas l’existence d’une démission de la salariée, la rupture du contrat de travail, imputable à l’employeur, doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur les indemnités de rupture

La salariée est fondée à réclamer les indemnités de rupture comprenant l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement, non utilement contestées par l’employeur, sur la base d’un salaire moyen à temps complet, qui s’élève à 2 100,17 euros.

Il convient par conséquent d’infirmer le jugement et de condamner l’employeur à verser à la salariée les sommes de 3 042,50 euros, outre les congés payés afférents, à titre d’indemnité compensatrice de préavis et de 2 100,17 euros à titre d’indemnité de licenciement.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application du barème fixé à l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, Mme [G] ayant acquis une ancienneté de cinq années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement moins onze salariés, le montant de l’indemnité minimale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s’élève à 1,5 mois de salaire brut et l’indemnité maximale à 6 mois de salaire

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée (1 521,25 euros bruts), de son âge (43 ans), de son ancienneté ( 5 ans) , de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, de ce qu’elle a retrouvé un contrat à durée déterminée en octobre 2019 puis en juin 2020, il y a lieu de condamner l’employeur à lui payer la somme de 2 282 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est donc infirmé de ce chef.

Sur la procédure de licenciement

Aux termes de l’article L. 1235-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L.1232-2, L.1232-3, L.1232-4, L.1233-11, L.1233-12 et L.1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Ces dispositions empêchent le versement des indemnités de rupture et de l’indemnité pour licenciement irrégulier en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dès lors, l’issue du litige conduit la cour à rejeter la demande d’indemnité pour procédure irrégulière, la salariée ne pouvant prétendre qu’au versement de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse telle que fixée par le barème d’indemnisation de l’article L.1235-3 dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

La cour a précédemment allouée à la salariée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à lui verser la somme de 133,47 euros pour non-respect de la procédure de licenciement.

Sur la demande reconventionnelle de l’employeur

L’employeur soutient sans offre de preuve qu’il s’est retrouvé dans une situation délicate sans femme de ménage à compter du mois de septembre 2019 et qu’il a dû se réorganiser dans l’urgence.

Faute d’établir la désorganisation liée au départ intempestif de la salariée, l’employeur sera débouté de sa demande de dommages-intérêts et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

Il convient d’ordonner à l’employeur de remettre à la salariée un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte, infirmant le jugement à ce titre.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’employeur aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

L’employeur sera également condamné aux dépens d’appel ainsi qu’au paiement d’une somme de 1 800 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il dit que la rupture du contrat de travail imputable à la société Airhydro, dit que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamne la société Airhydro à verser à Mme [G] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il ordonne à la société Airhydro de remettre à Mme [G] tous les documents sociaux, et en ce qu’il déboute la société Airhydro de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles et la condamne aux dépens,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Airhydro à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

– 43 948,98 euros à titre de rappel de salaire, sur la base d’un travail à temps complet,

– 4 394,90 euros au titre des congés payés y afférents,

– 3 042,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 304,25 euros au titre des congés payés afférents,

– 2 100,17 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

– 2 282 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision, et à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation pour les créances salariales,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

DÉBOUTE Mme [G] de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Airhydro à verser à Mme [G] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique en faveur de Maître [R] [C] pour les frais exposés,

CONDAMNE la société Airhydro aux dépens, qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 


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