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11 mai 2023
Cour d’appel de Dijon
RG n°
21/00889
VCF/LL
SARL AVENIR HABITAT AGENCE DE BOURGOGNE
C/
[K] [C]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE DIJON
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 11 MAI 2023
N° RG 21/00889 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FXRG
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : au fond du 27 mai 2021,
rendue par le tribunal de commerce de Dijon – RG : 2019/5762
APPELANTE :
SARL AVENIR HABITAT AGENCE DE BOURGOGNE, représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège :
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
assistée de Me Jean-Eudes CORDELIER, membre de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉ :
Monsieur [K] [C]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 6] (10)
domicilié :
[Adresse 5]
[Localité 3]
représenté par Me Laurent CHARLOPIN, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 113
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 09 mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, Président, ayant fait le rapport,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne ayant essentiellement pour objet social la réalisation de toutes activités commerciales et artisanales relatives à la rénovation de l’habitat, a été créée en avril 2005. Son capital social est réparti entre les trois personnes suivantes, ayant chacune la double qualité d’associé et de co-gérant :
– M. [K] [C],
– M. [H] [I],
– M. [V] [R].
Selon les statuts de la société, chacun des gérants a droit, en rémunération de ses fonctions, à un traitement fixe ou proportionnel, ou à la fois fixe et proportionnel, à passer par frais généraux, les modalités d’attribution de cette rémunération ainsi que son montant étant fixés par décision ordinaire des associés, la gérance ayant droit, en outre, au remboursement de ses frais de représentation et de déplacements.
Lors de l’assemblée générale du 28 juin 2013, il a été décidé d’une réduction à 3 000 euros, de la rémunération mensuelle nette des gérants fixée à 4 500 euros nets par mois depuis 2009.
Lors des assemblées générales du 30 juin 2014 et du 30 juin 2015, il a été décidé de fixer provisoirement la rémunération mensuelle nette de chaque co-gérant à la somme de 3 000 euros et d’ajuster cette rémunération en fin d’exercice afin de tenir compte de l’activité réelle de chacun des gérants, de leurs compétences et de leurs résultats.
Le 7 janvier 2016, M. [I] ès qualités a convoqué une assemblée générale mixte pour le 25 janvier 2016, au cabinet de l’avocat de la société, l’ordre du jour portant sur la révocation d’un co-gérant, M. [C], et sur la modification corrélative des statuts de la société. Il était joint à cette convovation un rapport de gérance imputant à M. [C] un niveau de performance toujours trop faible et un manque d’investissement et d’implication dans la société, ‘de nature à compromettre gravement la direction et la gestion de l’entreprise allant de ce fait à l’encontre de l’intérêt social’.
Par courrier daté du 19 janvier 2016, et adressé en recommandé le 21 janvier 2016, M. [C] a contesté les griefs qui lui étaient faits et a dénoncé le fait d’avoir, dès le 18 janvier 2016, été privé de l’accès à la société et à son bureau, les serrures ayant été changées sans qu’il en soit prévenu.
Selon le procès-verbal de l’assemblée générale mixte du 25 janvier 2016, M. [C] a été révoqué de ses fonctions de gérant de la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne.
Par actes du 10 mai 2016, M. [C] a fait citer la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne et la SCA Finances devant le tribunal de commerce de Dijon aux fins d’obtenir le remboursement de ses comptes courants d’associés dans ces deux sociétés et d’être indemnisé des préjudices causés par sa révocation qu’il estime non fondée et vexatoire.
Par jugement du 27 mai 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Dijon a, au visa des articles 1147 ancien du code civil et L. 223-25 du code de commerce :
– dit que la révocation de M. [K] [C] comme co-gérant de la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne a été décidée sans juste motif,
– condamné la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne à payer à M. [C] la somme de 36 000 euros à titre de dommages-intérêts,
– dit que la révocation de M. [C] n’a été ni brutale, ni vexatoire,
– débouté M. [C] de sa demande formée au titre du préjudice moral,
– condamné la société SCA Finances à payer à M. [C] la somme de 7 420 euros au titre du solde de son compte courant d’associé arrêté au 31 décembre 2014,
– débouté les sociétés Avenir Habitat Agence de Bourgogne et SCA Finances de leurs autres demandes, fins et conclusions,
– condamné in solidum les sociétés Avenir Habitat Agence de Bourgogne et SCA Finances :
. aux entiers dépens,
. à payer à M. [C] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tout cas mal fondées, et les en a déboutées.
La SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 5 juillet 2021, son recours tendant à l’annulation ou réformation des chefs de jugement l’ayant déboutée de ses demandes, ayant dit que la révocation de M. [C] a été décidée sans juste motif et l’ayant condamnée :
– au paiement de 36 000 euros de dommages-intérêts
– au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– aux dépens.
Par ordonnance du 26 octobre 2021, la première présidente de la présente cour a essentiellement rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne.
Aux termes du dispositif de ses conclusions n°2, notifiées le 26 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne demande à la cour, au visa de l’article L. 223-25 du code de commerce, de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu que la révocation de M. [C] n’a été ni brutale, ni vexatoire, et l’a déboutée de sa demande au titre du préjudice moral,
– l’infirmer pour le surplus,
– par conséquent, débouter M. [C] de ses demandes,
– le condamner :
. aux entiers dépens,
. à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de ses conclusions notifiées le 22 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens développés au soutien des prétentions, M. [C] demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du code civil et L. 223-25 du code de commerce, de :
‘ à titre principal, confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que sa révocation comme co-gérant de la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne a été décidée sans juste motif,
‘ à titre incident, infirmer le jugement déféré en ce qu’il n’a condamné la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne à ne lui payer qu’une somme de 36 000 euros de dommages-intérêts,
‘ statuant à nouveau, condamner la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne à lui payer les dommages-intérêts suivants :
. 75 000 euros pour révocation sans juste motif,
. 25 000 euros pour révocation vexatoire et au titre de son préjudice moral,
‘ débouter la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
‘ condamner la SARL Avenir Habitat Agence de Bourgogne :
– aux entiers dépens,
– à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 24 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la révocation pour de justes motifs
En vertu des statuts de la société, ses gérants sont tenus de consacrer tout le temps et les soins nécessaires aux affaires de la société.
En l’espèce, il est invoqué deux motifs pour justifier la révocation de M. [C].
‘ un niveau de performance trop faible de manière persistante.
La cour observe qu’il n’est fait état d’aucune convention définissant le rôle respectif de chacun des trois co-gérants ou distribuant entre eux les tâches de gestion et d’animation de la société.
Si à compter de l’assemblée générale de juin 2014, il a été décidé d’ajuster la rémunération des gérants en fonction de leur activité réelle, de leurs compétences et de leurs résultats, il ne ressort d’aucune des pièces du dossier, notamment des procès-verbaux des assemblées générales, une référence aux performances attendues des gérants, avec une détermination d’objectifs minimaux à atteindre, étant précisé qu’à la différence d’un agent commercial salarié, la performance d’un gérant ne se mesure pas exclusivement à l’aune du chiffre d’affaires généré par son activité.
Sur ce point, M. [C] fait valoir à juste titre qu’il n’a jamais signé un engagement de résultats commerciaux.
Ainsi, seules les performances constatées des gérants était un critère d’ajustement de leur rémunérations. Et l’attribution lors de l’assemblée générale du 30 juin 2014 d’une prime exceptionnelle de 6 000 euros à M. [I] et à M. [R] tandis qu’aucune prime exceptionnelle n’était accordée à M. [C], ne peut être justifiée au seul regard de leurs résultats respectifs tels qu’ils sont recencés dans le tableau produit en pièce 10 de l’appelante, dès lors que les résultats commerciaux atteints par M. [C] étaient supérieurs à ceux de M. [I] et que ceux atteints par M. [I] étaient très inférieurs à ceux de M. [R], ce sans aucune considération des objectifs annuels figurant dans ce tableau puisque les modalités de définition de ces objectifs sont inconnues, alors pourtant qu’ils sont sensiblement différents d’un gérant à l’autre et toujours plus élevés s’agissant de M. [C].
Si l’appelante écrit que ‘au cours des exercices 2014 et 2015, MM. [I] et [R] ont, à de très nombreuses reprises, évoqué avec M. [C] le fait que son rendement était largement insuffisant’ et que ‘les points bimensuels réalisés en interne étaient l’occasion de rappels à l’ordre et à l’investissement’, ses affirmations ne sont corroborées par aucun élément.
En conséquence, la preuve de ce grief n’est objectivement pas établie.
‘ il était contraire à l’intérêt social de l’entreprise de conserver parmi ses co-gérants une personne qui notamment en 2015 n’a dégagé aucune rentabilité
Pour fonder ce motif, l’appelante compare le coût de M. [C] et le chiffre d’affaires qu’il a généré, alors que par ailleurs la société connaissait des difficultés.
Toutefois, les difficultés révélées notamment par le bilan 2012 étaient surmontées en janvier 2016.
Par ailleurs, l’activité d’un gérant ne se réduit pas, à la différence d’un agent commercial salarié, à produire du chiffre d’affaires et les faibles performances commerciales alléguées de M. [C] ne suffisent pas à démontrer que son attitude globale était de nature à compromettre l’intérêt social, alors que certains salariés attestent de son investissement notamment dans le suivi des chantiers et de son attention à la qualité des prestations de l’entreprise, importante pour son image et sa réputation sur le marché.
Il résulte de ce qui précède que l’appelante échoue à justifier de justes motifs pour légitimer la révocation de M. [C] et que celui-ci est fondé à obtenir des dommages-intérêts en application de l’article L. 225-23 du code de commerce.
Alors qu’il lui appartient d’établir l’importance du préjudice que lui a nécessairement causé sa révocation, M. [C] ne dit rien, et a fortiori ne produit aucun élément, sur l’évolution de sa situation professionnelle et économique depuis sa révocation.
Pour sa part, l’appelante ne discute pas à titre subsidiaire, le montant des dommages-intérêts alloués à M. [C] par les premiers juges, qui ont justement apprécié ce préjudice dans toutes ses composantes à 36 000 euros.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a alloué à M. [C] une indemnité de 36 000 euros pour révocation sans juste motif.
– Sur l’aspect vexatoire de la révocation
M. [C] développe deux moyens au soutien de sa prétention
‘ il a été privé du droit d’être assisté par un conseil lors de l’assemblée générale du 25 janvier 2016 alors que ses associés étaient assistés de leurs avocats au cabinet desquels se tenait l’assemblée générale.
Sur ce point, la cour relève d’une part que les pièces du dossier révèlent une pratique manifestement habituelle consistant pour la société à tenir ses assemblées générales au cabinet de son conseil, cabinet qui assurait le secrétariat des assemblées générales.
D’autre part, contrairement à ce que soutient M. [C], aucun avocat du cabinet n’était présent ou n’est intervenu en faveur de la société durant l’assemblée générale du 25 janvier 2016, conformément à ce qui était d’ailleurs annoncé dans le courrier de Légiconseils à M. [C] en date du 20 janvier 2016 (pièce 6 de l’intimé)
Enfin, alors que M. [C] ne peut pas prétendre à l’existence d’un droit à être assisté d’un conseil lors de l’assemblée générale du 25 janvier 2016 (cf Com 10 mai 2006 n°05-16.909) il a pu en toute hypothèse faire valoir ses observations avant que la décision de sa révocation ne soit prise.
Ce premier moyen n’est donc pas fondé.
‘ l’accès à la société et à son bureau lui a été supprimé à compter du 18 janvier 2016
Sur ce point, l’appelante produit le témoignage circonstancié de la secrétaire comptable de la société qui explique dans quelles conditions il a été décidé en urgence de changer les serrures des locaux de l’entreprise le vendredi 15 janvier 2016, soit à la veille d’un week-end pour des raisons évidentes de sécurité et qui atteste qu’une des nouvelles clefs était à la disposition de M. [C].
A l’instar des premiers juges, la cour considère en conséquence que M. [C] ne justifie pas d’une attitude délibérée à son encontre de la société.
Il convient donc de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande indemnitaire pour préjudice moral.
– Sur les frais de procès
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, le jugement dont appel doit être confirmé en ce qu’il a condamné aux dépens de première instance la société Avenir Habitat Agence de Bourgogne, qui doit également supporter les dépens d’appel.
Les conditions d’application de l’article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu’en faveur de M. [C].
La cour confirme le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Avenir Habitat Agence de Bourgogne à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a exposés en première instance.
Au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a exposés en cause d’appel, la cour alloue à M. [C] une indemnité complémentaire de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme toutes les dispositions critiquées du jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne la société Avenir Habitat Agence de Bourgogne :
– aux dépens d’appel,
– à payer à M. [K] [C] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Le Greffier, Le Président,