Agent commercial : décision du 11 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/00627

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Agent commercial : décision du 11 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/00627
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11 mai 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/00627

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 11 MAI 2023

N° RG 20/00627 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LODK

Monsieur [Z] [R]

c/

Madame [C] [F]

Monsieur [Y] [E]

Monsieur [D] [F]

SA GENERALI IARD

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 décembre 2019 (R.G. 19/01364) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 06 février 2020

APPELANT :

[Z] [R]

né le 01 Juin 1982 à [Localité 6] (92)

de nationalité Française

Profession : Professeur de culture physique,

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Henri ARAN de la SELARL FLORENCE DASSONNEVILLE – HENRI ARAN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[C] [F]

née le 11 Janvier 1983 à [Localité 7]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

[D] [F]

né le 01 Janvier 1982 à [Localité 7]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

Représentés par Me Benjamin HADJADJ de la SARL AHBL AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

MICKAEL [E]

né le 16 Juillet 1980 à [Localité 5]

de nationalité Française

Profession : Chef d’entreprise,

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Alexandre NOVION, avocat au barreau de BORDEAUX

La S.A. GENERALI IARD,

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS , sous le numéro 552 062 663, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

Représentée par Me Jean-jacques BERTIN, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 mars 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Christine DEFOY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Dans le cadre de la surélévation de leur immeuble d’habitation, [Adresse 2] (33), M. [D] [F] et Mme [C] [F] ont, par l’entremise de M. [Z] [R], assuré auprès de la SA Generali Iard, conclu avec la Sarl [E], dont le gérant était M. [Y] [E], un contrat de louage d’ouvrage d’un montant de 105 835,74 euros TTC selon devis accepté du 27 novembre 2017 sur lequel ils ont payé un acompte de 48 045,51 euros.

Par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 4 avril 2018, la société [E] a été placée en redressement judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 16 mai 2018.

M. et Mme [F] ont déclaré une créance de 48 045,51 euros entre les mains du représentant des créanciers qui, le 8 juillet 2019, leur a fait parvenir un certificat d’irrecouvrabilité.

Se plaignant d’avoir inutilement payé la somme de 48 045,51 euros car aucun travail n’a jamais été effectué pour leur compte par la société [E], M. et Mme [F] ont saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux d’une action indemnitaire à hauteur de ce même montant dirigée contre M. [Y] [E] ainsi que M. [Z] [R] et son assureur, la société Generali Iard.

Par jugement rendu le 18 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a:

– déclaré irrecevable l’action de M. [D] [F] et Mme [C] [F] contre M. [Y] [E],

– condamné M. [Z] [R] à payer à M. [D] [F] et Mme [C] [F] , ensemble, la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

– débouté M. [D] [F] et Mme [C] [F] du surplus de leurs demandes, y compris contre la SA Generali Iard,

– débouté M. [Y] [E] de sa demande reconventionnelle,

– débouté M. [Z] [R] de son recours contre la SA Generali,

– condamné M. [Z] [R] à payer à M. [D] [F] et Mme [C] [F], ensemble, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

– débouté les autres parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

– condamné M. [Z] [R] aux dépens, qui seront recouvrés ainsi qu’il est dit à l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration électronique en date du 6 février 2020, enregistrée sous le n° RG 20/00627, M. [R] a relevé appel de cette décision limité aux dispositions ayant :

– condamné M. [Z] [R] à payer à M. [D] [F] et Mme [C] [F], ensemble, la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– débouté M. [Z] [R] de son recours contre la société Generali,

– condamné M. [Z] [R] à payer à M. [D] [F] et Mme [C] [F], ensemble, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamné M. [Z] [R] aux dépens.

M. [Z] [R], dans ses dernières conclusions d’appelant en date du 14 mai 2021, demande à la cour, au visa de l’article 1240 du code civil, d’ infirmer partiellement le jugement rendu par la 7 ème chambre civile du tribunal de grande instance de Bordeaux le 18 décembre 2019, en ce qu’il a prononcé des condamnations à son encontre et:

– condamné M. [Z] [R] à payer à M. [D] [F] et Mme [C] [F], ensemble, la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts,

– débouté M. [Z] [R] de son recours contre la SA Generali Iard,

– condamné M. [Z] [R] à payer à M. [D] [F] et Mme [C] [F], ensemble, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamné M. [Z] [R] aux dépens.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

– déclarer que M. [R] n’a commis aucune faute dans l’exécution de sa mission,

En conséquence,

– débouter les consorts [F] de l’ensemble de leurs demandes de condamnation à l’égard de M. [R],

A titre subsidiaire,

– limiter les éventuels dommages et intérêts alloués aux consorts [F] à 10 % du montant de l’acompte versé à la Sarl [E],

– condamner la SA Generali, en sa qualité d’assureur, à relever indemne M. [R] de toute condamnation prononcée à son encontre,

En tout état de cause

– condamner in solidum M. [D] [F] et Mme [C] [F] à payer à M. [R] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance et de ceux de la première instance.

[C] et [D] [F], dans leurs dernières conclusions d’intimés en date du 3 août 2020, comportant appel incident, demandent à la cour, au visa des articles 1382 et suivants du code civil, de confirmer le jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de Bordeaux du 18/12/2019 en ce qu’il a retenu la responsabilité de M. [Z] [R] mais de le réformer en ce qu’il a :

– déclaré irrecevable l’action de M. et Mme [F] contre M. [E] ;

– fixé à 20 000 euros le préjudice subi par M. et Mme [F] ;

– débouté M. et Mme [F] de leurs demandes à l’encontre de la SA Generali Iard.

Statuant à nouveau :

– dire et juger les demandes de M. et Mme [F] recevables et bien fondées.

En conséquence,

– condamner in solidum M. [Y] [E], M. [Z] [R] et la Société Generali à leur payer la somme de 48 045,51 euros à titre de dommages et intérêts.

– condamner in solidum M. [Y] [E], M. [Z] [R] et la Société Generali au paiement d’une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

– débouter M. [R], la Société Generali et M. [E] de l’ensemble de leurs demandes en ce qu’elles seraient contraires.

M. [Y] [E], dans ses dernières conclusions d’intimé en date du 2 novembre 2022, demande à la cour, au visa des 1240 articles du code civil et L223-22 du code de commerce , de :

– recevoir M. [E] en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 18 décembre 2019, et notamment en ce qu’il a jugé irrecevables les demandes des époux [F] à l’encontre de M. [E] ;

– débouter les époux [F] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions;

– condamner les époux [F] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

La société Generali Iard, dans ses dernières conclusions d’intimée en date du 23 novembre 2020, demande à la cour, au visa des articles 1231-1, 1964 du code civil, L.113-1, L.113-2, L 112-6 et 121-1 du code des assurances, de :

Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 18 décembre 2019 ce qu’il a débouté M. [R] de son recours contre la SA Generali Iard,

A titre subsidiaire,

Statuant de nouveau :

– réformer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 18 décembre 2019 en ce qu’il a alloué aux époux [F] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

– dire et juger que le préjudice indemnisable des époux [F] est constitué d’une simple perte de chance,

– limiter en conséquence les éventuels dommages et intérêts alloués aux époux [F] à la somme de 4.804 euros, dont à déduire la franchise contractuelle opposable aux époux [F] et à M. [R] de 750 euros,

En toute hypothèses :

– débouter M. [R] et les époux [F] de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,

– condamner toute partie succombante à payer à la SA Generali Iard la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Jean Jacques Bertin sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur la recevabilité l’action de M. et Mme [F] contre M. [E]

Selon les dispositions de l’article L. 223-22 du code de commerce, applicable aux sociétés à responsabilité limitée,’les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion’.

C’est par une juste appréciation de l’articulation entre ces dispositions qui prévoient la possibilité d’engager la responsabilité personnelle des dirigeants de sociétés à responsabilité limitée du fait notamment de leurs fautes de gestion en raison d’un préjudice personnellement subi et celles de l’article L. 651-2 du code de commerce lequel prévoit, en matière de liquidation judiciaire, la possibilité d’une action en comblement de passif contre les dirigeants de droits ou de fait en raison de leur fautes de gestion, que le tribunal a retenu que seule la première était ouverte aux tiers à la procédure collective mais qu’elle supposait que soit allégué un préjudice personnel, distinct de la créance envers la société, dès lors que, il faut le préciser, l’action est intentée après l’ouverture de la procédure collective.

Ainsi, ayant justement relevé que l’action en responsabilité introduite à titre personnel contre M. [Y] [E], gérant de la Sarl [E], tendait à obtenir le paiement d’une somme de 48 045,51 euros de dommages et intérêts et que cette somme correspondait exactement au montant de sa créance envers la société telle que déclarée au passif de la liquidation judiciaire et pour laquelle les époux [F] s’étaient effectivement vu délivrer un certificat d’irrecouvrabilité, le premier juge doit être approuvé d’avoir retenu que ces derniers, qui ne demandaient pas l’indemnisation d’un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers, et alors qu’il est constant que les époux [F] ont agi en responsabilité après l’ouverture de la procédure collective, étaient irrecevables en leur action dirigée à titre personnel contre M. [Y] [E], ce en quoi le jugement entrepris est confirmé.

– Sur la responsabilité du courtier en travaux

Le tribunal a retenu la responsabilité du courtier, M. [R], estimant qu’il avait commis une faute de nature délictuelle telle que visée par l’article 1240 du code civil au motif qu’il s’était abstenu ‘de procéder à la vérification des comptes annuels et, à défaut de ceux-ci, d’aviser les époux [F] de l’impossibilité de disposer d’informations financières permettant d’apprécier la solidité de cette entreprise quand bien-même estimait-il qu’elle disposait des capacités techniques nécessaires pour mener à bien leur chantier’.

M. [R] sollicite la réformation du jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité en faisant notamment valoir que l’obligation de mise en garde et de conseil pesant sur le courtier en travaux, soit l’obligation de lui signaler les éléments pouvant faire obstacle à la bonne réalisation de l’opération, n’est qu’une obligation de moyen, qu’il lui incombe à ce titre de guider son client vers le meilleur cocontractant ce qui peut supposer de déterminer la solvabilité de l’éventuel partenaire, mais qu’il n’est pas responsable d’une déconvenue financière ou économique qui ne pouvait raisonnablement pas être anticipée qu’au prix d’une analyse plus poussée qui n’entrait pas dans sa mission, qu’étant étranger à l’acte conclu, le courtier n’est pas garant de sa bonne exécution, sauf à insérer dans le contrat de courtage une clause ducroire et que sa mission s’achève avec la signature des devis entre les parties.

Mais surtout il observe qu’en janvier 2017, date à laquelle M. [R] a mis en relation les consorts [F] et la société [E], aucun élément ne permettait de douter de la fiabilité de cette société, la procédure collective n’ayant été ouverte qu’en avril 2018 et qu’il n’est pas démontré que la société [E] était alors notoirement insolvable, qu’il ne peut lui être reproché de n’avoir pas effectué de recherches auprès du tribunal de commerce de Bordeaux qui lui auraient permis de constater que la société [E] n’avait pas déposé ses comptes sociaux annuels et leurs documents connexes, ce qui excédait manifestement son obligation de diligence, tandis que l’absence de dépôt des comptes ne démontre pas une quelconque difficulté éventuelle de l’entreprise

M. et Mme [F] sollicitent la confirmation du jugement sur ce point faisant essentiellement valoir que ‘si l’obligation professionnelle du courtier ne s’étend pas jusqu’à garantir la solvabilité des cocontractants sélectionnés, en revanche il lui incombe de vérifier la réunion de toutes les conditions nécessaires à la régularité de l’opération et de ne pas laisser croire à une garantie illusoire ».

Il sera précisé qu’aux termes de l’article 1 du ‘contrat de Courtage’ signé entre les parties le 19 décembre 2016″, il était convenu que M. [R] devait:

-rapprocher la société [E] de particuliers ou d’entreprise

-faciliter entre eux la conclusions d’un ou plusieurs actes juridiques, ayant pour objet la réalisation de travaux sur des biens mobiliers ou immobiliers appartenant à ces particuliers ou entreprises.

Il n’intervenait en aucun cas dans la conclusion des dits actes ni ne se voyait confier aucun mandat de représentation.

L’ensemble correspond effectivement à la définition du contrat de courtage.

Il est constant qu’au contraire de l’agent général le courtier n’est pas le mandataire du client, qu’il est tenu vis à vis de ses clients d’une l’obligation de fournir des renseignements exacts et complets, y compris sur la solvabilité des parties et qu’il lui incombe de procéder aux vérifications nécessaires pour mettre en relation des parties présentant toutes garanties d’exécution du contrat.

M.[R], qui était par ailleurs curieusement agent commercial auprès de la Sarl [E], convient qu’en qualité de courtier sa mission consistait à guider son client vers le meilleur cocontractant et qu’à ce titre il lui appartenait de se renseigner sur la solvabilité de l’éventuel partenaire, même si le courtier ne peut effectivement être tenu pour responsable d’une déconvenue financière ou économique qui ne pouvait raisonnablement pas être anticipée, précision étant apportée ici qu’il n’est pas reproché au courtier d’avoir tu à son client une situation économique de la société [E] qu’il savait irrémédiablement compromise, alors même qu’aucun élément ne permet d’affirmer que la situation financière de cette société était, dès novembre 2017, irrémédiablement compromise, mais de n’avoir pas procédé aux vérifications élémentaires qui lui incombaient.

Au titre de cette obligation de moyen, il n’est pas excessif d’exiger du courtier, sans exiger de lui qu’il garantisse la solvabilité d’une entreprise, qu’à tout le moins il se renseigne au greffe du tribunal de commerce sur la société qu’il met en relation et notamment sur la publication de ses comptes sociaux, alors qu’il peut être affirmé que s’il s’était ainsi renseigné M. [R] aurait effectivement eu accès au fait, qu’en infraction avec la réglementation, la société [E] pourtant immatriculée depuis le 4 juillet 2013 n’avait jamais déposé ses comptes sociaux annuels, alors que le premier juge a pertinemment relevé que cette publication imposée par l’article R 123-11 du code de commerce, qui constituait pourtant pour le tiers la première source d’information quant à la santé d’une entreprise, était d’accès très facile.

Le fait qu’un organisme prêteur ait le cas échéant vérifié la bonne santé financière de la société [E], ce qui ne saurait résulter d’un unique devis (pièce n° 8 de M. [R]) à l’occasion de précédents travaux concernant un autre client dont aucun élément n’indique d’ailleurs qu’il soit passé par l’entremise de M. [R], que cette société ait disposé d’une garantie décennale, d’un capital social de 30 000 euros et qu’elle ait produit un certificat RGE ‘reconnaissance garant de l’environnement’ n’était pas de nature à dispenser le courtier, dans le cadre de sa relation contractuelle avec M. et Mme [F], de procéder aux vérifications minimum concernant la santé de l’entreprise proposée, voire de procéder à l’actualisation des informations dont il disposait.

Certes, le fait de ne pas publier ses comptes sociaux ne signifie pas que la société est nécessairement en difficultés financières, mais il s’agissait d’une difficulté importante dès lors que le courtier n’avait pu accéder à toutes les informations publiques concernant cette société qu’il aurait pu et dû porter à la connaissance du client dans le cadre de son obligation de mise en garde.

Il est donc établi que M. [R] n’a pas procédé à cette vérification simple et élémentaire, ni à aucune autre d’ailleurs, et qu’ainsi il ne s’est pas donné les moyens d’orienter son client vers un cocontractant fiable permettant de garantir la bonne exécution du contrat, que ce faisant il n’a pas mis son client en mesure d’exercer un choix en connaissance de cause des risques encourus et a en conséquence manqué à son obligation d’information et de mise en garde ayant fait perdre à M. et Mme [F] une chance de ne pas contracter, ainsi que l’a justement retenu le tribunal.

En effet, il n’est pas certain que même informés de l’absence de publication des comptes sociaux par la société [E], les époux [F] n’auraient pas contracté, mais ils auraient pu y renoncer ce qui correspond pour eux exactement à la perte d’une éventualité favorable dont le tribunal a fait une juste appréciation en leur allouant, au regard du préjudice matériel subi constitué par le paiement des acomptes en pure perte, une somme de 20 000 euros de dommages et intérêts ce en quoi le jugement entrepris est confirmé.

– Sur la garantie de la société Generali Iard

Le tribunal n’a pas retenu l’application de la garantie de la société Generali au motif que l’activité déclarée était celle d’agent commercial et non celle de courtier, étant précisé qu’il s’agit de deux professions distinctes car au contraire de l’agent commercial, le courtier agit dans l’intérêts des deux parties, peu important qu’une seule le rémunère.

M. [R] sollicite la réformation du jugement de ce chef faisant valoir que la profession de courtier en travaux ne connaît à ce jour aucun statut juridique et n’a pas de code APE attribué par l’INSEE, que le code APE qui lui a été attribué est 4619B et correspond aux ‘Autres intermédiaires du commerce en produits divers’, que cependant la société Generali a accepté de l’assurer au titre de son activité de courtier en travaux sous la qualification, plus connue et régie par les articles L. 134-1 à L. 134-17 du code de commerce, d’agent commercial et que l’assureur qui est tenu d’un devoir de conseil et d’information vis à vis de son client doit également le mettre en garde et lui conseiller le contrat le plus adapté à sa situation l’article L. 521-4, I du code des assurances, obligeant l’assureur à éclairer l’assuré sur l’adéquation du contrat souscrit à ses besoins et celui-ci est débiteur de la preuve de ce qu’il a rempli son obligation de conseil.

M. et Mme [F] demandent également la réformation du jugement affirmant que M. [R] disposait d’un contrat cadre de commissionnement avec la société [E]. Son rôle, pour le compte de cette société, était strictement similaire à celui d’un agent commercial, peu importe la qualification que les parties aient pu donner à leur contrat et que la société Generali Iard fait preuve de mauvaise de foi en déniant sa garantie, de sorte qu’elle doit être condamnée in solidum avec M. [R].

La société Generali Iard demande la confirmation du jugement observant que la police d’assurance souscrite par M. [R] auprès d’elle ne couvre pas l’activité de courtier en travaux, puisque la seule activité déclarée est celle d’agent commercial, alors que les deux activités d’agent commercial et de courtier en travaux sont distinctes et relèvent de régimes juridiques totalement différenciés. Elle précise que M. [R] pouvait parfaitement souscrire une police d’assurance relative à son activité réelle de courtier en travaux.

Il convient d’observer que M. [R] exerçait également la profession d’agent commercial, qu’il était lié en cette qualité à la société [E] et qu’il avait souscrit un contrat à ce titre pour lequel il était assuré.

Il appartient effectivement à l’assureur de justifier qu’il a bien rempli son devoir de conseil étant tenu de proposer à son client un contrat adapté à sa situation et à ses besoins exprimés dans le cadre d’un questionnaire.

Il est cependant admis que le devoir de conseil ne saurait concerner un élément qui aurait été tu à l’assureur, alors que l’assuré aurait été mis en mesure d’en faire état.

Il résulte en l’espèce du contrat souscrit avec la société Generali, que M. [R] a alors déclaré (pièce 1 de la SA Generali Iard) une activité principale d’agent commercial (code SASOO8) mais qu’il a également déclaré, supposant que la question lui a été posée, ‘ne pas exercer en profession libérale’ et il n’a d’ailleurs à cette occasion déclaré aucune autre activité. Dès lors, dans le cadre de ses déclarations à l’assureur à partir desquelles ce dernier est tenu de conseiller son client, M. [R] a exclu toute autre activité, notamment libérale, et s’est abstenu de faire état d’une activité de courtier, en sorte qu’il ne peut être reproché à l’assureur aucun manquement à son devoir de conseil alors que, mis en mesure de le faire, M. [R] ne lui a pas signalé qu’il exerçait, le cas échéant de manière occasionnelle une autre activité que celle d’agent commercial, ce alors qu’exerçant les deux activités, M. [R] ne pouvait ignorer qu’il s’agissait de deux activités différentes.

Il n’apparaît pas davantage qu’en cours de contrat M. [R] ait signalé à son assureur qu’il avait signé avec les époux [F] un contrat qui constitue bien un contrat de courtage, ainsi qu’il est expressément indiqué au contrat, qualification que ne conteste d’ailleurs pas M. [R].

C’est donc à bon droit que le tribunal a écarté toute garantie de la société Generali du fait de l’exercice d’une activité non déclarée et rejeté en conséquence toute demande à l’encontre de la société Generali qu’il s’agisse de la demande indemnitaire des époux [F] ou du recours en garantie de M. [R], ce en quoi le jugement entrepris est confirmé.

Au vu de l’issue du présent recours dans lequel M. [R] succombe, le jugement est encore confirmé en ce qu’il l’a condamné aux dépens de première instance ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2 000 euros à M.et Mme [F] au titre des frais irrépétibles de première instance.

Pour les mêmes motifs, il supportera les dépens d’appel et sera condamné à payer, au titre des frais irrépétibles d’appel:

-à M. et Mme [F] une somme de 3 500 euros,

-à la société Generali Iard une somme de 2000 euros,

Monsieur [E] étant débouté en équité de ses demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement entrepris des chefs déférés,

Y ajoutant:

Condamne M. [Z] [R] à payer, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile :

-à Mme [C] [F] et à Mme [D] [F], ensemble, une somme de 3 500 euros,

-à la SA Generali Iard une somme de 2000 euros,

Rejette la demande de M. [Y] [E] de ce chef.

Condamne M. [Z] [R] aux dépens du présent recours avec distraction au profit de maître Jean-Jacques Bertin, avocat.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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