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10 mai 2022
Cour d’appel de Rennes
RG n°
19/07884
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°279
N° RG 19/07884 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QJYV
SARL SAINT JOSEPH
C/
M. [J] [E]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me RINEAU
Me RAIFFAUD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 10 MAI 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 22 Mars 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Société SAINT JOSEPH, inscrite au Registre du Commerce et des Société de NANTES sous le n°822 515 565, prise en la personne de sa gérante Madame [X] [V] [T], domiciliée en cette qualité au siège,
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉ :
Monsieur [J] [E] exerçant sous le statut d’auto entrepreneur individuel
né le 30 Juin 1979 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me André RAIFFAUD de la SELARL OCTAAV, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
La société AGENCE IMMOBILIERE DU LAC exploitait plusieurs établissements, sous la franchise CENTURY 21, situés à [Localité 8], [Localité 4], [Localité 7] et [Localité 5].
Suivant acte sous seing privé du 09 septembre 2013, la société AGENCE IMMOBILIERE DU LAC et Monsieur [J] [B] [E] ont conclu un mandat d’agent commercial immobilier, pour une durée indéterminée.
Le 9 novembre 2016, la société AGENCE IMMOBILIERE DU LAC a cédé son fonds de commerce de transactions immobilières, département « vente ancien », correspondant à l’une de ses agences immobilières à savoir l’établissement de [Localité 7] à la société SAINT JOSEPH.
La SARL SAINT JOSEPH a été constituée par deux associés : Madame [X] [V] [T] et Monsieur [C] [H].
Madame [X] [V] [T] a été désignée gérante de la société SAINT JOSEPH et assure la gestion administrative de l’agence.
Monsieur [C] [H] est chargé de la partie commerciale de l’agence immobilière et est également agent commercial pour la société SAINT JOSEPH.
L’acte de cession de fonds de commerce ne contenait pas, en annexe, les contrats des agents commerciaux et un avenant a été régularisé avec chacun des agents commerciaux de l’agence immobilière à savoir : Monsieur [E], Monsieur [R] et Madame [U].
Ainsi, les 9 et 10 novembre 2016, un avenant au contrat d’agent commercial du 09 septembre 2013, a été signé entre la société AGENCE IMMOBILIERE DU LAC, cédante, la société SAINT JOSEPH, cessionnaire et Monsieur [J] [B] [E], agent commercial indépendant.
Est en litige entre les parties la reprise dans cet avenant d’un précédent avenant au contrat initial, celui du 09 septembre 2013.
Différents points de litige sont survenues entre M. [E] et sa nouvelle mandante, et le 13 mars 2018, M. [E] l’a faite assigner devant le juge des référés pour obtenir paiement de ses commissions.
Le 21 mars 2018, M. [E] a adressé à la SARL SAINT JOSEPH un courrier de prise d’acte de la rupture compte tenu du non-paiement de ses commissions.
Il a été répondu à cette lettre par un courrier du 03 avril 2018 de la société SARL SAINT JOSEPH considérant le contrat d’agent commercial rompu.
Par ordonnance du 22 mai 2018, le juge des référés a constaté l’existence d’une contestation sérieuse sur le chiffrage des commissions et renvoyé les parties devant le juge du fond.
Par jugement du 21 novembre 2019, le tribunal de commerce de Nantes a :
– écarté des débats, les conclusions n°3 de la SARL SAINT JOSEPH ainsi que les pièces n°53 à 59 jointes à ces conclusions,
– débouté Monsieur [E] de sa demande de communication de pièces par la SARL SAINTJOSEPH, sous astreinte journalière,
– dit que l’avenant n°1 du 9 septembre 2013 au contrat de même date, est applicable aux relationscontractuelles entre la SARL SAINT JOSEPH et Monsieur [B] [E],
– débouté la SARL SAJNT JOSEPH de toutes ses demandes,
– condamné la SARL SAINTJOSEPH à payer à Monsieur [B] [E] la somme de 29.960,12 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2018,
– ordonné la capitalisation des intérêts à échoir en application de l’article 1343-2 du code civil,
– dit que le contrat d’agent commercial a été résilié par la faute de la SARL SAINT JOSEPH pour défaut de paiement des commissions dues à l’agent commercial,
– condamné la SARL SAINT JOSEPH à payer à monsieur [B] [E] la somme de 65.404 euros titre de dommages-intérêts,
– condamné la SARL SAlNT JOSEPH à payer à Monsieur [B] [E] la somme de 3.000 euros au titre desdispositions de l’articie 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du présentjugement
– condamné la SARL SAINTJOSEPH en tous les dépens.
Par ordonnance du 07 avril 2020 a été arrêtée l’exécution provisoire.
Par conclusions du 23 février 2022, la société SAINT JOSEPH a demandé que la Cour :
– déclare nul le jugement déféré pour non-respect du contradictoire,
– réforme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de Commerce de NANTES le 21 novembre 2019,
– dise que l’avenant du 9 septembre 2013 n’est pas applicable aux relations contractuelles entre la SARL SAINT JOSEPH et Monsieur [E],
– constate que la SARL SAINT-JOSEPH a justifié pour chaque facture litigieuse des protestations motivées relevant toutes du fait de Monsieur [B] [E],
– constate que Monsieur [B] [E] n’a jamais fourni la moindre explication aux protestations de son mandant,
– constate que la SARL SAINT-JOSEPH a subi un préjudice financier à hauteur de 21 632.01 euros au titre des factures émises par Monsieur [E] pour les ventes immobilières réalisées sur l’année 2017,
– dise que la SARL SAINT-JOSEPH a légitimement refusé de payer les factures émises par Monsieur [E], au titre de l’exception d’inexécution,
– dise que le contrat d’agent commercial du 9 septembre 2013 a été rompu à l’initiative de Monsieur [B] [E] et que cette rupture lui est imputable,
– dise que la SARL SAINT-JOSEPH rapporte la preuve de la faute grave de Monsieur [J] [B] [E],
– constate que Monsieur [J] [B] [E] était tenu à une clause de non-concurrence post contractuelle,
– dise que Monsieur [J] [B] [E] est privé du droit à indemnité de rupture,
– dise que Monsieur [J] [B] [E] a violé sa clause de non-concurrence post contractuelle,
– condamne Monsieur [J] [B] [E] à établir des avoirs, correspondant au montant des remises faites sans concertation (16.940 euros), sous astreinte provisoire, journalière de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir,
– condamne Monsieur [J] [B] [E] à payer à la société SAINT JOSEPH la somme de 12.390 euros correspondant au montant des remises qu’il a accordées dans les dossiers (ventes : TENDRON/PLAIDEAU ; HERBERT/LOIR ; CORBINEAU/LEMASSON ; LEBARON/CHIFFOLEAU) sans accord de son mandant et pour lesquels il a réclamé un paiement indu,
– condamne Monsieur [E] à établir des avoirs pour les factures n°02 05 58 du 12 juin 2017 et n°030165 du 03 janvier 2018 correspondant au montant de la commission n°4 (15%), en raison de son absence le jour de la signature de l’acte authentique, sous astreinte provisoire, journalière de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– condamne Monsieur [J] [B] [E] à payer la société SAINT JOSEPH la somme de 705 euros au titre de la commission indument perçue sur la facture n°02 05 58 du 12 juin 2017, en raison de son absence lors de la signature de l’acte authentique,
– enjoigne à l’agence AJP IMMOBILIER SUD LOIRE de SAINT PHILBERT DE GRAND LIEU, si la Cour l’estime nécessaire à la manifestation de la vérité, de réclamer, au besoin sous astreinte dont elle fixera le montant, les mandats de vente obtenus par Monsieur [E] et les ventes conclues par le canal de Monsieur [E] entre le 11 septembre 2018 et le 3 avril 2019,
– condamne Monsieur [J] [B] [E] à verser à la société SAINT JOSEPH une somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamne Monsieur [J] [B] [E] à payer la somme de 11.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamne Monsieur [J] [B] [E] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
– déboute Monsieur [J] [B] [E] de son appel incident.
Par conclusions du 02 mars 2022, M. [E] a demandé que la Cour :
– déboute la SARL SAINT JOSEPH de son éventuelle demande de rabat de l’ordonnance de clôture,
– déboute la SARL Saint Joseph de toutes ses demandes fins et conclusions,
– déboute la SARL SAINT JOSEPH de ses demandes qui ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5 / 31 et 954 du Code de procédure civile, mais des moyens ou arguments développés au soutien des véritables prétentions sur lesquelles la Cour ne pourra pas statuer,
– confirme dans toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Nantes du 21 novembre 2019 sauf à préciser que l’intérêt légal commencera à courir à compter de sommation de payer du 26 février 2018 sur la somme de 29 960,12 euros,
– ordonne la capitalisation des intérêts à échoir en application de l’article 1153 ( ancien devenu l’article 1343-2) du code civil,
Y additant :
– condamne la société SAINT JOSEPH à payer à Monsieur [E] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,
– condamne la société SAINT JOSEPH à payer à Monsieur [E] la somme de 13.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture, prévue le 03 mars 2022, a été reportée au 17 mars 2022 afin de permettre à la SARL SAINT JOSEPH de répliquer aux écritures du 02 mars.
La SARL SAINT JOSEPH a conclu au fond le 15 mars 2022, ses demandes étant identiques à celles contenues dans ses conclusions précédentes.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 mars.
Par conclusions de procédure du 16 mars 2022 M. [E] a conclu au rejet des écritures du 15 mars.
Par conclusions de procédure du 18 mars, la société SAINT JOSEPH a demandé de prononcer le rabat de l’ordonnance de clôture
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La procédure suivie devant la Cour :
L’examen comparé des écritures du 23 février 2022 et du 15 mars 2022 de la SARL SAINT JOSEPH démontrent qu’elles ne contiennent que quelques paragraphes nouveaux, soulignés d’un trait en marge, dans lesquels elles ne font qu’apporter une réponse aux arguments nouvellement développés par M. [E] dans ses conclusions du 02 mars, contenant notamment une demande nouvelle d’indemnisation de son préjudice moral après trois années de mise en état.
Dès lors, ces conclusions de la SARL SAINT JOSEPH n’appelaient aucune réponse et ne sont pas constitutives d’un manquement au principe du contradictoire.
M. [E] est débouté de sa demande visant à les voir écarter des débats.
La cour statuera donc au visa des conclusions du 15 mars de la SARL SAINT JOSEPH.
La demande d’annulation du jugement déféré :
Le jugement déféré a été prononcé le 21 novembre 2019, date à laquelle la procédure devant le tribunal de commerce était orale, avec toutefois la faculté pour la formation de jugement d’organiser les échanges entre les parties par voie de communication électronique.
La SARL SAINT JOSEPH fait grief au jugement déféré d’avoir écarté des débats ses conclusions et pièces du 17 juillet 2019, prises la veille de l’audience, en relevant que les dernières écritures de son adversaire dataient du mois de mars 2018.
La Cour est saisie de cette demande, la déclaration d’appel de la société SAINT JOSEPH listant comme dispositions lui faisant grief celle ayant écarté ses conclusions et pièces notifiées le 17 juillet 2019.
A l’examen des pièces versées aux débats, M. [E] avait conclu en mars 2019 et non 2018.
Les conclusions de la SARL SAINT JOSEPH contenaient une demande nouvelle, soit la condamnation de M. [E] au paiement de la somme de 12.390 euros correspondant au montant des remises effectuées sans autorisation de son mandant, ceci alors même que la question des remises et de leur autorisation était dans le débat depuis l’origine.
En ce sens, elles étaient tardives, et à la demande de M. [E], le tribunal les a pertinemment écartées des débats afin de faire respecter les dispositions de l’article 16 du code de procédure civile.
La demande d’annulation du jugement est rejetée.
L’étendue de la saisine de la Cour :
La SARL SAINT JOSEPH demande dans ses conclusions d’annuler le jugement et à titre principal de le réformer ‘en toutes ses dispositions’, tandis que sa déclaration d’appel liste les chefs de dispositif lui faisant griefs.
Il ne peut être dès lors soutenu qu’une phrase du dispositif telle que ‘dire et juger que M. [E] est privé du droit à indemnité de rupture’ ne soit pas une prétention, cette phrase faisant écho à la disposition critiquée dans la déclaration d’appel ‘condamne la SARL SAINT JOSEPH à payer à M. [E] la somme de 65.404 euros à titre d’indemnité de rupture’.
Il en est de même pour la phrase ‘dire et juger que la SARL SAINT JOSEPH a légitiment refuser de payer les factures’ fait écho à la demande de réformation de la disposition condamnant la SARL SAINT JOSEPH à payer lesdites factures.
En conséquence, pour maladroites qu’elles soient, ces dispositions des conclusions de la SARL SAINT JOSEPH contiennent des prétentions sur lesquelles la Cour doit statuer.
Les prétentions de M. [E] visant à voir la Cour débouter la SARL SAINT JOSEPH de ses ‘prétentions qui ne sont pas des demandes’ sont rejetées.
Le fond du litige :
Le contrat applicable au litige :
Avec l’ancien propriétaire du fonds de commerce, M. [E] avait signé le même jour un contrat et un avenant, qui prévoyait notamment que le montant des commissions était augmenté en fonction du chiffre d’affaire réalisé par le fond.
La raison d’être de l’avenant était que le cédant exploitait plusieurs fonds de commerce et que des dispositions relatives à une commission supplémentaire étaient prévues lorsque les ventes étaient réalisées dans un certain périmètre géographique.
Les 09 et 10 novembre 2016 a été signé un acte tripartite entre la société AGENCE IMMOBILIERE DU LAC (vendeur du fonds), la société SAINT JOSEPH (acquéreur du fond) et M. [E], aux termes duquel le vendeur a cédé à l’acheteur le contrat d’agent commercial conclu avec M. [E], qui y a consenti.
L’acte fait seulement référence au contrat d’agent commercial du 09 septembre 2013 et ne mentionne pas l’avenant.
M. [E] prétend que l’avenant avait été porté à la connaissance de la société SAINT JOSEPH et était inclus dans le contrat cédé, en voulant une attestation de son ancien mandant.
La SARL SAINT JOSEPH verse toutefois aux débats des courriels émanant de M .[E] démontrant que tel n’était pas le cas.
Le premier est daté du 02 avril 2017, émane donc de M. [E] et est rédigé comme suit:
‘concernant les ventes (…) Vertou (Tendron-Plaideau/Harrouet) étant concernée par l’avenant signé avec ADL immobilier* en date du 09 septembre 2013 (ci-joint), une sur-commission est applicable de 10% conformément au palier de CA (…)
* cet avenant concerne le groupe SARL DU LAC, ADL IMMOBILIER et ADL IMMOBLEU, il conviendrait de l’actualiser à l’échelle de l’agence unique SARL SAINT JOSEPH; reste à déterminer la liste des communes concernées;’
Ainsi, dans ce courriel, M. [E] estime nécessaire d’envoyer la copie de l’avenant qu’il invoque et de renvoyer par une étoile à ses explications sur la signification de cet avenant, toutes précisions inutiles si l’avenant avait été inclus dans la cession de contrat tripartite.
La société SAINT JOSEPH lui répond alors n’avoir jamais eu connaissance de cet avenant et n’avoir jamais accepté de pratiquer le sur-commissionnement mentionné dans celui-ci.
M. [E] renvoie alors un courriel au dirigeant de la société SAINT JOSEPH indiquant ‘autant pour moi, j’efface cette ligne de ma balance (…) Alors effectivement, tu n’est pas tenu de reconduire cette conditition’.
En vertu des dispositions de l’article 1216 du code civil, la cession d’un contrat doit être constatée par écrit, à peine de nullité.
En l’espèce, l’acte tripartite des 09 et 10 novembre ne fait pas mention de l’avenant et les deux courriels précités de M. [E] démontrent qu’il en a toujours eu parfaitement conscience lorsqu’il a accepté que son contrat soit cédé à la société SAINT JOSEPH.
La cour dira donc que le contrat s’appliquant entre la société SAINT JOSEPH et M. [E] est uniquement le contrat principal du 09 septembre 2013.
Sur les circonstances de la rupture :
Les relations de la société SAINT JOSEPH et M. [E] ont été émaillées d’incidents.
La société SAINT JOSEPH a payé les factures de commission avec retard, ayant une interprétation personnelle du contrat du 09 septembre 2013.
L’article ‘commissions’ prévoit que les commissions sont acquises après la conclusion définitive de l’affaire, c’est à dire après la signature de l’acte authentique, lorsque l’agence aura elle-même perçu sa propre rémunération.
Il est dit ensuite ‘Le réglement des commissions s’effectuera dans le mois suivant, après la signature notaire sur présentation par l’agent commercial de sa facture qui devra faire apparaître le montant de la TVA et encaissement des honoraires sur le compte professionnel de l’agent’.
L’emplacement de la virgule indique que le mois ‘suivant’ est celui qui suit la date à laquelle l’agence aura perçu sa propre rémunération.
L’expression ‘dans le mois suivant’ veut dire que le paiement de la commission aura lieu à l’intérieur d’un délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’agence aura perçu sa rémunération.
Or, l’agence a prétendu d’une part que délai d’un mois courrait à compter de la présentation de sa facture par M. [E], d’autre part, que le mois suivant devait s’entendre non pas comme un délai fixe d’une durée d’un mois courant à compter du point de départ, mais comme n’importe quel jour du mois postérieur à l’émission de la facture.
Par exemple, pour une signature et une perception le 03 mai, avec une facture de M. [E] le 06 mai, l’agence estimait avoir tout le mois de juin pour payer, alors même que ce délai était contractuellement réduit au 03 juin, et ceci, conformément aux dispositions du code de commerce (30 jours après la réalisation de la prestation).
L’analyse de l’agence était donc inexacte.
Pour autant elle n’a pas été à l’origine de la rupture, l’agence ayant accepté dès le début de ses relations avec M. [E] de lui augmenter son taux de commission et chaque partie ayant finalement accepté ce modus vivendi.
Ensuite des incidents d’une gravité certaine sont imputables à M. [E]: le 14 avril, pour une question bégnine, il s’est emporté dans les locaux de l’agence contre un autre agent commercial, qu’il a menacé, et dont il a cassé la cloison du bureau avec son poing, étant arrêté par des collègues alors qu’il revenait à la charge point levé contre son collègue.
Suite au courriel de la société SAINT JOSEPH lui reprochant une perpétuelle virulence contre les membres de l’agence, la peur qu’il leur inspirait, ses déstabilisations constantes des relations au sein du groupe, M. [E] annonçait le 28 avril 2017 avoir besoin de continuer à travailler avec elle et se mettre en retrait.
En septembre 2017, M. [E] a de nouveau menacé et insulté le même commercial et au mois d’octobre, il a cette fois menacé et injurié le dirigeant de la SARL SAINT JOSEPH.
Le 02 mars 2018, il a nouveau eu une altercation avec le dirigeant de la SARL SAINT JOSEPH, le conduisant à déposer plainte.
Ces altercations ne sont pas contestées.
Elles ont à l’évidence contribué à interdire tout dialogue entre les dirigeants de la société SAINT JOSEPH et M. [E] et contribué à raidir les relations contractuelles.
Les relations sont devenue très difficiles en fin d’année 2017, conduisant M. [E] a demander par courriel des 20 et 22 décembre 2017 que soit étudiée une rupture du contrat.
Par courriel du 21 décembre 2017, la société SAINT JOSEPH a rappelé à M. [E] que celui-ci ne lui avait pas adressé ses factures des quatre derniers mois.
Lui ont alors été adressées lesdites factures au début du mois de janvier 2018, conduisant à différentes contestations du mandant rappelées dans un courriel du 12 janvier.
La suite des échanges faisaient apparaître les avocats des parties, et conduisait M. [E] à délivrer des sommations de payer à la société SAINT JOSEPH, jusqu’à ce que par courrier recommandé du 21 mars 2018, M. [E] résilie son contrat d’agent commercial aux torts de la société SAINT JOSEPH pour non paiement de ses factures.
La société SAINT JOSEPH considère que M. [E] a délibérément rédigé des factures inexactes pour conduire à la rupture, en cherchant à lui en imputer la responsabilité.
Celui-ci réplique que la société SAINT JOSEPH est de mauvaise foi, n’ayant même pas payé les factures qu’elle ne contestait pas.
Le montant des sommes dues par la société SAINT JOSEPH à M. [E]:
Ainsi qu’il a été dit plus haut, le contrat applicable est le contrat principal du 09 septembre 2013, qui prévoit que l’agent commercial ne peut consentir une remise sur les honoraires de l’agence sans autorisation de son mandant, sauf à imputer cette remise sur sa propre commission.
Le contrat prévoit aussi le détail de la commission due à l’agent commercial, suivant la nature de la prestation qu’il accomplit. Sa présence chez le notaire pour la signature des actes représente ainsi 15% de sa commission.
S’agissant des remises consenties, il est incontestable que M. [E] ne justifie pas d’une autorisation écrite de son mandant.
Il prétend, en versant aux débats une attestation de l’une de ses anciennes collègues, que chaque lundi se tenait une réunion de tous les agents et du mandant, et que les autorisations étaient données par oral.
Il est aussi incontestable qu’ont été payées à M. [E] quatre factures de commission pour des ventes finalisées au mois de Juin 2017, contenant des remises importantes, d’un montant total de 12.390 euros.
Il est exact qu’une fois les remises consenties par son mandataire, le mandant ne peut les contester, au risque de s’aliéner sa clientèle et de faire échouer la vente.
Pour autant, la société SAINT JOSEPH ne peut raisonnablement plaider ne pas avoir eu connaissance de la diminution de ses commissions lorsqu’elle a payé les factures de M. [E], puisque précisément, les factures de M. [E] sont payées après qu’elle ait elle-même perçu sa commission.
Or, non seulement les factures de M. [E] ont été payées, mais aucun reproche n’a été émis à son encontre par son mandant pour lui demander de cesser ses pratiques, pour qu’au minimum à l’avenir, de telles remises ne soient pas pratiquées sans accord écrit.
Il s’en déduit que les remises accordées par M. [E] avaient bien fait l’objet d’un accord oral de la société SAINT JOSEPH, qui échoue dans la preuve qui lui incombe qu’elle a fait pour ces quatre factures des paiements indus.
La demande en paiement de la société SAINT JOSEPH en restitution de la somme de 12.390 euros est par conséquent rejetée.
Pour les factures établies par M. [E] en janvier 2018 et encore impayées, la charge de la preuve de l’accord de la société SAINT JOSEPH pour voir diminuer ses commissions repose sur M. [E].
Sur ce point, les ventes litigieuses ont fait l’objet d’actes authentiques en août 2017, septembre et octobre 2017, et la société SAINT JOSEPH a perçu ses commissions dans les jours qui ont suivi.
Là encore, alors même que les relations avec M. [E] s’étaient gravement détériorées, la société SAINT JOSEPH n’a pas adressé un seul courrier pour s’étonner du montant de ses commissions et aviser M. [E] que par application du contrat il garderait les remises à sa charge.
Cet argumentation a en effet été soulevée pour la première fois en janvier 2018, à réception des factures de commissions.
Une telle carence conduit la cour à tenir pour acquis que l’accord de la société SAINT JOSEPH avait été donné par oral, conformément aux usages alors en vigueur, et à débouter la société SAINT JOSEPH de sa demande de réduction des factures.
D’autre part, deux factures incluent la part de commissions relatives à la présence chez le notaire, alors que M. [E] n’était pas présent: il précise avoir été en congés pour l’un d’eux, et à un autre rendez vous chez un autre notaire pour l’autre.
S’agissant du dossier 02 05 58, la vente a lieu le 12 juin 2017 et la commission a été intégralement payée par l’agence alors même que le remplacement de M [E] avait été assuré par son dirigeant et qu’elle n’ignorait donc pas son absence au rendez vous.
Elle ne justifie pas dès lors avoir effectué un paiement indû.
Pour le second dossier, l’explication de M [E] selon laquelle il était au même moment chez un autre notaire pour une autre vente de l’agence n’est pas contestée.
Son absence ne lui étant pas imputable mais étant au contraire la conséquence de l’exécution de ses obligations envers son mandant, il n’y pas lieu à réduction de sa commission.
La société SAINT JOSEPH est par conséquent déboutée de ses demandes d’émissions d’avoir ou de restitution et condamnée à payer à M. [E] l’intégralité de ses commissions;
Il est donc dû par la société SAINT JOSEPH à M. [E] la somme de 29.960,12 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer du 26 février 2018, avec capitalisation par années entières.
Sur les conséquences de la rupture:
En vertu des dispositions de l’article L134-12 et L134-13, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, mais cette indemnité n’est pas due si la cessation du contrat est provoquée par une faute grave de l’agent commercial ou si la cessation du contrat résulte de l’iniative de l’agent commercial, à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant.
En l’espèce, la poursuite du contrat d’agent commercial, qui est un mandat d’intérêt commun, était devenue impossible à la fin de l’année 2017, avant même que M. [E] émette ses dernières factures et que ne se pose la question de leur paiement par la société SAINT JOSEPH.
Ainsi qu’il a été dit plus haut, courant 2017 s’étaient en effet produits trois épisodes par lesquels M. [E] avait fait preuve de violence verbale (et physique pour le premier épisode) dans les locaux mêmes de l’agence, contre l’un de ses collègues, puis en octobre contre M. [H], le compagnon de la gérante de la société, lequel assume une gérance de fait au regard des pièces versées aux débats.
A cet égard, un courriel de M. [R], autre agent commercial, démontre que le personnel de l’agence commençait à avoir peur de M. [E].
Ces incidents sont à l’origine de rapports devenus conflictuels entre l’agent et son mandant, conduisant M. [E] à écrire le 22 décembre à M. [H] ‘je suis bien conscient que tu ne souhaites pas mettre fin à notre collaboration de ton initiative et ce, malgré une incompatibilité de travail évidente (…) J’apprécierai à présent que nous cessions cette guéguerre et qu’enfin nous entamions une rupture de notre collaboration dignement’.
Le 02 mars 2018 a eu lieu un nouvel épisode de violence verbale, devant l’agence, en présence des autres agents commerciaux, M. [H] se faisant attraper le bras par M. [E] et menacer, le conduisant à déposer plainte.
Il s’en déduit que si M. [E] a pris l’initiative de la rupture par courrier recommandé du 21 mars 2018 en l’imputant à la faute de son mandant qui ne payait pas les commissions facturées au mois de janvier 2018, les causes réelles de la rupture sont à rechercher dans les comportements antérieurs de l’agent, incompatibles avec la poursuite du mandat d’intérêts commun, et constituant, de part leur répétition, une faute grave.
Consécutivement, M. [E] ne peut prétendre au paiement d’une indemnité de rupture, et le jugement déféré est infirmé de ce chef.
Sur la violation par M. [E] de la clause de non concurrence insérée à son contrat :
La société SAINT JOSEPH n’avait émis aucune prétention à ce titre devant le premier juge.
Elle prétend avoir découvert sa violation lors de la procédure en arrêt de l’exécution provisoire introduite devant le Premier Président, M. [E] ayant produit son contrat de travail parmi les pièces qu’il versait aux débats.
Le présent litige ayant trait à l’exécution du contrat d’agent commercial, cette demande doit être considérée comme l’accessoire ou le complément des demandes présentées en première instance.
Pour autant, l’ordonnance présidentielle arrêtant l’exécution provisoire a été prononcée le 07 avril 2020 et la société SAINT JOSEPH a conclu au fond le 12 août 2020 sans évoquer cette nouvelle prétention.
Elle ne peut dès lors prétendre que les prétentions émises le 23 février 2022, dans lesquelles elle forme pour la première fois la demande relative à la prétendue violation de la clause de non concurrence, soit destinée à faire juger une question née de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Dans un tel cas de figure, elle devait alors les faire figurer dans ses secondes conclusions au fond, celles du 12 août 2020, ainsi que le lui oppose avec pertinence M. [E] sur le fondement des dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile.
La demande est irrecevable.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [E] :
M. [E] demande la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour propos haineux et dénigrants tenus par l’appelante dans ses conclusions.
Il ne cite pas quels propos lui sont apparus comme tels.
Il n’apparaît pas à la Cour que la société SAINT JOSEPH ait été animée dans ses écrits d’une intention excédant celle de la simple défense de ses intérêts.
La demande est rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Chacune des parties succombant partiellement devant la Cour, elles garderont à leur charge leurs propres frais irrépétibles et dépens d’appel.