Affiliation au régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs
Affiliation au régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs
Ce point juridique est utile ?

L’auteur qui ne conteste ni sa qualité d’auteur, ni le fait d’avoir perçu des revenus de droits d’auteur et qui a cotisé auprès de l’AGESSA, produisant ses relevés de droits d’auteur lesquels font apparaître des précomptes et déductions de cotisations sociales, effectués sans que l’intéressée ne conteste son assujettissement à ce régime, est de fait, affilié au régime général des artistes auteurs, étant précisé que la date d’effet de l’affiliation est la date du premier précompte selon l’article R 382-16-1 du Code de la Sécurité Sociale.

En vertu de l’article L. 382-12 du Code de la Sécurité sociale précité, étant affilié au régime général en application de l’article L. 382-1 du même code, l’auteur relève des régimes complémentaires d’assurance vieillesse institués en application de l’article L. 644-1 dont la gestion est assurée par l’IRCEC sans que cet organisme n’ait à justifier d’une décision d’affiliation de l’AGESSA.

Il résulte des dispositions de l’article R. 382-1 1° du même code que sont affiliés au régime général des artistes auteurs les personnes mentionnées à l’article L. 382-1 qui tirent revenu d’une ou plusieurs activités se rattachant notamment à la branche des écrivains, notamment, les auteurs de livres, brochures et autres écrits littéraires et scientifiques.

Aux termes de l’article L.382-12 du même code, les personnes affiliées au régime général en application de l’article L. 382-1 relèvent de régimes complémentaires d’assurance vieillesse institués en application de l’article L. 644-1 dont la gestion est assurée par une caisse de retraite complémentaire dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, dans des conditions fixées par décret.

Si le dernier alinéa de l’article L. 382-1 précité charge les organismes agréés mentionnés à l’article L. 382-2, à savoir l’AGESSA s’agissant des artistes-auteurs, de procéder à l’affiliation de ces derniers au régime de sécurité sociale, il n’en demeure pas moins que cette affiliation et, en conséquence, la soumission des revenus de droits d’auteur au paiement de cotisations découlent directement de la loi, laquelle est de portée générale et impérative, contrairement à la décision administrative individuelle.

L’IRCEC est la caisse de retraite complémentaire visée à l’article précité, instituée par décret n° 2011-2074 du 30 décembre 2011 relatif à la gouvernance des régimes d’assurance vieillesse complémentaire des artistes et auteurs relevant de l’article L. 382-1 du Code de la Sécurité sociale.

Résumé de l’affaire

Madame [O] [P], avocate et professeur de droit public, a formé opposition à une contrainte émise par l’IRCEC pour des cotisations de retraite des artistes-auteurs professionnels. L’IRCEC demande au tribunal de confirmer la contrainte, tandis que Madame [P] demande son annulation, affirmant ne pas avoir été affiliée au régime général des artistes-auteurs. Elle conteste également le montant des cotisations appelées et demande des dommages-intérêts pour préjudice moral. L’IRCEC propose un montant réduit de la contrainte en réponse à des éléments transmis par Madame [P]. La question de la prescription de la créance de l’IRCEC est également soulevée.

Les points essentiels

MOTIFS DE LA DECISION

Affiliation au régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs

Sur l’affiliation de Madame [P] au régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs, il est important de souligner que les artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques, sont affiliés obligatoirement au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales. Madame [P] relève donc du régime général des artistes auteurs en tant qu’auteur de livres et autres écrits littéraires et scientifiques.

Régularité de la mise en demeure et la prescription

L’IRCEC est autorisée à recouvrer les cotisations dues par les artistes-auteurs par la voie de la contrainte, conformément aux dispositions légales. La mise en demeure adressée à Madame [P] a interrompu le délai de prescription triennale, rendant la créance de l’IRCEC non prescrite.

Calcul des cotisations

Les cotisations dues par les artistes-auteurs sont calculées en fonction de leurs revenus. En l’espèce, Madame [P] est redevable des cotisations du RAAP sur la base des droits d’auteur perçus en 2016. Le taux de cotisation de 5% a été appliqué, avec une prise en charge Sofia de 50%. La contrainte sera confirmée pour un montant déterminé.

Demande indemnitaire

L’IRCEC n’a fait qu’appliquer les règles législatives et règlementaires en vigueur et n’a porté à l’encontre de la requérante aucune accusation excédant les limites de son droit à se défendre contre l’action intentée à son encontre.

Autres demandes

Madame [P] est condamnée aux dépens et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Les montants alloués dans cette affaire: – **Madame [O] [P] :**
– Déboutée de l’ensemble de ses demandes.
– Condamnée à payer à l’IRCEC la somme de 573,63 euros au titre des cotisations (521,48 euros) et majorations de retard (52,15 euros) pour l’année 2017.
– Condamnée aux dépens.
– Déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

– **IRCEC :**
– Confirmation de la contrainte émise le 10 février 2021 pour un montant de 573,63 euros au titre des cotisations de retraite des artistes-auteurs professionnels (RAAP) et majorations de retard pour l’année 2017.

Réglementation applicable

– Code de la sécurité sociale
– Code général des impôts
– Décret n° 2011-2074 du 30 décembre 2011
– Décret n° 62-420 du 11 avril 1962
– Décret n° 2015-1877 du 30 décembre 2015
– Code de la propriété intellectuelle
– Code civil
– Code de procédure civile

Texte de l’article L. 382-1 du Code de la sécurité sociale:
“Les artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques, sous réserve des dispositions suivantes, sont affiliés obligatoirement au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales et bénéficient des prestations familiales dans les mêmes conditions que les salariés.”

Texte de l’article R. 382-1 1° du Code de la sécurité sociale:
“Sont affiliés au régime général des artistes auteurs les personnes mentionnées à l’article L. 382-1 qui tirent revenu d’une ou plusieurs activités se rattachant notamment à la branche des écrivains, notamment, les auteurs de livres, brochures et autres écrits littéraires et scientifiques.”

Texte de l’article L.382-12 du Code de la sécurité sociale:
“Les personnes affiliées au régime général en application de l’article L. 382-1 relèvent de régimes complémentaires d’assurance vieillesse institués en application de l’article L. 644-1 dont la gestion est assurée par une caisse de retraite complémentaire dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, dans des conditions fixées par décret.”

Texte de l’article L. 244-3 du Code de la sécurité sociale:
“Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues.”

Texte de l’article L. 133-4 du Code de la propriété intellectuelle:
“La rémunération au titre du prêt en bibliothèque est répartie dans les conditions suivantes : Une seconde part, qui ne peut excéder la moitié du total, est affectée à la prise en charge d’une fraction des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire par les personnes visées aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 382-12 du code de la sécurité sociale.”

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Mathilde SEZER, Juge
– Diven CASARINI, Assesseur
– Dominique SEMERIA, Assesseur
– Marie LEFEVRE, Greffière

Mots clefs associés & définitions

– Affiliation obligatoire au régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs
– Affiliation au régime général des artistes auteurs
– Affiliation aux régimes complémentaires d’assurance vieillesse
– IRCEC (caisse de retraite complémentaire des artistes-auteurs)
– Revenus de droits d’auteur
– Cotisations sociales
– Mise en demeure
– Prescription des cotisations
– Calcul des cotisations
– Taux de cotisation
– Rémunération du droit de prêt en bibliothèque
– Participation Sofia
– Montant des cotisations dues
– Majorations de retard
– Demande indemnitaire
– Dépens et frais irrépétibles
– Affiliation obligatoire au régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs: Obligation pour les artistes-auteurs de cotiser à un régime de retraite complémentaire spécifique.
– Affiliation au régime général des artistes auteurs: Inscription des artistes auteurs au régime général de la sécurité sociale.
– Affiliation aux régimes complémentaires d’assurance vieillesse: Adhésion à des régimes complémentaires permettant de compléter la retraite de base.
– IRCEC (caisse de retraite complémentaire des artistes-auteurs): Organisme gérant la retraite complémentaire des artistes-auteurs.
– Revenus de droits d’auteur: Sommes perçues par les artistes auteurs pour l’utilisation de leurs œuvres.
– Cotisations sociales: Contributions financières versées par les artistes auteurs pour bénéficier de la protection sociale.
– Mise en demeure: Notification officielle demandant le paiement des cotisations sociales dues.
– Prescription des cotisations: Délai au-delà duquel les cotisations sociales ne peuvent plus être réclamées.
– Calcul des cotisations: Méthode utilisée pour déterminer le montant des cotisations sociales à payer.
– Taux de cotisation: Pourcentage appliqué sur les revenus pour calculer les cotisations sociales.
– Rémunération du droit de prêt en bibliothèque: Compensation financière versée aux artistes auteurs pour l’utilisation de leurs œuvres en bibliothèque.
– Participation Sofia: Contribution financière destinée à soutenir la création artistique.
– Montant des cotisations dues: Somme à payer pour les cotisations sociales.
– Majorations de retard: Pénalités financières appliquées en cas de non-paiement des cotisations dans les délais.
– Demande indemnitaire: Réclamation de compensation financière pour un préjudice subi.
– Dépens et frais irrépétibles: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire et non remboursables.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

29 mai 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 21/02806
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :

PS ctx protection soc 3

N° RG 21/02806 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVUXB

N° MINUTE :

Requête du :
25 Novembre 2021

JUGEMENT
rendu le 29 Mai 2024
DEMANDERESSE

I.R.C.E.C.
[Adresse 2]
[Adresse 5]
[Localité 4]

Représentée par Madame [R] [N], munie d’un pouvoir spécial

DÉFENDERESSE

Madame [O] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Comparante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mathilde SEZER, Juge
Diven CASARINI, Assesseur
Dominique SEMERIA, Assesseur

assistés de Marie LEFEVRE, Greffière

DEBATS
Décision du 29 Mai 2024
PS ctx protection soc 3
N° RG 21/02806 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVUXB

A l’audience du 24 Avril 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 29 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en dernier ressort

EXPOSE DU LITIGE

L’institution de retraite complémentaire de l’enseignement et de la création (IRCEC), caisse de retraite complémentaire instituée par décret n° 2011-2074 du 30 décembre 2011, assure la gestion de la protection vieillesse complémentaire des artistes auteurs, notamment dans le cadre du régime des artistes-auteurs professionnels (RAAP) institué par décret n° 62-420 du 11 avril 1962.

Madame [O] [P] exerce la profession d’avocat et de professeur de droit public et publie à ce titre des ouvrages, notamment concernant les marchés publics.

Par courrier recommandé en date du 25 novembre 2021, Madame [O] [P] a formé opposition à la contrainte émise le 10 février 2021 par la directrice de l’institution de retraite complémentaire de l’enseignement et de la création (IRCEC) et signifiée le 17 novembre 2021 pour un montant de 1 095, 10 euros au titre des cotisations de retraite des artistes-auteurs professionnels (RAAP) et majoration de retard pour l’année 2017.

Après plusieurs renvois, les parties ont comparu à l’audience du 24 avril 2024 à laquelle elles ont été entendues en leurs observations orales et l’affaire mise en délibéré au 29 mai 2024.

L’IRCEC a été autorisé à formuler, dans le temps du délibéré, ses observations écrites sur la demande de prise en charge dite « Sofia » et ce avant le 15 mai 2024, Madame [P] disposant d’un délai jusqu’au 22 mai 2024 pour y répondre le cas échéant.

Au terme de ses conclusions n°1, oralement soutenue par son agent audiencier, muni d’un pouvoir, l’IRCEC demande au tribunal de :
Débouter Madame [P] de l’ensemble de ses demandes ; Confirmer la contrainte pour son entier montant, soit 1 095, 10 euros.
Elle rappelle que les artistes-auteurs cotisent pour leur retraite de base au régime général (géré par l’AGESSA jusqu’en 2019 et par l’URSSAF à compter de 2020) et relèvent obligatoirement de l’IRCEC pour leur retraite complémentaire dès lors que leur activité entre dans son champ de compétence et génère des revenus de droits d’auteur d’un montant supérieur au seuil d’affiliation ce qui est le cas de la requérante qui a perçu en 2016, au titre de son activité d’écrivaine, des revenus de droits d’auteur d’un montant entraînant son affiliation au RAAP.

Elle ajoute que les cotisations de sécurité sociale sont portables et non quérables de sorte qu’il appartient au cotisant, professionnel indépendant, de se rapprocher des organismes de sécurité sociale afin de pouvoir s’acquitter des cotisations dues et qu’il ne peut invoquer son défaut de diligence pour se soustraire à ses obligations.

Elle soutient en outre que la procédure de recouvrement diligentée est régulière et que sa créance n’est pas prescrite dès lors que l’émission de la contrainte fait suite à l’envoi, à la dernière adresse connue de l’intéressée, d’une mise en demeure restée sans effet qui a interrompu le délai de prescription triennale ; que la requérante ne peut lui reprocher de lui avoir adressé cette mise en demeure à une adresse selon elle erronée alors qu’il appartenait à celle-ci de lui signaler tout changement d’adresse ; que cet argument est en tout état de cause inopérant dès lors que l’accusé réception du courrier de mise en demeure est revenu avec la mention « pli refusé par le destinataire ».

Elle estime enfin justifier du montant des cotisations appelées.

Par note en délibéré du 7 mai 2024, l’IRCEC indique qu’au vu des éléments transmis par Madame [P] lors de l’audience du 24 avril 2024, elle est en mesure d’appliquer la participation dite « Sofia » aux cotisations dues au titre de l’année 2017 de sorte qu’elle demande au tribunal de valider la contrainte pour un montant réduit de 573, 63 euros.

En défense, Madame [P], soutenant oralement ses dernières écritures, demande au tribunal de :
Juger ses demandes recevables ;Appeler en la cause la sécurité sociale des artistes-auteurs,A titre principal,
Annuler la contrainte ; La décharger du paiement de la somme de 1 095, 10 euros ;Débouter l’IRCEC de l’ensemble de ses demandes ;A titre subsidiaire,
Ordonner à l’IRCEC de lui communiquer : La décision l’ayant affiliée au régime général des artistes-auteurs ;Son dossier d’affiliation au régime général des artistes-auteurs comportant ses données personnelles,Son dossier d’affiliation au régime complémentaire des artistes-auteurs et comportant ses données personnelles ;Assortir cette injonction d’une astreinte de 100 euros par jour de retard et par document sollicité ;Surseoir à statuer dans l’attente de ces documents ;A titre très subsidiaire,
Déclarer la créance de l’IRCEC prescrite ;A titre encore plus subsidiaire ;
Juger le décret n° 2015-1877 du 30 décembre 2015 relatif au régime d’assurance vieillesse complémentaire des artistes auteurs professionnels illégal ;A titre infiniment plus subsidiaire,
Juger que la créance objet de la contrainte est infondée et en tout état de cause erronée ;
En tout état de cause,
Condamner l’IRCEC à lui verser la somme d’un euro à titre de dommages-intérêts ; Condamner l’IRCEC à lui verser la somme de 10 641, 76 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sans compensation avec d’éventuelles dettes dont cet organisme pourrait exciper ; Condamner l’IRCEC au paiement des dépens.
Elle fait valoir qu’elle exerce son activité d’auteure depuis 1995 ; que pourtant, à l’approche de l’âge de la retraite, elle a constaté que cette activité n’avait pas été prise en compte pour le calcul de ses droits ; qu’elle a interrogé l’AGESSA qui a affirmé qu’elle n’avait jamais été affiliée au régime de sécurité sociale des artistes-auteurs.

Elle affirme dès lors, sur le fondement de l’article L. 382-1 du code de la sécurité sociale, que n’étant pas affiliée au régime général de la sécurité sociale, elle ne peut se voir appliquer l’article L. 382-12 du code de la sécurité sociale et assujettie au régime complémentaire d’assurance vieillesse des artistes-auteurs, ce dernier texte ne visant que les personnes « affiliées » au régime général en application de l’article L. 382-1 précité.

Elle justifie sa demande de mise en cause de l’AGESSA par le fait que seul cet organisme peut procéder à son affiliation au régime général des artistes-auteurs, que celle-ci a visiblement failli dans cette mission ses cotisations vieillesse ayant systématiquement été précomptées par son diffuseur, mais que l’IRCEC ne peut pour autant se substituer à elle pour décider de son affiliation au régime général. Elle affirme encore que le principe invoqué par l’IRCEC selon lequel son affiliation au régime général prendrait naissance par le seul effet de la loi dès que s’exerce l’activité concernée, sans besoin d’une notification préalable d’une décision d’affiliation par l’organisme de sécurité sociale, est avant tout opposable à l’AGESSA qui s’est visiblement soustraite à l’effet de la loi.

Elle ajoute que l’argumentation de l’IRCEC, s’appuyant sur l’article 3 du règlement applicable au RAAP en ce qu’il permettrait une affiliation directe à l’IRCEC du seul fait de la qualité d’écrivain sans qu’il soit besoin d’un rattachement préalable à l’AGESSA et d’affiliation par cette dernière est contraire aux dispositions législatives précitées de sorte qu’à la considérer exacte, cette disposition doit être écartée compte tenu de son illégalité.
Elle soutient encore que le décret n°2015-1877 du 30 décembre 2015 est illégal dès lors qu’il viole le principe d’origine constitutionnelle d’égalité devant les charges publiques en ce qu’il modifie les paramètres de calcul de la part salariale des cotisations sans modifier la part patronale, alors que l’article L. 382-1 du code de la sécurité sociale prévoit une affiliation « dans les mêmes conditions que les salariés » et qu’en prévoyant un taux de cotisation variant de 5 à 8% applicable dès lors que les revenus perçus dépassent un certain seuil sans prévoir de dispense ou d’exonération automatique dans le cas où ce seuil constitue le seul salaire annuel de l’auteur, le décret précité revêt un caractère confiscatoire et fait peser sur les auteurs une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.

S’agissant de la prescription de la créance de l’IRCEC, elle fait valoir que la mise en demeure n’a pas pu interrompre le délai de prescription triennale dès lors qu’elle lui a été adressée à une mauvaise adresse ; que l’IRCEC ne peut lui reprocher de ne pas lui avoir signaler son changement de situation alors qu’elle ne s’est jamais manifestée auprès d’elle pour obtenir ses informations personnelles ; que l’IRCEC a, à cet égard, manqué à son devoir d’information.
Elle affirme en effet que les artistes-auteurs étant affiliés « dans les mêmes conditions que les salariés », le règlement applicable au RAAP ne saurait mettre à leur charge des obligations d’affiliation et déclaratives additionnelles à celles que la loi impose à leurs diffuseurs d’accomplir.

Sur le fond, elle soutient que l’IRCEC ne justifie pas des bases de calcul du montant des cotisations appelées et lui reproche en tout état de cause de ne pas l’avoir informé de la possibilité de bénéficier d’un taux réduit de 4% et de lui avoir refusé le bénéfice de la prise en charge partielle des cotisations par la Sofia au motif qu’elle ne justifierait pas que ses droits d’auteur proviendraient pour plus de leur moitié de l’exploitation de ses livres alors qu’elle a produit l’ensemble des éléments lui permettant de s’en assurer.

Elle estime que l’accusation de « mauvaise foi » portée à son encontre par l’IRCEC lui cause un préjudice moral qui doit être indemnisé et dresse un état des frais engagés dans le cadre de la présente instance.

En réponse à la note en délibéré de l’IRCEC, Madame [P] indique qu’elle a communiqué, avant l’audience du 26 avril 2024, l’ensemble des éléments permettant l’IRCEC de se prononcer sur la prise en charge Sofia.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’affiliation de Madame [P] au régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs,
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 382-1 du code de la sécurité sociale, les artistes auteurs d’œuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques, sous réserve des dispositions suivantes, sont affiliés obligatoirement au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales et bénéficient des prestations familiales dans les mêmes conditions que les salariés.

Il résulte des dispositions de l’article R. 382-1 1° du même code que sont affiliés au régime général des artistes auteurs les personnes mentionnées à l’article L. 382-1 qui tirent revenu d’une ou plusieurs activités se rattachant notamment à la branche des écrivains, notamment, les auteurs de livres, brochures et autres écrits littéraires et scientifiques.

Aux termes de l’article L.382-12 du même code, les personnes affiliées au régime général en application de l’article L. 382-1 relèvent de régimes complémentaires d’assurance vieillesse institués en application de l’article L. 644-1 dont la gestion est assurée par une caisse de retraite complémentaire dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, dans des conditions fixées par décret.

Si le dernier alinéa de l’article L. 382-1 précité charge les organismes agréés mentionnés à l’article L. 382-2, à savoir l’AGESSA s’agissant des artistes-auteurs, de procéder à l’affiliation de ces derniers au régime de sécurité sociale, il n’en demeure pas moins que cette affiliation et, en conséquence, la soumission des revenus de droits d’auteur au paiement de cotisations découlent directement de la loi, laquelle est de portée générale et impérative, contrairement à la décision administrative individuelle.

L’IRCEC est la caisse de retraite complémentaire visée à l’article précité, instituée par décret n° 2011-2074 du 30 décembre 2011 relatif à la gouvernance des régimes d’assurance vieillesse complémentaire des artistes et auteurs relevant de l’article L. 382-1 du Code de la Sécurité sociale.

En l’espèce, Madame [P] ne conteste ni sa qualité d’auteur, ni le fait d’avoir perçu des revenus de droits d’auteur au titre de l’année 2016. Elle revendique en outre elle-même avoir cotisé auprès de l’AGESSA, produisant ses relevés de droits d’auteur lesquels font apparaître des précomptes et déductions de cotisations sociales, effectués sans que l’intéressée ne conteste son assujettissement à ce régime.

La requérante est donc, de fait, affiliée au régime général des artistes auteurs, étant précisé que la date d’effet de l’affiliation est la date du premier précompte selon l’article R 382-16-1 du Code de la Sécurité Sociale.

Or, en vertu de l’article L. 382-12 du Code de la Sécurité sociale précité, étant affilié au régime général en application de l’article L. 382-1 du même code, Madame [P] relève des régimes complémentaires d’assurance vieillesse institués en application de l’article L. 644-1 dont la gestion est assurée par l’IRCEC sans que cet organisme n’ait à justifier d’une décision d’affiliation de l’AGESSA.

Outre le fait qu’il appartenait à la seule requérante, si elle l’estimait nécessaire, d’appeler l’AGESSA en la cause, celle-ci ne saurait être justifiée à ce stade dès lors qu’il n’existe aucun conflit d’affiliation, la requérante ne prétendant pas relever d’un autre régime social.

En outre, les éventuels manquements de l’AGESSA à ses obligations en matière d’affiliation compte tenu des versements effectués par le diffuseur de Madame [P] relèvent, le cas échéant d’une instance distincte qu’il appartient à l’intéressée d’engager à l’encontre de cet organisme mais ne sauraient faire obstacle à l’application des dispositions législatives et d’ordre public.

C’est donc à juste titre, sans commettre d’« excès de pouvoir », par seule application des dispositions législatives applicables et sans besoin que lui soit ordonné de produire une décision d’affiliation que l’IRCEC a retenu que Madame [P] relève du régime de retraite complémentaire des artistes-auteurs.

Sur la régularité de la mise en demeure et la prescription,

L’IRCEC est autorisée à recouvrer les cotisations et majorations de retard dues par les artistes-auteurs par la voie de la contrainte, conformément aux dispositions des articles L. 244-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale.

Aux termes de l’article L. 244-3 du même code, les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues. Pour les cotisations et contributions sociales dont sont redevables les travailleurs indépendants, cette durée s’apprécie à compter du 30 juin de l’année qui suit l’année au titre de laquelle elles sont dues.

Il résulte en outre de la combinaison des article L. 244-2, L. 224-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale, que l’émission d’une contrainte par un organisme en charge du recouvrement des cotisations de sécurité sociale doit obligatoirement être précédée de l’envoi d’une mise en demeure, par lettre recommandée ou par tout moyen donnant date certaine à sa réception par son destinataire, l’invitant à régulariser sa situation dans le mois.

En vertu de l’article L. 244-8-1 du même code, la mise en demeure, adressées dans les conditions de l’article L. 244-2, interrompt le délai de prescription triennale, le point de départ du nouveau délai de prescription étant la fin du délai d’un mois prévu par l’article L. 244-2.

En l’espèce, l’IRCEC justifie avoir adressé une mise en demeure à l’intention de Madame [P] par courrier du 7 octobre 2019.

L’intéressée soutient qu’elle n’a jamais eu connaissance de ce courrier, l’IRCEC n’ayant pas tenu compte de son changement d’adresse.

Cependant, contrairement à ce que soutient Madame [P], il lui appartenait de transmettre ses informations personnelles ainsi que tout changement dans sa situation, à l’IRCEC ce qu’elle reconnaît n’avoir jamais fait.

Les cotisations sont en effet quérables et non portables de sorte qu’il appartient aux artistes-auteur, dès lors qu’ils exercent leur activité de manière indépendante, et non en qualité de salarié, comme semble le penser la requérante, de se renseigner sur leurs obligations contributives et de se déclarer auprès des organismes dont ils relèvent, lesquels, s’ils sont soumis à une obligation générale d’information ne sauraient être tenus d’informer individuellement chaque cotisant des obligations auxquels ils sont soumis et des droits dont ils bénéficient.

Le fait que la requérante n’ait jamais déclaré auprès de l’IRCEC les droits d’auteur qu’elle percevait ne saurait ainsi lui permettre d’échapper au paiement des cotisations dues à cet organisme.

En tout état de cause, l’IRCEC relève à juste titre et justifie que l’accusé réception du courrier de mise en demeure du 7 octobre 2019 a été retourné non pas avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse indiquée » mais « pli refusé par le destinataire » de sorte que l’adresse renseignée était valable.

La mise en demeure est donc régulière et, émise avant l’expiration du délai de prescription triennale qui a commencé à courir le 31 décembre 2017, a interrompu le délai de prescription.

La contrainte ayant été émise le 17 novembre 2021, soit moins de trois ans après l’expiration du délai d’un mois fixé par la mise en demeure du 7 octobre 2019, la créance de l’IRCEC n’est pas prescrite.

Le moyen invoqué doit donc être écarté.

Sur le calcul des cotisations,

En vertu de l’article 2, alinéa 2, du décret n° 62-420 du 11 avril 1962, applicable au RAAP, seuls sont tenues de cotiser les artistes-auteurs qui, au cours de la dernière année civile, ont tiré de leur activité un revenu, évalué conformément aux dispositions de l’article L. 382-3 du code de la sécurité sociale, d’un montant au moins égal à 900 fois la valeur horaire brute du salaire minimum de croissance en vigueur le 1er janvier de l’année civile considérée.

L’article L. 382-3 du code de la sécurité sociale, prévoit que les revenus servant de base au calcul des cotisations sont constitués du montant brut des droits d’auteur lorsque ces derniers sont assimilés fiscalement à des traitements et salaires par le 1 quater de l’article 93 du code général des impôts. Ils sont constitués du montant des revenus imposables au titre des bénéfices non commerciaux majorés de 15 % lorsque cette assimilation n’est pas applicable.

L’article 3 du décret n° 2015-1877 du 30 décembre 2015, entré en vigueur le 1er janvier 2016, a fixé à 5 % le taux de cotisation sur les revenus perçus au titre de l’exercice 2016.
Par dérogation, pour les revenus perçus au titre des exercices 2016 à 2025, lorsque le revenu de l’assujetti, évalué conformément aux dispositions de l’article L. 382-3 du code de la sécurité sociale, est inférieur à un montant au moins égal à 2 700 fois la valeur horaire brute du salaire minimum de croissance en vigueur le 1er janvier de l’année civile considérée, celui-ci se voit appliquer, à sa demande, un taux de cotisation égal à 4 %.

Contrairement à ce qu’affirme Madame [P], aucune disposition légale ou règlementaire n’impose à l’IRCEC de notifier ce droit d’option au cotisant. Par ailleurs, ce taux ne saurait revêtir un caractère confiscatoire dès lors qu’il existe un seuil d’affiliation, que le cotisant a la faculté de solliciter un taux réduit et que l’article 4 du règlement applicable au RAAP prévoit différents cas d’exonération du paiement des cotisations, notamment en cas d’insuffisance de ressources. Enfin, l’argumentation tirée de ce que l’application d’un taux de cotisation particulier aux artistes-auteurs contreviendrait au principe d’égalité devant les charges publiques, instaurant une différence de traitement avec les salariés auxquels les assimile l’article L. 382-1 du code de la sécurité sociale est inopérante, cet article n’étant applicable qu’au régime vieillesse de base et non au régime de retraite complémentaire.

Enfin, les cotisations RAAP dues par les écrivains et illustrateurs du livre sont financées en partie par les sommes collectées au titre de la rémunération du droit de prêt en bibliothèque.

L’article L. 133-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit ainsi que :
« La rémunération au titre du prêt en bibliothèque est répartie dans les conditions suivantes :

1° Une première part est répartie à parts égales entre les auteurs et leurs éditeurs à raison du nombre d’exemplaires des livres achetés chaque année, pour leurs bibliothèques accueillant du public pour le prêt, par les personnes morales mentionnées au troisième alinéa (2°) de l’article 3 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 précitée, déterminé sur la base des informations que ces personnes et leurs fournisseurs communiquent à l’organisme ou aux organismes mentionnés à l’article L. 133-2 ;

2° Une seconde part, qui ne peut excéder la moitié du total, est affectée à la prise en charge d’une fraction des cotisations dues au titre de la retraite complémentaire par les personnes visées aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 382-12 du code de la sécurité sociale. »

L’article L. 382-12 du code de la sécurité sociale précise les conditions de l’affectation de la rémunération du prêt en bibliothèque à la cotisation RAAP des auteurs du livre et dispose que : « Les personnes affiliées au régime général en application de l’article L. 382-1 relèvent des régimes complémentaires d’assurance vieillesse institués en application de l’article L. 644-1.

Pour les catégories de personnes mentionnées au premier alinéa qui, à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs, n’entrent pas dans le champ d’application de ces régimes, un décret désigne le régime complémentaire d’assurance vieillesse applicable. Il détermine chaque année la part de la rémunération perçue en application de l’article L. 133-3 du code de la propriété intellectuelle qui est affectée à la prise en charge d’une fraction des cotisations dues par ces affiliés ; cette part ne peut toutefois excéder la moitié de leur montant total. Il fixe également les modalités de recouvrement des sommes correspondant à cette part et des cotisations des affiliés. »

En vertu de l’article 3 du décret du 11 avril 1962, le montant de la prise en charge, communément appelée « participation Sofia » du nom de l’organisme gestionnaire du droit de prêt en bibliothèque, s’élève à 50% du montant de la cotisation due par l’auteur.

En l’espèce, l’IRCEC a retenu comme assiette de cotisation la somme de 20 859 euros au titre des droits d’auteurs perçus par Madame [P] en 2016 comme indiqué sur l’appel de cotisation du 7 octobre 2017 produit par l’organisme.

Madame [P] ne conteste pas ce montant.

Cette somme étant supérieure au seuil d’affiliation, fixé à 8 703 euros pour l’année litigieuse, Madame [P] est redevable des cotisations du RAAP.

Madame [P] n’ayant pas sollicité l’application du taux réduit de 4%, c’est à juste titre que l’IRCEC a retenu un taux de 5%, soit un montant de cotisation de 1 042, 95 euros.

Les parties s’accordent sur le fait que la nature des droits perçus par Madame [P] lui permet de bénéficier de la prise en charge Sofia de 50% de sorte que la requérante est redevable de la somme de 521, 48 euros, outre les majorations de retard (52, 15 euros).

La contrainte sera donc confirmée pour un montant de 573, 63 euros.

Sur la demande indemnitaire,

En vertu de l’article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Il résulte de ce qui précède que l’IRCEC n’a fait qu’appliquer les règles législatives et règlementaires en vigueur et n’a porté à l’encontre de la requérante aucune accusation excédant les limites de son droit à se défendre contre l’action intentée à son encontre.

Sur les autres demandes,

Madame [P], qui succombe à la présente instance est condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et sera en conséquence déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en vertu des dispositions de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par décision contradictoire, rendue en dernier ressort et mise à disposition au greffe,

DEBOUTE Madame [O] [P] de l’ensemble de ses demandes ;

CONFIRME la contrainte émise le 10 février 2021 par la directrice de l’institution de retraite complémentaire de l’enseignement et de la création (IRCEC) et signifiée le 17 novembre 2021 pour un montant de 573, 63 euros au titre des cotisations de retraite des artistes-auteurs professionnels (RAAP) et majorations de retard pour l’année 2017 ;

CONDAMNE Madame [O] [P] à payer à l’IRCEC la somme de 573, 63 euros au titre des cotisations (521, 48 euros) et majorations de retard (52, 15 euros) pour l’année 2017 ;

CONDAMNE Madame [P] aux dépens ;

DEBOUTE Madame [P] de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Fait et jugé à Paris le 29 Mai 2024

La GreffièreLa Présidente

N° RG 21/02806 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVUXB

EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :

Demandeur : I.R.C.E.C.

Défendeur : Mme [O] [P]

EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :

A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.

P/Le Directeur de Greffe

11ème page et dernière


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