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Des représentants commerciaux d’une société ont remis aux commerçants établis dans sa zone de chalandise deux billets d’entrées gratuits, en contrepartie de l’engagement pris par ces derniers de l’apposition, sur leurs vitrines, d’affiches publicitaires et de la mise à disposition de brochures publicitaires sur leurs étals.
Même si les engagements pris par les commerçants ne sont que purement verbaux, interdisant tout recours à leur encontre en cas d’inexécution de leurs obligations et que la remise des billets n’est pas conditionnée par la taille du marché, un nombre de fiches de deux billets étant remis quelle que soit la taille du commerçant prestataire, supermarché ou simple petit commerçant, la remise des entrées gratuites au parc d’attractions exploité par la société requérante est conditionnée par l’engagement pris par les bénéficiaire de réaliser des actions publicitaires pour le compte de cette dernière.
Par suite, bien que lesdits engagements n’étaient pas formalisés par un écrit et que le paiement du prix par la société Fraispertuis city présente un caractère forfaitaire, c’est à bon droit que l’administration fiscale a pu considérer que les prestations litigieuses entraient dans le champ d’application de la TVA.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Tribunal administratif de Nancy Chambre 2 18 octobre 2022 N° 2000171 Vu la procédure suivante : Par une requête enregistrée, le 21 janvier 2020, la société Fraispertuis city, représentée par Me Reichert, demande au tribunal de prononcer la décharge des redressements mis à sa charge au titre de la taxe sur la valeur ajoutée, pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2017, à concurrence des sommes de 4 319 euros, 4 292 euros et de 5 992 euros, des redressements notifiés au titre de l’impôt sur les sociétés des exercices 2015, 2016 et 2017, à concurrence des sommes de 23 451 euros, 42 353 euros et de 49 887 euros ainsi que des pénalités correspondantes. Elle soutient que : Concernant la taxe sur la valeur ajoutée : — c’est à tort que l’administration considère que les billets gratuits remis par ses représentants commerciaux aux commerçants établis dans sa zone de chalandise entrent dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée ; — il n’existe pas de lien direct entre la remise des billets et l’acceptation, par les commerçants bénéficiaires, acceptant de mettre des imprimés publicitaires à la disposition de leur clientèle et une prestation rendue par ces derniers, dès lors qu’ils n’ont pris aucun engagement qui ne leur soit opposable et que la remise des billets n’est pas conditionnée par l’importance du marché publicitaire ; — elle est fondée à se prévaloir des dispositions des points 30 à 180 de la doctrine fiscale BOI-CHAMP-TVA-10-10-10 ; Concernant l’impôt sur les sociétés : — la remise de billets gratuits aux employés de la société ne constitue pas un acte anormal de gestion dès lors qu’il intervient en application d’un usage constant au sein de l’entreprise depuis plus de 40 ans et n’a jamais été remis en cause par l’administration lors des précédentes vérifications de comptabilité ; — elle trouve un intérêt dans la remise des billets d’un double point de vue dès lors qu’ils constituent, d’une part, un élément de fidélisation des salariés recrutés en contrat à durée déterminée pendant l’été et que, d’autre part, elle est justifiée par des finalités publicitaires en faisant connaître le parc aux familles des salariés, comme en attestent les enquêtes de satisfaction réalisées par la société Kheolia en 2014, 2015 et 2016 ; Concernant les pénalités : — les dispositions du c de l’article 111 du code général des impôts ne peuvent trouver à s’appliquer aux billets gratuitement remis aux salariés, si bien que les pénalités de l’article 1759 du code général des impôts ne sont pas justifiées. Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2020, l’administrateur en charge de la direction spécialisée de contrôle fiscal Est conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : — le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; — le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique : — le rapport de M. Durand, rapporteur ; — et les conclusions de Mme Florence Milin-Rance, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. La société Fraispertuis city, dont l’objet est la gestion d’un parc d’attractions, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et l’impôt sur les sociétés de la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2017. Une proposition de redressement a été adressée à l’intéressée, le 21 décembre 2018 et les impositions litigieuses ont été mise en recouvrement, le 28 juin 2019, pour un montant total de 254 519 euros dont 115 691 euros en pénalités. La société Fraispertuis city a saisi l’administration d’une réclamation préalable, le 31 juillet 2019, explicitement rejetée, le 20 novembre 2019. Par sa requête, la société demande au tribunal de procéder à la décharge d’une fraction des redressements mis à sa charge au titre de la TVA, de l’intégralité des redressements pratiqués au titre de l’impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes. Sur les conclusions à fin de décharge : En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée : S’agissant de l’application de la loi fiscale : 2. Aux termes du I de l’article 256 du code général des impôts : « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ». Il résulte de ces dispositions que le versement d’une somme par un débiteur à son créancier ne peut être regardé comme la contrepartie d’une prestation de service entrant dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée qu’à la condition qu’il existe un lien direct entre ce versement et une prestation individualisable. 3. Il résulte de l’instruction qu’au cours de la période vérifiée, les représentants commerciaux ont remis aux commerçants établis dans sa zone de chalandise deux billets d’entrées gratuits, en contrepartie de l’engagement pris par ces derniers de l’apposition, sur leurs vitrines, d’affiches publicitaires et de la mise à disposition de brochures publicitaires sur leurs étals. Si la société requérante soutient que les engagements pris par les commerçants ne sont que purement verbaux, interdisant tout recours à leur encontre en cas d’inexécution de leurs obligations et que la remise des billets n’est pas conditionnée par la taille du marché, un nombre de fiches de deux billets étant remis quelle que soit la taille du commerçant prestataire, supermarché ou simple petit commerçant, il ressort des termes de la requête que la remise des entrées gratuites au parc d’attractions exploité par la société requérante est conditionnée par l’engagement pris par les bénéficiaire de réaliser des actions publicitaires pour le compte de cette dernière. Par suite, bien que lesdits engagements n’étaient pas formalisés par un écrit et que le paiement du prix par la société Fraispertuis city présente un caractère forfaitaire, c’est à bon droit que l’administration a pu considérer que les prestations litigieuses entraient dans le champ d’application de la TVA. S’agissant de la doctrine administrative : 4. La doctrine administrative référencée BOI-CHAMP-TVA-10-10-10 dont se prévaut la requérante, ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente susceptible d’être opposée à l’administration sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales. En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés : 5. Aux termes de l’article 54 bis du code général des impôts, dans sa version applicable : « Les contribuables visés à l’article 53 A sont tenus de fournir, en même temps que la déclaration des résultats de chaque exercice, un état comportant l’indication de l’affectation de chacun des véhicules de tourisme au sens de l’article 1010 ayant figuré à leur actif ou dont l’entreprise a assumé les frais au cours de cet exercice. / Ces mêmes contribuables doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel. ». 6. Il résulte de l’instruction que la société requérante a octroyé des billets gratuits comportant l’expression « STAFF » à ses employés, pour un quantum de 1 474 billets pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015, 2 616 billets pour la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 et 2 938 billets pour la période du 1er avril 2016 au 31 mars 2017. L’administration a considéré que la remise de ces billets gratuits sans formalisation, non-inscrits en comptabilité et sans identification des bénéficiaires réels constituait un acte anormal de gestion, la société ayant renoncé à une recette. Si la société Fraispertuis city soutient qu’elle trouve un intérêt dans la remise des billets d’un double point de vue dès lors qu’ils constituent, d’une part, un élément de fidélisation des salariés recrutés en contrat à durée déterminée pendant l’été et que, d’autre part, elle est justifiée par des finalités publicitaires, il ne résulte pas de l’instruction que la société requérante aurait joint à sa déclaration fiscale, en l’absence d’inscription en comptabilité, un état, pour chacun des bénéficiaires, de cet avantage en nature alloué au cours de ces exercices. Ainsi, c’est à bon droit que l’administration a pu regarder ces sommes, non comme des avantages en nature consentis à des salariés, mais comme une renonciation à recettes, en l’absence de contrepartie pour la société, et qui constituent un acte anormal de gestion. En ce qui concerne les pénalités : 7. Aux termes de l’article 111 du code général des impôts : ” Sont notamment considérés comme revenus distribués : () c. Les rémunérations et avantages occultes ; () « . Aux termes de l’article 117 du même code : » Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu’il résulte des déclarations de la personne morale visées à l’article 116, celle-ci est invitée à fournir à l’administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l’application de la pénalité prévue à l’article 1759 « . Aux termes de l’article 1759 du même code : » Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l’intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l’identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l’entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l’amende est ramené à 75 % « . Aux termes de l’article 1754 du même code : » () V. () 3. Les dirigeants sociaux mentionnés à l’article 62 et aux 1°, 2° et 3° du b de l’article 80 ter ainsi que les dirigeants de fait gestionnaires de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l’exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de l’amende prévue à l’article 1759. () “. 8. La société soutient que les dispositions du c de l’article 111 du code général des impôts ne peuvent trouver à s’appliquer aux billets gratuitement remis aux salariés, si bien que les pénalités de l’article 1759 du code général des impôts ne sont pas justifiées. Toutefois, il résulte de l’instruction que les billets accordés par la société requérante à ses salariés n’ont pas été inscrits, sous une forme explicite, dans sa comptabilité, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article 54 bis du code général des impôts. Par suite, de tels avantages revêtaient, au sens des dispositions précitées du c de l’article 111 du code général des impôts, un caractère occulte, de nature à justifier l’application de la pénalité prévue à l’article 117 du même code en l’absence de la fourniture d’indications précises sur l’identité des bénéficiaires des distributions. 9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin de décharge doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de la société Fraispertuis city est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société Fraispertuis city et à la directrice générale des finances publiques de la direction spécialisée de contrôle fiscal Est. Délibéré après l’audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient : M. Marti, président, M. Durand, premier conseiller, Me Boulangé, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022. Le rapporteur, F. Durand Le président, D. MartiLa greffière, La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement. | |